1. La randonnée

Elles marchaient toutes les deux, seules âmes dans ce grand paysage blanc. Plus le sommet était proche, plus elles redoublaient d'efforts pour avancer. Ne pas s'arrêter, c'était la première règle pour survivre ici.

La première des deux femmes marchait avec détermination, comme si tous ses espoirs se trouvaient au sommet de cette montagne. Son visage était crispé, concentré par l'effort qu'elle mettait dans ses jambes. Malgré cela, l'exercice semblait facile pour elle et son court anorak blanc semblait flotter au-dessus de la pente enneigée.

La deuxième la suivait, tête baissée, un râle s'échappant de ses lèvres bleuies. Dans son grand manteau noir qu'elle serrait contre elle, son corps frêle tremblait, luttant contre le froid.

Les deux femmes ne se parlaient pas. Non pas qu'un peu de compagnie soit de trop, elles gardaient leur énergie, leur souffle pour atteindre leur but. Plus la fatigue se faisait sentir, plus la cadence accélérait. Les pas étaient de plus en plus grands, de plus en plus nombreux. Des traces de bottes se dessinaient dans la neige de plus en plus épaisse qui tombait à gros flocons de l'étendue grise au-dessus de leurs têtes.

- Eira... Eira une pause... s'il te plaît, implora la femme au manteau noir lorsque la première accéléra de plus belle.

- Mara, on ne peut pas, répondit-elle en revenant sur ses pas. Regarde, il a commencé à neiger. Si on s'arrête maintenant, on ne repartira plus jamais.

Elle s'arrêta face à sa compagne essoufflée et la regarda droit dans les yeux. Leurs regards se croisèrent, des yeux remplis de larmes, des yeux pris par le désespoir et la tristesse.

- Donne-moi ton sac, je suis sûre qu'on sera au sommet dans moins d'un quart d'heure, tu verras. Il doit y avoir quelque chose en haut... Une cabane, un téléphone, quelque chose... Le pilote disait qu'il y aurait sûrement un hélicoptère de secours.

Un sac se décolla du manteau noir pour venir se placer sur le blanc. Une larme gela sur la joue de Mara et la marche désespérée reprit son cours.

Pendant plusieurs minutes, les deux femmes persévèrent dans le crépuscule glacial.

- Le sommet ! Je le vois ! Mara, on est arrivées !

Mais cette dernière s'écroula lourdement dans la neige, elle était à bout de force.

Eira se précipita à sa rescousse et dans un dernier effort tira l'autre rescapée sur quelques mètres.

Enfin au sommet, elle se précipita vers une petite cabane, mais la seule entrée était verrouillée. Une grande place circulaire, sûrement destinée à un hélicoptère de secours, était vide.

- On a trouvé du secours ? demanda Mara, les yeux mi-clos.

Mais l'autre ne répondit pas. Elle tomba à genoux et laissa les larmes qu'elle avait si longtemps retenues inonder ses joues. Elle repassa dans sa tête le moment où le conducteur de l'hélicoptère leur dit que le temps était trop mauvais et que la visibilité était presque nulle. Le moment où quelques minutes plus tard, ils rentrèrent de plein fouet dans un autre hélicoptère. Lorsqu'elle fit promettre à sa sœur de ne pas s'endormir dans la neige et de ne pas s'inquiéter pour la blessure à la jambe. Le moment où Mara sortit de l'hélicoptère, traînant une autre femme hors de l'autre hélicoptère, les larmes aux yeux. Le moment où elle avait décidé de faire une randonnée en montagne, sans prévoir qu'une tempête de neige causerait six morts ce soir-là. Un cri de rage s'échappa de ses lèvres et déchira son cœur.

- Je vais rejoindre ma mère, c'est ça ? demanda Mara en voyant le désespoir sur le visage de sa voisine.

- Oui... La cabane est fermée et l'hélicoptère d'urgence n'est plus là... Le pilote avait raison, il y avait bien des secours ici... seulement ils sont partis avec la tempête...

Des larmes de rage continuaient à rouler sur ses joues.

- On a gravi une montagne aujourd'hui Eira...

- C'est vrai.

Et les deux femmes fermèrent les yeux, laissant le froid s'emparer de leurs âmes.

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