Journal,

Aujourd'hui fut une journée normale. Je suis allée au collège, ai fait mon contrôle de maths... Mais aujourd'hui, si je t'ai sorti de mon tiroir pour écrire sur tes pages, ce n'est pas pour rien. Non. Je voulais te parler...de cette fille. Katia. Elle est dans mon cours de danse, est en 4e. Il est vrai que je ne t'en avais jamais parlé avant. Je t'en parle maintenant... Comment t'expliquer que je ressens quelque chose, en la voyant ? Une sensation étrange que je n'arrive pas à identifier, que je n'ai jamais ressenti avant. Une sorte d'envie. Indéchiffrable.

Je n'arrête pas de penser à elle. Elle hante mon esprit. Pourquoi ? Elle n'a rien de spécial. Pas de caractéristiques que je trouve magnifique chez une personne...et pourtant je la trouve belle. Magnifique, même.

Nous ne sommes pas amies. Ma timidité m'empêche de lui parler, d'essayer de sympathiser avec cette fille...

Je me suis déjà demandée cette question, énormément de fois depuis...depuis que je l'ai rencontré. Comment le sait-on, quant on est homo ? Mais non, je ne peux pas l'être. Je ne peux pas. Je me suis déjà imaginé des scénarios. Moi l'embrassant... Mais non, je ne le suis pas...

N'est-ce pas ?

Non. Non, c'est impossible. Je ne peux pas l'être. Je ne veux PAS l'être. Et puis, j'aimais Armin. Un garçon. Et pourtant...

...non. Ce n'est pas possible. Et pourtant, je ne ressens pas la même chose pour les deux.

Pour Armin, il suffisait que je le regarde en vrai ou en photo et que je me sente gênée, et que je détourne la tête, rougissante. Avec Katia, ce n'est pas pareil. Hier soir, j'ai passé dix minutes à la regarder sur une photo sur Instagram, sans pouvoir détourner les yeux, obsédée par son image. Je ne me sens pas gênée. Juste envieuse. Envieuse de quoi ? Je ne veux pas seulement devenir son amie. Jamais je n'avais ressenti cette sensation, l'envie de la regarder et de la prendre dans mes bras comme si elle était ma petite sœur, même si elle est plus âgée que moi.

Mais non. Jamais je ne la prendrai dans mes bras. Nous ne sommes pas amies.

Elle me fait cet effet depuis le début de l'année. Mais ça s'est aggravé, si on peut employer ce terme là. Aggravé depuis que Jessie, ma meilleure amie, s'est liée d'amitié avec elle. J'ai ressenti de la jalousie. Une jalousie intense, me dévorant les entrailles. J'en ressens encore.

Pourquoi ?

Je me répète les images dans ma tête. Katia prêtant sa gourde à Jessie. Katia proposant à Jessie de jouer au UNO avec son groupe d'amies. Jessie parler et rigoler avec Katia...

Il y a longtemps, je l'avais dis à Lise. Je croyais que c'était passé. Mais non. Je le suis toujours. Je suis jalouse de Jessie. Jalouse de ma meilleure amie.

Je m'en veux. Tellement. Je me déteste. Pour être - peut-être - quelqu'un que je ne veux pas être, pour être quasiment obsédée par une fille qui ne me considère même pas comme amie, et pour être jalouse de ma meilleure amie.

Ca fait plusieurs jours que je me pose la même question. La même question qui tourne en boucle dans ma tête en même temps que je pense à Katia, qui refuse de s'enfuir, et qui n'a toujours pas de réponse. La même question qui me hante tout le temps, ces jours-ci.

Mais je ne peux pas. Je ne veux pas l'être. S'il vous plaît.

Je dois l'oublier. Katia ne peut pas être celle que...celle que j'aime.

Non. Je ne peux pas. L'oublier. Mais comment ? Elle hante mes esprits. Elle me fait éprouver quelque chose d'étrange sans que je sache pourquoi elle. Mais ça ne peut pas être de l'amour. Ca ne peut pas.

Avec Armin, si, ça l'était. J'étais gênée, je rougissais. Ce n'est pas comme ça avec Katia. Je pourrais passer des heures à la regarder. Mais qu'est-ce alors ? Je ressens quelque chose pour elle. Pas de l'amour, ça ne peut pas et je ne veux pas que ça en soit, mais quelque chose de fort.

Non, pas de l'amour. C'est impossible. Impossible.

Journal, la voilà la vérité. J'ai peur. J'ai peur de l'aimer. J'ai peur d'aimer une fille. J'ai peur d'être homosexuelle.

Mais pourquoi aurais-je peur ? Je ne peux pas l'expliquer... L'avis des gens sur moi, peut-être. Tu sais bien que je suis timide, que je cherche à me fondre dans la masse. Je ne veux pas me faire remarquer, ne pas être comme les autres. Je me sens déjà bien assez différente en ayant un de mes parents Africain. Alors aimer les filles, je ne veux pas. Rien que d'y penser, j'ai une boule à l'estomac. Car j'ai peur. Peur que ce soit pourtant la vérité. J'en veux à Jessie de m'avoir convaincu de changer d'école de danse. Si elle n'avait pas été là, je n'aurai jamais rencontré Katia. Mais c'est trop tard. Aucun retour en arrière n'est possible, à présent. Condamnée à rester là, à voir Katia chaque mercredi. Je ne connais rien d'elle. Ni son nom de famille, ni son anniversaire, ni même le collège dans lequel elle est. Que sais-je d'elle ? Qu'elle s'appelle Katia, qu''elle est en 4e...et c'est tout. Je ne sais rien d'elle, mais dès que je la voie, mon cœur s'emballe.

Pourquoi une telle sensation m'arrive à moi ?

Journal, dis moi que ce n'est pas vrai. Je t'en pris. Dis moi que je ne suis pas tombée amoureuse d'une fille qui s'appelle Katia. S'il te plait.

Fatou

-Juillet 2018-