L'amour rend aveugle
« L'amour rend aveugle. »
Une citation comme une autre, mais surtout une citation que je trouvais ridicule.
J'ai toujours pensé être ce genre de femme très indépendante, fière et forte.
Je me rappelle de ces moments que je pouvais passer avec Lucie et Magalie devant la fac. Des amies fantastiques, qui me parlaient souvent de leur vie de couple et des problèmes qu'elles rencontraient, de temps en temps, avec leurs copains.
« Je n'aurais jamais accepté ça ! »
Le nombre de fois où j'ai pu leur sortir cette phrase qui aujourd'hui me rend honteuse...
Non, aujourd'hui, tu acceptes pire...
Je nous revois rire aux éclats lorsqu'elles me disaient que je finirai seule vu à quel point je pouvais être dure avec la gent masculine. Quand j'y repense, c'était quelque chose qui ne me faisait absolument pas peur à l'époque, au contraire...
Il paraissait pourtant si parfait, si gentil...
Je n'ai rien vu venir.
Nous nous sommes rencontrés à la salle de sport qui se trouvait seulement à deux rues de mon appartement.
C'était devenu un rituel, ma sortie du vendredi soir pour extérioriser tout ce que j'avais vécu dans la semaine avec la fac.
Je me souviendrais toute ma vie de la première fois que je l'ai vu. J'étais sur le tapis de course, Axl Rose hurlant sur son titre *Welcome to the jungle* dans les oreilles, lorsqu'il m'a abordée. C'était un bel homme, grand, musclé, un sourire à tomber et d'une gentillesse... Après avoir plus discuté avec lui que fait mon sport, il m'a proposé un rendez-vous le lendemain.
Et bien évidemment, j'ai accepté...
Nous avons fait plusieurs sorties avant de nous mettre en couple, aux restaurants, des balades au parc ou à la mer. Puis est arrivé notre premier baiser, et après tout est allé très vite. Nous n'arrivions plus à nous passer l'un de l'autre et après seulement 3 mois de relation, j'ai emménagé dans son appartement...
C'est là que mon enfer a commencé.
Les premières fois, c'était seulement des petites réflexions insignifiantes, toujours accompagnées de baisers et de tendresse... Je ne les remarquais pas plus que ça. Nous vivions un amour si fort, si beau... Plus que de la passion, c'était à la fois tendre et déchirant. Cet amour me bouffait de l'intérieur mais c'était si bon... Je le voyais comme un dieu vivant et c'était moi qu'il avait choisi d'aimer...
Il m'a rapidement fait couper les ponts avec mes amies... Il me répétait qu'elles étaient jalouses de notre relation, qu'il ne les sentait pas et qu'elles finiraient par nous séparer... Au départ, je n'y ai pas cru. J'essayais d'apaiser les choses, lui disant qu'elles n'étaient pas du tout comme ça, qu'il fallait qu'il apprenne à les connaître avant de les juger. Mais dès le lendemain de notre première sortie à quatre, les filles m'ont mis en garde... Elles l'avaient vu tel qu'il était...
«Fourbe, mauvais, méchant. »
Finalement, il avait raison. Je ne les connaissais peut-être pas aussi bien que je le pensais. Comme il l’avait prédit, elles essayaient de me séparer de lui. Pourquoi essayaient-elle de me priver de lui ? Le seul homme qui avait réussi à m'aimer...
J’ai arrêté de leur parler, faisant comme si elles n'existaient plus. Je ne répondais ni à leurs messages ni à leurs appels, et si j'avais le malheur de les croiser dans la fac, je les ignorais.
Je l'aimais...
Puis ça s'est intensifié. Les petites réflexions sont devenues des reproches, des insultes, des attaques gratuites. Je ne sais pas comment il faisait, mais il savait toujours retourner la situation et me faire passer pour une mauvaise personne. Le problème, c'était moi. S'il me disait tout ça, c'était pour mon bien. Parce qu'il m'aimait. Parce que j'étais la femme de sa vie.
Conneries...
Je l'aimais tellement.
J'ai pardonné, encore et encore. Je me sentais si inutile, si nulle, et lui… Malgré toute la déception que je lui inspirais, il restait avec moi. C'était forcément une preuve de son amour, ça ne pouvait être que ça. Ça devait l'être...
Mais plus j'essayais d'être parfaite pour lui, à l’écoute du moindre de ses désirs, arrangeant chaque chose qui ne lui convenait pas, qu'elle soit physique ou dans ma manière d'être...
Je mangeais moins pour avoir la taille qu'il souhaitait, je m’habillais avec les habits qu'il m'achetait. Tant que je lui plaisais à lui, rien n’avait de l'importance, même pas moi…
Plus j'en faisais, plus il en demandait.
Je l'aimais si fort.
Il n'y avait que lui qui pouvait vouloir de moi : une traînée, sans famille, sans amis, qui ne savait rien faire à part lui gâcher la vie. Il avait raison.
Ce n'était pas mon corps qui était recouvert de bleus, c’était mon âme.
Puis il y a eu ce soir-là, celui où tout a changé. Il est rentré du travail, le repas était prêt, la table mise, le ménage fait. Notre appartement ressemblait à un appartement témoin, tout avait une place, tout était rangé, rien ne dépassait. Nous étions à table et après quelques réflexions sur la cuisson du poulet et le goût fade des haricots, il a dit quelque chose qui fait encore écho en moi.
– Au fait, je veux que tu arrêtes ta pilule. Mon patron accorde beaucoup de valeur à la vie de famille et je pense que si tu tombes enceinte rapidement, je pourrais avoir ma promotion.
Il avait sorti ça comme s’il me parlait de la pluie et du beau temps... Je n'avais pas voix au chapitre, comme d’habitude.
Il exigeait, donc il devait avoir.
Il connaissait pourtant mon avis sur le sujet, nous en avions parlé au début de notre relation. Je lui avais expliqué que je ne ressentais nullement le besoin d'être mère, que ça ne changerait pas. Puis, un enfant ne se faisait pas pour une promotion mais par envie, par amour...
C'est là que j'aurais dû me rebeller, hurler, lui dire que c'était mon corps et qu'il n'avait pas le droit de décider ainsi ce qui allait certainement bouleverser le reste de ma vie. Au lieu de ça, je n'ai pas bougé d'un millimètre, je lui ai répondu d’une voix atone :
– D'accord.
Cette nuit-là, je n’ai pas réussi à dormir. Au départ, j'ai naïvement pensé qu'avec un peu de chance, nous n'arriverions jamais à en avoir et que ça pourrait peut-être le rendre plus humain.
Je le connaissais assez bien pour savoir que ça le rendrait bien pire…
Alors, après avoir étudié toutes les solutions possibles, j'ai enfin compris que le mieux à faire était de partir. Je ne pouvais pas lui dire en face, il aurait réussi à me faire changer d'avis.
À peine avais-je entendu la porte d'entrée claquer, signe de son départ, que je m'étais levée pour préparer ma valise. À mesure qu’elle se remplissait, mon angoisse augmentait. À ce moment-là, j'ai compris que ce n'était pas l'amour qui me retenait. C’était la peur.
J'ai seulement écrit sur un post-it «C'est fini. Je pars.» posé sur la table de la salle à manger avec les clés de l'appartement. Je suis sortie de celui-ci, et j'ai claqué la porte tellement fort que je crois avoir senti les murs de l'immeuble bouger.
En fin de compte, Platon avait raison.
Celui qui aime s’aveugle sur ce qu’il aime.
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