15- Sans lui


« Octobre. Premier matin.

   C'est le premier. Le premier réveil sans lui. Le premier petit déjeuner sans lui. Ma première journée sans lui.

Deuxième matin.

   C'est toujours aussi dur. Je le sens. Mon coeur saigne même si je ne vois pas le sang rouge vif descendre le long de mon corps. Je sens juste la blessure à vif, ouverte, qui a du mal à se refermer, et dont j'en doute capable de pouvoir le faire un jour.

Troisième matin.

   Je suis perdue. Mon coeur, en plus de saigner, est brisé. Je sens les morceaux se séparer, encore et encore. La tête me tourne. Je reste à la maison, dans ma chambre, essayant d'inspirer encore son odeur. Elle s'évapore, petit à petit. Sur le lit, sur ses vêtements. Sa présence ne va pas tarder à s'effacer complètement.

Quatrième matin.

   J'ai pleuré, sans m'en rendre compte. Les larmes ont inondé la couette, le parquet, sa photo de lui que je tenais fermement dans mes mains tremblantes, contre mon cœur blessé.

Cinquième matin.

   La blessure de mon cœur ne s'est pas refermé. Je me demande si elle va cicatriser un jour.

Sixième matin.

   Je pleure. Je hurle à m'en broyer les cordes vocales. Mais peu importe. Je ne suis pas d'humeur à penser à moi. Juste à lui. Lui. Son absence qui me hante jour et nuit.

Novembre.

   Mon cœur saigne toujours. Je le sens. Sa blessure me fait toujours mal. Mais peut-être pas autant qu'avant.

Décembre.

   Je ne hurle plus. Parfois, des larmes coulent en silence le long de mes joues, mais les hurlement ont disparu. Du moins...en ce moment.

Janvier.

   Cela fait trois mois. Trois mois qu'il n'est plus là, avec moi, à me sourire tendrement, à me faire rire, à me donner une joie de vivre, disparue avec le temps. Mon cœur n'est toujours pas réparé, mais mes larmes ne tombent plus aussi fréquemment. Pourtant, je n'ai plus retrouvé le sourire, même si mes hurlements et mes torrents de larmes sont partis.

Février.

   Son absence me fait mal. Au cœur, mais aussi partout dans mon corps faible. Faible. Je le suis. Sans lui, je ne suis plus rien, et je le sais. Mais je sais aussi qu'il ne reviendra pas. Son âme m'a quitté. A quitté la vie, la Terre, le monde. Moi.

Mars.

   Depuis le temps, j'ai reçu des appels. Des condoléances qui ne sont pas à la hauteur de l'absence, son absence, qui procure un vide si grand qu'on ne pourrait pas l'illustrer dans des pauvres mots. Les gens ne se rendent décidément pas compte.

Avril.

   Je n'ai plus envie de vivre dans la maison, ma maison, sa maison, notre maison. C'est trop dur. Les larmes ont disparus, les hurlements de douleur aussi, mais mon cœur est toujours brisé, et son saignement ne s'est pas atténué. Son absence, le vide, ne s'effacera jamais.

Mai.

   Je suis partie. De ce qu'il restait de lui, c'est-à-dire de la maison, la maison qu'on avait choisi, acheté ensemble. Où on avait échangé nos meilleurs souvenirs, qui ne sont plus que du passé lointain.

Juin.

   Mon nouvelle habitat n'est pas à la hauteur. A la hauteur de aucune chose qu'il avait choisi, lui. Et le fait d'avoir déménagé n'a pas rétréci le vide de mon cœur. Non. Il m'est impossible de l'oublier.

Juillet.

   Je suis restée à la maison. L'été, on allait voyager. Au bord de la mer, à la campagne, ou à la montagne. « Ou veux-tu aller ? me disait-il. Où que tu ailles, j'irai avec toi. » Mais sans lui, quel intérêt ? Aucun, je le sais.

Août.

   Je ne hurle plus, ne pleure plus. Certes. Mais ne sourit plus non plus. Impossible. Sans lui, quel en est l'intérêt ? Aucun, je le sais.

Septembre.

   Cela va faire un an. Un an que je vis, sans lui à mes côtés.

   L'anniversaire de sa mort est arrivé. Une larme est apparue au coin de mon œil droit, avant que d'autres la suivent. J'ai re-pleuré, après des mois sans larmes. Mon cœur, lui, s'est-il refermé ? Je ressens toujours la douleur, insupportable, du sang dans mon cœur. Son absence m'est intolérable. Et pourtant, j'ai réussi. J'ai vécu sans lui, pendant un an. Vais-je arriver à poursuivre ma vie douloureuse, sans lui à mes côtés ?

Octobre.

   A présent, je suis habituée, chaque matin, à me lever sans lui. Sans lui me donnant un baiser, me préparant le petit déjeuner. Sans lui.

   Mais la vie continue, qu'on le veuille ou non.

   Ces derniers jours, je me demande.

   Serais-je à nouveau capable d'aimer un jour ?

... »


-Juillet 2018-

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