La montre (2)

Je baille et m'étire, me réveillant doucement. Les deux nuits qui ont précédé, Nadhem est venu dormir avec moi, pourtant, ce matin, il n'est déjà plus là.

Aujourd'hui, est le jour de l'enlèvement.

Que je me sois réveillée sans que personne ne vienne est un point positif. Si l'un des membres de ma famille devait être arraché, nul doute que des cris m'auraient réveillés. Et, ce n'est pas le cas.

De bonne humeur, devant cette nouvelle des plus optimiste, je saisis la montre que j'emporte partout avec moi, celle-ci posée sur ma table de nuit, et m'aperçois non sans surprise qu'il est déjà dix heure.

Je me lève et me dirige devant le miroir de ma chambre afin d'attacher mes cheveux châtain en couette. De la fratrie, Nacéra est la seule à avoir les cheveux blonds, et je suis la seule à avoir les yeux gris, mon frère et ma soeur possédants des orbes marrons. Je sifflotte, heureuse que cette journée ne s'annonce pas malheureuse.

Je descends ensuite, croisant ma soeur dans l'escalier. Celle ci me saute dans les bras en guise de bonjour, et je lui rends son étreinte. Me séparant ensuite, je cours presque vers la cuisine, affamée. Mon frère est attablé et mange ses céréales favorites.

Je le salue et lui frotte le dessus du crâne, affectueuse, alors que lui proteste. Il se plaint que je le décoiffe, alors qu'il ne l'était absolument pas, et un rictus moqueur apparaît sur mon visage.

-Tu ressemblais plus à un marsouin qu'autre chose Nadhem.

Il croise les bras sur son torse, boudeur, et je m'assois à côté de lui, en profitant pour voler un peu de ses précieuse céréales. Je m'en verse un bol, avant qu'il n'arrache de mes mains le paquet.

-Pas touche, voleuse.

Je lui tire la langue, satisfaite de lui en avoir pris un bol presque entier, et bien décidée à le manger. Visiblement, mes soupçons sont avérés, aucun drame n'est à venir. La maison ne serait pas aussi calme dans le cas inverse.

Le petit déjeuner se déroule tranquillement, et soulagée, je soupire d'aise. Je suis si heureuse que j'en sauterais presque de joie. Aucun mot ne s'est déposé sur notre table, et j'en suis extrêmement heureuse. Mon père fait soudain son entrée, les traits tirés, sans aucun doute par le manque de sommeil. Je n'imagine pas ce que mes parents doivent vivre continuellement. Perdre un frère est déjà une épreuve que je n'imagine pas, alors un fils...

Il me sourit, tristement.

Et je comprends immédiatement que quelque chose cloche. Je me lève, peut être un peu trop brusquement, et, inquiète, me dirige à sa suite jusqu'à la chambre de mes parents.

Là bas, je retrouve ma mère, en larmes, un bout de papier dans les mains. Mon père s'adosse à un mur, et je vois que s'il ne pleure pas, ce n'est pourtant pas l'envie qui manque. Mon sang se glace dans mes veines, et je ne suis plus réellement sûre à ce moment là d'être capable de marcher, de parler, ou même de respirer. Sachant déjà quel nom sera inscrit sur le papier, des larmes silencieuses roulent sur mes joues.

Pourquoi ne lui avoir rien dis ? Il est parfaitement en droit de savoir ce qui va lui arriver.

Mon cœur se brise à l'idée d'être séparée de mon frère.

-Je suis désolée, Naëlle, sanglote ma mère. Je pensais pouvoir te protéger, que tu étais tirée d'affaire.

Incrédule devant ses paroles, je sursaute, et mes larmes tarissent aussitôt. Lui arrachant presque le papier des mains, je ne peux empêcher un hoquet de stupeur de franchir la barrière de ma bouche, tandis que le nom écrit sur le papier n'est pas celui que j'attendais.

D'abord heureuse de m'être trompée, je ris légèrement. Mon frère ne quittera pas sa famille, et j'en suis tellement soulagée qu'en premier temps, je me fiche totalement de mon sort.

Non, c'est moi qui vais la quitter.

Lorsque cette remarque effleure mon esprit, mon monde s'effondre. Je ne peux penser qu'aux choses que je vais perdre: les sourires de ma fratrie, la tendresse de les parents, et surtout, tout l'amour que nous nous portons mutuellement. À ma maison, ma famille, que je ne vais plus jamais revoir.

Ce n'est pas juste !

-Mais pourquoi ! M'exclamé-je, à la fois indignée et furieuse, la colère montant en moi comme la lave d'un volcan, détruisant tout sur son passage. Hein ? Maman !

Celle ci secoue la tête, les yeux humides, signe qu'elle n'en sait rien. Les larmes me montent aux yeux et un sanglot m'étrangle la gorge.

Pourquoi moi ?

L'indignation que je ressens se mèle parfaitement à la colère. Je ne possède aucun talent, et elle m'a laissé tranquille jusqu'au dernier moment. Pourquoi avoir fait ça ? Elle ne pouvait pas, parmi tous les jeunes, laisser ma famille tranquille ? Non, il fallait qu'elle s'en prenne à nous. Je pleure, et mon père m'attrape dans ses bras, m'etreignant de toutes ses forces, comme s'il craignait que je disparaisse.

Ce qui devrait arriver d'ici environ une heure et demi.

-Pourquoi n'avoir rien dis à Nacéra et Nadhem ? Chuchoté-je, le coeur en miettes.

-On voulait que tu sois la première à le savoir. Et que tu dormes autant qu'il était nécessaire pour ton corps.

Le regard incisif, j'observe ma mère qui sanglote toujours, roulée en boule sur le lit.

Mon père resserre encore son étreinte, et, dans un état second, je le laisse faire.

Au moins, ma famille sera tranquille.

-Prévenez Nadhem et Nacéra s'il vous plait.

Je me sépare ensuite de lui, et, toujours bouleversée, décide de faire mon sac. Je marche, je marche, je marche. Monte les escaliers et arrive dans ma chambre. Là-bas, je saisis le sac le plus solide et le plus pratique que je possède, et y glisse rapidement une tenue de rechange constituée d'un bas de jogging confortable. Je prends quelques sous vêtements de rechange, mon livre préféré, une photo de ma famille entière, et finalement, quelques feuilles et stylos.

Allant ensuite dans la salle de bain, je saisis ma brosse à cheveux ainsi que des élastiques, du désinfectant et des cotons, un miroir de poche, du déodorant et ma brosse à dents, puis revient dans ma chambre.

je saisis la peluche que j'ai depuis l'enfance, et avec laquelle je dors encore. La pressant contre mon visage, je me couche dans mon lit, les yeux humides. Quelques secondes plus tard, des pleurs et des cris retentissent en bas, et je me crispe. Je n'ai pas envie d'infliger ça à ma famille.

Pas envie qu'on m'arrache à eux.

Pas envie d'être seule.

Pas envie que la tristesse ne soit trop forte pour tous.

Des pas lourds se font entendre dans l'escalier, et, consciente de l'arrivée imminente de ma soeur (mon frère est plus discret que cela), j'essuie mes larmes. Son entrée est fracassante, et j'essaye de lui sourire, rassurante. Mon sourire est un peu bancal et les larmes qu'elle déverse ne sont que plus de lames de couteau dans mon coeur. Pourtant, je réussis à rester forte et à ne pas fondre en larme devant elle. Elle se précipite vers moi et se jette dans mes bras.

Je la serre et quelques secondes avant que mon frère n'entre et se mêle au câlin, les yeux larmoyants.

Pour gérer les sourires, il n'y a pas de problème, mais les larmes, c'est trop pour moi. Je me sens gênée, et ne sais comment réagir, alors je me contente de les serrer dans mes bras, rassurante.

Mes parents font à leur tour leur entrée, pressés l'un contre l'autre en une étreinte qui est sensée leur apporter du  réconfort. Mon père sourit légèrement, et je lui rends, le mien plus tremblotant qu'autre chose.

***

L'esprit apaisé par ces étreintes, je décide de me lever. Il faut que je pense stratégiquement aux affaires que je vais emmener. Pour l'instant, j'ai pris le nécessaire de l'hygiène, et de l'affectif. Pourtant, une fois loin d'ici, survivre sera ma priorité. Autant profiter du seul avantage que je possède.

Mes pieds me guident jusqu'à notre cuisine, la lanière du sac dans lequel je n'ai pas oublié de mettre la peluche dans un bras. Là-bas, je déniche plusieurs pommes, que j'enfourne dans le sac ainsi qu'une bouteille d'eau.

-Qu'est-ce que vous emmèneriez, si vous étiez moi ? Questionné-je à mes parents qui viennent d'entrer.

Les larmes se tarissent devant l'air déterminé qu'affiche mon visage. Je n'ai pas l'intention d'être un simple pion, et je ne compte pas me laisser abattre aussi rapidement. Il en est hors de question. Même si je ne reviens jamais, il est hors de question que je ne lutte pas.

-Des couteaux ? Propose mon père.

-Non, elle ne peut pas. Ça la ferait punir si jamais ils la fouillent, contre ma mère. Il faut des objets qui paraissent inoffensifs au premier abord, mais qui pourront lui servir à se défendre.

J'acquiesce, plutôt contente que ma mère ai trouvé le raisonnement auquel je comptais me tenir. C'est exactement ça.

Mon frère et ma soeur nous fixent, sceptiques, sur le pas de la porte.

-Qu'est-ce que tu as déjà pris ?

Je leur liste rapidement les éléments que j'ai déjà emporté et ma mère signe son accord d'un mouvement de la tête.

-Je pense que tu as le principal.

Non. Ça ne peut pas être vrai. Je sens qu'il me manque quelque chose d'important, pourtant, je n'arrive pas à savoir quoi. Nadhem attrape ma main et se serre contre mon corps, réclamant que je reste avec eux le temps qu'il me reste. Il est 11:15. Je signe mon accord, mais reste tout de même accaparée par cette impression.

C'est sans aucun doute le stress qui me fait croire ceci, pourtant je ne peux m'arrêter, et mon cerveau roule à mille à l'heure. Les trois quart d'heure restants s'écoulent si rapidement que je ne les vois pas passer. Mes mains se mettent à trembler à moins dix, et mes jambes flageolent à moins cinq. Je tremble de tout mes membres à moins trois lorsqu'une illumination vient frapper mon cerveau.

Je n'ai pris ni gel douche, ni shampoing, et même si je n'ai aucune idée de si j'aurai l'occasion de me laver, je me précipite vers la salle de bain. Sentir comme chez moi pourra me rassurer si j'en ai besoin, et j'en ai parfaitement conscience. Arrivée là-bas, je ne saisis pas mes propres produits, mais le shampoing à la fraise de mon petit frère et le gel douche à la menthe de ma petite soeur.

Comme ça, je les aurai toujours avec moi.

Il est cinquante-neuf lorsque je redescends au salon dans lesquels ma famille n'a pas bougée.

J'ai conscience que ce ne sont pas quelques bouteilles qui vont changer quelque chose, pourtant, je me sens plus rassurée, à l'idée d'emmener quelque chose d'eux avec moi. Je les serre tour à tour dans mes bras, les larmes qui avaient disparues des visages revenants peu à peu.

Un mal de tête me défonce le crâne, et alors que je serrais mon père, je suis obligée de me rattacher au meuble le plus proche afin d'éviter de m'effondrer. Autour, tout semble tourner.

Un coup d'oeil rapide envers mes paumes suffit à comprendre que je vais disparaître. Personne n'a jamais compris comment la capacité de téléportation de la montre fonctionne, et certains pensent même que c'est un mythe. Visiblement, ce n'est pas le cas.

Je saisis le sac que ma mère me tend, le serrant bien contre moi et des nausées surgissent. J'entends ma soeur hurler sa rage, et les pleurs de Nadhem sont si bruyants qu'il me font mal au coeur. Pourtant, je me sens comme détachée de la situation. Mon père me sourit, encourageant, et encore une fois, je lui rends. Avec lui, pas besoin de mots, un seul geste suffit à nous comprendre. Ce sourire là exprime tout le courage qu'il aimerait me transmettre, et me fait savoir qu'il s'occupera bien de toute la famille. J'ai confiance en lui. Parce que les autres ont besoin de mots, j'articule difficilement...

-Je vous aime.

...Avant de disparaître dans le néant.

______

Bonjour à tous ! J'espère que vous allez bien ? 😄

Perso, ça va super ☺️😁

Alors, votre avis pour la suite ? Des hypothèses ? 😇 Que pensez vous qu'il va se passer ? 😆😄

À vendredi 😉
Byzzz

Écrit le: 16-18-20/05/2021
Publié le: 2/06/2021

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