Enfantillages

Thomas avait toujours aimé travailler. Depuis qu'il était petit. Ils se levait les matins, heureux comme une charme à l'idée d'aller à l'école. Il demandait toujours du travail aux professeurs, ayant terminé avant tout le monde. Il comprenait vite, et sa curiosité était louée par ses différents professeurs. Au fil des ans, sa curiosité s'était amplifiée, et, poursuivi par sa soif de savoir, il a commencé à errer dans les bibliothèques, à la recherche de livres techniques. Allant de "Comment démonter un moteur" à "l'apprentissage du yoga", les libraires et bibliothécaires s'étonnaient toujours de voir un enfant d'à peine 13 ans emprunter de tels ouvrages. Pourtant, Thomas aimait réellement ça. Alors, il ne se formalisait pas de l'avis des autres. A l'adolescence, il avait vite été catégorisé comme "l'intello étrange", mais encore une fois, il ne s'en était pas soucié. Seul le savoir importait.

Au lycée, il avait fait la connaissance de Mireille, une jeune femme toute aussi assoiffée qu'il l'était. Entre eux, la connexion se fit aussitôt. Il la surnomma "l'abeille" et quelques années plus tard, elle devint sa femme. Toujours en soif de connaissance, la discussion ne tarissait jamais entre eux. Ils se parlaient de leurs nouveaux apprentissages, leurs expériences. Ils étaient un vrai tandem de choc. Trois enfants naquirent de cette union. Trois petites filles.

Thomas avait trouvé un travail dans l'informatique, une matière qui l'avait toujours fascinée et à laquelle, petit, il ne comprenait rien. Les premières années dans ce métier se déroulèrent comme dans un rêve. il eu la joie de devenir père pour la deuxième, puis troisième fois, son travail l'emplissait de bonheur et sa femme semblait tout aussi épanouie qu'il l'était. Puis, le travail s'accumula de plus en plus, toujours plus, et ses enfants commencèrent à courir partout. Il n'avait jamais eu aussi peu de temps libre dans sa vie entière. Sa première passion, la découverte, fut relayée au second plan, et passa derrière son entourage et son emploi. Bien sûr, tout ceci le combait toujours autant, mais la globalité devenait épuisante, éreintante. Il couchait le soir, conscient que le lendemain serait encore pire. Mireille aussi semblait extrêmement fatiguée. Le duo de choc qu'ils étaient restait intact, mais les discussions animées du soir se transformèrent peu à peu en sommeil bien mérité.

Un matin, alors que deux de ses filles étaient venues durant la nuit et avait réveillées leur parents, Thomas en eut marre. D'ordinaire, il trouvait le quotidien supportable, pourtant, jour-là lui parut atroce. Il n'avait aucune patience et un besoin de tranquillité qui frôlait des sommets. Alors, toute la journée, il fut exécrable. Il salua à peine sa famille, partit au boulot dans un état second, et regarda, toute la journée, les dossiers s'entasser sur son bureau, formant rapidement une pyramide. Il l'observait d'un oeil absent, ne se souciant guère de ceci, prêtant encore moins d'attention lorsque ses collègues lui demandèrent s'il allait bien.

Le soir, il rentra chez lui, et la présence de sa femme le fit quelque peu revenir de son état de somnambule. Il s'excusa auprès d'elle pour le matin, et lui expliqua sa situation. Il était harassé, n'en pouvait plus. Le comprenant, sa femme lui ordonna presque d'aller se coucher. Elle gérait la situation.

Il avait vraiment la meilleur épouse du monde.

La semaine qui suivit se déroula dans le même brouillard et il vit à peine son patron passer et lui dire:

-Je veux ce dossier sur mon bureau demain matin. Oubliez tout le reste.

Il fixa quelques secondes cette pochettes jaune, puis quitta de nouveau la réalité. Le lendemain, son patron le convoqua dans son bureau et lui demanda le dossier. Thomas expliqua qu'il n'y avais pas touché. Compréhensif, le directeur le questionna, lui demandant s'il allait bien. Il ne répondit que par une monosyllabe, s'excusa en expliquant une grande fatigue, et quitta ensuite le boulot, lorsque le patron lui eût donné sa journée.

Le lendemain, après une journée seul chez lui (les enfants à l'école et sa femme au travail) il ne se sentait absolument pas mieux. Ça lui semblait même pire sans qu'il ne sache se l'expliquer. Il lui semblait que peu à peu, il s'enfonçait dans des ténèbres qui le coupaient du monde extérieur et qui l'empêchaient de respirer convenablement. L'angoisse lui semblait être omniprésente. Pourtant, il retourna au travail, et se fut sans doute le jour de trop.

A peine arrivé, la masse de dossiers en attente lui rappela tout ce qui lui restait à faire et il soupira. Le passé lui manquait réellement. Ces soirées aux discussions enflammées, ces découvertes omniprésentes, ce savoir qui semblait sans limite, tout cela lui manquait au plus haut point. Il voulait retrouver cette innocence, ces expériences, au lieu de cette vie morne sans échappatoire.

Tester des choses, voilà ce qui le faisait réellement vibrer. Alors, faisant fi de ses inquiétudes et en une impulsion peu préméditée et quasiment dans un état second, il alluma de la musique sur son téléphone qu'il mit au volume maximum, et monta sur son bureau, poussant du pied les dizaines de dossiers accumulés dessus. Ils s'éparpillèrent, voletant tout autour de lui, et pour la première fois depuis longtemps, il rit franchement. Il se mit à danser, et quelques secondes plus tard, son patron, alarmé, fit son entrée en ordonnant, mi-parlant, mi-criant:

-Veuillez cesser immédiatement ces enfantillages !

-Oh non, ce ne sont pas des enfantillages ! Répliqua immédiatement Thomas. Je pense que je n'ai jamais été aussi lucide qu'à cet instant.

Et lucide, il l'était. Il avait une conscience aiguë de son propre corps, qui lui faisait défaut depuis des semaines.

Toujours debout sur la table, il effectua quelques pas de dance, le sourire aux lèvres.  Il se sentait enfin libéré. Bien sûr, ça ne convenait à aucun de ses codes morales, mais sans savoir pourquoi, danser sur cette table lui semblait être la meilleure chose à faire. ils ferma les yeux tandis que son patron poursuivait ses remontrances. La seule phrase qu'il entendit distinctement fut "vous êtes virés !" que l'homme prononça avec tant de véhémence que Thomas su qu'il ne reviendrait pas dessus, même s'il le suppliait à genoux. Pour l'instant, il s'en fichait.

Alors qu'il se mouvait depuis un certain temps, le temps que ses collègues d'abord intrigués se désintéressent enfin, une présence familière lui fit ouvrir les yeux. Mireille, appuyée contre le battant de la porte lui faisait face, les bras croisés sur sa poitrine, et le fixait d'un oeil curieux.

Penaud, il descendit, puis coupa la musique. Il savait que la présence de sa femme n'était pas due au hasard, et il se rendait à présent compte de l'irresponsabilité dont il avait fait preuve en se faisant renvoyer pour cela. Pourtant, il n'arrivait pas à regretter l'acte qui lui avait fait perdre son emploi. Le surprenant, elle esquissa un sourire: léger d'abord, puis plus franc. Il le lui rendit et se passa la main dans la nuque, légèrement gêné de ses actions.

Elle lui prit la main avant de s'exclamer joyeusement:

-Je crois qu'il va falloir qu'on prenne des vacances !

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Coucou tout le monde 😁 j'espère que vous allez bien, pour ma part, ça va super 😄

Eh hop, on ressaute dans le passé niveau date d'écriture 😂 (eh oui, pas de jour férié pour la publication)

À la prochaine 😁 (je suis passée en coup de vent sur la relecture)

Écrit le: 1/05/2021
Publié le: 13/05/2021

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