La bibliothèque (version 2)
Bibliothécaire est un métier qui pourrait paraitre fascinant pour tout bon fan de roman. Ranger, trier, discuter, étiqueter des bouquins toute la journée, quel bonheur ! Mais le quotidien devient rapidement terne.
En scolaire, c'est encore pire. Les élèves nous considèrent comme des meubles. Nous n'existons pas, ne sommes là que pour contrôler les entrées et les sorties, tout juste des êtres humains. Les arrivées de livres sont rares, ainsi, on a rapidement fait le tour et les journées se résument rapidement à rester assis sur une chaise à ne rien faire.
Certains élèves au contraire, sortent de l'ordinaire et osent nous adresser la parole; malheureusement, ils sont plutôt rares.
Cette années est plutôt exceptionnelle, deux secondes m'adressent la parole et ça fait un bien fou. Cela faisait des années qu'autant en une fois n'était pas arrivé. Autant dire que dans ces conditions, le quotidien est plutôt désespérant. Une élève fait son entrée et se dirige vers moi:
-Salut Fanny.
-Bonjour Ophélia, comment vas-tu ?
Elle sourit:
-Je suis plutôt impatiente de voir quel mot se cache aujourd'hui dans le livre. Il est passé ?
Je souris à mon tour. Ophélia entretient une relation par petits mots interposés avec un autre garçon de seconde depuis le début de l'année, le seul autre qui me parle. À vrai dire, je joue la commère avec elle, car n'ayant d'autre chose à faire, cela devient ma seule occupation, et je dois avouer que c'est plutôt distrayant. Surtout qu'étant là toute la journée, je sais parfaitement qui lui envoie ces mots.
-Oui, ce matin dès 8:00.
Ce qui me surprend le plus, c'est qu'elle demande toujours s'il est passé, sans jamais interroger son identité. S'ils le souhaitaient, je pourrais même leur donner le nom de l'autre, pourtant, aucun des deux ne m'a jamais posé la question.
-Ok, merci, je vais te laisser.
Elle s'éloigne et va fouiller le livre en question. Je fais toujours attention à ce que personne ne l'emprunte. S'il devait disparaître alors les enfants n'auraient plus aucun moyen de communiquer. Je me transforme en ange gardien secret car bien sûr, ils n'ont aucune idée de ce que je fais pour eux. Alors que j'allais fermer les yeux pour me reposer un peu, un autre élève fait son entrée. Cela ne m'aurait pas posé problème, si cet élève avait été quelqu'un d'autre que Gadiel.
Je jette un regard furtif à Ophélia tandis qu'il me salue et se dirige dans sa direction. Légèrement paniquée à l'idée qu'ils découvrent leurs identités pour une raison aussi bête que celle ci, je rappelle précipitamment Gadiel.
-Oui ?
Cherchant une raison vraisemblable afin de le retenir, je bredouille quelques mots, et il m'interroge :
-Tu es sûre que ça va ?
Je tousse légèrement, gênée.
-Oui, tout va bien. J'ai un léger mal de crâne.
Faux.
Ophélia s'assied à une table le livre à côté d'elle et le mot dans la main. Elle sourit tout en le reposant sur la table.
-Oh, tu veux que je fasse quelque chose ?
Je secoue vivement la tête:
-Non, ça va aller. Tu savais que la migraine est un mal mystérieux pour 83% des Français ? N'attendant pas sa réponse, je poursuis. De grosses incertitudes subsistent également sur la définition même de la migraine. 40% des Français affirment avoir parfois des maux de tête mais ne pas savoir s'il s'agit de migraines. Seulement 15% des Français déclarent souffrir "de manière certaine" de migraines, dont une proportion plus importante de femmes. Mais, qu'est-ce que c'est réellement, une migraine ? Et bien, c'est un mal de tête, qui se manifeste par crises qui peuvent durer de quelques heures à quelques jours. Elle est aggravée par la lumière et les efforts et peut être accompagnée de nausées et de vomissements. Elle toucherait quelque 10 millions de Français, selon diverses estimations. Elle peut être déclenchée par divers facteurs: le stress, les facteurs hormonaux, les règles et contraceptifs et l'alcool. Les Français connaissent en revanche moins le rôle du chocolat et des rapports sexuels. Donc tu vois, avec tous ces gens touchés, ce n'est pas bien grave que je le sois aussi.
Gadiel me fixe, sceptique, visiblement peu rassuré quant à ma santé morale et visiblement hésitant pour la réponse à apporter.
-Heu... d'accord. Très sympa ce cours sur la migraine. Mais je vais devoir y aller.
Il me salue et s'éloigne avant que je ne puisse le retenir, directement sur Ophélia. Je ferme les yeux, attendant le désastre, qui ne tarde pas à pointer le bout de son nez.
-Oh ! Tu aimes ce livre ?
Je rouvre les paupières, préférant assister au massacre, tout de même curieuse. Ophélia cache prestement le papier qu'elle était en train d'écrire dans sa main et je me taperais presque le front sur la table, dépitée de n'avoir pu le retenir plus longtemps, au moins le temps qu'elle termine.
-Oui, il est plutôt addictif. Je le feuillette souvent.
-Ah bon ? Moi aussi. Il lui sourit à pleine dents. C'est vraiment le meilleur livre qui n'a jamais été écrit de mon point de vue.
Ophélia rit, semblant gênée par le bout de papier dans sa main mais elle réplique tout de même:
-Peut être pas le meilleur, mais c'est vrai, il vaut le détour.
Suspicieux, il lui lance un regard, haussant un sourcil dans un air de défi:
-Ah oui ? Donc tu vas me dire que tu as déjà lu quelque chose qui est meilleur que ça ?
Elle rit de nouveau, puis explique:
-Je ne pense pas qu'on puisse affirmer que quelque chose est le meilleur tant qu'on n'a pas totalement vérifié. Or, il est impossible de lire tous les ouvrages qui sont sortis. J'adore ce livre, mais je sais aussi regarder la réalité en face. Il est impossible qu'il soit le meilleur. Dans tous les livres sortis, il est sûr que je trouverai un jour un bouquin qui surpassera celui là. Surtout que parler comme ça est très subjectif, c'est peut être le meilleur de ton point de vue, pour autant, une autre personne pourrait le trouver très mauvais. C'est impossible pour les goûts d'établir un classement réaliste.
-Tres philosophique, comme raisonnement. Personnellement, je préfère vivre au présent. Tu vis en te souciant de ce qui pourrait arriver, moi je me base sur mon expérience passée. Ce sont deux manières opposées de voir les choses.
Elle hoche la tête, semblant surprise quelqu'un lui oppose une telle réponse.
-Je peux ? Demande-t-il, désignant l'ouvrage.
Après qu'elle eût hoché la tête, il le saisit doucement entre ses mains, et, impuissante, j'observe la scène. Ils sont tout deux inconscients du fait qu'ils se connaissent sans aucun doute bien plus qu'il ne le pensent à présent, et qu'ils ne le sachent pas relève, pour la spectatrice que je suis, de la torture. S'ils n'avaient pas souhaités l'inverse, je me serais empressée de leur révéler la vérité.
La mine de Gadiel affiche soudain une certaine déception et il lui rend l'ouvrage avant de lui dire:
-Ca a été un plaisir de parler avec toi, mais je vais devoir y aller. A bientôt.
Elle le salue à son tour et il sort de la bibliothèque assez rapidement, toujours aussi déçu. Sachant la vérité, le "à bientôt" me paraît plutôt ironique.
Je soupire tout de même de soulagement tandis qu'Ophélia semble surprise de ce départ précipité. Elle reprend ensuite l'écriture de sa missive.
Ils l'ont vraiment échappés belle.
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Bonjour bonjouuuuuuur !
voici le lien du site qui m'a aidé pour le paragraphe sur la migraine : https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/la-migraine-un-mal-mysterieux-pour-83-des-francais_1192253.html
A bientôt
Byzzz
Écrit le: 30/04/2021
Publié le: 4/05/3031
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