Si elle se l'était permis

Parfois, de très rares fois, sa respiration s'accélérait, ses narines laissaient jaillir de grands soupirs fumants, et ses sourcils se fermaient, se rejoignaient. Ses bras croisés sur sa poitrine, ses doigts s'enfonçant dans ses paumes, pour essayer de maîtriser ses émotions, de faire passer une colère trop bien connue.

Une colère qui ne visait personne, et tout le monde à la fois. Un ras-le-bol de la vie, un ras-le-bol d'elle-même. Une colère qui se cachait dans les limbes de son coeur, une colère qu'on pensait aux oubliettes à tout jamais. Mais une colère qui toujours réussissait à ressortir avec une vieille amie, sa compagne aussi haineuse que Lucifer.

Une haine envers elle, une haine envers ceux qu'elle connaissait, ceux qu'elle avait un jour l'habitude d'aimer, de chérir. Une haine qui se nourrissait de ses multiples coeurs brisés, de la frustration de ses émotions, toujours trop fortes, toujours trop poussées. Une haine qui lentement grossissait en son sein, aspirant tout le sang de son coeur pour l'assécher d'amour et le noircir de reproches. Reproches envers elle, en particulier. Envers ses sentiments trop envahissants, et répugnants.

Et alors, elle restait calme à l'extérieur, droite comme un piquet sur sa chaise de clous, observant le monde autour d'elle bouger au ralenti d'un regard aussi froid que l'Antarctique. Ses yeux lançant des éclairs, retranscrivant en direct ce que l'enfer est vraiment dans des iris noirs de colère. Ce n'était qu'un éternel incendie de douleur et de torture.

Sereine d'apparence, en elle le chaos régnait. Sa voix silencieusement criait, hurlait jusqu'à en casser ses cordes vocales. Ses ongles lentement mais profondément s'enfonçaient dans sa peau de lait, laissant un sang bouillant couler, laissant le venin s'en aller.

Mais si elle l'avait pu, elle ne se serait pas retenue. Elle aurait envoyé les chaises valser, les verres se briser contre les murs, les insultes trancher d'autres coeurs. Elle aurait envoyé tout en l'air, rien que quelques minutes, si elle se l'était permis. Elle aurait brûlé  toutes les fausses promesses en lesquelles elle désespérément croyait. Elle aurait cramé ses peurs du monde, et son corps tranché de ses coups avec. Si seulement elle avait laissé sa colère prendre le dessus une unique seconde, elle aurait créé un pandemonium sans fin. Pour enfin éradiquer cette boule, ce poids sur la poitrine qui pesait de plus en plus chaque jour, qui se noircissait de plus en plus chaque seconde. Elle aurait tout brisé. Sans se soucier d'un possible après, d'une possible mais inespérée réparation, et sans penser aux dégâts. Pour une simple et unique fois, elle aurait laissé l'enfer dans lequel vivait son coeur depuis des années sortir, et l'aurait partagé au monde.

Si elle se l'était permis.

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