C'est fini

Violette Baudelaire
Terraink

C'EST FINI
ONE SHOT



- J'ai attendu pendant longtemps tu sais.

Thomas fit une pause. Il ne savait plus vraiment continuer cette conversation. C'était déjà un miracle qu'il ait réussi à en arriver là. Cela faisait près d'une demi-heure que leur discussion avait commencé et à présent, le plus petit n'avait plus grand-chose à raconter. Enfin, discussion n'était peut-être pas le terme le plus adapté. Monologue serait sans doute plus juste. Il avait été le seul à parler depuis qu'ils s'étaient retrouvés sur ce banc.

Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, cela ne l'avait pas dérangé. Il avait tant de choses sur le cœur et cela lui faisait du bien de savoir qu'il était écouté. Celui aux cheveux bouclés avait simplement besoin de parler. Et même lorsque le silence venait s'asseoir avec eux sur le banc de bois, il n'en était pas pour autant dérangeant. Il donnait à Thomas une occasion de réaliser à quel point il était heureux que son ami soit à ses côtés. 

Pendant les moments silencieux, le châtain en profitait aussi pour observer le paysage qui s'offrait à lui : le lac, le ciel et le soleil qui se retirait doucement pour laisser sa place à la lune. Tout ceci était vraiment magnifique, tout comme cela l'avait été la première fois qu'ils étaient venus ici. Car ici, c'était leur endroit. Leur endroit à eux deux. Celui à qui son cœur appartenait l'avait tant de fois emmené ici qu'il se demanda soudain pourquoi ils ne s'étaient pas encore amusés à y graver leurs initiales. Mais ce qui était le plus étrange, était qu'ils venaient depuis près de deux ans ici tous les soirs, or, son amant avait subitement arrêté de l'y emmener depuis une semaine. Le bouclé ne comprenait pas ce brusque changement de programme mais il n'avait pas envie d'embêter son amant avec ses questions bêtes. Il était si honoré de passer du temps avec lui ce soir.

Il était heureux qu'il soit revenu.

- J'ai attendu ta venue longtemps.

Depuis le début de son monologue, son corps avait amplement prit ses aises et s'était avachi dans le banc. Alors, avant de continuer à parler, Thomas prit une seconde pour se rasseoir normalement. Maintenant qu'il était assis dans une position acceptable, il put faire ce qu'il hésitait à accomplir depuis le début de cette soirée. 

Il se tourna vers son comparse. 

Celui qui était habituellement le boute-en-train de leur duo semblait bien triste à cet instant. Depuis le début de la soirée, il s'obstinait à fixer la nuit qui tombait au loin et il ne semblait pas près de s'en détacher. Thomas se demanda ce qui pouvait le mettre dans un état pareil. D'habitude, c'était toujours son acolyte le plus joyeux d'eux deux. Le plus turbulent aussi. C'était lui qui avait amené Thomas ici pour la première fois. Celui aussi lui qui lui faisait si souvent parcourir tout le parc, en courant, en le tenant par la main, et au dépit de tous les promeneurs qui étaient venus ici à la recherche de calme, le poussant à rire plus fort et plus sincèrement que Thomas n'en avait jamais été capable. Ces soirs là, son amant le faisait se sentir aussi léger que l'air. Et à chaque fois qu'ils s'asseyaient ensemble sur leur banc, au bord de l'eau, le jeune homme se sentait un peu plus proche de la liberté. C'était son comparse le plus joyeux, c'était lui qui ramenait le bonheur.

Pour Thomas, son amant était un véritable rayon de soleil. Pourtant, ce soir, l'astre semblait être parvenu au bout de sa vie d'étoile.

- C'est drôle, mais ça fait si longtemps que j'attends ce moment que je pourrais presque croire que ça fait 1 an.

- Parce que ça fait 1 an Tommy.

Ce fut à ce moment là que, pour la première fois de la soirée, son ami le regarda. Le châtain fut frappé par la vision qui s'imposa à lui. 

Damien ne semblait pas le moins du monde en forme. Lui qui s'était habitué à son léger bronzage, le brun avait désormais la peau du visage blafarde et d'énormes cernes noires avaient pris place sous ses yeux. Mais il n'y avait pas que ça, il avait sa voix. Elle aussi était fatiguée. Le brun avait prononcé ses quelques mots avec beaucoup de difficulté, comme si chaque syllabe lui faisait mal. Puis il lui avait dit ça d'un ton... triste. Peiné peut-être. Mais en tout cas, ne ressemblant à rien de l'image qu'avait gardé Thomas de son meilleur ami.

Alors, comme au bon vieux temps, il se mit en tête de détendre l'atmosphère. Ça c'était son boulot dans leur duo et Thomas savait s'y prendre pour gérer ce genre de situation périlleuse ! Tout en remettant en place les quelques mèches bouclés que la légère brise avait agitées à son bon vouloir, Thomas laissa un petit rire lui échapper.

- Excuse, j'crois un peu avoir exagéré sur la temporalité, mais bon, ça a pas l'air de te déranger puisque tu t'y mets aussi. Je retrouve bien mon Terracid là ! Elle est bien bonne ta blague, mais je sais que ça fait seulement une semaine qu'on s'est pas vu mon Terra.

Thomas se tourna vers Damien, guettant une quelconque réaction de sa part. Dans un premier temps, il n'en eut aucune. Du temps passa et il commença à croire que son amant était resté figé. Mais il réalisa très vite que si Damien ne bougeait pas, il réagissait encore bien. Le bouclé eut droit à une seule et unique preuve qu'il n'avait pas quitté notre monde. 

Une larme.

Une traînée humide coulait le long de la joue gauche de Damien.

- Je suis désolé.

Quelques unes de ses sœurs vinrent la rejoindre. Bien vite, ses yeux se retrouvèrent totalement embués. Son ami pleurait et il n'arrivait pas à s'arrêter. Les mains de Damien se mirent à trembler.

- Je suis tellement désolé. Je m'en veux tellement que tu te mettes dans cet état pour moi. 

Thomas s'approcha de son amoureux, complètement perdu, ne comprenant pourquoi, lui, il se mettait dans un tel état. Puis de quoi pouvait il bien être désolé déjà ? Damien était l'incarnation de la perfection aux yeux de Thomas. 

Soudain, son amant craqua.

- Je suis tellement désolé Thomas.

Le brun prit sa tête entre mains et son corps fut soudain parcouru de soubresauts. Il pleurait sans un reniflement, sans se plaindre, sans émettre le moindre bruit. Damien pleurait en silence et cela était certainement bien pire. Voir le plus grand dans cet état était terriblement douloureux pour le plus petit. Alors le châtain effaça toute la distance qu'il subsistait encore entre eux et se colla à son ami. Damien détacha ses paumes de son visage. Thomas en profita pour essuyer les quelques larmes coulaient encore. 

Puis il prit ses mains dans les siennes.

- Damien, je veux que tu saches que je serai toujours à tes côtés. On a traversé tant d'épreuves ensemble et on a toujours réussi à s'en sortir plus fort. Et pourtant, on a affronté de sales trucs, parfois même de la part de nos abonnés. Mais mon pote, je t'en prie, souviens toi. Souviens toi comment on s'est toujours relevé. Comment on leur montrait à chaque fois qu'on était plus forts qu'eux, qu'aucune de leur attaque de merde ne réussirait ne serait-ce qu'à causer une fêlure au plus fort et plus soudé des duos de tout l'internet. Terra, s'il te plaît, souviens toi.

Puis il y eut le contact de ses lèvres sur les siennes.

Enfin.

Les lèvres de son amant n'étaient pas comme à l'habitude, mais le châtain se ficha complètement de ce détail. L'homme qu'il aimait l'embrassait et c'était tout ce qu'il lui importait à cet instant. À nouveau, comme à chacune de leurs courses effrénées dans ce parc, de celles dans leur lit qui étaient bien plus charnelles mais tout autant épuisantes, de ces baisers échangés sur ce banc au coucher de soleil, à ceux qu'ils se faisaient bien plus langoureux lorsque la nuit reprenait la place qui lui revenait de droit, son cœur battait à milles à l'heure. Cette fois encore, Thomas se sentait plus libre que jamais.

Mais lorsque Thomas voulut poser sa main sur la joue de son acolyte pour approfondir leur baiser, celui-ci se retira sa paume. Puis il s'éloigna.

Thomas, ne comprenant pas, resta dans l'exacte même position. Espérant peut-être que les lèvres de Damien viendraient à nouveau ravir ses jumelles dans la seconde. Mais elles ne le firent pas. Elles ne le firent jamais d'ailleurs. Le brun reposa les mains du châtain sur ses genoux.

Damien lui adressa un petit sourire. Teinté d'une pointe de triste, mais de nostalgie surtout. Puis il se leva du banc.

- C'est fini.

Ce fut les seuls mots auxquels Thomas eut droit.

Puis il y eut un long moment de silence. N'y tenant plus, il y mit lui même un terme en riant à nouveau. Il était évident que ce rire était bien plus forcé que sincère, pourtant, Thomas ne voyait pas d'autre manière de réagir. La phrase en elle-même avait quelque chose d'étrange.

- Fini ? Qu'est ce qui est fini ? Explique moi Damien.

- Nous.

Alors voilà, c'était comme ça que Damien le plaquait.

En même temps, sortir avec son meilleur ami, ça n'avait jamais été le plan du siècle. Thomas avait simplement espéré que leur histoire serait un peu différente. Car des sentiments pour Damien, ça il avait en stock et peut-être même en trop grande quantité. Il fallait dire qu'il avait commencé à éprouver quelque chose de plus que de l'amitié pour son partenaire de jeu avant même leur première rencontre. Mais d'un autre côté, Thomas pouvait voir cela comme une victoire. Car même s'il se terminait ce soir, comme tant d'autres relations le faisaient tous les jours, il fallait  reconnaître à quel point leur couple avait tenu longtemps. Après tout, ils étaient deux garçons et cela expliquait amplement pourquoi ils avaient dû être bien plus unis que n'importe qui sur cette Terre. 

Mais Thomas ne pouvait s'y résoudre, alors la même question commença à se passer en boucle dans son esprit : leur histoire avait résisté à tant d'épreuves .... alors pourquoi tout cela devait prendre fin ?

- Mais tu as pensé à Wankil Studio ?

Laink s'était à son tour levé du banc. Il s'avança vers celui qu'il aimait toujours, prêt à le bombarder de questions. Tout d'abord, il eut un ton triste, à la limite de la supplication. Après tout, le deuxième membre du duo ne comprenait pas grand-chose à ce qui était en train de se passer.

- À nos trois millions d'abonnés ? Aux vidéos ? Aux lives ?

Laink osa le ton. Il voulait avoir une réponse. Il voulait comprendre.

- À tout ce qu'on a construit ensemble sur Internet ?

Il s'était rapproché du brun et il était désormais si proche qu'il aurait pu l'embrasser. Mais ils avaient beau être aussi proches l'un de l'autre, Damien s'obstinait à garder ce foutu air insensible. Mais Thomas ne s'arrêterait pas. Il voulait sa réponse et il ne laisserait pas le brun tranquille avant de l'avoir obtenue.

- Nous ? Est-ce que tu as pensé à nous Terra ? Est-ce que t'as un instant songé à notre putain d'histoire ?

Cette fois, Thomas n'avait pu la contenir. Il avait laissé éclater sa colère. Cette phrase, c'était toute la rage qu'il contenait en lui depuis que Damien lui avait annoncé que c'était fini. Ou peut-être que ce n'était pas uniquement elle. Après tout, la colère qui avait enflammé le corps du bouclé était bien trop forte. Bien trop puissante. Peut-être est-ce toute la rage qui s'était accumulé en lui depuis toutes ces années. Depuis ce jour, où dans la cour de son lycée, alors qu'il était en pleine recherche de lui même et de sa sexualité, il avait eu droit à sa première remarque homophobe.

C'était toute cette rage qui remontait tout à coup à la surface. Et il y en avait tellement que ça en était douloureux. Mais si maintenant, il n'avait plus son petit ami à ses côtés pour se calmer, comment est-ce qu'il allait pourvoir continuer à vivre ? 

- Ça ne peut pas être fini. Pas comme ça. Pas aussi soudainement.

La colère l'avait quitté pour laisser sa place à la peine. Une grande et infinie peine.

- Je sais que tu ne comprends pas pourquoi je te fais ça, mais c'est pour ton bien. C'est aussi douloureux pour moi, mais si on n'arrête pas maintenant, je t'assure que ça le sera bien plus pour toi. Et je ne veux pas que tu souffres encore plus. Je sais déjà à quel point tu vas mal Thomas et ça me brise le cœur. Peut-être que tu ne le vois pas, mais ta famille, tes proches, même nos amis se sont rendus compte que tu allais pas bien. Je crois même que Hugo a été le premier. Thomas, je sais que tu ne t'alimentes plus, que tu ne dors plus, que tu ne parles quasiment plus... et que t'as complètement arrêté de sourire. Mais je ne veux pas que tu te mettes dans cet état par ma faute. Il faut que tu l'acceptes maintenant Tommy. Je suis parti et je ne reviendrais pas. Alors, s'il te plaît, ne gâche pas ta vie pour quelqu'un qui ne peut plus t'aimer... et je t'en prie, souris à nouveau. 

- Mais qu'est ce que tu racontes...

- Je l'aimais ton putain de sourire. Je l'aimais tellement.

Il y eut un instant de silence. Thomas se gratta la barbe et remit encore quelques mèches rebelles en place. Puis, avec une voix qu'il se voulait rassurante, tout en sachant très bien qu'il ne pourrait l'empêcher de trembler, il reprit la parole.

- Je sais que tu es sorti de l'hôpital il y a une semaine à peine et je comprends que ça puisse être éprouvant, mais si c'est ce que tu penses être le mieux, je suis prêt à faire une pause. Je ne sais pas ce que ça fait de perdre le contrôle de son véhicule, mais je suis prêt à attendre aussi longtemps que tu le trouveras nécessaire pour que tu te remettes pleinement de ton accident de voiture.

- Ce n'est pas une pause Tommy. C'est fini entre nous.

Damien quitta Thomas des yeux. Puis il laissa son regard se perdre sur l'horizon. Sur cet autre monde, crée à la communion de l'eau et du ciel, où ils auraient peut-être un heureux. Où ils auraient pu réellement heureux, ensemble.

- Au fait, Hugo et Cyril n'ont pas voulu te le dire, mais je pense que tu as le droit de le savoir après tout ce temps. C'était pas un simple accident, j'ai pas juste perdu mon contrôle de mon véhicule. Quelqu'un m'a intentionnellement fait sortir de la route.

Thomas ne s'attendait à une telle révélation. Alors c'était vrai, la police qui avait soupçonné un abonné homophobe d'être à l'origine de l'accident de son meilleur ami avait pour une fois bien fait son travail. Laink s'en voulait d'avoir si mal réagi. De s'être mettre en colère contre Damien alors qu'il était à sorti de l'hôpital il y a même pas une semaine et qu'il se remettait à peine de ses blessures. Mais le plus petit voulait que son amoureux sache qu'il pouvait compter sur lui.

- Damien, je suis à tes côtés.  Et je le serai toujours, peu importe combien de connards homophobes voudront m'en empêcher. On va les affronter ensemble d'accord ? Comme on l'a toujours fait.

- Ça fait plus d'un an Tommy. Il est trop tard à présent. C'est fini.

- Tu sais Damien, je t'aime si fort, que parfois, ça me fait mal. Mais si jamais tu décides que me quitter est la meilleure chose à faire, alors s'il te plaît, explique moi au moins pourquoi. Pourquoi est-ce c'est fini ?

Comme au tout début de leur rendez vous dans ce lieu qui était le leur, Damien regarda une dernière fois le lac qui s'étendait à perte de vue. Le paysage était toujours aussi grandiose. 

La nuit était tombée à présent. 

Puis il s'engagea sur le sentir qui menait à l'extérieur du parc. Thomas fut incapable de bouger. Comme si son corps refusait faire le moindre mouvement. Tout autour de lui s'effaça petit à petit, le paysage perdit de ses couleurs et tous les sons qui se rapportaient à la nuit perdirent de leur intensité. Mais alors que Damien allait disparaître dans la forêt, Thomas retrouva soudain son corps. Il couru jusqu'à son amant et s'arrêta à quelques pas de lui. 

Thomas aurait pu être en colère qu'il le laisse comme ça, mais là, il était emplit de tristesse. Il était à deux doigts de fondre en larmes. Il aurait tant voulu que Damien le prenne dans ses bras. Il l'aurait tant voulu. Comme au bon vieux temps.

- Si ne serait-ce qu'un jour, tu as tenu sincèrement à moi, alors s'il te plaît Terra, dis-moi pourquoi est-ce c'est fini ?

- Parce que je suis mort Thomas.




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💙💙💙💙💙💙💙💙💙💙
Et voici revenue avec un nouveau terraink ! Je ne sais pas pourquoi, ni comment, mais le dieu des fanfictions et la déesse de l'écriture se sont associés cet été pour me redonner l'inspiration pour écrire ! Pour beaucoup écrire ! Et donc voici une petite histoire rédigée en une nuit et un matin !

Vous avez apprécié ? ça tombe bien, parce quand il n'y a plus, il en a encore ! La deuxième arrive bientôt ! ( laissez moi finir de l'écrire et me relire petits fous !)

Votre écrivaine ( et shippeuse terraink) dévouée, Violette Baudelaire.

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