La culpabilité est un sentiment effroyable. Et pour la première fois de ma vie, je ressens pleinement ce sentiment atroce.

Je suis assise parmi les témoins, au procès d'une personne qui m'est inconnue mais dont je suis convaincue de l'innocence. Extérieurement, je dois paraître calme mais ce calme est trompeur. Il n'est là que pour cacher cette peur sourde qui se cache quelque part dans un recoin de mon cerveau. Et à mesure que le procès avance, que les avocats s'affrontent pour défendre leur client et que les témoins défilent pour raconter leur version des faits, je sens cette peur sourde se distiller dans tout mon être. Mes vision se trouble peu à peu, un bourdonnement désagréable résonne dans mes oreilles, ma tête tourne, le sang me bat les tempes, et je dois vraiment avoir l'air mal car à travers le vacarme assourdissant qui résonne dans ma tête, j'entends vaguement une personne me demander si je vais bien, ce que à quoi je réponds en marmonnant quelque chose d'inintelligible pour moi mais qui à l'air de rassurer mon interlocuteur. En baissant difficilement mon regard vers le sol, je vois d'abord mes doigts aux phalanges blanchies qui serrent convulsivement ma jupe, puis mes jambes qui tremblent, à tel point que j'ai l'impression que c'est le sol sous moi qui tangue. Lentement, tandis que j'essaye de calmer ma respiration sifflante et saccadée, je force mes doigts à relâcher ma jupe et porte ma main droite à ma bouche et commence à en arracher les cuticules. La vision des quelques gouttes de sang perlant aux bords de mes ongles m'affole moins qu'elle ne le devrait et c'est maintenant mes ongles déjà déchiquetés par de nombreux coups de dents que j'entreprends de mordiller. Au loin, la voix du procureur discourant sur le crime de la coupable me parvient comme à travers un brouillard. Le son strident qui résonne dans ma tête m'empêche de réfléchir correctement et je sens des perles de sueur glacées rouler sur mon front et descendre le long de me tempes pour finir leur course dans mon cou. D'un mouvement haché, je lève ma main gauche pour la poser sur mon visage poisseux de transpiration. Je l'essuie avec une extrême lenteur si bien que j'ai l'impression de vivre la scène au ralenti. Puis, brusquement, une question, sortie de nulle part, surgit dans mon esprit.

« Pourquoi tu n'interviens pas ? »

Je n'ai pas le temps d'essayer de répondre que déjà un flot de questions entremêlées de reproches envahit mon cerveau.

« Tu sais qu'elle n'est pas coupable alors pourquoi tu ne dis rien ? »

« Tu es horrible ! Tu laisses une innocente se faire condamner à ta place ! »

« Quel égoïsme ! Tu ne vas vraiment rien faire ? »

Silence ! Ça suffit !

« Tu crois que personne ne le saura jamais ? »

« Tu es un monstre ! »

Non, non ! C'est faux !

« Tu ne veux pas aller en prison n'est-ce-pas ? »

Arrêtez ! C'est n'est pas vrai !

« Tu sais bien que c'est TOI la coupable ! »

Oui je le sais !

« Alors pourquoi tu ne dis rien ? »

Parce que je ne peux pas ! Je n'ai pas le choix !

« On a toujours le choix ! »

C'est faux, c'est faux, c'est faux, c'est faux...

« Monstre... »

« Monstre, monstre... »

Arrêtez, ça suffit, arrêtez, je vous en supplie...

« Monstre, monstre, monstre, monstre... »

« Tu es un horrible monstre égoïste et sans pitié ! »

Non, non, non, arrêtez, c'est faux, je ne suis pas un monstre, je ne suis pas un monstre !

« Alors dénonce-toi ! »

D'accord.

Je vais me dénoncer, parce que je ne suis pas un monstre...

Je ne suis pas un monstre...

Oui, me dénoncer est la meilleure solution...

Après tout c'est moi qui...

« C'est toi qui l'a tuée... ta petite soeur ! »

Oui...

Je l'ai tuée...

C'est moi la coupable...

Et personne d'autre...

C'est, chancelante sur mes jambes, tenant à peine debout, les épaules affaissées, les doigts ensanglantés, le regard trouble et fuyant, la bouche tremblante et la respiration erratique que je brise d'une voix terrifiée le silence pesant qui planait sur la salle depuis que je m'étais levée :

- Je... je me déclare... coupable...

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{NDD : Voici un autre OS que j'ai écrit à l'occasion d'un devoir de français portant sur la description d'une personne coupable de quelque chose. Mais que j'ai finalement échangé à la dernière minute contre un autre truc qui n'avait strictement rien à voir. Mais j'ai quand même gardé celui-là parce que je l'aimais bien. Du coup, qu'en pensez-vous ???}