Passion Interdite

Cela fait plusieurs années que je vis dans cette ville, j'aurais tendance à dire que j'y vis depuis ma naissance, mais ma mère m'a raconté que, avant nous vivions autre part. Et, c'est dans cet ancien endroit qu'elle aurait rencontré mon père. Mon père lui...je ne l'ai jamais connu, les deux seules choses que je sais de lui, c'est son prénom, Éric; et le fait que, à peine a-t-il appris que ma mère était enceinte qu'il s'est enfui. Ma mère avait par la suite appris que c'était un homme marié.

Suite à cette trahison, elle n'a plus jamais fait confiance à un homme, elle a même déménagé à cause de celui ayant conquit son cœur. Pour ma part, je lui suis reconnaissante de m'avoir gardée, elle m'a aimée pour deux et se tuait à la tâche pour pouvoir s'occuper de moi. Aujourd'hui, à quinze ans, je suis assez grande pour pouvoir l'aider, même si le lycée prend une grande partie de mon temps.

Mon lycée, lui, est un vieux bâtiment, même s'il est en rénovation, il est toujours aussi dé­crépit depuis plusieurs années. Au sein du lycée, je ne suis pas forcément très populaire, j'ai des amis, mais, nous sommes un groupe plutôt éloigné de la masse; mais, ce n'est pas pour autant que je vais m'en plaindre, après tout, j'ai toujours aimé le calme. De toute manière, je passe la plupart de mon temps libre à écouter de la musique dans mon coin quand mes amis ne sont pas là.

Aujourd'hui était un nouveau jour, comme chaque matin, le soleil se levait et je me préparais pour aller en cours. Je n'étais pas souvent enthousiaste à cette idée, étant plutôt seule dans ma classe. Je récupérais mon cahier de math que j'avais oublié sur mon bureau, le mit dans mon sac, et attrapais un élastique pour attacher mes cheveux châtains en queue de cheval. Après ça, je pris mon sac de cours et sortis pour me rendre au lycée.

Je marchais alors sur le trottoir abîmé des rues me dirigeant vers l'établissement scolaire, écouteurs dans les oreilles et fredonnant la musique qui battait en rythme dans mes oreilles, Poison Me, le sixième ending d'Akuma no Riddle. Arrivée devant le bâtiment, je ne prêtais aucunement attention aux multiples discussions se déroulant dans l'enceinte du lycée et rejoignis le point de rendez-vous que j'avais avec mes amis.

Quand je fus là-bas, je discutais avec ceux étant déjà arrivés jusqu'à la sonnerie, puis je me rendis aux toilettes pour boire un coup, alors que tout le monde était parti. Je n'avais pas peur de la foule...j'étais juste...mal à l'aise, je détestais les regards se posant sur chacune des personnes qui faisaient ne serait-ce qu'un seul pas de travers. Après avoir bu un coup, je m'observais dans le mi­roir pour observer une nouvelle fois mes traits, je n'étais pas narcissique au point de m'admirer dans un miroir, je cherchais juste à retenir chacun des traits de mon visage n'appartenant pas à ma mère. Les seules choses que je tenais d'elle étaient mes yeux vert olive ainsi que mon nez aquilin, le reste venait de mon père; même si ma mère m'avait de nombreuses fois dit d'abandonner les re­cherches sur mon père, je ne pouvais pas m'en empêcher, je voulais lui faire payer les larmes de ma mère et son indifférence quant à sa responsabilité dans ma création.

Comme je commençais à neuf heures, j'attendis que la sonnerie retentisse une nouvelle fois avant de me rendre en cours, c'était un cours de math, une matière que j'appréciais particulière­ment, probablement parce que je comprenais facilement. Je me rendis devant la salle et attendis que mon professeur arrive. Les minutes passèrent et les élèves commençaient à s'agiter, espérant que le professeur soit absent. Malgré leurs espérances, il finit par arriver, accompagné du CPE et d'une fille qui avait l'air d'avoir notre âge.

-Entrez. Annonça notre enseignant.

Tout le monde rentra dans la salle et s'installa aux places qui leur était attribuées. J'étais au premier rang, avec à côté de moi un jeune garçon aux cheveux et aux yeux bruns. La jeune fille qui était avec le CPE, que je soupçonnais d'être une nouvelle élève, entra également et alla à côté du profes­seur.

-Tu peux te présenter.

Elle dévisagea tous les élèves de la classe, quand son regard croisa le mien, je tournais immédiate­ment la tête, je détestais être observée. Elle prit alors sa respiration et annonça d'une voix légère­ment tremblante.

-Bonjour, je...je m'appelle Cécile Damons, j'ai quinze ans et je viens dans ce lycée parce que mes parents ont déménagés...

-Bien, tu peux aller t'asseoir.

Le professeur désigna une place dans le fond de la salle, c'était une des seules places libres. Pour une fois, j'étais contente d'avoir quelqu'un à côté de moi. Le professeur commença à faire l'appel.

-Ella Keis

-Présente!

Ainsi le cours débuta, et comme à mon habitude, j'essayais de ne pas prêter attention au bruit qu'il y avait au fond de la classe. Quand la cloche résonna dans le bâtiment, je rangeais mes affaires et sortis de la classe sans un seul regard pour la nouvelle et les élèves s'étant directement dirigés vers elle pour lui poser de multiples question. Maintenant, c'était une heure d'histoire, une matière que je n'appréciais réellement pas, dans tous les cas, même si je l'aimais, je n'étais pas capable d'ap­prendre plus de deux dates sans les oublier dix minutes après.

Je rentrais dans la salle, j'étais seule, c'était probablement que les autres étaient en train de questionner la nouvelle. Je m'assis à ma place, préparais mes affaires de cours, puis commençais à regarder dans le vide sans écouter la professeure qui s'énervait contre les élèves qui arrivaient en re­tard.

-Je peux m'asseoir ici?

Je levais la tête et aperçus la nouvelle.

-Si tu veux, mais compte pas sur moi pour faire la discussion.

-Oh...d'accord.

Elle s'assit donc en silence et commença à écouter le cours alors que moi, je commençais à décro­cher du cours au bout de moins de vingt minutes.

Quand ce fut finalement la fin du cours, je notais rapidement mes devoirs et m'en allait au plus vite. Je sortis de la salle et commençais à aller dans la cour pour la récréation quand on m'appela,

-Ella!

Je me retournais et aperçus la nouvelle élève.

-Oui?

Elle semblait essoufflée comme si elle avait couru.

-Je voulais juste te poser une question.

-Vas-y.

Je continuais ma route tout en l'écoutant.

-Je me demandais si on ne s'était pas déjà vue, parce que ta tête me dit vaguement quelque chose.

-Tu es déjà venue dans cette ville avant?

-Non.

-Donc on ne se connaît pas, bonne journée.

Elle me suivait toujours.

-Pourquoi t'es froide avec moi!

-C'est pas qu'avec toi, j'aime juste pas les gens. Si tu permets, je dois retrouver mes amis.

Elle me lança un regard déçu et s'en alla. Quant à moi, je partis au lieu de rendez-vous.

-Oh! Salut Ella! Me lança Pierre mon meilleur ami.

-Salut! Tu vas bien?

-Ouais et toi?

-Bien.

-Dis, j'ai entendu dire qu'il y avait une nouvelle élève dans ta classe, t'as fait connaissance?

-Nan, tu sais très bien que j'aime pas les gens!

-Mais...je suis un gens!

-Non, toi tu es un ami.

-Et bien avant d'être ton ami, j'étais un gens. Contesta mon ami d'enfance.

-Oui, mais bon.

-T'as plus d'arguments!

-Si!

-Hum...Ella?

Une voix avait résonné derrière moi, je me retournai et aperçu une nouvelle fois Cécile.

-Oui? Répondis-je d'une voix exaspérée.

-Tu pourrais me passer les cours de début d'année?

-Demandes aux autres. De toute manière, je n'écoute presque pas les cours d'histoire.

-Mais...je ne trouve pas les autres! Et puis je les aime pas, ils posent trop de questions.

Je la fixais, incrédule, puis déclarais d'un air blasé,

-Tu sais que tu fais pareil avec moi et que ça m'ennuie?

-Ella...tu pourrais être plus sympa non? Qu'est-ce qu'elle t'a fait pour que tu sois comme ça avec elle? Demanda Pierre, désespéré.

Je réfléchis quelque temps, c'est vrai que j'étais un peu méchante alors qu'elle ne m'avait rien de­mandé...

-J'aime pas être gentille. Mais bon...si tu veux, j'ai les cours de math, t'en étais à où dans ton an­cien lycée?

-Aux fonctions polynômes du second degrés.

-Aux...quoi?

-Oh? Vous ne l'avez pas encore fait?

-Hum...non, bon c'est pratique, comme ça tu n'as pas besoin des cours, donc tu peux par-

-Ella! Me coupa mon meilleur ami.

-Oui?

-Arrête d'envoyer les gens bouler comme ça! Après tu t'étonnes d'être seule!

-Je pense que je vais éviter de m'immiscer dans vos disputes de couple...Annonça Cécile.

Je la fixais, choquée puis m'écriai,

-Mais on est pas en couple!

-Ah, désolée, j'aurais cru...

Elle rigolait, elle l'avait fait exprès, juste l'expression amusée présente sur son visage expliquait cela.

-Te fous pas de moi.

Je partis m'asseoir sur un banc, vexée. J'en avais marre de tout les gens qui nous disait qu'on irait bien ensemble, cela durait depuis que nous nous connaissions...Je vis Cécile approcher au loin, je me levais donc et m'en allais.

-Ella! Attends!

J'ignorais ses appels, je n'aimais pas qu'on me force à être ami, je n'aimais pas qu'on me force à quoi que ce soit. Je sentais qu'on m'agrippait le poignet. Je me dégageais brusquement avec un re­gard noir et grognais,

-Je déteste qu'on me touche.

-Oh, désolée...mais tu me répondais pas alors...

-C'est juste que je ne veux pas te répondre, c'est tout con, mais ça à l'air dur à piger pour toi!

-D'accord...je te laisse tranquille du coup?

-Oui.

-Eh bien à plus...

-Au revoir.

Elle semblait triste, je ne comprenais pas pourquoi elle tenait tant à faire connaissance avec moi. Dans tous les cas, je n'appréciais pas son comportement. La journée passa, et elle ne s'était plus ins­tallée à côté de moi, et c'était à mon plus grand plaisir.

Quand ce fut la fin du dernier cours, je sortis en dernière, comme à mon habitude, pour éviter au maximum les contacts avec mes camarades de classe. Sur le chemin de chez moi, m'éloignant de plus en plus de la foule du centre-ville, je réfléchissais, sans prêter attention à la musique dans mes oreilles. Pourquoi je ne pouvais pas m'empêcher d'être froide avec les gens? Surtout Cécile, enfin, après réflexion elle n'avait rien fait de mal et j'avais été méchante avec elle. Quand je fus chez moi, j'abandonnais mes pensées et me dis que, dans tous les cas, ça n'avait aucune forme d'importance, j'étais très bien seule, avec uniquement quelques amis.

J'ouvris la porte et lançais un «Salut!» à ma mère, qui me répondit depuis la cuisine. Je m'y rendis pour lui parler comme chaque jour à mon retour du lycée. Elle était à la table, en train de boire du thé avec une fille de mon âge.

-C'est qui?

-Elle a trouvé Misty dans son quartier, donc elle l'a ramenée ici et je lui ai proposé de rester.

Misty, mon adorable chaton gris, je ne pouvais pas me passer de sa compagnie.

-Ah, dans ce cas...merci...Hum...

D'ailleurs...sa tête me disait légèrement quelque chose.

-Mais en fait...tu te souviens même pas de moi!

-Hum...nan. Quoi que ta voix me...oh oui! Cécile...

-Tu ne te souvenais même pas de moi?

-Bah, j'ai pas regardé ta tête...

-Vous vous connaissez? Questionna ma mère.

-Oui, c'est une nouvelle dans la classe...

-Oh et bien, si tu veux rester Cécile, tu peux aller à la chambre avec Ella.

-C'est bon, je ne veux pas déranger...

-Mais tu ne déranges pas, ne t'en fait pas! déclara ma mère, toujours souriante.

Cécile me lança un regard comme pour vérifier si j'étais d'accord.

-C'est bon, viens, je vais te montrer...

-D'accord.

Elle avait une voix enjouée, elle devait être heureuse que j'accepte je suppose...Je commençais à me diriger vers ma chambre. À peine entrée, elle laissa échapper un soupir d'admiration.

-Wow.

-Bah, c'est ma chambre. Assieds-toi sur mon lit, vas-y...

Les murs de ma chambre étaient recouverts de poèmes que j'avais écrit, ainsi que de dessins qu'on m'avait offerts par le passé. Cécile s'installa puis se mit à me fixer intensément.

-Quoi? Répondis-je légèrement irritée et gênée.

-Je me demandais pourquoi tu étais si différente ici...

-Comment ça? Répondis-je sur le même ton.

-Eh bien, tu es plus gentille comme ça...

-Tu préfères que je sois comme au lycée? Demandais-je froidement.

-Non...pas du tout...c'est juste que c'est surprenant.

-Je ne veux pas faire de la peine à ma mère en agissant naturellement. J'allais pas t'envoyer chier alors qu'elle était à côté.

-Oh...je vois...donc tu ne m'apprécies toujours pas.

Il y eu un silence pesant.

-Pourquoi tu ne m'aimes pas? Qu'est-ce que je t'ai fait?

-Rien. Et ce n'est pas toi en particulier, je te l'ai déjà dit.

-Oui, mais bon...tu m'as même pas reconnue alors que je t'ai parlé toute la journée...

-Bah, c'est normal je te regardais pas...je reconnaissais juste ta voix.

-Oh...

Elle finit par se tourner vers le mur et commença à lire un de mes nombreux écrits. Alors qu'elle était de dos, je décidais de la regarder, je n'avais jamais prêté une grande attention aux personnes qui m'entouraient, mais je décidais de pouvoir être capable de la reconnaître sans l'entendre. Elle avait de longs cheveux noirs dévalant son dos en cascade pour s'arrêter en bas de celui-ci, elle avait des épaules plutôt larges et une taille fine.

-Il est joli ce poème...

Je me concentrais à nouveau sur ce qu'elle faisait.

-C'est lequel?

-Perles.

-Oh, celui-là...tu l'as compris?

-Je pense.

-D'accord.

Je la regardais dans les yeux, ils étaient marrons doré.

-Tu as de jolis yeux tu sais?

J'avais lâché ça sans réfléchir, elle arrêta de bouger un instant puis répondit en se grattant la nuque, probablement gênée.

-Hé bien...merci...Les tiens aussi sont jolis...

Je continuais de la détailler sans lui répondre, elle avait un visage plutôt fin et la peau mâte.

-Tu peux arrêter de me fixer...c'est perturbant...

-Je sais.

-Tu le fais exprès? S'exclama-t-elle d'un ton que je ne parvenais pas à analyser.

-Non, j'essaie juste de retenir ta sale tête...

Elle bloqua un instant puis cria,

-Comment ça ma sale tête!

-Ça veut dire ce que ça veut dire.

-Tu vois tu commences à être plus gentille!

C'était vrai, j'avais cessé de mettre mon masque quand il y avait ma mère et elle en avait profité pour me faire m'ouvrir à elle.

-Bon c'est pas tout ça, mais il est dix-neuf heures, je dois rentrer chez moi pour manger.

-Ok. Bon retour alors.

-À demain.

Je ne lui répondis pas, je préférais réfléchir à l'attitude que j'aurais face à elle demain. Elle s'en alla et je commençais alors mes devoirs. Le lendemain, je commençais à nouveau par math, nous étions dans une autre salle, où j'étais assise seule. Je présumais donc que la nouvelle allait venir s'asseoir à côté de moi. Quand toute la classe fût entrée, j'entendis la chaise à côté de moi bouger,

-Je peux m'asseoir?

Je l'ignorais royalement.

-Pourquoi tu recommences à être froide! T'étais plus cool hier...

-Hier était hier et aujourd'hui est aujourd'hui.

Elle souffla et s'installa en silence. C'était plus simple pour moi de faire ainsi, je l'aimais bien, mais je n'appréciais pas avoir trop d'amis, une équation simple, plus on a d'amis, plus les chances de se faire trahir augmentent.

Le cours de math se passa sans aucun mot de ma voisine de table. Après les math, nous avions une heure d'étude, je décidais de rester dans la cour et m'installais sur un banc.

-Ella!

J'étais parfaitement consciente que cela faisait deux minutes qu'elle m'appelait et que je l'ignorais royalement.

-Bon, je suppose que tu m'écoutes mais que tu ne me réponds juste pas...Je voudrais juste que tu me dises pourquoi tu réagis différemment ici et chez toi, enfin, en tout cas hier. Et ne me réponds pas «hier était hier et aujourd'hui est aujourd'hui».

-Tu agis de la même manière quand tu es chez toi et quand tu es au lycée?

Elle sembla surprise par ma question.

-Eh bien...oui, pourquoi?

-Ah bon? Tu en es sûre? Pour ma part, je suis persuadée que chacun joue un rôle.

-Tu joues un rôle au lycée?

-Non, chez moi. Je ne veux pas faire de peine à ma mère, alors j'agis comme quelqu'un que je ne suis pas. Ça répond à ta question?

-Oui...du coup...je suppose que tu ne m'apprécies pas...

-Ce n'est pas que je ne t'apprécie pas, c'est juste que je n'ai aucun avis sur la chose. Tu es...tu vois, il y a des personnes en ce monde que tu connais, tu connais leur nom, leur visage, leur voix, mais tu ne les apprécies pas, tu ne les détestes pas, ce sont des personnes sans importance à tes yeux. Eh bien voilà.

-Du coup, on peut faire connaissance? Comme ça je ne serais plus dans la catégorie «invisible».

-Si tu veux...mais je te promets rien...

-Ah bah enfin!

Je ne répondis rien et elle me fixait, l'air de me demander de dire quelque chose. Je ne répondis pas à son appel silencieux.

-Hum...t'aimes quoi comme type de musiques? Finit-elle par lâcher face à mon mutisme.

-Tu connais les Vocaloids?

-Non, pourquoi?

-Bah, c'est ce que j'écoute.

-Oh, tu peux me faire écouter?

-Si tu veux...

Je sortis mes écouteurs et les branchais à mon téléphone.

-Tiens.

Je lui tendis les écouteurs et lançais la musique Aitai de GUMI. Après avoir écouté une minute de la chanson, elle retira les écouteurs.

-C'est...spécial.

-Pourquoi tout le monde dit ça? C'est ce que c'est! Et puis me demande pas ce que j'aime comme musique pour critiquer ensuite...

-Je critique pas, je donne mon avis et t-

-Un avis est censé être constructif.

-Mais t'es susceptible ma parole!

-J'en suis parfaitement consciente. Et si tu ne m'apprécies pas, vas voir ailleurs.

Elle ne comprenait pas que je souhaitais être seule? Je m'étais habituée à mes moments de paix pen­dant mes heures d'études mais maintenant, elle venait me voir, c'était énervant.

-Tu l'es encore plus là, tu sais?

-Je le sais.

En vérité, je n'étais pas le moins du monde susceptible, je ne me souciais pas du regard des gens, je faisais juste ça pour qu'elle parte.

J'équipais mes écouteurs, lançais Servant of Evil puis me mis à fixer le vide, laissant mes pensées vagabonder dans le merveilleux monde qu'est l'imagination, que des choses désirées et aucune pré­sence nuisible.

-Ella? Ella?

Enfin...jusqu'à un certain point.

-Oui?

Je crois que l'exaspération dans ma voix était perceptible, car elle me jeta un regard froid. Elle avait finalement compris que je ne voulais pas de compagnie?

-Je voulais juste te dire que ça avait sonné.

-Ah...merci...

Je crois que j'avais été un peu trop méchante. Mais, elle n'avait pas qu'à trop forcer après tout. Je me rendis alors en cours d'anglais et vis qu'il n'y avait personne. Après réflexion je me rendis compte d'une chose: C'était la récréation.

Je retournais donc dans la cour, quelle idiote elle était, me prévenir que ça avait sonné alors que c'était la récréation...Je me rendis donc au point de rendez-vous pour retrouver mes amis et vis Cé­cile et Pierre discuter ensemble. Emportée par ma curiosité je décidais d'écouter.

-Je l'avais prévenu que ça avait sonné...Elle devrait être là pourtant...Ah...elle est peut-être partie en cours après tout...

-Mais c'est stupide!

-Bah, elle était dans ses pensées... je crois que je l'ai vexée...

-Ne t'en fait pas, elle a probablement fait ça pour te faire dégager.

-À ce point?

-Oui. Elle est devenue énervante à rejeter tout le monde depuis qu'elle cherche son père!

Il avait osé lui en parler? Je m'approchais de la scène, lançais un regard noir à mon «meilleur ami» et lui crachais,

-Et bien si je suis chiante, ne viens pas me parler.

Je me retournais et m'en allais d'un pas déterminé, mais les larmes aux yeux. Pierre ne me retint pas, peut-être pensait-il que j'allais revenir demain, ou après-demain, portant le même sourire que dans le passé, mais non, ses mots m'avaient blessée.

Je savais que j'étais insupportable, je savais que j'étais froide, distante et entêtée au point de vouloir retrouver un père jamais rencontré uniquement pour me venger. Mais, les reproches de celui en qui j'avais le plus confiance, de celui que je considérais comme mon frère, m'avaient détruite. Pourquoi ne pas me les avoir faits en face? J'aurais fait un effort! J'aurais essayé de changer! Mais non, il avait continué de me sourire hypocritement tandis qu'il disait du mal de moi dans mon dos.

Non...en vérité, j'étais fautive, je savais que devenir amie avec quelqu'un impliquait des risques de se faire trahir, et c'est arrivé. Je n'aimais pas parler de mon père, du fait que je le recher­chais; mais lui, il l'avait dit, comme si c'était une chose futile. Le jour où je lui en avais parlé, j'avais stipulé que je ne souhaitais pas mettre grand monde au courant, pourtant, il en avait parlé à Cécile, et peut-être à d'autres après tout...

La confiance est quelque chose de traître. Il ne faut jamais l'accorder. À qui que ce soit. Même si on connaît bien la personne.

Jamais.

C'est comme ça que ma mère s'est retrouvée dans cette situation.

-Ella!

Une voix. Un appel. Je l'ignore. Sans même chercher à qui elle appartient.

-Ella!

Une nouvelle tentative. Une récidive. Je me retourne. Face à celle m'ayant interpellée.

-Quoi?

Un mot sec. Un mot emplit de colère.

-Je...je suis désolée pour ton meilleur ami...mais je ne pense pas la même chose que lui. Tu n'avais pas fait ça pour me faire partir hein?

-Si. J'avais fait ça pour ça. C'est bon? Tu me laisses tranquille? Tu me détestes?

Elle resta silencieuse. J'avais probablement ma réponse...Après tout, mon caractère était horrible, je méritais d'être seule, et puis, ça m'arrangeait! Après tout...c'est ce que j'ai pensé toutes ses an­nées, non? «Je suis mieux seule.».

-Tu penses vraiment ce que tu dis?

-Bien sûr.

Bien sûr. C'est le fond de ma pensée, c'est ce que j'ai toujours pensé. Pas vrai?

Je n'avais jamais remis ma pensée en cause...Je n'avais jamais remis en cause mes paroles, les considérant comme ma vérité, ma seule vérité.

Mais...était-ce le cas?

Cécile semblait réfléchir, elle me fixait d'un air sérieux.

-Tu es bien seule?

-Oui...

Toute ma certitude envolée, mes mots étaient faibles et mes phrases perdues dans l'air étouffant de ce monde. Je me sentais flancher, je ne devais pas...m'attacher...

-Tu mens, pas vrai?

-Je...ne mens pas...je...je ne sais juste pas...Pourquoi tu as tout remis en cause? J'étais bien ain­si...

-Tu étais vraiment bien?

-TAIS-TOI!

Alors que j'avais hurlé, de nombreux regards s'étaient posés sur nous alors que les larmes me mon­taient aux yeux.

-Tais-toi...Arrête de tout remettre en cause...je...laisse-moi...

Non...je ne devais pas être faible...Je devais...rester concentrée sur ma seule mission...

-Si tu veux, tu reviendras me voir quand tu te seras calmée.

Elle souriait...elle souriait alors que les larmes dévastaient mon visage! Elle était sans cœur? Ou alors était-ce sa vengeance face à mes horribles paroles? Si c'était cela, c'était bien réussi, je n'arri­vais pas à m'arrêter de pleurer alors que les visages se détournaient de ma présence effacée. Elle était partie...après tout, je le lui avais demandé.

Il me restait encore une journée entière à passer. La sonnerie commençait à résonner alors que ceux ayant cours se rendaient dans leur salle tandis que ceux n'ayant rien à faire restaient à discuter. Re­fusant de me présenter en cours d'anglais avec un visage ravagé par une tristesse irrationnelle, je sortis du lycée et fis un tour dans la ville. Mes larmes avaient cessé de couler, probablement à cause de mes yeux secs. Je sentais un grand trou dans ma poitrine, comme si mon cœur n'y était plus, cette sensation m'empêchait de respirer correctement, m'envahissant de plus en plus, se propageant dans mon corps plongeant chacune de mes pensées, chacune des parcelles de ma peau dans un pro­fond mal être. J'avais envie de hurler, j'avais envie de pleurer, j'avais envie qu'on me rassure...

Cela faisait un bout de temps que j'étais assise sur un banc, fixant le vide. Et, alors que je daignais enfin regarder l'heure, je vis une dizaine d'appels manqués de ma mère. Je décidais de la rappeler pour la rassurer mais mon doigt refusait d'appuyer sur le bouton vert. Normalement, mes cours se finissaient dans une dizaine de minutes, cela faisait plusieurs heures que j'étais ici, sans bouger. Je décidais de rentrer à la maison, quitte à subir les réprimandes de ma mère. Au bout d'un quart d'heure, j'étais face à ma maison, mes forces me quittaient alors que je voulais appuyer sur la poignée. Lorsque j'arrivais enfin à trouver le courage de rentrer, je tombais sur une scène surpre­nante: Ma mère et Cécile étaient en train de discuter sur le canapé.

-Oh, ma chérie! Tu es rentrée! J'ai eu si peur!

Ma mère venait de se jeter sur moi et me prit dans ses bras, je me raidis à ce surplus d'affection.

-Maman...Lâche-moi...

-Mais, tu es partie du lycée sans donner de nouvelles à qui que ce soit! Quand la vie scolaire m'a appelée j'étais paniquée, surtout que tu ne répondais plus...

Je restais silencieuse puis murmurais:

-Désolée...

-Heureusement que ton amie est venue me dire ce qu'il se passait!

Je tiquais au mot qu'elle avait employé pour désigner Cécile.

-Et elle t'a dit quoi au juste?

-Que Pierre t'avait dit des choses méchantes et que ça t'avait blessée.

-Je vois. Je vais dans ma chambre.

-Hé, tu ne veux pas parler avec elle?

Je ne répondis pas, laissant pour la première fois mes véritables émotions prendre le dessus sur mon rôle, et m'enfermais dans ma chambre. Cette fille...elle était entrée dans ma vie il y a deux jours et c'était déjà le bordel! De plus elle s'était permise de dire une fausse raison à ma mère. Oui, les mots de Pierre m'avaient blessée, mais, ce qui m'avait fait le plus de mal c'était les remises en question de mes propres choix par cette inconnue. Elle ne savait rien de moi, du moins, pas assez pour pré­tendre me comprendre...pourtant, elle avait vu juste, elle avait brisé mon armure en quelques mots.

Je me glissais dans mon lit et pleurais de nouveau, des billes salées dévalaient mon visage pour s'écraser contre mon matelas nouvellement trempé. J'entendis la porte s'ouvrir et se refermer puis je sentis une présence se rapprocher de moi.

-Maman...laisse-moi s'il te plaît...

-Je ne suis pas ta mère.

-Alors dégage.

-Ella...je suis désolée d'avoir menti à ta mère quant aux raisons de ton départ du lycée, mais je me doutais qu'elle serait inquiète donc je suis allée la voir, et j'avais cru comprendre que tu ne voulais pas lui montrer le caractère que tu me montrais, du coup, je ne lui en ai pas parlé...

-Fous-moi la paix...

-Ella, s'il te plaît, pardonne-moi...

-J'ai pas envie.

-Mais...tu vois bien que tu n'étais pas bien seule! Je pourrais être ton amie!

-Je t'ai dit de me laisser!

Elle ne bougea pas, enfin, elle ne partit pas, je la sentis s'asseoir sur le lit. Je repoussais ma couette et m'assis.

-Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans «Laisse-moi tranquille»?

Je retenais tant bien que mal mes larmes, refusant qu'elle me voit une nouvelle fois pleurer.

-Tu veux vraiment être seule?

-Oui.

Je ne sais pas...non...pourquoi je ne me comprends pas moi-même?

J'étais perdue, je me sentais vide, je voulais pleurer, mais, je ne souhaitais pas qu'elle me voit dans cet état.

Pourquoi restait-elle à insister alors que je la repoussais sans cesse? Pourquoi ne faisait-elle pas comme les autres, à ignorer mon existence et à me laisser vivre comme je l'entends sans jamais re­mettre en cause mes principes?

Je la sentis prendre ma main dans la sienne, je ne cherchais même plus à me débattre, recommen­çant même à pleurer sans m'en soucier. Je ne faisais plus attention à ce qui m'entourait, versant toutes les larmes de mon corps sans trop comprendre pourquoi. Je ne comprenais vraiment plus rien. Qui étais-je? Comment étais-je?

Je sentis quelqu'un m'attirer contre lui, me frottant le dos pour me réconforter, c'était probablement Cécile, enfin, je n'en avais rien à faire, je me laissais simplement aller.

Au bout de quelques minutes j'arrêtais enfin de pleurer, je me laissais simplement tomber sur le lit, retenue par la jeune fille m'ayant tenu compagnie. Alors que je sentais mes forces me quitter, elle m'allongea dans mon lit et s'en alla tandis que je commençais à sombrer dans les ténèbres du som­meil.

Lorsque je me réveillais enfin, je pris conscience des évènements précédents: Je m'étais lais­sée aller. Je ne savais pas comment réagir avec Cécile à présent. Ce que je savais par contre c'était que je ne pouvais plus agir comme avant, tout du moins avec elle. Je jetais un œil à l'heure: il était cinq heures du matin, je décidais de me lever et de me préparer, ne ressentant aucune fatigue, c'était probablement parce que je m'étais couchée tôt hier. Je me souvins alors que je n'avais pas fait mes devoirs. Je m'habillais et descendis pour déjeuner. Il y avait un repas sur la table, ce devait être ma mère qui avait laissé des restes du repas d'hier soir qui avait eu lieu quand je dormais. Je mangeais en vitesse et partis me brosser les dents et les cheveux. Après la routine matinale effectuée plus tôt que d'habitude, je commençais mes exercices d'espagnol puis passait à ceux de physique-chimie. J'entendis alors du bruit venant de la chambre de ma mère, elle venait probablement de se réveiller. Ses pas résonnaient dans le couloir et se dirigeaient vers ma chambre. La porte s'entrouvrit laissant apparaître le visage de ma mère.

-Ah, tu es réveillée ma chérie.

-Oui, je me suis couchée tôt hier...

-D'accord, tu as vu que je t'avais laissé un repas sur la table?

-Hum, j'ai mangé. Je viens de penser qu'il me faudrait un mot d'absence...

-Tu veux y aller?

-Il faudrait que j'y aille...j'ai déjà raté la plupart des cours d'hier...

-D'accord, si tu n'es pas en forme aujourd'hui tu peux rester à maison.

-Hum, hum, ça ira.

Je sortis mon carnet de correspondance et le tendis à ma mère puis lui donnais un stylo. Je regardais ensuite l'heure alors qu'elle rédigeait le mot; il était six heures et demie. Je récupérais mon carnet et regardais le motif qu'elle avait écrit: maux de tête.

-Maman...je ne sais pas si ce motif passera...dans ce genre de cas, je dois aller voir l'infirmière et c'est elle qui décide si je peux rentrer chez moi, et la vie scolaire est prévenue...

-Tu veux que je donne la vraie raison?

-Hum...non, c'est bon, je vais faire avec ça...

Je finis mes devoirs en vitesse sous le regard inquiet de ma mère.

-Maman, je t'assure que je vais mieux!

-Mais...Tu t'es brouillée avec Pierre, et Cécile m'a dit que tes autres amis ne venaient plus te par­ler...

-Cécile n'est là que depuis deux jours! Ils vont revenir! Et pour Pierre...ça n'a aucune impor­tance...

-Mais...tu es sûre qu'ils vont revenir? Si Pierre a été méchant, il leur a peut-être raconté des choses fausses sur toi...

-Je...il n'aurait pas fait ça...

Et ça recommence...J'allais de nouveau craquer...

-Mais ma chérie, tu comprends que je ne veux pas que tu sois seule...

Eh bien...Cécile s'était faite passer pour mon amie? Autant que ça serve à quelque chose...enfin, peut-être qu'elle l'était à présent, enfin, ce n'était pas le moment de penser à ça...

-Mais maman, j'aurais Cécile pour me tenir compagnie!

J'avais dit cette phrase avec mon plus beau faux sourire, il n'y avait aucune raison qu'elle ne me croit pas...

-Oui, elle m'a l'air d'être une gentille fille, mais tu avais l'air énervée contre elle hier...

-C'était juste...j'étais juste énervée contre tout le monde...

-Tu n'as pas des problèmes?

-Maman...

Elle posait beaucoup trop de questions.

-D'accord, d'accord, mais si tu en as, parles en moi.

-Oui...

Je finis de me préparer et regardais des vidéos sur mon ordinateur jusqu'à qu'il soit l'heure pour moi d'aller en cours. Quand ce fût le moment, je récupérais mes affaires et me dirigeais vers l'éta­blissement, réfléchissant à de nombreuses chose, et la principale était: Mes amis m'avaient-ils réel­lement abandonnée? C'était plutôt difficile de les retrouver étant donné que nous n'étions pas dans la même classe, mais je finis par y arriver.

-Salut!

Sarah, une de mes amies, se retourna.

-Oh, salut, Ella. Hum...on parlera plus tard, les cours vont bientôt commencer et je dois aller poser des affaires dans mon casier.

Elle s'en alla suivie des autres. Au moins, j'étais fixée, elle n'avait jamais posé d'affaires dans son casier. J'allais m'asseoir sur en banc, le regard dans le vide. Après tout, ça se comprenait, vu comme j'étais, je ne pouvais pas garder d'amis aussi longtemps. Je soupirais lorsque la cloche retentit. J'étais seule à présent, ils m'avaient abandonnée. En allant en classe, je croisais Cécile, elle n'enga­gea pas la discussion et se contentait de me fixer.

-Pourquoi tu me fixes?

-Ah! Je voulais savoir comment tu allais réagir vis-à-vis de moi...Tu sais...à cause d'hier...

Je soupirais,

-Bon, je vais faire des efforts et essayer de ne pas t'envoyer bouler tout le temps.

-Ça me va! Bon, on rentre?

Je rentrais dans la salle, montrais mon mot d'absence, récoltant un regard sceptique de mon profes­seur, puis partis m'asseoir. C'était un cours comme les autres, je ne le suivais que par intermittence, écrivant un poème sur mon cahier de brouillon. Une fois l'heure terminée, je sortis de la salle et at­tendis devant la porte. Lorsque Cécile sortit à son tour, elle fut surprise de me voir l'attendre puis entama la discussion.

-Du coup...Tu vas mieux?

-Hum...Ouais, un peu...Et c'est en partie grâce à toi.

Je me forçais à sourire, je ne souriais jamais réellement, ça ne m'était arrivé que très rarement. Ce­pendant, elle ne parut pas croire à mon sourire.

-Pourquoi tu te forces à sourire?

-Je ne me force pas...

-Tu es sûre? Pourtant tu as l'air triste...C'est pas logique de sourire quand on est triste.

Elle était plutôt perspicace...

-Mais je suis pas triste!

-Tu en donnes l'impression pourtant...Hum...ça pourrait être de la fatigue sinon.

Je soupirais.

-Ouais...ça doit être ça...

Elle ne semblait pas convaincue, mais ne dit rien. Nous allâmes ensuite en cours...La plupart de nos échanges étaient très courts, nous ne savions pas trop quoi dire.

Les jours passaient, se ressemblant tous, je n'avais même pas pris la peine de chercher à me récon­cilier avec mes anciens amis. J'avais mis les recherches de mon père de côté pendant un moment, ne parvenant pas à trouver quoique ce soit. En cours, je continuais encore d'écrire des poèmes, tou­jours sur le même sujet. En fait, avoir une amie ne changeait rien à ma vie. Certains disent que l'amitié change la vie...Moi, je ne suis pas de leur avis.

Dans tous les cas, il lui arrivait parfois de venir chez moi, ma mère l'appréciait bien et n'y voyait aucun inconvénient. Nous étions plutôt proches, comme des meilleures amies...Pourtant, nous agis­sions ensemble comme des connaissances: peu de discussion, aucun secret délivré. C'était plutôt troublant, enfin, c'était ma faute évidemment, je refusais de lui parler de moi quand elle me deman­dait.

-Je crois que je les ai enfin tous lus.

Elle était debout, face à la porte de ma chambre, fixant un de mes poèmes placardés sur la porte.

-Tu sais qu'ils ne sont pas tous sur les murs?

-Ah bon? Ils sont où les autres.

Je pointais du doigt mon ordinateur.

-Là-dedans, mais s'ils ne sont pas sur les murs, c'est que je ne veux pas que quiconque les lise.

-Allez! S'il te plaît!

-Non.

Je restais assise sur mon lit, prête à la virer de chez moi si elle osait essayer de les lire. Les écrits présents dans mon PC étaient beaucoup plus sombres que ceux affichés dans ma chambre, et, cer­tains traitaient même de la recherche de mon père...Et, d'autres choses que je ne comprenais pas. Je jetais un œil à l'heure: il était minuit passé.

-Bon, on dort?

-Hum...ouais, je vais me mettre en pyjama.

Sur ces mots, elle prit son sac et sortit de la chambre tandis que je m'installais dans mon lit. Quand elle revint, elle se glissa sous la couette, à côté de moi.

-Bonne nuit.

Elle répondit par un rapide «Toi aussi» puis sa respiration commença à devenir plus régulière, elle devait s'être endormie. Je fixais le plafond, bien que ne pouvant le discerner dans la pénombre de ma chambre; cela faisait trois mois que nous nous connaissions, nous étions en février, il ne restait plus que quatre mois avant les grandes vacances. Je soupirais et fermais les yeux, m'en allant vers le monde des rêves.

Je fus réveillée par une légère lumière se diffusant dans la chambre. J'ouvris les yeux et m'assis sur mon lit, constatant la fraîcheur de la place à côté de moi, je me frottais les yeux et re­marquais qu'il n'était que trois heures du matin, je parcourais ma chambre du regard pour chercher la provenance de la lueur m'ayant réveillée puis me levais.

-T'es sérieuse?

Je fixais la personne présente devant mon ordinateur d'un air froid puis allumait la lumière.

-Récupère tes affaires et dégage.

Cécile se tourna vers moi, sûrement surprise que je sois réveillée.

-Ah...Ella...J-je suis désolée...je-

-Juste, dégage.

Je sentais mes yeux me brûler; maintenant elle savait tout sur moi, de mes petits moments de bon­heur jusqu'à mes obsessions et en passant par ma haine envers l'intégralité de l'espèce humaine...Enfin, hormis ma mère...Et elle.

Elle s'approcha de moi, en vue de faire je ne sais quoi, mais je reculais.

-Je suis vraiment désolée...C'est juste que...Je voulais savoir ce qui te pesait et...

Elle était en larmes, ses paroles entrecoupées de sanglots, mais je n'en avais rien à faire, elle n'avait pas à fouiller dans ma vie privée.

-Pars. Enfin, tu peux rester jusqu'à huit heures. Que tes parents ne se demandent pas où tu es. Mais je t'interdis de me parler.

J'éteignis l'ordinateur puis retournais dans mon lit et mis ma tête sous la couette, commençant à pleurer en silence. J'entendais les pleurs de Cécile dans mon dos, l'entendre pleurer ainsi me déchi­rait le cœur, mais j'avais pris ma décision; je ne devais pas revenir dessus. Je fermais les yeux et es­sayais un vain de m'endormir.

-Désolée...Désolée...Désolée...

La fille avec moi ne cessait de répéter ce mot, tandis que je me faisais violence pour ne pas la par­donner. C'est dans cette ambiance-la que je trouvais le sommeil. Je me réveillais une nouvelle fois, sentant quelqu'un collé contre moi. J'ouvris les yeux, l'obscurité était totale dans ma chambre, je me décollais de la personne, qui était très probablement Cécile et manquais de tomber du lit. Je poussais un petit cri qui sembla réveiller la jeune fille à mes côtés. Elle bailla.

-C'était quoi ce cri?

-Rien.

Je me tournais vers elle pour ne pas tomber.

-Décale-toi.

Elle s'éloigna de l'autre côté du lit et je me remis à ma place en soupirant. Alors que je m'apprêtais à me rendormir, elle me prit dans ses bras en murmurant «désolée»; je relevais la tête, m'apprêtant à la repousser quand je sentis ses lèvres sur les miennes, juste une fraction de seconde avant qu'elle ne se recule sous la surprise.

-D-désolée! J-j'ai vraiment pas fait exprès!

Sa gêne se ressentait dans sa voix, mais elle semblait également dire la vérité. Quant à moi, je res­tais immobile, sans rien dire.

-Vraiment, désolée!

-C'est...r-rien...

Je sentais mon cœur battre à mille à l'heure dans ma poitrine et...j'avais étrangement envie de re­commencer. Je me levais et allumais mon téléphone pour regarder l'heure, il était cinq heures, je soupirais.

-Qu'est-ce qu'il y a?

-Tu sais quoi...reste jusqu'à ce soir, comme c'était prévu...

-Vraiment? Tu me pardonnes?

-Ouais...

Je n'osais pas allumer la lumière, parce que je venais de comprendre une chose: j'aimais Cécile...Mais elle ne ressentait pas la même chose. Je retournais dans mon lit.

-T'as vraiment pas fait exprès?

-J-je t'assure!

-Je...te crois...

Elle ne répondit rien, sûrement devait-elle réfléchir.

-Bonne nuit...

-Ah...Tu retournes dormir? Bah...bonne nuit.

Je fermais les yeux et me contentais de voyager dans mes pensées, après ce qu'elle avait vu dans mes poèmes, pouvait-elle m'aimer?

-Tu dors?

Je sursautais quand sa voix me sortit de mes réflexions.

-Non...

-Tu veux bien me parler de toi?

Je restais interdite face à sa question et décidais de jouer la carte de l'incompréhension.

-Te parler de quoi sur moi?

-Bah...Ce qu'il y avait...dans tes poèmes...Ton père, ce que tu ressens...

Je sentis mes joues brûler mon visage à la fin de sa phrase, est-ce qu'elle avait compris avant moi le sens des vers que j'écrivais sur elle? Je soupirais.

-Comme tu as déjà vu pas mal de trucs...je suppose que oui...Mon père a abandonné ma mère en apprenant qu'elle était en ceinte, elle a appris quelques jours plus tard qu'il était marié...Ma mère a donc dû m'élever seule et je l'ai aidée dès que j'étais en âge de le faire, depuis mes douze ans, je re­cherche mon père mais...Je n'ai toujours rien trouvé...

Elle resta silencieuse quelques secondes puis demanda:

-Et...Pourquoi tu n'aimes pas les gens?

-Parce que les gens peuvent te trahir à tout moment, comme quand mon père a trahi ma mère ou que Pierre m'a trahi...

-Dans ce cas...pourquoi tu me fais confiance?

-Je sais pas...

Bon...Je savais...Un peu...

-Ça te dirait d'aller à une soirée chez moi pendant les vacances?

-Hum...En quel honneur?

-Me dis pas que t'as oublié! C'est mon anniversaire quand même!

-Bien sûr que non! J'avais pas oublié...Pas du tout...

Vu le ton que j'avais pris en disant cette phrase...On voyait que j'avais oublié. Elle soupira.

-Tu es irrattrapable.

-Mais du coup c'est quel jour?

-La fête ou mon anniversaire?

-Les deux?

Elle soupira une nouvelle fois.

-Le dix-sept février pour mon anniversaire et le trente février pour la fête.

-D'acco...Le trente février?

-C'était pour voir si tu suivais! Elle rigola. Le deux mars.

-Je verrais ça avec ma mère...C'est juste la soirée?

-Bah, je vais sûrement organiser ça l'après-midi donc ouais.

-Il y aura qui?

-Des amis d'avant que je déménage...j'ai réussi à négocier la maison, il n'y aura pas mes parents!

Nous continuâmes à discuter de tout et de rien tandis que je réfléchissais à un cadeau à lui offrir. Son anniversaire était dans deux jours, mais j'allais probablement attendre la soirée pour lui en of­frir un...plus de temps pour réfléchir, je n'avais jamais été douée avec les idées de cadeaux.

Ma mère se réveilla assez tôt, comme à son habitude, et après une simple demande, elle ac­cepta que j'aille à la soirée...à condition de ne pas faire de bêtises. Le temps passa jusqu'à son anni­versaire, puis jusqu'à la fête.

-Yo Ella.

Je rentrais dans sa maison après lui avoir rendu sa salutation. Sa maison n'était pas très grande, mais assez pour accueillir une dizaine de personnes. Il y avait déjà trois garçons et deux filles qui parlaient entre eux dans la pièce principale.

-Donc, Ella, je te présente Julie, Marianne, Jake, Samuel et Paul.

-Salut...

Je me sentais un peu mal à l'aise face à ces six personnes se connaissant, j'avais l'impression de faire tache.

Après les présentations faites, Florian, un autre ami de Cécile arriva. Nous discutâmes de tout et de rien puis, après quelques verres d'alcool de la part de trois des amis, nous commençâmes à jouer à action ou vérité avec comme gage si ce n'était pas effectué...une bouteille de bière...Entière.

-Bon...on commence gentil, Flo, action ou vérité?

-Action.

-Tu dois embrasser Julie! Lança Paul pour démarrer le jeu.

Julie et Florian étaient donc en couple. Le garçon effectua son action sans hésiter puis continua:

-À moi du coup...Ella, action ou vérité?

-Hum...Vérité...

-Quelle est ta plus grosse honte?

Cruel comme question...

-Hum...laisse-moi réfléchir...Je crois que...ça doit être quand j'ai pleuré dans la cours en criant sur Cécile parce qu'elle était chiante.

-Eh! Mais t'es sérieuse? Demanda la concernée d'un air amusé.

-Oui! D'ailleurs, passons au tien!

-Hein?

-Ton plus grand moment de honte!

-Mais...J'avais pas choisi entre action ou vérité...Bah...Elle réfléchit. Quand je t'ai embrassée accidentellement la dernière fois.

Je sentis mon visage chauffer et espérais de tout mon cœur que cela ne se transcrive pas visuelle­ment.

-Oh, vas-y! Raconte-nous! Samuel semblait enthousiaste à cette idée et fût vite rejoint par tous les autres.

-Moi, je soutiens que vous demanderez ça quand ce sera à vous de poser une question! Déclarais-je.

-Bon...Du coup, Julie action ou vérité?

-Action bien sûr!

-Fais une déclaration d'amour à la personne de ton choix.

La jeune fille se tourna vers Paul et annonça:

-Paul! Sache que, depuis que nos regards se sont croisés à la cours de récré du primaire alors que tu venais de te casser la gueule comme une merde, je t'aime de tout mon être!

Tout le monde rigola, Julie avait disons...déjà assez forcé sur l'alcool. Le jeu continua jusqu'à qu'on me demande de raconter le moment...où Cécile m'avait embrassée, à ce moment, la bière m'a parue incroyablement bonne, j'avais pas craché le morceau...mais ma partenaire de malaise, si. Le jeu continua.

-Ella, action ou vérité?

-Vérité.

-Est-ce que tu aimes quelqu'un?

Je ne répondis pas, mais mon silence et mon visage avaient dû répondre à ma question à la place de mes mots.

-Qui c'est, qui c'est? Demanda Cécile.

Je ne répondis toujours pas, là, elle était un peu stupide, sachant que la seule personne que je tolé­rais en ce monde c'était elle...Et ma mère...Mais bon, c'était ma mère quoi...

-Bref, Cécile, action ou vérité?

Je changeais brusquement de discussion.

-Vérité.

-Tu aimes quelqu'un?

-Non...Enfin, je crois pas...

-Comment ça tu crois pas? Renchérit Jake.

-Je sais pas, je ne pense pas aimer quelqu'un...

Bon, on pouvait rien en tirer. Le jeu se déroula, on m'interrogea et je choisis action pour plus de sé­curité.

-Embrasse quelqu'un ici.

-Hein! Mais...

Je pris une nouvelle bouteille et bu l'intégralité de son contenu sans hésiter. Hors de question que j'embrasse Cécile, parce que c'était gênant, et hors de question que j'embrasse quelqu'un d'autre qu'elle. Je sentais les effets de l'alcool se faire sentir au fil de la nuit, je commençais à dire n'im­porte quoi...Et à dire vérité.

-Est-ce que la personne que tu aimes est dans ce groupe questionna Marianne.

Là, j'étais confrontée à un dilemme, dire oui, et qu'on sache que c'est Cécile, ou boire, et qu'on sache que la réponse et oui, donc qu'on sache que c'est Cécile...Enfin, je ne réfléchis pas à deux fois et répondis...

-Oui!

Vive l'alcool! Un silence gênant s'installa alors que j'essayais de rattraper ma réponse.

-Enfin...Non...Mais...Oui...

Je soupirais n'arrivant pas à aligner une pensée cohérente.

-Rah vous savez quoi?

Je me levais et partis en titubant.

-Ella! Reviens!

Ce fut Cécile qui vint me chercher et m'allongea sur son lit.

-Ne pars pas dans cet état! C'est une mauvaise idée. Déclara Jake.

-N'empêche, tu tiens pas l'alcool c'est fou...Ajouta Julie.

-Ta gueule! Je sais très bien ce que je dis...quoique pas trop...

Paul arriva avec un verre d'eau et me le tendit.

-Tiens, boit un peu.

Je m'assis et vidais le verre d'un trait puis me rallongeais.

-Bon, on y retourne? Demanda Samuel.

-Ouais! Une réponse unanime.

Ils repartirent dans le salon, tous hormis Cécile.

-Dis Ella...La personne que tu aimes.

-Toi!

Je baillais et fermais les yeux après l'avoir entendu soupirer.

-Je m'y attendais un peu, vu que c'était quelqu'un du groupe.

Je gardais les yeux clos.

-Tu m'en veux pas hein?

-Non...Ne t'en fais pas...en plus, la personne pour qui j'avais des doutes vis-à-vis de mes senti­ments-

Je n'entendis pas la fin de la phrase, tombant dans un sommeil profond, cependant, il était facile de deviner la fin de celle-ci.

Je me réveillais, le sang battant dans mes tempes et un mal de crâne fulgurant. J'essayais de me le­ver mais abandonnais en sentant une nausée horrible arriver. Je regardais autour de moi et remar­quais que je n'étais pas chez moi. Je vis une horloge sur le mur, il était treize heures. Je regardais à côté de moi et vis Cécile, je la regardais longuement puis me rendis compte que c'était un peu flip­pant...et qu'elle ne portait qu'un T-shirt en plus de ses sous-vêtements...Et bien sûr, elle dormait sans couverture. Je sentis le rouge me monter aux joues, puis me souvins de ce que je lui avais avoué hier soir, et de hier soir en général. Je mis la couverture sur son corps puis me levait tant bien que mal pour tomber moins d'un mètre plus loin, en vomissant mes tripes...quoi de plus classe? Tout.

-Ella? Ça va?

Je me tournais vers elle et quand elle remarqua mon état, elle m'aida à me lever et me conduit aux toilettes. Je continuais d'élégamment déverser mon intérieur dans les toilettes.

-Les joies de la première cuite!

Le sarcasme est vraiment une merveilleuse façon de s'exprimer. Cécile continua dans sa lancée.

-N'empêche, tu tiens vraiment pas l'alcool...T'as bu quoi? Deux bières?

-J'avais goûté deux trois autres trucs avant...Je crois...Je suis pas sûre en fait.

Elle soupira.

-Bon, je vais te laisser, je vais nettoyer ma chambre.

-Ah, non, laisse, je vais le faire...Enfin...c'est ma faute...

-Tu veux le faire dans ton état?

-Bon...ok, t'as raison...mais bon...

-Non, c'est rien, ça m'est déjà arrivé plein de fois.

-Désolée...

Je finis par aller un peu mieux et par la rejoindre. J'entrais dans sa chambre.

-Ah, tu vas mieux! Elle me tendit des vêtements propres. Va te doucher, tu seras mieux.

Je fis alors ce qu'elle demandait puis retournais la voir, cependant, elle n'était plus dans sa chambre. Je partis alors au salon et la retrouvais attablée avec ses amis, je me posais avec eux à la table et mangeais ce que je pouvais tout en discutant avec eux. Nous finîmes tous par rentrer chez nous, au final, les amis de Cécile étaient plutôt cool.

Une fois chez moi, ma mère me demanda comment s'était passée la soirée, je lui racontai...puis me fis engueuler pour avoir abusé sur l'alcool. Des jours monotones de vacances défilaient, je n'osais pas inviter Cécile à cause de l'aveu que je lui avais fait, je passais donc mes journées seule à jouer à Mario Kart, journées passablement ennuyantes à la longue. Quelqu'un toqua à la porte, étant seule à la maison, je partis ouvrir.

-J'arrive!

Quand j'ouvris la porte, ce fut Cécile qui entra, sans même demander la permission d'ailleurs...

-Je dois te dire un truc important!

Elle partit à ma chambre sans me laisser le temps de répondre.

-Ah mais! Attends!

Quand j'arrivais dans ma chambre, je la trouvais assise sur mon lit et le regard sérieux. Je m'assis à côté d'elle et demandais:

-Donc?

Elle se tourna vers moi et m'embrassa, sans même prévenir. Je ne réagis pas immédiatement, sous la surprise, puis lui rendis son baiser.

-Voilà!

-Comment ça: «Voilà!»?

-Bah...j'ai dit ce que j'avais à dire.

-Alors, non, puisque tu n'as rien dit...

-Tu vas pas être chiante!

Je souris et répliquais, amusée:

-Si~.

Elle m'embrassa une nouvelle fois en m'allongeant sur mon lit, ses lèvres descendirent sur mon cou tandis que sa main gauche glissait sous mon T-shirt, j'arrêtais tout mouvement, surprise par cette soudaine prise de confiance de la part de la jeune fille, puis elle s'arrêta aussi.

-Ah...D-désolée...J-je vais trop vite?

-N-non...c'est bon...

Je fus moi-même surprise par ma réponse, il était vrai qu'elle allait vite...mais la sensation que ça me procurait était agréable, bien que légèrement perturbante. Nous continuâmes à nous embrasser pendant une bonne partie de l'après-midi puis elle fut contrainte de rentrer chez elle.

Les vacances se terminèrent en vitesse, le dernier jour était arrivé...et j'étais en train de faire mes devoirs à l'arraché...parce que je n'avais rien fait de mes vacances.

Au bout de deux heures de travail, j'abandonnais l'exercice d'histoire, je pouvais vraiment pas sa­quer cette matière...et le prof...

-RAH! ÇA ME SAOULE!

Je décidais d'envoyer un message à Cécile pour lui demander son exercice.

Céciiiiiiiiiile! File-moi l'exo d'Histoire s'te plaît!

16h46

Me dis pas que t'as rien foutu des vacances?

16h50

J'ai pas rien foutu...Juste tout fait

à la dernière minute '-'

16h52

Tu sais quoi...C'est nan!

16h53

Pourquoi tant de cruauté?

16h54

T'avais qu'à bosser!

16h54

Mais c'est pas ma faute si t'as

occupé mes pensées toutes les vacances!

16h55

...

16h55

Du coup, s'il te plaît!

16h55

Cécile?

17h00
Tu me fais la gueule?

17h05

Bon...Bah si je me fais punir et qu'on

peut pas se voir...ce sera ta faute ;)

17h06

Pièce jointe

17h07

Merci <3

17h08

T'es vraiment chiante...

17h08

Je sais~

17h08

Suite à cet échange empli de gentillesse, je commençais à recopier l'exercice en remerciant intérieu­rement Cécile d'avoir accepté de me donner l'exercice...bon, j'avais un peu manipulé la chose mais bon! Le lendemain, en cours d'histoire, le professeur releva les copies, quand il récupéra la mienne, Cécile me regarda, semblant se retenir de rire.

-Qu'est-ce qu'il y a?

-Dis-moi que t'as vérifié les réponses.

-Euh...Non...Pourquoi?

Pourquoi je le sentais mal.

-Rien, rien.

Et c'est ainsi que le vendredi, le professeur rendit les copies...J'avais eu trois sur vingt. Je fixais Cécile, dont l'expression oscillait entre le rire et la culpabilité.

-C'était cruel...

-Mais t'avais qu'à vérifier aussi!

Je restais silencieuse, fixant ma note d'un air désespéré.

-Je vais l'expliquer comment à ma mère cette note?

-Tu lui montres pas?

-L'ent Cécile, L'ent...

Elle rigola et me souhaita bonne chance avant de sortir de cours. Je la suivais de près, il nous restait un cours de mathématiques puis la semaine était finie. Je rentrais chez moi avec appréhension puis montrais ma note à ma mère.

-Seconde Guerre mondiale...1914-1918...Ella...

-J'étais fatiguée quand je l'ai fait...du coup j'ai mal lu.

-C'est ça que de s'y prendre à la dernière minute!

Elle me passa un savon et je fus privée de téléphone, d'ordinateur et de voir des gens pendant tout le week-end. Ce fut un très long week-end, mais en compensation, je réussis à négocier pour aller chez Cécile le week-end suivant.

J'arrivais devant chez elle et toquait, elle ouvrit la porte et me sourit.

-Vas-y, entre, mon père est venu manger ici, je pourrais te le présenter comme ça!

J'entrais et me rendis dans le salon, Cécile à ma suite.

-Donc, papa, je te présente Ella, et Ella, je te présente mon père, Eric.

Je le fixais sans un mot, puis lâchais:

-J-je rentre chez moi.

L'air surpris avec lequel il m'avait dévisagée signifiait qu'il avait lui aussi comprit qui j'étais. Je sortis en vitesse de la maison, empêchant les larmes de couler.

-Ah! Ella! Attends! Papa...pourquoi elle est partie comme ça?

-Je ne sais pas ma puce.

Je n'écoutais pas plus la discussion et partis marcher dehors. Je laissais les larmes s'écouler sur mes joues, contrastant avec le soleil apparaissant dans le ciel, le vent frais filant dans l'air me fis frison­ner. Oui, je voulais retrouver mon père, mais pas dans cette situation, pas en tant que père de la fille que j'aime. Je m'assis contre un arbre, dans un parc à quelques centaines de mètres de la maison de celle que je pouvais à présent appeler «ma demi-sœur». Recroquevillée sur moi-même et en larmes, je ne cessais de penser que tout ce que j'avais fait de ma vie était une mauvaise idée: naître, recher­cher mon père, devenir amie avec des gens, avec Cécile, tomber amoureuse d'elle, sortir avec elle, rencontrer son père, mon père...

Je restais ainsi pendant une durée indéterminée jusqu'à qu'une voix me tire de mes lamentations in­térieures.

-Ella...

Je ne répondis pas.

-C'est...qu'est-ce qu'il s'est passé?

Je ne dis toujours rien. Je la sentis me prendre dans ses bras, mais ne réagis pas, j'étais tout simple­ment fatiguée, fatiguée de vivre, tout ce que je faisais finissait par se terminer de la pire des façons, déchirant mon cœur un peu plus à chaque fois. Elle me secoua et je la regardais, le regard vide et perdu alors que je continuais de pleurer.

-Ella...Qu'est-ce qu'il s'est passé.

Je me blottis dans ses bras et pleurais de plus belle.

-Po-pourquoi il faut...Toujours...Que ça finisse...mal...

Au bout de quelques minutes, j'arrêtais de pleurer et soupirais.

-Je...

Ma voix était enrouée. Je me levais sans finir ma phrase et m'étirais.

-On retourne chez toi?

-Hein? Mais...

Je ne la laissais pas finir.

-C'est bon, c'est bon.

Son père avait dû retourner au travail à présent, il n'y avait donc aucun problème pour aller chez elle. Nous retournâmes chez elle, sans qu'elle n'ose me demander une nouvelle fois ce qu'il s'était passé. Elle entra chez elle la première, et moi à sa suite. Au moment où nous allions aller à sa chambre, son père, toujours présent à ma grande surprise, l'appela. Elle s'excusa et partit le re­joindre, de mon côté, j'hésitais à écouter la discussion, mais me décidais finalement à le faire. À quelques pas de la porte de la cuisine, des bribes de discussion me parvenaient.

-Mais, papa! Pourquoi?

-Je n'ai pas de raison à te donner!

Il était très énervé, et avait peur, il avait peur que je dise tout.

-MAIS BORDEL! PAPA, JE PEUX PAS LA LAISSER!

J'entendais les larmes à travers son cri désespéré, je me retenais d'intervenir.

-Tu te feras d'autres amies. C'est pas une qui va tout ch-.

-Mais je l'aime putain! C'est pas juste une amie! Je l'aime!

Je l'imaginais, face au visage ahuri de son père, qui devait se décomposer peu à peu, droite, les larmes aux yeux et le regard froid.

-Je t'interdis de la revoir tout de même!

-Pourquoi? T'es qu'un sale con d'homophobe c'est ça?

-Je t'interdis de me parler sur ce ton!

-Hm? Mais c'est ce que tu es, sinon tu m'interdirais pas de la voir.

C'était une voix hautaine, cynique et déformée par la colère qui avait résonné.

-Tu ne sais pas de quoi tu parles!

-Eh bien explique-moi alors!

Je choisis ce moment pour entrer.

-Bon? Vous avez fini? J'avais dit ça d'une voix détachée, tentant de retenir la colère bouillant en moi.

-Il veut m'empêcher de te voir! Et il dit qu'il n'est pas homophobe.

Je regardais l'homme qui se tenait face à nous et haussait les épaules.

-Je ne sais pas s'il l'est, mais en tout cas, c'est bien un con.

-Je vous interdis de me parler sur ce ton! Cécile, dans ta chambre! Ella, rentre chez toi!

J'eus un petit rire sarcastique.

-De quel droit me donnes-tu des ordres?

Il me lança un regard noir.

-Okay, okay, j'me tire, autant t'écouter pour la première fois où tu joues ton rôle de père.

Cécile me regarda, puis regarda son père, choquée.

-Son...rôle de père?

-Oups! J'en ai trop dit je crois...hm, sur ce, vous allez être en retard monsieur.

J'avais un air assuré, un sourire en coin, tout le contraire de ce que je ressentais, j'avais peur, de mon père, de la réaction de Cécile, de celle de ma mère, de l'avenir de notre relation. Il me fixa, ses pupilles me paraissant encore plus noires à cause de la haine qui scintillait dans ses iris marrons, et là, il me mit une gifle, qui résonna dans toute la pièce.

-Arrête de raconter n'importe quoi! Tu n'es pas ma fille.

-Oh, je vous rassure monsieur, vous n'êtes pas mon père à mes yeux, et j'avais bien compris que mon existence était aussi importante qu'un simple moucheron à vos yeux. Sinon, j'aurais grandi en étant aimée, par deux parents. Pas juste ma mère.

À ces mots, et les larmes menaçant de couler, je sortis de la maison silencieusement, sans savoir ce que mes paroles allaient produire dans la famille de Cécile. Le pas lent, je rentrais chez moi, les larmes dévalant doucement mes joues, et le cœur emplit de culpabilité: j'aurais dû la fermer. Alors que j'arrivais sur le pas de ma porte, j'essuyais mes larmes, pour que ma mère ne voit pas mon trouble. J'entrais et commençais à aller vers ma chambre.

-Ella? Tu es déjà rentrée?

-Ouais...Cécile avait oublié de faire certains devoirs, on se verra la semaine prochaine.

Je souris, bien heureuse que ma mère ne me voit pas, parce que mon sourire devait être le moins crédible du monde. J'entrais dans ma chambre et m'allongeai sur le lit. Demain, c'était lundi, de­main, j'allais au lycée, mais demain, je ne sais même pas s'il y aura Cécile.

Je m'étais endormie sans m'en rendre compte et me réveillais naturellement, je jetais un œil à mon téléphone: 6h28, mon réveil allait sonner. J'éteignis l'alarme et me levais, un mal de tête fulgurant dû au trop plein de larmes versées durant la nuit. Je fis mon sac calmement, posant les cahiers né­cessaires dans la grande poche, puis fermait ce dernier. Je sortis de ma chambre pour aller à la salle de bain et me regardais dans le miroir, le blanc qui entourait mes iris verts et emplies de tristesse était strié de fins vaisseaux rouges, qui avaient éclaté pour marquer mes yeux pour au moins une heure. Mon visage était pâle et j'avais des cernes bien marqués, on aurait dit un mort-vivant. Je pas­sais un gant humidifié sur mes paupières pour essayer de diminuer la sensation de brûlure qui dévo­rait mes yeux, je déplaçais peu à peu le gant sur ma peau, espérant effacer toutes traces de la nuit passée, mais en vain. Je finis de me préparer et partis m'habiller. Quand ce fut sept heures et demie, je partis, écoutant une musique dénuée de parole, sans avoir avalé quoi que ce soit.

Arrivée au lycée, je partis vers ma salle de cours et attendis la sonnerie, elle résonna, nous ren­trâmes tous en cours, le professeur fit l'appel, une absente, Cécile évidemment. La journée me sem­bla vide, j'étais pourtant constamment seule en début d'année, pourtant, ça me dérangeait main­tenant. J'avais essayé de manger à midi, mais vite assaillie par une envie de vomir, j'avais arrêté et était partie. Avec cette journée, j'avais compris quelque chose, non, l'erreur n'était pas d'être tom­bée amoureuse de Cécile, l'erreur c'est d'avoir cherché mon père, d'avoir été apte à le reconnaître.

Les jours passèrent, jours durant lesquels Cécile ne vint pas, les jours passèrent, jours durant les­quels ma mère vit que ça n'allait pas, les jours passèrent, jours durant lesquels j'avais renoncé à tout. Le lundi recommençait, je me levais sans entrain, mangeais quelques trucs, puis allais en cours. Cela faisait un mois que les jours passaient, un mois je j'attendais en savant que ça ne servait à rien, un mois que mes messages étaient sans réponse. Quand une jeune fille est arrivée, qu'elle s'est assise à côté de moi, sans un mot, j'ai compris que plus jamais Cécile ne reviendrait, parce qu'à présent, sa chaise était occupée, par un des nombreux visages inconnus que je me refusais de voir.

Premier jour, elle m'a demandé de s'asseoir, j'ai accepté.

Première semaine, je l'ai détestée.

Premier mois, je l'ai acceptée.

Deuxième jour, elle m'a parlée.

Deuxième semaine, je l'ai rejeté.

Deuxième mois, je l'ai aimée.

Troisième jour, on a discuté.

Troisième semaine, elle m'a trahie.

Troisième mois, on s'est embrassées.

Après tout ça, c'est allé trop vite pour être raconté. Juste un adieu jamais prononcé, des mots restés en suspend dans une maison désormais vide, et un amour laissé en suspend, sans que jamais l'on sache s'il est réellement terminé.

Salut?

5 avril 2019 17h38

Je me demandais si tu me

parlais toujours...mais je

présume que non...

7 avril 2019 19h53

D'ailleurs, tu veux que je

te prenne les cours?

7 avril 2019 20h00

Je me demande si tu reçois mes

messages et que tu m'ignores où si

tu as juste changé de numéro...

13 avril 2019 22h48

Au fait...pourquoi tu ne m'as

pas dit que tu avais déménagé?

Est-ce qu'on est toujours ensemble

au moins? Enfin...je suppose que

non mais...réponds-moi au moins...

19 avril 2019 13h56

S'il te plaît...

19 avril 2019 15h21

Que tu sois ma demi-sœur

ou pas, je t'aime. Sache-le...

19 avril 2019 15h22

Désolé mademoiselle, mais

ce numéro a été réattribué, la

personne à qui vous voulez parler

a dû changer de numéro.

19 avril 2019 16h33

Oh, excusez-moi...mais du

coup j'ai ma réponse...merci

de m'avoir prévenue.

19 avril 2019 16h34

Je laissais mes larmes couler sur mon téléphone, silencieusement, sans savoir que c'était le même cas pour la personne à qui je parlais, pourtant j'aurais dû remarquer, je n'ai jamais dit être une fille et ne me suis jamais accordée au féminin dans mes messages...pourtant, ce n'est qu'un an après, en relisant une énième fois cette discussion atterrante, que je m'en suis rendu compte. Suite à cette dé­couverte, j'avais cherché, encore et encore, jusqu'à me retrouver devant cette porte, à laquelle je to­quais, à la fois impatiente et apeurée. Lorsque la porte s'est ouverte, j'ai eu affaire au regard surpris de cette jeune fille, celle que je recherchais depuis des mois.

-Maman! Je vais faire un tour!

Et elle sortit, fermant la porte derrière elle.

-Qu'est-ce que tu fais ici?

-Je suis venue te chercher quelle question...Mademoiselle numéro réattribué...

-Oh...je suis grillée?

Je hochais la tête.

-Tu n'aurais pas dû savoir que j'étais une fille...

Elle m'invita à m'asseoir sur un banc.

-Et du coup... Je peux avoir la réponse à mes questions?

Elle hocha la tête à son tour, quant à moi, j'attendais ses mots, impatiemment, et elle m'expliqua. Un an après, la vérité venait d'éclater.




10 888 mots....un peu long pour un one-shot non? Ah *sent qu'il va se faire défoncer par une certaine personne à cause de la fin ouverte* choisissez si elles finissent ensemble ou pas! Ow, il m'a pris du temps ce one-shot, en tout cas, j'espère qu'il vous a plu! (Je supporte pas Ella, j'arrive pas à la saquer c'est fou xD )

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