10. La rose des vents

Les étoiles scintillent dans le grand champ bleu au-dessous de nos pieds. Comme des boutons trop jeunes, les étoiles qui se reflètent sur la surface de l'eau forment de petites boules blanches timides. Mais à mesure que les lampes à huile s'éteignent sur le pont, elles se libèrent, laissant voir aux marins insomniaques leurs plus beaux éclats.

Elle en fait partie. La plus belle étoile du ciel, la plus belle fleur d'un champ, la plus belle femme de l'équipage. Je la regarde s'avancer sur la proue depuis les cordages. Perché à quelques mètres du sol, j'observe ce même vent qui me fouette le visage faire onduler les lambeaux de sa robe rouge et voler ses cheveux au rythme des bourrasques. Parfois, un morceau de tissu se détache et s'envole pour rejoindre les paillettes qui scintillent au milieu de l'océan.

J'allais quitter mon poste surplombant  pour la rejoindre avant qu'une minuscule silhouette enfermée dans une étoffe blanche ne me devance. Elle tire le bras de la pirate et lui murmure quelques mots que je ne peux entendre. Je descends. À mesure que mes mains frôlent les cordes, que mes pieds reculent dans le vide, je les vois de plus en plus nettement. Je vois ma femme froncer les sourcils et ma fille regarder le ciel et les vagues en même temps et parler dans cette langue insouciante et égarée propre aux enfants et que seuls eux comprennent. Quand j'atterris enfin sur les planches de mon navire, elle s'est tue et écarte les bras, laissant le vent gonfler sa robe de chambre comme il bombe les voiles qui guident notre chemin à travers les océans. De loin, elle ressemble à un petit ange prêt à s'envoler.

L'ange ne s'envole pas, il reste bien ancré sur le sol, immobile, heureux. Sa mère lui caresse les cheveux et dépose un baiser sur son front, avant de la prendre dans ses bras. Les petits pieds nus de l'enfant quittent les planches et virevoltent dans le vent alors que ma femme la fait tournoyer. Des éclats de rire parviennent jusqu'à mes oreilles et je presse le pas pour les rejoindre, le cœur réchauffé par ce bruit si réconfortant.

Sans m'en rendre compte, je souris. Et elles, elles se mettent à danser, un bal improvisé et chaotique, mais le plus heureux de tous.

J'arrive à leur hauteur, les embrasse et les prends dans mes bras, les fait danser encore plus, les fait rire plus fort.

Notre fête spontanée se finit en valse calme et l'enfant, bercée par les va-et-vient réguliers, finit par s'endormir dans mes bras. Je lui souhaite bonne nuit en déposant un baiser sur sa joue et ma femme l'emporte dans sa chambre.

Je reste sur la poupe et regarde les étoiles danser dans les vagues encore quelque temps, le cœur encore chaud d'amour. Mes paupières se ferment lentement avant que des baisers chauds ne viennent me réveiller. Ma femme se trouve derrière moi et me souris.

— Pour son anniversaire, elle voudrait des fleurs.

— Une enfant de pirates qui aime les fleurs, je réponds en souriant. Elle est mal tombée, il n'y en a pas beaucoup en plein océan.

Nous regardons le ciel, collés l'un à l'autre, le temps passant comme le vent au-dessus de nos têtes, à travers les mailles de nos vêtements, rappel froid à la réalité.

— Je lui en trouverai, finis-je par dire. Heureusement pour moi, j'ai déjà les deux plus belles fleurs à mes côtés chaque jour.

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Voici mon texte pour la troisième épreuve des pinklockers ! (promis la prochaine fois j'essaie de pas le publier à la dernière minute comme à chaque fois ahah). Je pense que c'est le texte dont je suis le plus fière jusqu'à présent, reste à voir s'il rentre dans les critères...

Tags juges et organisateur : apprenti0auteur MademoiselleJuillet EloraQuintin

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