Bonheur actuel
Genre : réaliste
--------------------------
-Simon !
Je cours après ma petite tornade blonde. Même si elle à l'air inoffensive aux premiers abords, elle est en réalité très coriace. Et ça, je l'ai vite appris.
Je finis par attraper sa taille fine et je la lance dans le tas de neige qui se trouve non loin de moi. Elle hurle et ressort de là trempée, quelques flocons de neige s'étant accrochés à ses cils blonds fabuleux.
-Simon ! répète-t-elle, furieuse.
Je ris. Elle quitte le tas de neige situé près d'un grand chêne aux branches somptueuses et se dirige sur le sentier en gravier clair. Elle me fait un joli doigt d'honneur pour me montrer son mécontentement et se détourne. Elle part d'un air furieux vers notre appartement situé non loin du magnifique parc dans lequel nous nous trouvons. Ses petits poings fermés sont pressés contre son flanc et elle avance tête la première, son bonnet blanc surmonté d'un pompon bleu se balançant frénétiquement au rythme de ses pas.
Je secoue la tête et trottine pour la rattraper.
Mais alors que je m'apprête à lui prendre la main, une voix inconnue et à l'accent hispanique me force à suspendre mon geste :
-Hé ! Mais, vous êtes Simon. Simon Van Heysen !
-Oui, c'est moi, j'affirme amèrement.
Rien que le fait qu'un inconnu connaisse mon nom me fait froid dans le dos. Depuis...Depuis ce fameux jour, beaucoup de personnes m'interpellent dans la rue. Mais je ne suis pas une star et je ne veux pas en être une. C'est donc le visage fermé que je me retourne et le toise. Léa s'est arrêtée elle aussi et vient poser sa main délicate sur mon épaule en signe de soutien. Elle sait à quel point je peux détester ces inconnus qui se permettent de remuer le couteau dans ma plaie encore béante. Je croise son magnifique regard bleu et m'y perd un instant. Sans elle, je n'aurais pas tenu le choc.
-Oh mon dieu ! Je n'arrive pas à le croire, crie l'inconnu, attirant le regard de quelques passants. Votre visage restera gravé à tout jamais dans ma mémoire. Vous m'avez littéralement sauvé la vie !
Je lève les yeux au ciel. Encore un fanatique...J'enserre Léa à la taille et m'apprête à me détourner pour rejoindre le petit confort de notre appartement chic et moderne mais préfère d'abord répondre au jeune homme, par politesse.
-Euh...Si vous le dites.
Léa se retient de rire et sa main se crispe sur mon épaule tandis que la mienne joue avec les pans de son manteau beige. Je voulais me détourner mais Léa m'en empêchait, me retenant fermement par l'épaule.
La traîtresse.
En même temps, qu'aurais-je pu répondre à cet homme qui me répugne d'avance ? J'aurais pu m'exclamer « Ah oui, Johnny ! C'est toi. Excuse-moi mais je ne t'avais pas reconnu. Bon allez, allons manger une glace pour fêter ça !».Ca aurait été un véritable fiasco...Surtout que ça m'étonnerait que cet homme s'appelle Johnny vu sa tête. Je parierai plus sur Emilio ou Miguel, un nom bien espagnol.
-Vous ne vous rappelez pas ? Séville, le vol AT-658 ? insiste-t-il avec son fort accent espagnol.
Des étoiles brillent littéralement dans ses yeux. On dirait que je suis son dieu. Cette pensée me tire une grimace de dégoût que je m'empresse de cacher suite au coup de coude de ma belle petite blonde. Je me gratte la nuque, mal à l'aise.
-Ecoute, euh...
-Miguel, répond-t-il à ma question muette.
Je ne peux m'empêcher d'éclater de rire suite à l'annonce de son prénom. Léa et le fameux Miguel me regardent, inquiets. Je ne ris plus aussi souvent et Léa semble intriguée par mon comportement. Je murmure un petit « excusez-moi », et reprend mon sérieux.
-Ecoute, Miguel, j'annonce en souriant, ce qui s'est passé dans cet avion nous a tous bouleversé et moi encore plus. J'ai été ravi de te rencontrer mais je n'ai pas envie de m'attarder sur le sujet.
Le visage du pauvre Miguel se décompose. Lui qui me prenait pour son héros, son dieu, doit bien être déçu tout à coup. Je viens de le jeter comme on jette une vulgaire chaussette à la poubelle. L'hispanique qui se tient devant nous se dandine sur place, mal à l'aise. Si j'étais lui, je serais aussi extrêmement honteux. Mais d'un côté, il l'a bien cherché. Nous avons tous été traumatisé lors de ce vol, et moi bien plus que les autres. Je me souviens encore du visage de cet Amin. Je me souviens de la rage et du désarroi qui brillaient dans ses yeux. Je me souviens de la sensation affreuse de son fusil braqué droit sur mon front. S'il avait décidé de tirer, je ne serais plus de ce monde. Ma main se crispe sur la taille frêle de Léa, ce qui l'a fait pousser un petit couinement. Ma respiration se fait saccadée et je suis pris de légers tremblements.
Non. Tout, mais pas ça.
Des sueurs froides me glacent le dos et mon regard, comparable à celui d'un fou, est perdu dans le vague. J'entends au loin Léa m'intimer de me calmer, anticipant ma crise. Mais je n'y arrive pas. Cet homme, ce Miguel, a ravivé trop de mauvais souvenirs. Cet imbécile qui voulait juste une putain de photo vient de me faire perdre mes moyens. Je me sens faible. Je m'assieds soudainement sur le sol et Léa commence à s'agiter près de moi.
Sa main sur le détonateur. Cette odeur de sang qui revient dans mes narines et me fait tousser. Ce visage complètement décomposé après la balle qui avait été plaqué en plein milieu de ses deux yeux par ce pauvre Amin. Ses globes oculaires sortis de leurs orbites, son cerveau en bouillie sur le sol,...
Je crois que je vomis. Je ne sais plus ce qu'il se passe ; je suis comme dans une sorte de transe. Des petites mains viennent se poser sur mon torse et un vague murmure me calme. Je sens qu'on m'essuie la bouche, qu'on me passe un mouchoir sur le front et qu'on me berce. Je respire profondément et essaie de reprendre un rythme normal. Mes mains tremblent encore mais le voile qui s'était abaissé et qui occultait la plupart de mes sens se lève petit à petit.
J'entends Léa crier sur les passants trop curieux pour les éloigner. Cette vision m'arrache un petit sourire. Cette femme me rend dingue : elle lève son petit poing au-dessus de sa tête et semble très énervée. Je secoue la tête pour d'un côté, chasser ces souvenirs macabres qui reviennent et pour, de l'autre, me remettre en question. Moi, Simon, dragueur professionnel d'après mon frère, je suis tombé sur le charme de la seule fille qui ne voulait pas de moi dès le début. Je passe une main dans mes cheveux et m'essuie à nouveau la bouche. Effectivement, j'avais rendu mon maigre repas sur le sol vu la flaque répugnante qui trônait près de moi.
Je regarde Miguel qui se tient toujours devant moi, ne sachant pas quoi faire. Il cherche à s'excuser mais je le coupe rapidement :
-Tu n'es pas le premier et tu ne seras pas le dernier. J'ai été ravi de te rencontrer.
Je me lève avec difficulté et vais lui serrer la main. Il me regarde, tremblant.
-Je-je suis...Mon dieu...Je-je ne pensais pas que...
Je le dévisage étrangement.
-Je ne pensais pas que parler de cet...Cet événement vous ferait cet effet. Vous...
Il semble gêné.
-Vous aviez l'air si fort, reprend-il.
Je ricane amèrement alors que Léa revient vers moi et me prend doucement la main. Elle me laisse gérer cette situation parce qu'elle sait que c'est comme cela que j'arriverai à me sentir mieux.
-Les apparences sont parfois trompeuses.
Et c'est sur ces paroles que ma petite tornade blonde et moi retournons à notre appartement.
-------------------------------------------
Voilà : chose promise, chose faite !
Je ne suis pas super satisfaite et super convaincue par cette nouvelle mais j'avais vraiment envie de faire une suite à "Peur actuelle". Je voulais qu'on s'interroge plus sur "l'après-vie", si je peux dire cela, de Simon et Léa. Peut-être aurais-je dû exploiter un autre angle de vue que celui du choc post-traumatique ? Mais c'est ce qui me semblait pourtant le plus réaliste.
J'espère que ça vous a tout de même plu !
***
Votez, commentez, partagez !
N'hésitez pas à vous abonner ;) !
LosUnivers
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top