Les ombres du Clan du Vent s'étiraient sur les landes balayées par le vent, tandis que la lune montait dans le ciel nocturne, ronde et lumineuse. Sous cette lumière argentée, deux silhouettes félines avançaient doucement, leurs fourrures s'effleurant à chaque pas. Petite Brise et Ombre Douce partageaient plus qu'un territoire et des nuits tranquilles à contempler le ciel. Elles partageaient un secret : un amour interdit.

Une rencontre inattendue

La première fois qu'Ombre Douce avait rencontré Petite Brise, c'était lors d'une assemblée entre clans. La chatte au pelage gris pâle, Petite Brise, l'avait impressionnée par son calme et sa grâce. Mais Ombre Douce, une guerrière du Clan de l'Ombre, savait que ce qu'elle ressentait était dangereux. Les lois du Code du Guerrier étaient strictes. Aimer un chat d'un autre clan était une trahison, mais aimer une chatte de son propre genre ? C'était impensable.

Cependant, Ombre Douce n'avait jamais pu oublier cette première rencontre. Chaque fois qu'elle apercevait la silhouette de Petite Brise lors des assemblées suivantes, elle sentait son cœur battre plus fort, une chaleur douce et enivrante montant en elle. À mesure que les lunes passaient, une chose était devenue claire : elle ne pouvait pas ignorer ce qu'elle ressentait.

Un jour, alors que la saison des feuilles vertes touchait à sa fin, elles s'étaient retrouvées par hasard près de la frontière qui séparait le Clan du Vent du Clan de l'Ombre. Ombre Douce avait été envoyée en patrouille, mais elle s'était éloignée pour chasser seule, espérant échapper à ses pensées troublantes. Petite Brise, de son côté, cherchait des herbes médicinales pour aider son guérisseur.

Quand leurs regards s'étaient croisés, elles s'étaient figées. Une tension douce et fragile flottait entre elles, comme si le vent lui-même retenait son souffle.

— « Tu ne devrais pas être ici, » murmura Ombre Douce, ses prunelles dorées plongeant dans celles de Petite Brise.

— « Je sais, » répondit cette dernière, un éclat de défi dans ses yeux verts. « Mais toi non plus, à ce que je vois. »

Elles échangèrent un sourire timide, et sans échanger d'autres mots, elles s'étaient rapprochées. Leur complicité s'était tissée comme un fil invisible, quelque chose de doux et d'irrépressible, qui défiait toutes les règles.

---

Les lunes qui suivirent, elles commencèrent à se retrouver en cachette, loin des regards des autres. Sous le ciel nocturne, elles partageaient des instants volés, des caresses furtives, et des murmures à peine audibles. Leurs patrouilles les éloignaient souvent de leurs clans respectifs, mais ces instants étaient tout ce qu'elles avaient.

— « Je ne comprends pas pourquoi notre amour est interdit, » soupira un jour Petite Brise, sa tête reposant contre le flanc chaud d'Ombre Douce.

— « Parce que le Code du Guerrier n'a pas été écrit pour des cœurs comme les nôtres, » répondit Ombre Douce en léchant doucement la tête de sa compagne. « Mais je ne laisserai jamais personne nous séparer. »

Ces moments étaient précieux, mais l'angoisse les rattrapait à chaque instant. Elles savaient que si quelqu'un découvrait leur amour, elles seraient bannies ou rejetées par leurs clans. Mais chaque rencontre clandestine renforçait leur lien. Ombre Douce et Petite Brise étaient comme deux étoiles dans la nuit, brillantes mais destinées à rester séparées.

---

Leur secret faillit être révélé lorsqu'un jour, Ombre Douce fut surprise par une patrouille de son clan à la frontière, juste après avoir quitté Petite Brise. Ses camarades avaient senti l'odeur du Clan du Vent sur elle.

— « Que faisais-tu avec une guerrière du Clan du Vent ? » l'interrogea Plume d'Orage, les yeux plissés.

— « Je l'ai croisée en patrouillant. Nous avons échangé quelques mots, rien de plus, » mentit Ombre Douce avec aplomb.

Mais les soupçons grandissaient, et les rencontres devinrent de plus en plus risquées. Malgré tout, elles refusaient de se séparer. Ombre Douce et Petite Brise savaient qu'elles ne pouvaient pas vivre sans l'une l'autre.

Un soir, alors que la saison des neiges s'installait, elles prirent une décision audacieuse. Plutôt que de se cacher toute leur vie et risquer d'être découvertes, elles choisirent de quitter leurs clans. Ensemble.

— « Si nous devons être bannies, alors qu'il en soit ainsi, » déclara Ombre Douce, le regard brûlant de détermination. « Mais je ne passerai pas une seule nuit de plus loin de toi. »

---

Leur départ fut silencieux. Sous le couvert de la nuit, elles quittèrent leurs camps respectifs et se dirigèrent vers les terres inexplorées, là où les lois du Code du Guerrier ne pouvaient plus les atteindre. Les étoiles scintillaient au-dessus d'elles, comme si le Clan des Étoiles lui-même leur accordait sa bénédiction silencieuse.

Elles traversèrent des forêts épaisses, des rivières glacées, et des champs enneigés, guidées par leur amour et leur confiance mutuelle. Après plusieurs jours de voyage, elles trouvèrent enfin un endroit où elles pourraient vivre en paix : une vallée verdoyante, entourée de collines et protégée par une rivière.

Là, sous un ciel étoilé, elles firent la promesse de rester ensemble, peu importe les épreuves à venir.

— « Nous avons brisé les règles, » murmura Petite Brise en posant son museau contre celui d'Ombre Douce.

— « Oui, » répondit Ombre Douce en ronronnant doucement. « Mais nous avons suivi nos cœurs. Et c'est tout ce qui compte. »

Les saisons passèrent, et Ombre Douce et Petite Brise construisirent une nouvelle vie ensemble, loin des regards et des jugements. Elles apprirent à chasser et à survivre dans leur nouveau territoire, se soutenant mutuellement à chaque étape. Leur amour grandit, indestructible et libre, comme une rivière qui ne cesse jamais de couler.

Chaque nuit, elles levaient les yeux vers les étoiles, reconnaissantes pour cette liberté qu'elles avaient trouvée. Leurs cœurs battaient à l'unisson, et elles savaient qu'elles avaient fait le bon choix.

Leur amour, interdit aux yeux des autres, était devenu une force inébranlable. Et sous ce ciel étoilé, elles comprirent enfin que peu importe les lois ou les traditions, l'amour véritable était toujours plus fort que tout.

FIN