20- Envie
J'arrive en courant jusqu'à la voiture et m'engouffre à l'intérieur. Ma sœur, Jeanne, me fusille du regard.
- Encore en retard ! me reproche t-elle.
Notre père, qui nous emmène au lycée comme chaque matin, démarre. Je murmure un vague "désolé", mon regard déjà rivé sur mon portable.
J'ouvre mon Instagram et regarde rapidement mes notifications. La dernière photo de ma sœur, qui a tout juste quelques minutes de plus que moi, atteint les 200 likes en tout juste un jour. Je soupire. Je sais que le nombre de likes a peu d'importance mais je peux m'empêcher de me comparer à elle.
Je sais. C'est une obsession chez moi. Mais je n'y peux rien.
J'ai toujours envié ma sœur. Dès qu'on est venue au monde, nos parents nous ont attribué nos prénoms : Jeanne et Clémence. A partir de ce moment, j'ai commencé à l'envier. Je préférais son prénom au mien.
Par la suite, on grandit, et bien qu'on soit née le même jour, ma mère la considérait souvent comme l'ainée. L'envie me revint.
En école Maternelle, Jeanne devint alors apprécié de toute le monde. Elle était à l'aise, parlait facilement aux gens, et se fit pleins d'amis. J'étais timide et restait souvent dans mon coin. En plus de ça, Jeanne était jolie : à 3 ans, elle avait de jolies boucles blondes qui lui encadraient son visage angélique et tombaient sur ses épaules, des yeux bleus profonds et pétillants, un sourire adorable et une taille déjà mince. J'avais des cheveux blonds souvent emmêlés, un visage rond et de grands yeux peureux d'une couleur marron terre. Contrairement à ma sœur, j'étais plutôt rondouillarde, et même si j'étais dans la moyenne des enfants à cet âge là, je ne pouvais m'empêcher d'admirer et envier Jeanne.
A l'arrivée en école primaire, Jeanne était déjà populaire et était sorti avait déjà 2 garçons (l'amour enfantin et innocent des petits, mais bon quand même ! Je n'avais quasiment jamais parlé aux garçons...). Elle avait grandi, j'étais restée petite, et me dépassait de presque une tête. Elle était vraiment adorable, et toutes les maitresses qu'on eut l'adorait. Jeanne était dégourdie et intelligente, première de la classe sans s'en vanter ouvertement, même si elle ne s'empêchait pas de montrer sa fierté chaque fois qu'on lui faisait un compliment.
Je vivais dans l'ombre de ma sœur. Les années passèrent, mais ce fut toujours comme tel. Jeanne était mature, belle, populaire et douée tant tout ce qu'elle entreprenait (travail, danse, équitation, violon, badminton). En soi, elle avait toutes les qualités. Une sœur parfaite. Nos parents étaient si fiers d'elle... Je l'enviais tout le temps. Chaque fois qu'elle invitait une amie à la maison alors que moi je n'en avais pas. Chaque fois qu'elle ramenait un 20 d'un contrôle alors que j'atteignais tout juste la moyenne. Chaque fois qu'elle gagnait une médaille dans un des quatre sports et loisir qu'elle pratiquait...
Je n'aimais pas mon prénom, je fus toujours petite et médiocre dans tous les domaines. Mes cheveux restèrent toujours trop courts alors que j'enviais ceux de Jeanne, qui avaient poussé jusqu'au bas de son dos. Mes yeux sans expressions, d'un marron que je n'aimais pas, mon sourire gâché par un appareil dentaire que j'eus de 8 à 11 ans. J'eus des lunettes, mais heureusement je pus les enlever en arrivant au lycée, préférant mettre des lentilles. J'étais loin d'avoir la taille parfaite de Jeanne et son aisance pour parler aux gens.
Enfin bref, j'avais un complexe d'infériorité sur ma sœur tellement immense que je broyais souvent du noir et qui me pourrissait en partie la vie. Je ne me suis jamais confiée à mes parents, sachant pertinemment qu'ils l'avaient toujours préféré à moi.
Avec le temps, je me suis habitué, bien que je l'envie toujours. Jeanne et moi sommes en seconde, en juin. Je me suis fais une amie, Amandine. Ma meilleure pote. Je ne fais pas de sport, sauf au lycée, étant nulle dans cette matière. Jeanne pratique toujours ses 4 activités, est populaire, célibataire pour profiter d'allumer tous les mecs du lycée, et souvent hautaine, comme la plupart des Populaires du lycée. Le genre qui se la croie au dessus de tout le monde, une attitude orgueilleuse qu'avait déjà ma sœur au Collège.
Oui, nous sommes bien jumelles, mais je préfère le terme de 'sœur', Jeanne et moi étions complètement opposées.
Nous arrivâmes au lycée. Notre père n'a même pas le temps d'arrêter complètement la voiture que Jeanne a déjà ouvert la portière et bondit de son siège sans un regard en arrière. Pendant un instant, mon regard reste hypnotisée sur sa belle chevelure bouclés d'un blond doré, se balançant au rythme de ses pas, de sa taille de mannequin et de sa démarche parfaite...
J'entendis un klaxon.
- Qu'est-ce que t'attends ? me lance mon père. Reste pas planter là, y a des gens qui attendent je te rappelle !
Je sors de la voiture et me dirige vers le portail du lycée d'une démarche nonchalante. Mon sac sur une épaule, je regarde à nouveau le profil de ma sœur sur Instagram. Je vois qu'elle a 21 abonnés de plus que hier soir...
J'éteins mon portable.
- Clem !
On m'appelle. Amandine se dirige vers moi. Je lui souris en lui adressant un petit signe de la main, mes pensées ailleurs, se demandant comment Jeanne faisait pour attraper autant d'abonnés...
Amandine se plante devant moi et me plaque deux bises sur la joue. Je chasse mes pensées de mon esprit. Amandine est comme moi, elle n'est pas populaire, mais elle n'envie pas Jeanne ; elle est fière d'être ce qu'elle est. J'aimerai en faire de même, mais je n'y arrive pas. Mon complexe d'infériorité envers ma sœur est trop grand.
- Ça va ?
Je hoche la tête distraitement, mes yeux déjà dirigés vers le groupe d'amis de Jeanne. Je regarde ma sœur, avec son tee-shirt laissant apercevoir ses épaules nues et ses bretelles de soutien-gorge, son short troué, son collant résille noir et ses chaussures noires compensées qui ne m'iraient pas mais qui collent bizarrement parfaitement à la taille de mannequin de ma sœur. Des lunettes de soleil noires sur les yeux telle une star de cinéma, elle discute avec ses amies, des mecs la matant du regard au loin sans oser l'approcher. Sois elle ne les a pas remarqué, sois elle prend plaisir à prendre cette pose aguicheuse, permettant à tout le monde de voir comment son short est court.
Amandine me tapote l'épaule, mon regard se reposant alors sur ma meilleure amie.
- Hé, qu'est-ce que tu fous Clem ?
Je la regarde, un poil coupable. Elle a très bien compris ce que j'admirais dix mètres plus loin.
- Arrête, bon sang !
- Je peux pas, gémis-je
- Mais si tu peux ! Fais un effort !
Elle ne comprend décidément pas. Je pourrai presque parier que j'ai un problème sérieux concernant mon complexe d'infériorité. Je regarde Jeanne qui place ses cheveux de côtés dans un geste qui se voulait naturel, ses lèvres laquées de rouge vif esquissant un petit sourire victorieux.
- Elle prend plaisir à torturer et chauffer tous les mecs du lycée ou quoi ? murmurai-je à Amandine, légèrement indignée, mon ton se voulant être outré mais au fond, je ne ressentais que de l'admiration, et l'aise avec laquelle elle arrivait à faire preuve de style sans rougir et sans risquer d'être ridicule
- Et toi, tu prends plaisir à te faire du mal ou quoi ? me répondit Amandine d'un ton sérieux, me fixant presque avec inquiétude
- Mais non, Am, t'en fais pas...
- Mais si je m'en fais ! me rétorque t-elle d'un ton plus brusque qui me surprend. Tu n'arrêtes pas de regarder Jeanne comme si elle était ta plus grande idole, et tu n'arrêtes pas de te comparer à elle ! Arrête ! Tu vas finir par déprimer, à force...
A vrai dire, je déprimais déjà, rien qu'en sachant que Jeanne avait tout de plus que moi. Mais je me ressaisis en méditant les paroles d'Amandine. Elle avait raison. Je me faisais du mal.
- Clem, Clem sérieux ! Tu m'inquiètes tu sais ?
Je la prends dans mes bras, espérant la rassurer. Amandine se laisse faire en silence sans me rendre mon étreinte.
- Écoute, lui chuchotai-je, je te promets que je vais bien. Seulement, je suis jalouse de Jeanne, et tu ne peux pas arrêter ça, moi non plus. C'est comme ça. Mais je te promets que je vais essayer de me trouver des atouts...
Elle se dégage de mon étreinte et m'attrape les épaules, verrouillant son regard vert sur moi.
- Non Am, tu n'as pas à les trouver. Tu les as déjà. Tout le monde en a. Chaque personne est unique, a ses défauts et ses qualités. Même Jeanne a des points négatifs. Seulement, elle a réussi à mettre en avant ses atouts. Mais elle n'est pas parfaite, loin de là ; personne ne l'est. Regarde son orgueil, par exemple, ou sa tendance à se foutre complètement de sa sœur ! (je lui marmonne que ça m'importe mais Amandine m'ignore) Tu dois juste apprendre à mettre toi aussi en avant tes atouts ! Et je peux te dire que tu en as bien plus que Jeanne ! Tu dois juste arrêter de te trouver que des défauts, et te prendre en main ! Aie confiance en toi, Clémence.
Elle me regarde avec insistance, attendant que j'approuve. Je lui souris, émue.
- En tout cas, je viens de me trouver un atout, lui dis-je avec douceur, j'ai l'amie la meilleure au monde. J'ai une chance incroyable de t'avoir, Am.
Je la serre à nouveau dans mes bras, et elle entoure cette fois ses bras autour de moi. Elle a raison. Plus jamais je ne me comparerai à Jeanne. C'est fini.
-Août 2018-
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