Soirée sans alcool

C'était une de mes soirées sans alcool.

Sans alcool, la fête est plus folle ! Voilà généralement ce qu'on me disait quand je refusais le premier verre qu'on m'offrait. A force cela devient redondant, mais bon, ils ne s'en rendent pas compte, qu'ils font tous la même blague. Lorsque la soirée avance et qu'on commence à remarquer que je ne bois pas - d'alcool - du tout, cela commence à interroger. Habituellement, quelques questions sont posées. Ils sont curieux, est-ce lié à un choix religieux ? Un problème médical ?

Lorsque je suis honnête et que je réponds que je n'aime pas ça, ça se passe mal. C'est normal, t'as pas gouté ! Tiens, goute ça, c'est trop bon, tu vas forcément aimer ! Bah non en fait. Et contrairement à ce que croient tous ces génies de l'alcool alcoolisés, j'ai déjà tout gouté en fait, ou presque. J'ai commencé assez jeune, vers 10 ans environ, quand on allait à l'anniversaire de ma meilleure amie, ou de ses parents et qu'on me forçait à boire un verre de champagne sur la chanson "celui qu'est né au mois de janvier...". J'étais trop jeune pour penser à mettre en place des stratégies d'évitement. Si j'y avais pensé à l'époque, je me serais cachée dans les toilettes. Puis, en grandissant pendant les fêtes de famille, on me faisait gouter les apéros, les vins... je trouvais tout ça dégoutant.

Evidemment cela ne s'est pas amélioré en vieillissant. J'ai fini par comprendre que je n'étais pas la seule, que certains de mes amis se forçaient à boire même s'ils n'aimaient pas ça, juste pour l'ivresse.

Lorsque tu refuses de boire de l'alcool en soirée, les jeunes trouvent cela acceptable si tu as un problème médical, tu as une religion qui te l'interdit ou si tu essaies de te remettre de la soirée de la veille (et encore, il faut soigner le mal par le mal, comme on dit).

Mais si c'est juste par gout, personne ne comprend, personne. Tout le monde te regarde comme une toquarde. Une nulle. Une coincée.

Être Sam peut éventuellement marcher, selon la soirée : si tout le monde reste dormir, l'excuse ne fonctionne pas ; si les jeunes conduisent volontairement bourrés, cela ne fonctionne pas non plus.

J'ai déjà fait sous-entendre que je ne pouvais plus, que j'avais arrêté. Alors là, chapeau bas, tout le monde te regarde comme une héroïne. Imaginez donc, la jeune a notre âge et a déjà tellement bu qu'elle n'en peut plus. Certains essaient de faire confirmer l'information, rester vague est important dans ce cas, il ne s'agirait pas de mentir non plus.

J'ai la même bande de pote depuis le lycée, on fait des sorties ensemble. Généralement, ils me soutiennent dans ces questionnements invasifs sur ma non-alcoolisation. Eux, ils en ont vite pris leur parti : une pote avec une voiture qui ne boit pas, c'est le paradis. Elle fait taxi, ramène tout le monde, empêche les énormes conneries...

Ce qu'ils aiment moins, c'est mon meilleur ami, l'appareil photo. Et ma mémoire. Eh oui, je me souviens de tout !


C'était donc une de mes soirées sans alcool.

Nous étions chez une copine, qui avait un tout petit studio au centre-ville. Comme d'habitude, nous étions agglutinés dans ce petit espace. Nous étions passés chez elle, avant d'aller se balader en ville. Les buveurs aimaient bien s'échauffer un peu avant de sortir, ça coutait moins cher et ils se sentaient dans l'ambiance quand ils arrivaient dans les bars. Un pote parti en stage au milieu de nulle part avait ramené un souvenir : une bouteille de chartreuse. Juste l'odeur dégagé par la bouteille a repoussé toute envie de gouter. Ils se sont tranquillement servi des petits fonds, quand la retardataire est arrivée. Après quelques discussions moqueuses auxquelles elle répondait très bien, elle s'est rapidement servi un verre qu'elle a descendu rapidement, ayant soif à la suite de son sprint pour ne pas être trop en retard. Elle a donc été resservie rapidement. La discussion continuait tranquillement autour d'un questionnement très important : mais où va-t-on ce soir ? Moi, je m'en fiche complètement, buvant soit une coca, soit un jus, tous les bars sont normalement capable d'en proposer. Un petit dernier verre pour la route puis nous nous sommes dirigés tranquillement vers le centre-ville. Le petit bar grec avait gagné la place de première étape. Il est vrai qu'il vaut mieux ne pas avoir trop bu si on veut pouvoir chanter et danser un peu.

Nous n'y sommes jamais arrivés. A mi-chemin environ, notre retardataire a commencé à se sentir mal. On était sur une place très fréquentée, pas toujours très bien d'ailleurs. Elle a commencé à avoir besoin d'aide pour marcher droit. Nous avons réussi à avancer encore quelques dizaines de mètres, avant qu'elle ne s'effondre purement et simplement sur des escaliers.

On s'est tous regardés, bien emmerdés. On a essayé de l'aider à se relever - échec, à boire de l'eau - échec, la faire s'allonger sur le sol et non sur les marches - échec, la garder consciente - échec ... Nous avons commencé à paniquer.

Il a fallu organiser plusieurs actions en même temps, pas toujours faciles avec un public alcoolisé : appeler son mec – mais qui a son numéro ? L'allonger en position latérale de sécurité – qui se souvient de ses cours de secourisme ? Appeler le 15...

Ce soir-là, nous avons rempli les statistiques clichés sur les jeunes : incapables de tenir à l'alcool, incapable de se surveiller et de se raisonner...

Mais les conséquences d'une alcoolisation non maitrisée peuvent être pires.


C'était une autre de mes soirées sans alcool.

Nous étions chez un pote, avec d'autres potes et des potes de potes, et encore d'autres potes... bref, je ne connaissais pas grand monde. J'y connaissais mes meilleurs amis du lycée, mais ils étaient mélangés aux autres, un peu partout : dans la maison, dans le jardin, sur la rue...

J'ai passé une bonne partie de la soirée avec ma meilleure amie. On se posait des questions sur les nombreux mecs présents qu'on ne connaissait pas. J'avoue qu'ils ne m'inspiraient guère, tous particulièrement bourré et enfumé du cerveau. Elle semblait intéressée, peut-être... discussion de filles sur une éventuelle approche, en se servant un verre, en se retrouvant partenaire de bier-pong... on n'avait guère avancé quand nous fûmes séparées. Après une pause toilette, ne trouvant plus de visages connus, je commençais sérieusement à m'ennuyer. J'envisageais même de rentrer, mais ayant amené ma meilleure amie, je me devais de la retrouver avant de partir. Je me suis donc mise à la chercher : dans les différentes pièces de la maison, puis dans le jardin. Il faisait nuit, je n'y voyais pas grand-chose, et je n'étais guère rassurée à l'idée de me balader toute seule dans cette obscurité. J'ai fini par tomber sur un de mes meilleurs copains qui s'étonna de me trouver toute seule. Je lui confiais donc ma recherche et je déviais légèrement en parlant d'un possible crush, peut-être sont-ils ensemble. Cela l'a inquiété. En plus d'éprouver des sentiments pour elle, il savait aussi qu'elle était plutôt alcoolisée et lui guère romantique. Je suis retournée à la lumière, le laissant prendre en charge la recherche dans le noir. Il est arrivé juste à temps, pour lui permettre de conserver sa dignité et empêcher qu'une agression sexuelle ne soit commise dans ce sombre jardin...


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