Lean

J'étais assis au bord de cette falaise. La falaise du bout du monde comme on l'appelait. Et c'était vrai qu'on avait l'impression d'y être au bout du monde. L'océan d'un bleu foncé qui s'étendait à l'infini, ce ciel inarrêtable lui aussi. Et puis derrière moi, cette étendue d'herbe dont on ne voyait pas le bout.

Perdu dans mes pensées, je sursautai. Un jeune homme venait d'arriver. Puis, je le reconnus.

- Lean ? demandai-je. Qu'est-ce que tu fais là ?  Il m'avait tellement manqué.

- C'est plutôt à toi que je devrais poser la question. Ça fait trois ans qu'on ne t'a pas vu ici.

C'est vrai. pensais-je. Et je lui racontais mes trois années d'étude à la Sorbonne en fac de langues. Il m'écouta calmement. Je souris. En trois ans, notre amitié était toujours la même. Toujours aussi forte.

                                                                                ***

                                                   (changement de point de vue)

Je m'allongeais laissant mon regard errer sur le ciel. Ce sourire... J'avais trop peur de craquer. Albéric me rejoignit le dos au sol. Tous les deux, on regardait le ciel dans un doux silence.

Le soleil commençait à se coucher mais aucun de nous n'avait envie de rentrer. En plus, les couchers de soleil ici étaient magnifiques. Nous restâmes donc là contemplant la nuit qui peu à peu recouvrait Étretat.  Les étoiles apparurent et je souris. Avec Albéric, nous reprîmes ce jeu des constellations. Avant son départ à Paris, il était bien meilleur que moi mais maintenant, je gagnais haut la main.

Ric s'endormit peu à peu. Mon regard dériva vers lui. Ses cheveux bruns en bataille, son visage à la peau d'albâtre qui paraissait si doux... Je pris alors mon carnet et j'écrivis.

                                                                               ***

                                                                       Au matin

Je me réveillai aux aurores. Lean n'était plus là m'aperçus-je. J'inspectais donc les alentours espérant détecter sa présence mais il n'y avait rien. Rien sauf un caillou sous lequel était glissé un bout de papier. Je le pris intrigué et reconnus l'écriture pleine de boucles de Lean. C'est vrai qu'il préfère écrire. pensais-je. Il n'a jamais beaucoup parlé. Et puis, il a découvert l'écriture et c'est devenu pour lui un échappatoire, un moyen de dire tout ces mots qui refusaient de sortir... Mais bref, je m'éloigne. Que contient donc cette lettre ?

Albéric,

Cette nuit, je t'ai observé dormir. T'étais si paisible... C'en était beau.

Et puis, j'ai laissé mon esprit penser. Mes pensées se sont évadées. Et je me suis rendu compte que je t'aimais Albéric. Que tous ces sentiments dont je ne t'avais jamais parlé et dont j'avais cru qu'en trois ans, ils s'en iraient étaient toujours là. Là, tu dois te dire : "Mais oui Lean, moi aussi, je t'aime, t'es mon meilleur ami. " Mais Ric, c'est pas que ça. Ce que je ressens pour toi, c'est bien plus. Chaque fois que je te vois, que j'aperçois tes lèvres, j'ai envie de fondre dessus. Chaque fois que je vois tes mains, j'ai juste envie d'y entrelacer mes doigts. Et puis, si seulement tu savais combien je rêve de passer mes journées blotti dans tes bras...

Je viens de me relire. Et je me rends compte que tout ce que je te dis, c'est pas normal. Aimer un garçon et en être un, c'est pas normal. C'est même pas légal. Et surtout, selon l'Église, c'est un pêché. Punaise, tout ça me dégoute. Je me dégoute.

Je suis désolé de t'imposer tout ça Ric. Je dois sûrement te dégouter aussi. J'aimerais beaucoup qu'on reste amis mais je sais combien ça peut être difficile à accepter un ami comme ça. Un ami comme moi.

Lean

"Tu ne me dégoutes pas du tout, Lean. pensais-je. Moi aussi, je t'aime. Et contrairement à ce que tu penses, aimer les hommes et en être un, c'est absolument normal. C'est juste deux humains qui s'aiment.

A cette pensée, je quittais la falaise et courut vers le restaurant du père de Lean. Celui-ci y travaillait. Il devait donc sûrement y être à l'heure actuelle.

Je passai par l'entrée de derrière essoufflé. Lean était là.

- On peut parler ? lui demandais-je. Il acquiesça et nous nous dirigeâmes vers la cour extérieure qui était vide à cette heure.

- Lean... A Paris, j'avais un appartement au Marais. commençais-je. Le marais, c'est le quartier gay de Paris. Enfin, pas que gay. Je t'expliquerai après. Donc. Là-bas, vie étudiante oblige, j'ai passé beaucoup de temps en soirée. Plusieurs fois, j'ai vu des hommes , des femmes s'embrasser, j'ai vu des femmes "déguisées" en homme et l'inverse. Au début, je pensais la même chose que toi. Puis, j'ai rencontré mon colocataire Ivan. Il était gay. Du coup, je lui ai posé des questions. Et grâce à lui, j'ai compris que c'était deux humains qui s'embrassaient, que c'était deux personnes qui ici, se sentaient assez libres et en sécurité pour se montrer leur amour. Pour s'aimer comme les hétéros. ET c'est là que j'ai compris que l'amour, c'était universel. L'amour rend aveugle, dit-on. Peut-être, est-ce justement en rapport avec ça. Et puis, Lean, moi aussi, je t'aime. Moi aussi, je suis amoureux de toi.

- Vraiment ?  demanda-t-il perplexe.

J'acquiesçais et souris. Il esquissa le même geste rassuré et je lui proposais de prendre le train pour Paris demain. Il acquiesça et je sautais presque de joie. J'avais tant rêvé du moment où je présenterai Lean comme mon copain à Ivan et tous les autres.

                                                                      Le lendemain

Arrivés à Paris, nous nous dirigeâmes vers chez moi. Lean était impressionné par la ville. Il avait cette mine de touriste si attendrissante sur lui.

Je saluai Ivan et lui présentai Lean. Ils discutèrent un peu pendant que je rangeais mes affaires. Puis Lean rangea les siennes et Ivan et moi discutâmes. Il y avait une fête ce soir au bar appris-je. Nous irons avec Lean.

Le soir arrivant peu à peu, nous nous dirigeâmes vers le bar. Lean stressait un peu. C'est vrai que pour lui,les bruits, la lumière, les gens... Ça n'allait pas être facile. "On s'en ira dès que tu voudras." Il acquiesça. Tout irait bien.

Une heure plus tard, nous étions de retour à l'appartement. Lean avait largement dépassé sa durée habituelle. Il était crevé mais il souriait. Et ce sourire... c'était le plus beau cadeau qu'il puisse me faire.

Nous nous douchâmes l'un après l'autre puis nous préparâmes à dormir. Il n'y a qu'un seul lit, m'aperçus-je gêné. Et Ivan va sûrement revenir (peut-être avec quelqu'un) dans quelques heures. Lean n'objecta rien. "Ça ira t'inquiète" m'avait-il répondu.

Nous nous allongeâmes donc face au plafond.

- Je peux t'embrasser ? murmurais- je après quelques minutes.

Il acquiesça et nous nous tournâmes l'un vers l'autre doucement. Nous nous assîmes - c'était plus confortable - et nos visages se rapprochèrent peu à peu. Je disposai mes mains sur son visage et il fit de même. Puis enfin, nos lèvres s'effleurèrent doucement. Automatiquement, je fermais les yeux. C'était si doux. L'impression d'être au paradis, pensais-je. Shakespeare avait raison.

Nous nous éloignâmes un peu. Puis nous recommençâmes. Cette fois-ci, c'était plus ardent, plus précipité. Instinctivement, je demandais à Lean l'accès à sa bouche et nos langues s'entremêlèrent. Nos mains se promenaient sur le corps l'un de l'autre. Lean était un peu timide alors je le rassurais.

Nous nous arrêtâmes essoufflés. C'était si beau, pensais-je. Et puis, ça fait tellement longtemps que j'attends ce moment.

Complètement perdu dans mes pensées, je faillis ne pas entendre Lean qui me demandait :

- Je peux dormir dans tes bras ?

- Bien sûr. acquiesçais-je surpris.

Il sourit et nous nous blottîmes l'un contre l'autre. Punaise, cette position est beaucoup trop confortable, pensais-je.  Et nous nous endormîmes comme ça, le corps de Lean blotti dans mes bras et nos deux visages illuminés par des sourires rayonnants. 


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