Petit garçon - 2
Durant plusieurs jours, on put voir un feu de camp s'allumer tous les soirs. L'enfant ne parlait pas et ses traits de visage ne changeaient jamais d'expression. Mais le feu semblait le rassurer lorsque la nuit et ses bruits arrivaient.
Le jour, Orielus et ses hommes entretenaient le camp. Certains forgeaient ou affûtaient des armes et des fers pour les chevaux. L'enfant vagabondait entre le maigre nombre de tentes du camp. Il allait de mercenaire en mercenaire et observait ce que chacun faisait sans jamais prononcer une seule parole. Était-il muet ? Personne ne le savait, pas même Orielus.
Le chef des soudards était grand, le crâne chauve et les yeux sombres. Il souriait peu et parlait avec parcimonie. Mais ses hommes le respectaient quoi qu'il puisse faire ou dire. Il imposait le respect de tous, car c'était un homme de science, un homme de musique et un fin stratège.
Il avait emmené ce garçon avec eux, car il avait vu en lui un homme comme lui en devenir. Il avait vu dans le regard de ce garçon une froideur à toutes épreuves. Ce jour funeste où il avait perdu la majeure partie de ses hommes avait aussi vu naître une entente, un accord entre le garçon et l'homme.
Un soir, Orielus alla dans sa tente plus tôt qu'à l'accoutumée. Il en revint avec une sorte de mandoline étrange. Il s'assit devant le feu et se mit à jouer tandis que ses compagnons s'asseyaient à leur tour. Le jeune garçon aux cheveux pareils à des épis de blés s'approcha à son tour.
Le garçon fixa l'instrument du regard puis vint s'asseoir en silence à côté d'Orielus. Le mercenaire continua à jouer de sa mandoline puis se mit progressivement à chantonner une mélodie. La mélodie était si plaintive...
Les autres mercenaires finirent par se joindre à sa voix. Une prière. Voilà ce qu'était cette mélodie. Une prière pour les morts. Une prière pour ceux qui avaient péri. Une prière pour les mères qui ne verraient jamais revenir leurs fils.
Le rythme lancinant de la mélodie se mit à accélérer progressivement et un des hommes d'Orielus sortit un tambour. Des hommes d'intelligence, voilà ce qu'ils étaient. Et non de vulgaires serfs renégats ou des malfrats en quête de pillages. Ils étaient des soldats aguerris et pouvant effectuer toute tâche leur étant confiée.
Le lendemain, ils levèrent le camp. Il était temps de chercher un nouvel employeur. Il fallait partir en ville. Sortir de la forêt. S'éloigner des bûchers élevés afin de brûler les corps du champ de bataille qu'ils avaient quitté plusieurs semaines auparavant.
Ils galopèrent durant des jours entiers et ne firent que quelques brèves haltes. L'enfant supportait le voyage en silence. Un jour vint où ils passèrent dans un village. Orielus s'arrêta devant les paysans, descendit de cheval puis se tourna vers eux. Nul ne sait ce qu'il leur dit.
Le mercenaire se tourna ensuite vers son cheval où le garçon était toujours installé et regarda ce dernier. Puis il le prit dans ses bras et le descendit du cheval. L'enfant avait compris. Il avança de quelques pas vers les paysans qui lui prirent la main et se tourna vers Orielus avec sa compagnie.
Le chef mercenaire prit la cape d'un de ses hommes mort au combat. Il l'avait soigneusement gardée dans une de ses sacoches. Il s'agenouilla face au garçon et lui mit la cape sur le dos. Il attacha ensuite la sangle de son cou pour faire tenir le tout et planta ses yeux dans ceux du garçon.
Sa main posée sur son épaule, il vit dans les yeux du petit une rage de vivre qu'il n'avait pas détectée aux premiers abords. Ses mains d'enfant n'était pas celle d'un fils de paysan, mais il s'accommoderait du travail à la ferme.
Orielus se releva lentement, jeta un dernier coup d'œil au petit puis se détourna de lui. Il remonta en selle et fit faire demi-tour à son cheval. Il avait laissé quelque chose au garçon. Peut-être trouverait-il son présent. La brume du début de matinée occupait encore les champs lorsqu'il fit redémarrer sa bande.
L'enfant remarqua alors un objet dépassant d'une charrette non loin. Il s'approcha pour mieux voir et découvrit l'étrange mandoline d'Orielus posée dans la paille. Il s'en saisit vivement et se mit à courir à la suite des mercenaires.
Il s'agenouilla tout aussi vivement dans l'herbe et effleura les cordes de l'instrument de ses doigts fins. L'enfant pensa alors que personne ne l'entendrait. Mais ça ne fut pas le cas.
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