1- Plus rien
« Je regardais à travers la vitre, assise sur le rebord d'une fenêtre. Ma jambe gauche était pliée, tandis que la droite se balançait dans le vide. Mes yeux balayaient l'extérieur mais mon esprit était absent, mes humeurs invisibles. Mes mains s'entrelaçaient sans but précis, et mes lèvres formaient une moue sans émotion.
Qu'avais-je fais ?
Je fermai les yeux, cherchant à tout oublier. Ou même à tout revivre une deuxième fois. Le passé, avec ses mauvais souvenirs, ses humeurs agitées. J'aimerai reprendre à zéro, reconstruire ma vie. A n'importe quel prix. Mais je sais que c'est impossible. Ce qui est fait est fait. Rien ne pourra changer les moments uniques qui sont passés. La vie est comme une rivière ; le même flux d'eau ne repasse jamais une deuxième fois.
C'est la fin.
La fin de tout, de ma vie, du monde, du bonheur.
Enfin non. Ma vie continue, mais j'ai l'impression d'être dans la peau d'une inconnue nageant en plein dans un cauchemars, le vivant les yeux ouverts.
Je pensais que le monde n'aurait jamais de fin. Mais je me trompais. Tout à une fin. Tout. Même la vie.
Dehors, le monde s'était arrêté. L'absence de vent donnait une impression figée à l'extérieur. Les arbres sans feuilles, l'herbe jaunie, les fleurs sans pétales et les rideaux tirés devant les fenêtres des maisons alentours ne bougeaient plus. Mort. Ils étaient morts. Comme tout le reste. La Terre n'était plus rien. Seulement une planète parmi les autres, géante mais sans vie.
Mais il y avait moi.
Oui, moi.
J'étais là. Pourquoi ?
J'essayai tant bien que mal de me rappeler ce qui s'était passé. Je me concentrai, effaçant le noir de mon esprit, décroisant les mains.
Mais la mémoire aussi a une fin. Les souvenirs s'effacent.
Malgré tout, certains éléments me revinrent en mémoire, mais si flous que j'eus du mal à les distinguer.
Je me souviens... du monde, des gens, des enfants. Tous qui courraient. Et puis la chose. Et enfin, le noir. Le néant. Un brouillard épais s'était abattu sur la Terre. Puis retour au néant complet.
Je secouai la tête et chassai de mon esprit ses pensées vagues. Les muscles endolories, je me levai. Depuis combien de temps étais-je là, assise sur le rebord de cette fenêtre ? Une heure ? Une journée ? Une semaine ? Je n'en avais aucune idée.
Je fis quelques pas pour dégourdir mes jambes. Où étais-je ? Incapable de m'en souvenir... Comment étais-je arrivé là, à cette fenêtre, dans cette maison à moitié détruite qui ne me disait rien ?
J'avais tout détruit.
La chose avait tout emporté, et ma mémoire y compris.
Que restait-il, à présent ?
Un corps. Perdu, mais vivant.
Une tentative de suicide me traversa l'esprit. Je visitai la maison, enfin, de ce qu'il en restait, escaladai des décombres afin d'arriver devant une salle détruite qui servait de cuisine. Rien. Rien pour me suicider. Pas même un couteau ou une paire de ciseau. Pourquoi ?
Malgré ma perte de mémoire, je savais qu'il n'y avais aucune falaise aux alentours, et donc aucun endroit pour m'y laisser tomber.
Il n'y avait ni corde pour me pendre, ni drogue, ni poison.
Etais-je destinée à rester en vie ? Mais pourquoi ?
J'ai balayé les restes de la pièce. Une moitié de table en bois, des meubles calcinés, des placards détruits et une lampe cassée. Un trou béant était au milieu du mûr, et je décidai de m'y faufiler pour sortir à l'air libre.
Il y régnait une odeur de brûlé et une autre qui m'était inconnue. Un mélange de pétrole, de mort, et...de solitude.
J'ignorais que la solitude avait une odeur, mais celle que je sentais à présent illustrait parfaitement cette sensation. Une odeur déplaisante, te forçant à froncer le nez, qui pique légèrement les yeux, et qui entoure les environs. Qui m'entoure, moi.
J'esquissai quelques pas maladroits et trébuchai contre quelque chose de dur. Je me rattrapai à temps avant de m'étaler au sol. Je rougis de honte avant de me rappeler qu'il n'y avait personne. Personne pour me regarder, parler, et se moquer de moi. J'étais seule.
Je regardai par terre et mon estomac se souleva. Un crâne humain. Une envie de vomir me vint et je détournai les yeux avant de poser mon regard sur d'autres bouts d'os et de parties d'ossements.
J'étais entourée de parties humaines.
J'eus envi de hurler et de prendre mes jambes à mon cou, mais je me retins, des questions se mélangeant dans mon esprit. Pourquoi la chose et le brouillard noir n'avaient pas détruit complètement la population ? Les esprits étaient bel et bien détruits, mais les os n'avaient pas disparus.
Je fis demi-tour et m'approchai d'une autre maison où deux murs tenaient encore debout. La porte avait carrément disparue et le toit penchait dangereusement, menaçant de s'écrouler d'un moment à un autre.
A côté se tenait des débris de bois et de briques. En m'approchant encore un peu, j'aperçus un squelette. Entier. Reposant sur le sol poussiéreux, les os n'avaient aucune trace de brûlé.
Les pièces du puzzle refusaient de s'imbriquer dans mon esprit. Pourquoi certaines parties étaient-elles noires et calcinées, alors que la plupart étaient intactes ? Comment la chose avait-elle tué cette être humain, emportant habits, chair et sang avec, mais en laissant les os parfaitement blancs ?
Je me mordis la lèvre, sachant pertinemment que ça n'allait pas m'aider à avancer.
Une douleur se réveilla soudainement à gauche de ma poitrine, et j'y posai une main comme pour l'apaiser. Malheureusement, celle-ci ne se calma pas et bientôt, j'en fus à gémir et à serrer les dents pour ne pas crier. Une sorte de forte brulure me dévorait de l'intérieur. J'entendis alors de petits...battements. J'ouvris de grands yeux. La douleur se situait à mon cœur !
Comment n'y avais-je pas pensé plus tôt ? Les battements se mélangeaient avec la douleur que je n'arrivais pas à apaiser.
Je marchai jusqu'à un arbre sans feuilles -bien que la chose était apparu en été- et m'appuyai contre le tronc. Je sursautai. Gelé. Il était froid. Je fis glisser mon doigt le long du tronc et la matière se désintégra avant de tomber au sol sous la forme de minuscules particules claires.
Mon cœur se mit à battre plus vite. Je ne comprenais rien.
« Débile »... me maudis-je dans ma tête.
C'est alors que je me rappelai de quelque chose. Enfin non, je me rappelais de ce que je ne me souvenais pas.
Quel était mon nom ?
J'eus beau me creuser la tête et replonger dans mes maigres souvenirs flous, je ne parvins pas à me souvenir de mon nom. Ni de mon âge. Ni de mes parents, ni même de la ville où j'étais. Je me souvenais seulement qu'il y avait eu cette chose. Cette chose qui avait tout détruit. Et je ressentais une drôle de sensation déplaisante...du remord ? Oui, c'était ça. Je me sentais coupable de cette situation dont je ne comprenais rien. Mais qu'avais-je fait ? Impossible de m'en souvenir...
Ma mémoire s'était bel et bien enlevée avec les esprits de tout le monde.
Tout avait été complètement détruit, restaient des restes calcinés ou intactes. Et pourtant, des questions perduraient dans mon petit esprit ensommeillé.
Pourquoi étais-je encore là ? Qu'avais-je fais ?
... "
-Juillet 2018-
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