Pendant que les champs brûlent

VioletteBaudelaire
Terraink

PENDANT QUE LES CHAMPS BRÛLENT
ONE SHOT

Le refuge était en flammes.

Tout ce que ce qui faisait leur vie depuis ces cinq dernières années était en train de prendre feu.

Depuis que leur quotidien avait été bouleversé, que leur petite vie tranquille avait pris fin, que la capitale avait sombré dans la folie. Car depuis près de cinq ans, le monde avait plongé dans le chaos, ravagé par une pandémie qu'aucune grande puissance mondiale n'avait été foutue de contrôler. Alors Damien et Thomas s'étaient retrouvés en pleine fin du monde, deux citadins sans aucune expérience pour la vie en pleine forêt, à devoir survivre dans une France qu'ils ne reconnaissaient plus.

Très vite, il y avait trouvé un petit endroit paisible, un petit champ à la campagne et voyant que les propriétaires avaient depuis longtemps quitté les lieux – ou bien qu'ils morts depuis une éternité- le duo avait décidé de poser bagage ici. Il avait passé six mois seuls, construisant petit à petit leur petit nid d'amour et vivant leur premier aménagement en tant que couple dans un contexte un peu particulier. La vie n'était pas facile tous les jours, mais Laink et Terracid ne s'en étaient jamais plaint. Après tout, ils étaient encore en vie, tous les deux, et ils savaient que ce n'était pas une chance qui était donnée à tout le monde. De plus, comme ils le réalisaient un peu plus à chaque heure qui s'écoulait, ils avaient la chance d'être chacun avec l'homme à qui ils avaient avoués leurs sentiments quelques jours avant que toute cette folie débute. À chaque nuit qui les faisait quitter notre monde, à chaque étreinte qu'ils partageaient, à chaque baiser auquel ils s'adonnaient et plus simplement, à chaque instant partagé, ils réalisaient la chance qu'ils avaient d'être ensemble. Mais malgré tout, après près d'une demi année de bonheur, le temps commençait à devenir long.

Ce fut par un matin de printemps que tout changea.

La totalité de la redbox les avaient retrouvé. Laink avait pensé qu'il ne pleurait plus jamais, mais ces retrouvailles soudaine fut une bonne occasion de lui prouver le contraire. Damien et Thomas avaient été si heureux que tout le monde soit là... que tout le monde soit là. Joyca, Mastu, Vodka, Neoxi, Chris... mais où était Maxime ? À cette question, Cyril avait éclaté en sanglot. Laink et Terracid avaient eu le privilège de survivre, au milieu de toute cette folie meurtrière, en compagnie de l'élu de leur cœur. Mais ce n'avait pas été le cas de tout le monde.

Les membres de la boite rouge se décidèrent le soir même à raconter leur périple à leurs hôtes. Leur longue et fastidieuse Odysée.

Une milice avait surprit le groupe de la boîte rouge en dehors des camps mis en place par l'armée française et où les survivants avaient ordre de se rendre. Et ils avaient été impitoyables.

Ils avaient tué Amixen.

Et ils avaient mis le feu à la bâtisse.

Puis ils étaient repartis aussi vite qu'ils venaient d'apparaître. Laissant le groupe d'amis sans toit, sans nourriture, sans eau, sans toutes les réserves qu'ils avaient amassés à la redbox... sans leur membre le plus important et le plus courageux.

Ils les avaient abandonné sans rien, alors qu'eux avaient remplis leurs sacs à dos de tous les vivres qu'ils avaient pu trouver à l'intérieur de la boite rouge. Alors que la dernière entrée de la redbox avait été avalée par les flammes et que leur dernière possibilité de sortir le corps de Maxime de ce four pour lui donner une sépulture correcte était partie en fumée, la milice était partie en riant aux larmes, laissant derrière eux mort et désolation. Comme si ça avait été la chose la plus drôle qu'ils avaient faite depuis un bon bout de temps.

Le groupe de la redbox avait abandonné l'idée de rester à Anger. Plus rien ne les rattachait ici. Ils ne laissaient derrière eux qu'un tas de centre et un camp de réfugié géré par l'armée dont lequel ils refusaient de mettre les pieds depuis près de six mois. Il était dit que l'armée y exerçait un pouvoir autoritaire, et qu'une fois entré dans cette mini dictature, il était quasiment impossible d'en ressortir. De plus, rester dans les grandes villes était devenu dangereux, particulièrement dans les alentours de la capitale.

Alors Cyril avait proposé de retourner chez lui. N'ayant aucune destination en tête, ils partirent vers le Nord le lendemain matin. Ils étaient en plein mois de décembre et bien qu'il n'ait plus eu de neige durant cette saison depuis une décennie, le froid ne les avait pas lâché d'une semelle. Autant dire que le trajet n'avait pas été de tout repos. Mais ils n'étaient pas au bout de leur peine. À quelques jours de marche de la capitale, ils avaient faillit se faire attraper par l'armée. Échappant de peu à, comme ils l'avaient découvert par la suite, les expériences que le haut lieu de l'armée faisaient quelques fois sur des survivants. Les dirigeants à l'origine du projet avaient d'ailleurs une petite préférence pour les groupes d'amis : tester leurs liens d'affiliations, leur capacité à réfléchir en groupe et leur choix face à la mort possible d'un camarde était réellement fascinant. Heureusement ( ou malheureusement ) le groupe de la boite rouge avait échappé à ça.

Avant de retomber sur la milice à la fin de cette même journée. Cette dernière avaient des refuges éparpillés un peu partout en France et à l'instant où ceux de la boite rouge avaient reçu cette information, ils l'avaient tous très bien compris le message : peu importe où ils iraient, la milice ne serait jamais loin derrière eux. Pour leur deuxième rencontre, personne n'avait été tué. Ils avaient tous miraculeusement survécu. Mais bien sûr, ces monstres ne pouvaient pas les laisser repartir sans un petit souvenir de leurs retrouvailles.

Ils avaient pris Cyril.

Ils avaient disparu dans la forêt et n'étaient revenus bien longtemps après le lever du jour. La milice les avaient laissé partir sans un mot et le groupe s'étaient empressés de mettre le cap sur une toute autre direction : l'Est de la France.

Cyril ne leur avait jamais reparlé de cette nuit là. Même si sa jambe boiteuse la lui rappelait sans cesse.

Mais même s'il essayait de le cacher et de faire comme si tout allait bien, ses amis avaient très vite remarqué que quelque chose n'allait pas. Le roux refusait de leur dire quoi ce soit et ils acceptaient sa décision, mais ils avaient malgré tout fait le choix d'être bien plus présent à ses côtés qu'auparavant. C'était comme ça qu'ils avaient remarqué les bleus qui tapissaient l'intégralité de son corps. Qu'ils avaient compris que leur ami n'avait pas écopé d'une simple et banale blessure à la jambe... mais qu'elle était bien trop grave pour qu'elle guérisse un jour. Cyril ne remarcherait plus jamais comme avant.

Puis, il y avait aussi cette autre chose.

Cyril le cachait, mais Valentin avait remarqué tous ces petits gestes. Ceux que Cyril faisait inconscient et qui, bien souvent, étaient invisibles aux yeux des autres. Cette manie de reculer lorsque quelqu'un l'approchait d'un peu trop près, de ne jamais s'asseoir trop près d'une autre personne, de refuser les câlins et plus simplement, le moindre contact physique avec ses amis. Avec qui il avait été pourtant tactile dans le passé. De plus, si Cyril avait fini, après plusieurs années, par aborder vaguement le sujet de ses blessures, ses amis savaient qu'il ne leur parlerait jamais de celui là. Pourtant, même si le roux avait enfouit cette chose au plus profond de lui, la dissimulant tant bien que mal sous une montage de sourires faussement rassurants, Vodka et, par la suite Laink, avait très vite compris que cette nuit là, les miliciens n'avaient pas que fait frapper Cyril.

Mais Valentin ne voulait pas faire du mal à son ami, en lui faisant remonter des souvenirs que le roux essayaient visiblement d'effacer à tout prix, alors il n'aborda jamais le sujet avec lui. Et Cyril resta l'unique gardien du secret de ce qu'il s'était réellement passé au cours de cette nuit.

Après cet événement tragique, la chance avait enfin sourit aux membres de la boite rouge. Perdus dans un petit champ en pleine Lorraine, dans un refuge construit de leurs mains et avec leurs propres moyens, ils les avaient retrouvés. Eux deux. Des amis qu'ils pensaient mort depuis le début de la pandémie.

Laink et Terracid.

L'inséparable duo de youtubeurs gaming les avaient accueillit à bras ouvert.

Et enfin, le bonheur avait pu reprendre ses droits.

Après plusieurs missions de repérages, Chris et Neoxi, les éclaireurs en titre du groupe, avaient fait une découverte intéressante : un immense centre commercial abandonné, encore en parfait état et aussi, détail non négligeable, encore remplit de vivre non périmées ! Le soir même, la bâtisse était devenue leur nouvelle maison. Bien vite, ils avaient réaménagé à leur manière l'intérieur du centre commercial, avait refait la peinture extérieure, avaient reconstruit quelques cabanes à côté et petit à petit, la vieille demeure était devenue un foyer chaleureux.

Ils s'y plaisaient tous ensemble. Et à chaque jour qui passait, ils réalisaient la chance qu'ils avaient de tous s'être retrouvés et d'être arrivés là où ils en étaient. Ils avaient transformé le centre commercial en petit village et doucement, la vie avait reprit son cours. Des fois, ils en venaient même à oublier que là dehors... c'était la fin du monde.

Puis, après un an de cohabitation, la chance avait encore frappé.

Par une belle après midi d'été, Laink et Terracid – occupés à faire on ne sait quoi dans le jardin de leur immense centre commercial-hôtel-maison – aperçurent un groupe de personnes au loin. Ils n'avaient jamais eu affaire à des pilleurs, mais ils prirent malgré tout peur au départ. Avant de se raviser et d'à nouveau, comme il y avait un an de cela, se mettre à pleurer de joie.

Ce soir là, Le duo Wankil Studio avaient acceuilit de nouveaux membres dans leur refuge : Squezzie, Maxenss, Mathieu Sommet, Antoine Daniel, Emy Ltr, Natoo, Thimotée Hochet et même le duo du monde à l'envers. Sans oublier, bien évidemment, Mcfly et Carlito, accompagnés de leurs femmes et de leur ribambelle d'enfants. Puis, moins d'une semaine plus tard, ce fut BigFlo et Oli qui joignirent au groupe. Mais ce n'était pas fini ! Il fallut deux jours supplémentaire pour que d'anciennes stars de stan up, venues tout droit d'Allemagne pour une raison qui resta obscure, trouvent elles aussi le chemin du centre commercial. Au final, Paul Mirabel et Shirley Souagnon furent les derniers à intégrer cette grande et si particulière famille.

Entre les couples qui n'avaient pu révéler leur histoire à tous avant la catastrophe, ceux qui s'étaient formés sur le chemin et ceux qui allaient voir le jour dans le monde idyllique qu'ils avaient crée, bon nombre d'histoires d'amour vinrent égayer ce monde sombrant de le chaos. Et malgré les quelques disputes et rares différents du groupe, ils finissaient toujours par se réconcilier. Le plus souvent, tout cela se finissait en éclat de rire et en courses idiotes dans les couloirs du centre commercial.

Bien sûr, la cohabitation n'était pas toujours facile, particulièrement sur la question de l'intimité. De l'amour pour être plus précis. Alors, des fois, il arrivait qu'une personne d'une groupe surprennent deux autres personnes en train de... jouer aux cartes. Mais comme pour tout, ça finissait toujours en éclat de rire.

C'était comme ça qu'avait été révélé les couples de Lucas et Maxence ainsi que Mathieu et Antoine... et même si personne ne les avait jamais surpris dans une position compromettante, beaucoup sentaient l'amour qui flottaient entre les deux membres du monde à l'envers, Jean et Valentin.

Et bien sûr, il y avait le plus ancien et le plus amoureux de tous les couples : Thomas et Damien. Qui, au vue des sourires niais qu'ils abordaient en permanence, devait le faire assez souvent. Mais ce fut le seul couple qui ne fit jamais attraper en pleine action ! Impossible de connaître leur secret, les deux comparses se gardaient bien de le révéler à leurs amis.

Puis les mois passèrent et deux nouveaux membres vinrent se joindre à la famille . Deux tout petits membres !

La femme de Carlito avait accouché d'un magnifique petit garçon et quelques semaines plus tard, ce fut au tour d'Emy Ltr. Dont la grossesse et le couple en avait surprit plus d'un. L'identité du père avait bien failli être bien plus introuvable que ce fameux trophée des un million d'abonnés que le duo Wankil Studio avait jadis perdu.

Après les semaines, les mois, ce furent des années qui s'écoulèrent.

Cinq ans depuis la découverte du centre commercial et pourtant, autant de bonheur et d'espoir qu'au premier jour.

Durant cinq ans, il régna sur leur petit univers, à l'écart du monde et de sa folie, un calme idyllique. Durant cinq ans, ils avaient vécu, certes, en pleine fin du monde, mais plus heureux qu'ils ne l'avaient jamais été. Durant cinq ans, ils coulèrent des jours heureux. Durant cinq ans... ce fut le paradis.

Mais il fallait bien que tout ça s'arrête un jour.

C'était bien trop beau pour être vrai. Pour être réel. Pour ne pas être brisé.

Ce matin, le 29 juillet 2032, tout ce qu'ils avaient construit depuis cinq ans venait de partir en fumée.

La milice les avaient retrouvé. Encore.

Et le fait qu'ils se soient si bien acclimatés à la vie en plein chaos ne leur avait pas plu. Pas du tout même. Alors ils avaient décidé de leur le faire comprendre. Pour qu'ils saisissent une fois pour toute qu'ils ne pourraient jamais leur échapper.

Ce qui avait le plus marqué Damien, c'était la dernière minute. Il souvenait exactement quelles actions étaient occupés à faire l'intégralité de leur groupe. Il se souvenait de tout. De tout dans les moindres détails, de tout... avant que tout dégénère.

Ils avaient tué Cyril en premier.

C'était le soldat qui l'avait emmené dans la forêt, et qui lui avait fait subir ce traumatisme que le roux cachait au plus profond de lui même, qui s'en était chargé. Et il avait fait ça de la manière la plus lente possible. Pour savourer au mieux le plaisir.

Il lui avait tiré une balle dans la jambe.

Celle encore fonctionnelle. Comme pour lui rappeler qu'il se souvenait parfaitement de lui et de ce qu'il lui avait fait endurer. Les premiers cris s'étaient élevés. Puis une balle dans le ventre. Cyril était tombé à genoux, le sang s'écoulant en bien trop grande quantité de ses lèvres et pourtant, il avait gardé cet air calme, presque insensible. Comme s'il ne voulait pas donner à celui qui l'avait fait si mal la satisfaction de le voir souffrir. Cela l'avait visiblement mis en colère. Le chef de la milice avait pointé son revolver sur le crâne de Cyril.

Et Damien n'avait pas vu la suite. Thomas l'avait attrapé par la main et l'avait forcé à fuir. Il n'avait pas vu, mais il avait tout de même entendu.

« C'est dommage, j'ai jamais eu le temps de remercier pour la nuit qu'on a passé ensemble. C'était d'enfer. Ça me rend vraiment triste de savoir qu'on pourra plus jamais en passer une pareille, mais t'en fais pas pour moi, j'ai repéré un de tes copains et je compte bien m'amuser avec lui. »

Il avait eu instant de silence. Puis Cyril avait parlé, ou du moins essayé. Il avait fini par tousser, par cracher du sang. Puis, au ton de la voix qu'il avait pris ensuite, Damien avait deviné que son ami avait relevé la tête, avec cet air insolent et si sûr de lui qui le caractérisait tant.

« Tu toucheras pas à Thomas connard. Et va au diable. »

Un coup de feu.

Puis Cyril n'avait plus parlé. Dans l'ensemble, ils continuèrent à courir dans les couloirs de leur cher centre commercial, incapables de s'arrêter, incapables de produire le moindre son, incapables de penser à autre chose qu'à leur propre survie. D'autres de leurs amis, en revanche, n'avaient pu contenir leurs hurlements. Et ils étaient restés paralysés sur place.

Ils furent les premiers à mourir.

Puis le massacre avait enfin pu devenir réellement amusant : la milice avait eu l'immense privilège de retrouver le plaisir d'un des meilleurs jeux d'enfant.

Le cache-cache.

Sauf que les règles du jeu avaient été légèrement modifiées : si vous étiez trouvé, vous ne receviez pas la lourde tâche de compter à la prochaine partie... mais une putain de balle dans la tête. Ou dans le cœur. Au choix.

Alors que la milice détruisait un à un chacun de ses aménagements que le groupe avait fait pour donner vie à ce centre commercial depuis cinq ans, qu'ils déchiraient les dessins d'enfants et qu'ils réduisaient en miettes toutes leurs affaires personnelles, ils en profitèrent, encore un fois, pour faire leurs courses. Ils pillèrent toutes les ressources qui étaient à leur disposition et ne firent que des miettes de ce qui ne leur convenait pas.

Ils passèrent une après midi entière à jouer à ce cache-cache macabre.

Ils trouvèrent les quatre seuls survivants après près de huit heures de jeu. Ils attachèrent leurs mains dans leurs dos avec de la corde rêche et les traînèrent dehors, dans la terre, sans leur laisser une once de dignité. Puis, ils avaient mis à genoux Thomas, Damien, Lucas et Maxence, devant leur foutu centre commercial. Puis ils les avaient forcé à regarder.

La milice avait recouvert leur centre commercial d'essence et de toutes sortes d'alcools trouvés dans celui-ci. Il y avait tant de combustible, qu'il en avait suffit d'une seule. D'une seule allumette.

Leur refuge sombra dans les flammes en quelques minutes.

Ils n'arrivaient toujours pas à crier. Ils n'étaient pas capable de hurler. Ils n'avaient plus la force de rien... Maxence fut celui-ci qui craqua le premier.

Il se mit à hurler si fort et si longtemps que s'il avait survécu à cette journée d'horreur, il n'aurait sans doute plus jamais été capable de chanter. Il avait hurlé et le cœur de Damien s'était fendu en deux.

Une balle en plein cœur.

Ils avaient tiré sur le geai moqueur et jamais, plus jamais, son doux chant ne s'élèverait.

Maxence était allongé dans l'herbe. Il était né de la poussière et il s'apprêtait à retourner à la poussière. Car Squeezie avait beau répéter le contraire, Laink et Terra l'avaient déjà parfaitement compris : ça en était fini du chanteur. Ses yeux étaient vitreux, ses cheveux et son visage étaient couvert de sang, sa poitrine soulevait à un rythme beaucoup trop lent. Il n'était déjà plus de ce monde.

Alors que la milice libéra Lucas de ses liens, il s'empressa de tomber à genoux au près de son amant, de le prendre dans ses bras et de le serrer contre son cœur. Il le berça dans ses bras, lui murmurant tous les mots d'amour du monde. Tel un père qui tenterait de bercer son enfant après un cauchemar.

Il lui répétait qu'il l'aimait, qu'il était si heureux d'avoir connu une personne aussi incroyablement talentueuse durant son existence, puis d'un ton plus bas, que tout allait bien se passer, qu'il n'aurait bientôt plus mal et alors que les larmes dévalaient ses joues, l'amoureux transi murmura à l'homme qu'il aimait qu'il pouvait y aller.

Maxence perdit définitivement connaissance quelques minutes plus tard.

Et heureusement.

Car il ne fut plus là pour assister à la fin tragique de son amant.

Juste sous les yeux de Thomas et Damien, ils ruèrent Lucas de coups. D'autres s'amusèrent avec des bouts de bois qu'ils avaient ramassé à quelques pas de là, d'autres encore, avec les couteaux qu'ils avaient volé au centre commercial avant d'y mettre le feu.

Terracid et Laink étaient quasiment de n'avoir jamais entendu quelqu'un hurler aussi fort.

Puis tout à coup, cela prit fin. Les hurlements s'arrêtèrent. Mais Lucas respirait encore. Faiblement, avec toute la difficulté du monde, mais il respirait encore. Et voir à ce fin un mourant aussi proche de la faucheuse, sans pour autant l'atteindre, c'était sans doute le pire des spectacles. Les yeux de leur ami brillaient plus qu'ils ne l'avaient jamais fait. Comme s'il les suppliaient de mettre un terme à ses souffrances.

Tout ce que trouva à faire Damien fut de baisser les yeux. Il s'en voulait d'être aussi lâche. Mais lorsqu'il ferma les yeux, espérant, au moins le temps d'un instant, s'enfuir de cette terrible réalité, l'horreur le rattrapa.

Même sans les images, il voyait parfaitement tout le centre commercial être dévoré par les flemmes. Les dortoirs tout d'abord, puis le réfectoire, la réserve, l'infirmerie... Damien entendait encore les cris de ceux qui étaient restés enfermés dans cette dernière lorsque l'incendie avait été déclaré.

Le couple le plus solide de leur groupe y était lorsque toute cette folie avait débuté. Chris et Neoxi, Neoxi et Chris, le duo inséparable était parti ensemble en mission de reconnaissance. Ils étaient revenus grièvement blessés et complètement à l'ouest. Valentin avait dû porter Chris dans ses bras pour pouvoir le ramener au camp tant son amant avait été blessé. Ils avaient été placés à l'infirmerie au bord de la mort et ne l'avaient plus quitté depuis deux semaines. Comme ils ne la quitteraient jamais.

Il voulait croire qu'il y avait une chance ... mais au fond, Damien savait qu'ils n'avaient pu s'échapper de la pièce en flammes à temps.

Est-ce qu'il avait eu au moins une mort rapide ? Certainement que non. Comme pour les chambres à gaz, ils avaient dû mourir longuement, intoxiqués par les vapeurs et la fumée. Ou peut-être étaient-ils morts brûlés vifs. Peu importe quelle avait été leur fin, ils avaient dû souffrir et mourir dans l'ignorance la plus totale de ce qui était arrivé à leurs amis. Le plus horrible restait sans doute que Damien savait que cette milice y avait pris du plaisir.

Alors que celui qui avait été chargé de l'attacher serra ces liens un peu plus fort, Damien su exactement ce qu'il allait se produire. Il voulut s'y préparer. Il n'en eut pas le temps.

Un coup de pied en plein dans l'intestin.

Il vomit le peu de nourriture qu'il lui restait encore dans le corps.

Puis le soldat l'attrapa par ses cheveux et tira sa tête en arrière. Il voulait que Damien voit le spectacle. Il voulait qu'il le voit... et qu'il comprenne. À côté de lui, un autre son, plus étonnant et difficile compréhensible, se produisit. Thomas avait hurlé à la mort de ses deux amis, alors le chef de la bande, qui n'était rien que celui qui avait agressé Cyril, l'avait bâillonné. Tout en lui caressant la joue. Depuis, Thomas s'exprimait à travers des murmures étouffés, que seul Terra était capable de comprendre.

Alors que Squezzie rendit son dernier souffle, que Maxence l'accueillit dans la mort en l'enlaçant, que les deux amants furent unis pour l'éternité, les soldats leur demandèrent une nouvelle fois de regarder leur refuge ravagé par les flammes, une vieille chanson, que Damien aimait beaucoup autrefois, lui revint.

Les arbres se penchent
C'est plus fort, plus fort que tout

Accrochée aux branches
L'air me semble encore trop doux

La vision de leur refuge en flammes déchirait le cœur de Damien, cela était certain. Mais en le regardant plus attentivement, ce n'était pas cela qu'il voyait. Quand il regardait le centre commercial, il ne voyait pas une bâtisse détruite, mais tous les souvenirs heureux qui lui étaient associés. Il voyait les arbres, les champs à quelques pas du parking et toutes les après midis d'été que le groupe avaient partagé dans ce petit paradis sur Terre.

Dans l'herbe écrasée, à compter mes regrets
Allumette craquée et tout part en fumée

Il y avait suffit d'une allumette pour que tout ce que tout ce qui avait fait la vie du groupe durant ces dernières années parte en fumée. Pourtant, la milice n'avait pas réussi son plus grand souhait : transformer le paradis en enfer aux yeux de Terracid et Laink. Et elle n'y arriverait jamais. Ce lieu renfermait bien trop de bonheur.

Pendant que les champs brûlent

Alors que les flammes crépitaient, que Damien entendait la bâtisse comme crier sous l'effet de la chaleur, qu'une fumée noire envahissait le ciel et qu'une toute petite braise vint se poser dans le champ à côté du centre commercial avant de l'enflammer à son tour, le plus grand se tourna vers le plus petit.

« Si jamais on doit mourir aujourd'hui, sache que t'es la meilleure chose qui me soit arrivée dans ma vie Thomas. Je t'ai connu, je t'ai aimé et tu m'as aimé en retour. Et c'est tout ce qui compte. Alors, si ce soir, je dois mourir à tes côtés, j'ai la certitude de mourir heureux. »

Sous son bâillon, Damien vit Thomas sourire. Il murmura quelques mots intelligible mais c'était tout ce que le brun avait besoin d'entendre. Avec les quelques mots de son amant, il ne pu retenir ses larmes plus longtemps.

J'attends que mes larmes viennent

Très vite, ce fut aussi un tour du châtain de pleurer. Mais les mots de l'élu de son cœur l'avait tant réconforté, rassuré et l'avait fait encore un peu plus tomber amoureux de lui, alors il trouva pas la force de contenir un nouveau sourire. Damien en fit de même peu après.

Et quand la plaine ondule
Que jamais rien ne m'atteigne

Terra se fit la réflexion qu'ils devaient avoir l'air sacrément débiles tous les deux. Deux abrutis que rien ne pouvait atteindre. Agenouillés dans la boue, les mains attachées avec de la pauvre corde, les vêtements et les cheveux couverts d'un mélange de poussière et d'hémoglobine, des larmes dévalant leurs joies et un putain de sourire plaqué sur le visage. Ils devaient avoir l'air de deux idiots.

Deux idiots fous amoureux l'un de l'autre.

Ce soir-là on s'est embrassés sans se parler

Thomas et Damien n'avait aucune idée de ce que l'avenir leur réservait. S'ils allaient mourir dans quelques minutes à peine, alors que le soleil se couchait, d'une balle dans le crâne ou roués de coups eux aussi. Ou s'ils allaient survivre, emportés par la milice, subissant les mêmes sévices qu'ils avaient infligé à Cyril. Ils n'en avaient aucune idée, mais tout ce tant à quoi ils pensaient, c'était les instants qu'ils avaient partagés ensemble. De leur premier baiser à leur dernier.

Et alors que tous ses souvenirs remontaient à la surface, ils réalisèrent soudain qu'ils avaient réussi à survivre cinq ans. La société s'était écroulée, le monde était ravagé par un virus, et pourtant, ils l'avaient fait. Ensemble.

Alors, il se firent la promesse silencieusement de tout faire ensemble. Jusqu'au bout.

Ils allaient peut-être mourir cette nuit. Peut-être.

Mais ils en avaient pas grand-chose à faire. Le monde aurait pu s'écrouler, mais là tout suite, ils étaient ensemble et c'était tout ce qui importait. Alors peu importe s'ils soit encore vivants demain ou dans dix ans, le plus important, ils affronteraient cette épreuve tous les deux.

Ensemble.

Le monde aurait pu s'écrouler

Ensemble. Jusqu'à la mort et pour l'éternité.

Pendant que les champs brûlent...

Ultime coup de feu.





4530 mots

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top