La Noble Maison des Black
Hello !! Et oui, nous sommes jeudi, c'est un jour étrange pour poster... mais on est le 15 février. C'est-à-dire le Saint Jour du Simoria et de mon anniversaire (mon plus grand flex, rappelons-le) donc je me suis dis que je pouvais vous poster ce bonus écrit il n'y a pas longtemps. Ca compensera ma non-avance dramatique dans LHDI haha !
Alors, ce bonus, de quoi parle-t-il ? On change de temporalité pour une fois, on se retrouve à l'été 1995, entre le 4e et le 5e tome de Harry Potter. Seulement, point de gamin à lunettes et cicatrice ici présent, je reste avec mes personnages fétiches, à savoir les Maraudeurs (ou du moins ce qu'il en reste... ahem). Cet OS va se concentrer sur Remus et Sirius qui rentrent à Square Grimmaurd pour la première fois et viennent voir si l'ancestrale demeure des Black pourrait servir de QG car le temps presse, l'Ordre a besoin d'un endroit où se retrouver. Je vais être tout à fait transparente : je suis sûre que l'idée n'est pas de moi. J'ai dû la lire dans une fanfic en anglais il y a longtemps, ça m'est resté en tête, et c'est sorti sur clavier la semaine dernière. Si je vous la retrouve, je vous la donnerai avec plaisir parce que j'ai dû y piquer des idées/dialogues inconsciemment. En tout cas, j'espère que vous aimerez ma version ! C'était en tout cas un plaisir et un challenge de reprendre Sirius et Remus post guerre, dans cette entre-deux si particuliers de leurs retrouvailles et de l'atmosphère présente de cet été du retour de Voldemort.
Petite info au passage pour les étourdi.es : le tome 4 de ATDM est désormais posté ! <3
Avant de commencer, et juste parce que j'en ai envie, je vous partage une chanson. J'adore la musique et surtout les paroles, donc je trouve qu'elle mérite plus de visibilité ! Voici Rome de Solann.
https://youtu.be/DAf_ApQNQlU
Bonne lecture !
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La Noble Maison des Black
Eté 1995
- Pour l'amour de Merlin, Sirius, fais un effort ! Est-ce que tu pourrais essayer d'avoir l'air un peu moins... tu sais...
- Quoi ? D'un tueur de masse ? D'un évadé en cavale ?
- J'allais dire de « toi » mais ça fonctionne aussi, oui, siffla Remus.
Sirius trouva l'injonction ironique et se contenta de lui renvoyer un regard peut convaincu par-dessus ses lunettes de soleil. Un peu moins « lui ». Pour un peu, il aurait cru entende sa mère. Peut-être que son esprit aigri commençait déjà à atteindre le pauvre Remus, même s'ils n'étaient pas encore arrivés à destination. Ça aurait bien été le genre de la Harpie de jeter une malédiction qui fasse cet effet sur les murs de Square Grimmaurd : la demeure des Black ne faisait pas simplement partie de Londres, elle se devait d'étendre son influence sur toute la capitale.
- Je suis intéressant à regarder, marmonna-t-il finalement en guise d'excuse, ce n'est pas de ma faute.
Remus ne parut pas impressionné pour deux noises. A sa décharge, il ne l'avait jamais été.
- C'est ce que t'aimerais croire, lui rétorqua-t-il, sardonique. Peut-être que si tu n'avais pas insisté pour porter... tout ça. (Il le désigna de haut en bas d'un air blasé). Peut-être qu'on serait plus discrets, oui.
- Eh, c'est toi qui m'a acheté tout ça !
- Oui et tu me dois dix livres sterling. Mais je ne pensais pas que tu porterais tout en même temps, Patmol !
Comme pour prouver son argument, il pointa à nouveau sa tenue et Sirius baissa les yeux. Ce matin, avant de sortir pour ce qui lui avait semblé la première fois depuis une éternité, il avait enfilé les quelques vêtements que Remus lui avait rapporté ces derniers mois afin de se fondre dans le Londres moldu : un jean noir évasé, un t-shirt d'un groupe de rock qu'il ne connaissait pas – il avait loupé douze ans de la scène musical, merci bien – une veste en cuir comme lorsqu'il était adolescent et surtout des lunettes de soleil sombres à monture épaisse qu'il avait adoré dès la première seconde. Il voulait être enterré avec, c'était officiel.
A bien y réfléchir, il comprenait ce que Remus voulait dire. Dans leur rame de métro, la plupart des londoniens les ignoraient royalement en bons citadins qu'ils étaient, mais ils percevaient quelques coups d'œil peu subtils dans la direction. Malgré tout, il était à peu près persuadé de ne pas en être le seul responsable. C'était plutôt son duo disparaitre avec Remus qui poussait les gens à se retourner, surpris. Entre sa tenue de rockeur raté et celle en tweed éliminé de son ami, ils devaient avoir l'air d'être rentré en collision par accident.
- Hyde Park Corner, annonça la voix robotique du métro.
Il s'accrocha un peu plus à la barre devant lui alors que la rame freinait. Il leva les yeux vers le panneau indiquant les stations et décompta dans sa tête le nombre d'arrêts restant. Plus que trois. Son estomac se contracta.
Il avait l'impression de se diriger droit vers sa tombe. S'il avait eu un peu de jugeote, il aurait tourner les talons et repris le métro dans l'autre sens, mais il se força à rester immobile, un goût de cendre dans la bouche. Pour un peu, il aurait presque pu entendre la voix de James l'avertir : « Fais demi-tour, espèce d'idiot ! Tu vas devenir fou si tu y retournes ! On avait dit que tu n'y mettrais plus jamais les pieds ! »
C'est vrai, ils l'avaient dit. La nuit où il avait fugué, James lui avait fait la promesse que plus jamais il ne retournerait à Square Grimmaurd. Il avait brisé cette promesse pendant la guerre une seule fois, rendu aveugle par la colère contre son père. Parfois, il se demandait s'il ne l'avait pas rêvé, mais le souvenir de son frère et lui en train de discuter dans le bureau d'Orion était toujours gravé en lui, même des années plus tard. En ressortant, il s'était juré de ne plus briser la promesse. Et voilà qu'il s'apprêtait à le faire.
Rien d'étonnant s'il devait être honnête avec lui-même. Il n'avait jamais su garder ses promesses. Il suffisait de demander à Regulus. Ou à Remus. Ou à James.
Je te protégerai, Reg, je te protégerai toujours. Ah, la bonne blague... Il savait ce que sa protection avait donné.
Promis, Lunard, je garderai ton secret jusqu'à ma mort ! Oh, le regret de celle-ci en songeant à l'air mauvais de Rogue cette fameuse nuit dans la Cabane Hurlante.
Fais-le, James. Change de gardien du secret, écoute-moi. Je te promets que c'est le seul moyen pour être sûr que vous restiez en sécurité ici. Merlin, il aurait accepté de refaire douze ans à Azkaban si ça signifiait pouvoir revenir sur cette promesse et changer ce qui s'était passé.
- Green Park, fit à nouveau la voix robotique.
Plus que deux arrêts.
- Encore deux arrêts, lui signala Remus avec un regard entendu.
Il hocha la tête, nerveux. Il connaissait ce regard : c'était celui que Remus utilisait quand il s'inquiétait et il ne pouvait pas vraiment lui reprocher. Après tout, ils avaient fait déjà ce même trajet hier pour rien. Il s'était transformé en chien pour passer inaperçu, collé à Remus pendant toujours le voyage en métro, mais au moment de ressortir dans la rue et d'approcher de la maison, Patmol avait été plus intelligent que lui à cet instant : il s'était tout simplement enfui, refusant d'avancer davantage. L'instinct animal, avait dit Remus. Il supposait qu'il s'y connaissait en la matière et avait accepté l'explication sans broncher, mais voilà qu'ils recommençaient aujourd'hui, plein d'espoir. Sirius aurait voulu se jeter sous le métro. Ce qui aurait été difficile en étant dedans, mais tout de même...
Deux arrêts plus tard, ils arrivèrent enfin à Covent Garden et sortirent de la rame d'un même pas pressé. Il commençait à se sentir oppressé. Les mains dans les poches de sa veste en cuir, il cala son rythme sur celui de Remus tout en veillant à rester légèrement derrière lui et laissa son regard vagabonder. La station était presque la même que dans ses souvenirs, mais quelques détails venaient lui renvoyer en pleine figure le temps écoulé depuis la dernière fois qu'il était venu : des affiches publicitaires de marques dont il n'avait jamais entendu parler – bon sang, les jeunes portaient vraiment de nos jours ? –, un pan de mur rénové, et même quelques affiches placardés en désordre ici et là. Sur l'une d'elle, il distingua son portrait, à moitié déchiré. Celui où il avait le regard fou et les cheveux emmêlés. Il baissa la tête.
Faire profil bas. C'était ce que tout le monde lui avait ordonné : Remus, Dumbledore, Molly, même Harry. Le problème, c'est qu'il était à peu près sûr de ne jamais avoir réussi à faire profil bas de toute sa vie. Sirius Black et profil bas devaient même être un oxymore. Ou une antithèse. Ou n'importe quelle figure de style d'opposition.
- Patmol ? appela Remus, perché au-dessus de lui sur la marche de l'escalator. Ça va ?
Si ça allait ? Il réfléchit à la question. Disons qu'il avait l'impression qu'au lieu de le ramener vers la surface, l'escalator le conduisait vers les Enfers, comme si tout s'était renversé autour de lui et que plus rien n'avait de sens. Il retint un rire désabusé. Si ce n'était pas la métaphore de sa vie ces douze dernières années, il ne savait pas ce que c'était !
Ses larges lunettes de soleil bien en place, Sirius se contenta d'un rictus rassurant.
- La seule chose qui me motive, c'est de me dire que j'arriverai peut-être à brûler cette foutue maison avant que tu m'en empêches, avoua-t-il en guise de réponse.
- Oh vraiment ? Tu penses pouvoir échapper à mon attention comme ça ?
- Je le penses pas, Lunard. Je le sais.
Face à sa vantardise habituelle, Remus laissa échapper un rire étouffé terriblement familier.
- T'es le seul à blâmer, tu sais. Personne t'avais demandé de proposer Square Grimmaurd en QG quand Maugrey a demandé si quelqu'un connaissait un endroit. On aurait très bien pu retourner au fin fond des landes irlandaises.
- Et se priver d'un quartier général en plein cœur de la capitale ? Allez, même moi j'ai assez le sens du devoir et du dévouement pour savoir qu'on ne laisse pas passer une occasion pareille.
- Oh oui, c'est tout toi, ça...
Il fit un salut militaire pour toute réponse et Remus cacha son sourire en se retournant alors que l'escalator arrivait enfin en bout de course. Sirius carra les épaules. Dès qu'il posa un pied dehors, une vague de chaleur le heurta, étouffante, et il regretta sa veste en cuir à la seconde. Heureusement, ils n'étaient pas loin de Square Grimmaurd et ils contournèrent le petit square aux grands arbres qui prenait tout le centre de la rue avant de remonter toute une rangée de maisons victoriennes. Ils s'arrêtèrent enfin, plantés devant les façades en vieilles pierres.
- Merlin... jura Remus, la nuque cassée pour tout englober d'un même regard. Il faut que je me concentre c'est ça ? Elle est entre le 11 et le 13 ?
- C'est généralement où se situe le 12, ouais...
Remus lui jeta un coup d'œil mi-agacé mi blasé et il lui rendit un sourire d'enfant terrible. Peut-être que s'il prenait tout à la dérision, la situation allait finir par le faire rire et que le nœud dans son estomac allait enfin se dénouer. Un vœu sûrement vain, mais il pouvait toujours rêver.
Les épaules rejetées en arrière comme s'il s'apprêtait à se lancer dans un duel – ce qui était un peu le cas à bien y réfléchir, la maison avait toujours été un redoutable adversaire – Remus prit alors un air concentré. Il resta planté à côté de lui. Il fut un temps où les sorts d'illusion ne lui faisaient plus rien : il pouvait voir Square Grimmaurd même sans avoir à plisser les yeux, ni sans avoir à y regarder deux fois. Seulement, les années avaient passé et l'habitude s'était émoussée et pourtant... Pourtant, il fut surpris de voir à quel point il réussit à faire réapparaître la demeure devant lui, comme un mirage sorti de ses pires cauchemars. Les sortilèges avaient peut-être perdus de leur efficacité avec les années et il se fit une note mentale de les renforcer si l'Ordre s'y installait. Dans tous les cas, elle était bien là. Toujours aussi étroite et lugubre en apparence, sa façade surgit brusquement face à la rue, écartant les deux maisons d'à côté avec une insolence toute Black. Remus émit un « hum » songeur à ses côtés et il tourna la tête vers lui.
- Quoi ?
- Rien...
- On ne peut pas « rien » penser face à cette putain de maison, Lunard. Vas-y, dis-le, qu'est-ce que t'en penses ?
Sa vulgarité ne parut pas affecter Remus. Ses yeux ambrés se contentèrent de détailler la façade de Square Grimmaurd avec intérêt, une émotion indéchiffrable sur ses traits marqués.
- Je ne sais pas... Je crois qu'à force de t'entendre en parler, j'avais imaginé une sorte de château hanté ou de Tour de Londres sinistre. Elle est assez... banale finalement.
- Elle essaye de te faire baisser la garde, c'est pour ça... Crois-moi, c'est une maison des horreurs ce truc.
D'un même pas, ils commencèrent à s'avancer et montèrent les marches du perron. Sirius ressentit presque la magie ancestrale commencer à vibrer sous ses pieds. Il remonta ses lunettes de soleil dans ses cheveux.
- Je m'en doute, marmonna Remus distraitement en cherchant la poignée des yeux. Mais je ne sais pas, je pensais qu'elle serait plus grande, c'est tout.
- Elle est plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur.
La phrase quitta ses lèvres avant qu'il n'ait pu la retenir. Figé, il vit Remus se tendre et il sut qu'il pouvait lui aussi entendre cette même phrase en écho, répétée maintes et maintes fois par Alexia sur un ton enthousiaste. Elle n'avait jamais pu résister à faire référence à Doctor Who, même si personne à part Lily ne comprenait généralement ce qu'elle voulait dire. Sirius avait tout de même retenu celle-ci. Parfois, à Azkaban, il se la répétait en boucle, juste pour se donner l'illusion que les murs de sa cellule ne se refermait pas sur lui et qu'il n'était pas enfermé dans dix mètres carrés. Un goût de cendre lui envahit la bouche.
Depuis son évasion, il n'avait jamais pris le temps de parler avec Remus. Pas réellement du moins. Il y avait eu trop de choses à penser : Harry, le Ministère, un endroit où se cacher, reformer l'Ordre... Ils avaient dû se voir à peine trois fois durant l'année écoulée, mais Sirius avait été à chaque fois trop lâche pour poser des questions sur Alexia. Il savait, bien sûr. Il avait appris la nouvelle de sa mort à Azkaban et le mois qui avait suivi avait sans doute été l'un des pires de son incarcération s'il excluait la première année en elle-même. Le temps avait fini par l'engourdir, léthargique, et toute son énergie avait ensuite été consacrée à ne pas sombrer mais ce mois-là... Oh oui, il se souvenait de ce mois-là. Les Détraqueurs s'étaient pressés contre ses barreaux presque jour et nuit, happé par la douleur sourdre qui pulsait dans sa poitrine en songeant au dernier souffle d'Alexia ; ce dernier souffle qui l'avait hanté si longtemps...
Le sien se fit d'un coup haché. Bloqué au creux de sa gorge, il ferma les yeux une seconde pour se reprendre et Remus eut la délicatesse de ne pas commenter. A moins que ça ne soit de la lâcheté. Il n'avait pas l'air de vouloir plus évoquer le passé que lui et les non-dits s'accumulaient tous les jours un peu plus maintenant qu'ils se voyaient davantage pour reconstruire l'Ordre. Sirius retint un rire désabusé. Merlin, ils faisaient de piètres Gryffondor... James les aurait secoués depuis longtemps s'il avait été là. Mais est-ce que ce n'était pas la tragédie de toute cette situation ? James n'était pas là. Il était de retour à Square Grimmaurd. Et Remus arrivait à peine à le regarder dans les yeux.
Bienvenue dans la vie fabuleuse de Sirius Black, songea-t-il avec ironie.
Pour briser la tension, Remus finit par se râcler la gorge. Il désigna la porte à la peinture écaillée et fronça les sourcils.
- Excuse-moi de n'être qu'un simple sorcier dépourvu de toute éducation aristocratique, mais... vous n'auriez pas oublié quelque chose en construisant votre si noble maison ? Une poignée de porte, par exemple ? fit-il d'un ton sardonique.
Sirius se glissa devant lui.
- Tu crois qu'une poignée serait à la hauteur des Black, Lunard ? Non, il n'y a que le sang qui compte. Regarde.
C'était un coup de bluff. Pour tout ce qu'il en savait, la Harpie ou un autre membre de la famille avait très bien pu réaliser le rêve de toute la bonne société sorcière en le déshéritant enfin, mais il posa tout de même sa main à plat contre le battant. Pendant une seconde, il ne sentit que son pouls erratique pulser sous sa peau.
Puis, le cœur de la maison se remit à battre en retour...
Elle reconnut son héritier et la magie s'éveilla de son long sommeil ; elle se remit à courir dans les briques et les fondations ; les sortilèges cédèrent et reculèrent, comme si Square Grimmaurd s'inclinait devant l'inévitable : l'enfant prodige – celui qui avait claqué la porte il y a des années – revenait finalement. La porte céda sous sa main. La gorge comprimée, Sirius avança le premier.
La première chose qui le frappa fut l'odeur. Humide, renfermée, pleine de poussière. Le hall était plongé dans l'obscurité, mais la lumière du soleil de la porte ouverte derrière eux permettait de voir l'essentiel : le papier peint se décollait à moitié ; le parquet était sombre et tâché, bien loin de son lustre d'antan ; et il distingua des toiles d'araignées pareilles à un voile de mariée sinistre autour des lampes à gaz. Le bois se mit à grincer, comme si des milliers de petites créatures tapis dans l'ombre fuyaient soudain la lumière du jour. La maison s'éveillait et Sirius frissonna. Instinctivement, sa main se crispa sur sa baguette dans la poche de sa veste en cuir. Enfin, sa baguette... Pas vraiment. Plutôt celle qu'il avait dérobé sous forme de chien un jour de pluie et qui ne cessait de lui résister de temps en temps, puissante mais inégale malgré tous ses efforts. Il devait être un peu rouillé aussi à sa décharge. Seulement, il ne pouvait pas se permettre de se balader sans baguette en temps de guerre et en tant qu'ennemi numéro 1 recherché par tous les Aurors du pays. Et il ne savait pas où se trouvait sa baguette, ni même si elle existait encore. Elle lui avait été confisquée à son arrivée à Azkaban et il pouvait difficilement se rendre chez Ollivander pour en acheté une autre.
- Merlin... toussa Remus dans son dos. On dirait que personne ici n'est venu depuis dix ans...
- Et qui aurait été assez fou pour le faire ?
Même sa voix sonna cassée, à peine un souffle enroué, comme si son corps se mettait au diapason avec la maison décrépit. Il se râcla la gorge, gêné.
Brusquement, la porte d'entrée se referma dans un bruit sourd et il retint l'impulsion qui lui criait de repartir, de ne pas se laisser enfermé dans un lieu pareil, mais il garda les pieds fermement ancrés dans le sol. Remus, lui, tourna sur lui-même. D'un coup de baguette, il ralluma les lampes à gaz qui sifflèrent un instant après tant d'années à avoir fait régner l'obscurité et les tableaux réapparurent alors soudain. Sirius ne fut pas surpris de voir qu'ils dormaient tous.
Planté au milieu du hall, il osa enfin tourner la tête vers Remus. La vision lui fit étrange. Pendant des années, il s'était fait la promesse de tenir ses amis éloignés de la folie de Square Grimmaurd. Et voilà qu'il l'avait emmené dans la gueule du loup, tout ça pour les beaux discours de Dumbledore et pour l'idéal de l'Ordre. La prise de conscience le percuta d'un coup : ni les beaux discours ni son idéal n'avait protégé ses amis la première fois. Et s'il était juste en train de refaire la même erreur ?
- Sirius ?
- Hum ?
- Respire.
Il croisa enfin le regard ambré de Remus. Et relâcha l'air bloqué dans ses poumons. Pendant une seconde, la tête lui tourna presque, mais sa respiration fit repartir le sang dans ses veines et il se stabilisa.
- Désolé... marmonna-t-il, mortifié.
- C'est normal... Vraiment, si tu veux attendre dehors, je peux faire le tour tout seul...
- Tu finirais avaler par une armoire ou piégé dans le miroir de la salle de bain. Et il y a de l'argent partout dans cette foutue baraque. Non, c'est bon. Ça fait juste bizarre, mais je peux le faire.
Remus haussa un sourcil.
- Dans le miroir ? répéta-t-il.
- Ouais... Il y a un esprit malin qui y vit depuis des années. Mon père n'a jamais voulu s'en débarrasser. « Faire face à soi-même forge les hommes » ou une connerie du même genre. Il a traumatisé Cissy petite.
- Oh...
- Famille de timbrés, tu peux le dire.
- A vrai dire, j'allais dire « famille de dégénérés » mais, oui, ça fonctionne aussi.
Ensemble, ils échangèrent un sourire amusé et Sirius secoua la tête avant de se détourner. Il n'avait pas envie de s'éterniser dans ce hall, surtout qu'une impression désagréable commençait à courir sous sa peau comme si un regard lui perçait la nuque. Il dépassa de vieux rideaux mangés aux mites, puis ils avancèrent dans la maison.
Leur premier arrêt fut la cuisine. Sans surprise, elle était à l'image du hall. Le plafond était à moitié moisi, sûrement signe d'une fuite quelque part, et une épaisse couche de poussière et de saleté suspecte s'était accumulé un peu partout. La cheminée, qui était presque un pan de mur entier, n'était plus qu'une gueule béante et encrassée. Remus longea la longue table en bois qui trônait encore au milieu de la pièce et y passa le doigt, traçant dans son sillage une ligne au milieu de la poussière.
- Ca ferait une bonne table pour les réunions, jugea-t-il, le nez froncé. On peut y mettre plusieurs membres.
- Faudrait encore qu'on les trouve, les membres. On ne peut pas dire qu'on soit encore nombreux...
Dans son esprit, il fit défiler les noms des absents qui ne semblaient pas avoir de fin. Benjy, Gideon, Fabian, Marlène, Dorcas, Edgar, Alice et Frank, Alexia, James et Lily... Il eut à nouveau envie de vomir.
- Non, c'est sûr... convint Remus d'une voix grave. Mais Dumbledore a sûrement déjà des idées en tête, son réseau est énorme. Maugrey aussi. Tu vas aller chercher Emmeline bientôt, non ?
- Dès qu'on aura établi le QG, oui.
Il avait demandé à Dumbledore de lui assigner cette mission. Il avait besoin d'un visage familier, de se rendre utile, et revoir Emmeline Vance après douze ans lui avait semblé une bonne idée à ce moment-là. Remus hocha la tête.
- Parfait, alors autant s'y mettre. (Il observa autour de lui, concentré, puis enjamba le banc de la table et sortit un parchemin de sa poche). On va faire une liste des priorités pour rendre cet endroit habitable, décréta-t-il. Il faut qu'on vérifie plusieurs choses.
- Une liste ? Bon sang, Lunard, c'est le truc le plus « professeur Lupin » que t'ai dit depuis que je suis revenu.
- Si tu le dis. Mais faut bien s'organiser un peu. On n'a même pas vu un tiers de la maison et je sens qu'il va nous falloir des mois pour la remettre en état. Donc allez, au travail.
- A vos ordres, professeur, soupira Sirius. (Il s'installa à son tour en veillant bien à montrer à quel point il trouvait l'idée ridicule, mais comme il n'avait rien de mieux à proposer, il se tut). Est-ce qu'on peut mettre brûler tous les portraits et les têtes d'elfes coupés en priorité ?
Remus suspendit sa plume au milieu de son « 1 » tracé de son éternelle écriture penchée.
- Tu me fais marcher, lâcha-t-il avec incrédulité.
- J'aimerais. Mais non, tu verras quand on ira à l'étage. La Harpie avait un certain sens... de la décoration.
- Génial... L'impatience m'habite. Bon très bien, je note les elfes. Les portraits peuvent attendre, je suis sûr qu'il y a des choses plus urgentes.
Sirius émit un claquement de langue dubitatif.
- On verra si tu dis toujours ça après avoir entendu la vieille tante Elladora...
- Hum... Déjà, essayons d'y voir plus clair. Il faudrait vérifier les tuyaux, voir si la maison est toujours raccordée à l'eau potable. On ne peut pas accueillir l'Ordre si on ne peut pas du thé au minimum.
- Oh oui, ça irait à l'encontre de toutes les règles de guerre. Des combattants sans thé et le monde est perdu.
- Je te remercie pour ce sarcasme qui ne nous avance à rien, Patmol, mais tu sais que j'ai raison. Il faut qu'on puisse manger, boire, se doucher. Aller aux toilettes même. Sinon, ça ne sert à rien d'avoir un QG où regrouper des gens. Autant louer la salle des fêtes de Carbonne-les-Mines.
Merlin, il en avait presque oublié que Remus maîtrisait très bien le sarcasme aussi lorsqu'il le voulait. Un sourire menaça de jouer sur ses lèvres et il posa sa tête contre son poing avec défaitisme.
- La salle des fêtes de Carbonne-les-Mines n'était même pas assez bien pour le mariage de Lily et James, objecta-t-il. Mais d'accord, vas-y, note les tuyaux sur ta liste. J'ai toujours rêvé d'être plombier de toute façon.
Remus se contenta de rouler des yeux. Dans la demi-heure qui suivie, ils établirent plusieurs points : pouvoir faire du thé pour pouvoir le boire dans la porcelaine française des Black, le raccord au réseau de cheminette et trouver le moyen de le sécuriser, se débarrasser des nids de Doxys, revoir la décoration sans têtes d'elfes morts, faire le ménage, et vérifier tous les sortilèges de la maison qui auraient pu devenir dangereux avec le temps. Pas forcément dans cet ordre, mais il faudrait s'en occuper à un moment ou un autre.
- Bon... Il va falloir qu'on monte à l'étage, non ? énonça Remus avec évidence quand ils eurent terminé. Pour voir un peu l'état des chambres ?
- Hum... Fais juste attention où tu poses les pieds. J'ai l'impression que le plancher pourrait s'effondrer à ce stade.
Et sur cette joyeuse perspective, ils remontèrent de la cuisine. Dans le hall, tout était silencieux, exactement comme tout à l'heure. Même les tableaux ne s'étaient pas encore réveillés, toujours plongés dans le même sommeil étrange que la maison elle-même. Sirius avança le premier. Il allait mettre le pied sur la première marche de l'escalier lorsqu'un bruit fracassant s'éleva derrière lui et il fit volte-face, la baguette brandie devant lui. Il ne découvrit que Remus, figé, au-dessus d'un porte parapluie jambe de troll désormais renversé au sol.
- Merlin, Lunard ! jura-t-il entre ses dents.
- Elle était en plein dans le chemin ! On n'y voit rien ici ! se défendit son ami.
- C'est une jambe de troll, elle ne peut pas être plus grosse ni plus moche, Remus ! Fais un effort !
- Eh, je...
- Regulus ?
La voix les glaça tous les deux d'un coup. Dans les yeux écarquillés d'horreur de Remus, Sirius vit son propre effroi et il resta immobile, soudain crispé par une sensation cauchemardesque. Il avait perdu l'esprit, ça y est. C'était la seule explication. Il avait cru échapper aux Détraqueurs, mais la folie finissait toujours par vous rattraper et Square Grimmaurd avait été la faille de trop, celle qui l'avait enfin fait basculer.
- Regulus ? C'est toi ? appela à nouveau la voix qui avait trop souvent hanté ses nuits.
Il déglutit.
- Lunard... chuchota-t-il. Dis-moi que tu l'entends aussi...
- Quoi ? La voix de ta mère censée être morte ? siffla Remus, mâchoires crispées. Oui, Patmol, je l'entends ! Ne me dis pas qu'elle est revenue en fantôme !
L'horreur le saisit encore un peu plus. Il ferma les yeux brièvement.
- Oh Merlin... Elle aurait tellement pu le faire. Juste pour me hanter. (Il jeta un œil vers la porte d'entrée, un vague espoir au creux de la poitrine, et demanda :). Tu crois que je peux fuguer à nouveau ?
- Et pour aller où, hum ?
Bonne remarque. Si l'Ordre ne lui offrait pas l'asile, il n'avait toujours techniquement aucun lieu où vivre mise à part les montagnes écossaises ou le canapé prêté par Remus si sa générosité était d'humeur. Vaincu, il pivota donc sur lui-même. Là, à peine dissimulé par la pénombre, il remarqua alors avec plus d'attention les rideaux rongés par les mites de tout à l'heure et la voix surgit à nouveau :
- Qui est là ? Qui ose entrer dans la Noble Maison des Black ?
- Je ne suis pas sûr que la réponse vous plaise, mère...
D'une main mal assurée, il écarta les rideaux. Et croisa le regard gris de Walburga Black en personne.
Evidemment. La Harpie n'aurait jamais laissé sa précieuse demeure, même après sa mort. Elle n'aurait pas laissé l'honneur à son père d'avoir son tableau accroché dans le hall comme tous les ancêtres si elle pouvait s'y mettre elle-même et elle n'avait pas fait les choses à moitié. Presque grandeur nature, la peinture était une copie conforme de l'être de chaire qu'avait un jour été la maîtresse de Square Grimmaurd. Représentée dans sa robe noir à col haut favorite, ses yeux froids se plissèrent dès qu'elle le reconnut et ses lèvres formèrent son nom tel un maléfice particulièrement répugnant.
- Sirius Orion Black... Ma plus grande disgrâce !
- La plus grande carrément ? Quel honneur...
Comme toujours, son ton moqueur n'amusa pas sa mère.
- Tu n'es pas le bienvenu ici ! s'écria-t-elle, blême. Comment oses-tu revenir ? Comment oses-tu te tenir dans ma demeure ? Et amener... cette bête avec toi !
- Vous oubliez vos manières, mère. Je vous présente Remus Lupin, merci de demander son nom. Et je l'ai amené avec moi parce que je suis le propriétaire de Square Grimmaurd désormais. Je vous l'avais dit, vous auriez dû écouter : vous pouvez vous retourner dans votre cercueil car je suis l'héritier.
Même en peinture, le visage de Walburga parut perdre de son éclat et elle le fusilla du regard, si furieuse que son regard gris se chargea comme un orage prêt à éclater. Imperturbable, il poursuivit malgré tout :
- Et désolé pour vous, mais Regulus ne reviendra pas, asséna-t-il. Vous le savez très bien, vous avez vu sa tombe. Et maintenant que cette maison est à moi, j'en fait ce que je veux. Un QG pour l'Ordre du Phénix par exemple.
- Sirius...
Mais il n'écouta pas l'avertissement dans la voix de Remus. Il se délecta plutôt de l'expression décomposée de sa mère qui savait encore reconnaître lorsqu'il bluffait pour l'énerver et lorsqu'il disait la vérité. Il ne sut pas ce qui la fit craquer : le rappel de la mort de Regulus ou la chute de la maison entre ses mains, mais l'explosion arriva d'un coup. Brusquement, Walburga se mit à hurler, les traits contractés par la colère et les yeux rendus fous :
- TU N'AS AUCUN DROIT ! TRAITRE A MON SANG, DESOHNNEUR DE LA FAMILLE ! TU OSES FAIRE ENTRER CHEZ MOI UN HYBRIDE, UNE MONSTRUOSITE !
- Oh bon sang, elle sait toujours autant crier...
- Fais-la taire ! s'exaspéra Remus.
- Tu crois que si j'avais su comment faire, je l'aurais pas déjà fait !
- PERVERSION ! TU PERVERTIES LA DEMEURE DE NOS ANCETRES !
Sirius attrapa les deux pans de rideaux et les rabattus avec force sur le visage de sa mère. Sa voix, étouffée, fut soudain réduite à un murmure rageur. Il se retourna vers Remus, haletant. Celui-ci lui renvoya un regard abasourdi le temps d'un long silence qui s'étira entre eux, puis il sortit de sa torpeur.
- Ok, très bien, t'as gagné. On ajoute les portraits à la liste des priorités, lança-t-il avec conviction.
- Ouais ? Je te l'avais dit...
Pour toute réponse, Remus secoua la tête, mais avant qu'il ne puisse se détourner, Sirius distingua le vague sourire sur ses lèvres. Un sourire qu'il avait vu mille fois sur le visage de son ami, bien plus jeune. Celui qu'il ne réservait qu'à lui, James et Peter quand ils revenaient dans la Salle Commune après une blague et qu'il devait faire semblant d'endosser son rôle de préfet mais était en réalité fier d'eux parce que tout avait été son idée depuis le départ. Il eut l'impression – l'espace d'une seconde – de retoucher quelque chose de perdu depuis douze ans.
Après cela, ils décidèrent de se séparer pour explorer l'étage, non sans un dernier avertissement : « hurles si quelque chose essaye de te manger, ok ? ». Tout pouvait hanter les murs de cette maison, ils en avaient eu la preuve. Sirius commença par le bureau de son père. Il l'avait un jour minutieusement retourné, il avait de l'expérience. Il empocha quelques parchemins avec des notes sur les sortilèges à l'œuvre dans la maison. Ca pourrait toujours servir, même s'il ne savait pas à qui. Il n'avait pas été mauvais en enchantements à une époque, mais il ne se faisait pas confiance avec sa baguette volée qui allait vraiment devenir un problème. Et il n'y avait plus vraiment de Fabian ni de Caradoc, tous les deux membres de l'IRIS à l'époque, pour assurer le job. Peut-être que Dumbledore lui-même s'en chargerait... Bon sang, tout avait vraiment changé.
Habité par une soudaine nostalgie et toujours la sensation désagréable d'être observé dans ce silence pesant, Sirius ressortit de la pièce. A l'étage, il pouvait entendre Remus en train de fouiller les chambres. Il lui avait laissé le privilège sans protester. Prudent, il remonta le couloir étroit devant lui et s'arrêta devant le salon à la porte close. Il hésita un instant.
- Tu sais de quoi t'as peur... se murmura-t-il, tête basse. Allez, va voir par toi-même, espèce de lâche.
Il poussa le battant. L'odeur de renfermé le prit à la gorge aussitôt et il toussa, les yeux plissés. Pour une fois, les rideaux n'avaient pas été tirés et le soleil estival perçait les carreaux sales pour se déverser dans la pièce, soulignant les formes du mobilier endormi. Le piano, probablement désaccordé ; le canapé mangé lui aussi par les mites ; les armoires pleines à ras bord où il distingua en s'approchant de la peau de serpent lovée, des boîtes en argent aux étranges inscriptions, une bouteille en cristal remplie de sang, une boîte musique, un vieux médaillon, et même un anneau d'or frappé à l'armoirie des Black et ayant appartenu à son père. Il leur accorda peu d'importance.
Ce qui l'intéressait était mur, plus triomphante que jamais. La tapisserie s'étendait partout, véritable mauvaise herbe d'arbre généalogique, et son regard se perdit dans le labyrinthe de branches, le souffle à nouveau bloqué quelque part dans sa poitrine.
A une époque, il connaissait cet arbre par cœur. Il fut surpris de voir que c'était toujours le cas : il retrouva son nom avec une facilité déconcertante, juste à côté de la brûlure qui aurait dû être sa place et qu'il n'avait jamais vu de ses propres yeux.
Regulus Arcturus Black.
15 mai 1961 – 31 décembre 1979
Il manqua de tomber à genoux. Sa mère le lui avait dit, la seule fois où il s'était revu après la mort de Regulus : la date s'était gravée sur la tapisserie. Et la tapisserie ne mentait pas. Jamais.
Et pourtant, tel le fou qu'il était, une minuscule part de lui – cachée tout au fond, loin, enfouie pour ne pas que les Détraqueurs la trouvent – avait espéré. Personne n'avait retrouvé de corps. La tombe était aussi vide que cette maison dans le caveau familial et il avait espéré. Après tout, personne n'avait vraiment jamais su non plus ce qui s'était passé. Il avait entendu les rumeurs même si ses amis avaient tenté de l'en préserver : Regulus avait voulu fuir et les mangemorts l'avaient noyé comme un moldu en représailles ; une autre disait qu'ils lui avaient jeté des sortilèges Impardonnables jusqu'à la mort ; une autre encore qu'ils l'avaient empoisonné sous les yeux de Cissy et Bellatrix ; et même une que Regulus avait été donné à dévorer à Greyback un soir de pleine lune. Cette dernière avait fait vomir et pleurer Marlène jusqu'à épuisement.
La nausée le saisit. Regulus. Reg, le petit dernier, trop sensible et trop fier pour son propre bien. Une sensibilité et une fierté qui l'avaient conduit vers sa tombe, comme Sirius l'avait toujours prédit. Un 31 décembre. Bonne année, effectivement ! Il eut envie d'hurler et de tout fracasser autour de lui. Il se souvenait de ce dernier jour de 1979 : les souterrains du métro de Londres, la bataille autour de lui, les sortilèges autour de lui, le piège des mangemorts qui se refermait sur eux... Il avait entraperçu son frère ce soir-là, accroché désespérément à Marlène. Il avait vu son frère juste avant sa mort et il eut envie d'arracher la tapisserie à mains nues !
- Sirius ?
Il fit volte-face sans même lever sa baguette. Remus était là, posté près du piano, et son regard suivit ce qu'il regardait il y a à peine quelques secondes. La reconnaissance se peignit sur ses traits.
- Je... je suis désolé, j'étais juste venu te dire que si tu voulais, on pouvait aller inspecter le jardin ensemble, mais...
- Il est mort quelques heures après, coupa-t-il, la voix rauque. La bataille du métro... Cet idiot s'est fait tuer quelques heures après ! Il a voulu fuir les mangemorts alors qu'ils étaient tous à Londres ! Il avait dix-huit ans, putain !
- Sirius...
- Personne ne sait ce qui s'est passé, même Bellatrix à Azkaban n'a jamais revendiqué quoique ce soit et elle adore se vanter de ses meurtres, cette psychopathe ! Et tu sais pourquoi ? Parce que je suis sûr qu'elle en savait rien ! Mon idiot de petit frère a dû se faire attraper par Tu-Sais-Qui lui-même parce qu'il est incapable d'avoir deux noises de jugeote.
- Ca ne doit pas être si simple...
Non, évidemment. Rien n'était simple, mais Sirius préférait être en colère que se mettre à réfléchir et être triste. Il se détourna de la tapisserie, écœuré. Remus, lui, l'engloba du regard et siffla.
- Quand t'en parlais, je ne pensais pas qu'elle était si... impressionnante.
- Elle remonte au XIVe siècle.
Il se laissa tomber sur le banc du piano et écrasa quelques touches. Le bruit qui sortit de l'instrument ressembla à celui d'un animal à l'agonie. Il eut la sensation qu'il pouvait pousser le même cri s'il ouvrait la bouche et ils laissèrent le silence reprendre ses droits bien trop longtemps pour que la situation ne devienne pas inconfortable.
- Tu n'aurais jamais dû revenir ici... souffla finalement Remus en pesant un regard inquiet sur lui. T'es pas obligé de le faire, tu sais. On peut dire à Dumbledore que la maison est trop délabrée, qu'on doit trouver un autre endroit et puis c'est tout.
- Où ? Où est-ce que tu veux qu'on trouve un QG aussi protégé en si peu de temps ?
- N'importe où ! Patmol, tu détestes cette foutue maison. Et je sais que tu t'étais promis de ne plus y revenir... (Il marqua une pause, hésitant, puis ajouta d'une voix à peine audible). Je sais que James t'avais promis que tu n'aurais plus jamais à y remettre les pieds. Je ne veux pas être celui qui revient sur cette promesse.
Sirius sentit quelque chose casser dans sa poitrine. Il ne savait même pas que James avait un jour parler de ça avec Remus, mais il se souvenait de la nuit de sa fugue et de la nuit où il avait partagé la chambre de son meilleure ami avant qu'Euphemia et Fleamont ne lui aménage la sienne juste à côté. Allongés côte à côte, les yeux grands ouverts dans la nuit, il s'était surpris à raconter la vérité de ce qui se jouait derrière les murs de Square Grimmaurd à James avec plus de liberté que jamais. Et James, plus sérieux qu'il ne l'avait jamais vu, lui avait juré qu'il n'aurait plus jamais à y retourner. Mais comme tout le reste, ça n'avait été qu'une promesse d'enfants : des enfants trop sûrs d'eux, capables de se croire immortels et qu'ensemble rien ne pourrait leur arriver. Peter leur avait donné tort. Ensemble, ils s'étaient consumés.
Et alors que le visage de James dansait dans son esprit, un autre s'imposa, si semblable mais avec de grands yeux verts familiers derrière une paire de lunettes abîmée.
- Moi aussi j'ai fait une promesse, Lunard, objecta-t-il alors. J'ai promis à Harry qu'il pourrait vivre avec moi quand ça serait possible. Il me faut une maison pour ça.
- Sirius... Ca peut en être une autre, tu n'as pas à...
- Laquelle, hum ? Qui voudrait louer ou vendre à l'évadé d'Azkaban ? Bon sang, sois réaliste. J'ai déjà de la chance que mon père soit mort sans avoir changé d'héritier ou que Regulus ait eu la bonne grâce de mourir avant moi s'il avait fini par l'être pendant la guerre. Et j'ai vu le regard d'Harry ce soir-là... On n'accepte pas avec autant d'enthousiasme la proposition de vivre avec un homme qu'on croyait l'assassin de ses parents une heure avant si on ne vit pas déjà l'enfer chez soi.
- Les Dursley ont une relation compliquée avec lui, mais...
- Mais quoi ? coupa-t-il à nouveau, agacé. Ouvre les yeux, Lunard ! Il était prêt à s'enfuir de chez lui il y a deux ans juste pour avoir transformé sa tante en montgolfière.
Remus se passa une main sur le visage.
- Je sais, je sais. Seulement, regarde autour de toi. Tu crois vraiment que c'est le meilleur endroit pour Harry ? Ici ?
- Evidemment que non ! Si je pouvais, j'y mettrais le feu, tu le sais aussi bien que moi. Mais je m'y connais aussi assez en fugue pour savoir reconnaître quand un gamin est assez désespéré pour fuir à tout prix. Et je ne peux pas le blâmer. Personne n'a vraiment été là pour l'aider jusqu'ici.
Il lâcha la dernier commentaire avec plus de hargne que voulu et un regard accusateur en prime. Il avait atteint son seuil de tolérance. C'était une pensée qui l'obsédait depuis un moment de toute façon, mais il l'avait relégué au fond de lui, trop reconnaissant envers Remus pour la lui jeter au visage. Il devait à son ami ses quelques nuits au chaud et à l'abris sur son canapé, ça n'aurait pas été correct de lui sauter à la gorge pour tous les regrets et les incompréhensions de ses douze dernières années, surtout quand il en avait plus que sa part de responsabilités. Harry, en revanche, restait un point sensible et Remus eut d'ailleurs un mouvement de recul, crispé.
- Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire, au juste ? rétorqua-t-il froidement.
- Rien... Je pense que tu le sais très bien.
- Non, justement. Mais on a encore beaucoup à faire, il reste au moins une dizaine de pièces à vérifier. Alors autant ne pas perdre de temps.
Rigide, il entama un mouvement pour se détourner et Sirius serra les dents. La fuite était grossière, sans finesse, indigne d'un Maraudeur, mais il comprit sans effort ce que Remus tentait de faire : préserver l'équilibre fragile sur lequel ils évoluaient depuis des semaines. Malheureusement pour lui, il n'était plus d'humeur.
- Arrête, Lunard, cingla-t-il. Un jour, il va bien falloir qu'on en parle.
- Parler de quoi, Sirius, hum ?
- Oh Merlin, je t'ai connu plus courageux. Parler d'Harry ! Harry qui a vécu onze ans sans rien savoir de la magie, de James et Lily ! Ils ne savaient pas qui étaient ses parents tout ça parce que vous avez préféré le laisser avec des gens comme les Dursley !
Remus blêmit.
- C'était la décision de Dumbledore...
- Et tu n'as pas protesté énormément, n'est-ce pas ? Tu n'es jamais passé de temps en temps pour voir comment il allait ? Prendre des nouvelles ? tança-t-il en haussant la voix. Un enfant aurait causé trop de problèmes, c'est ça ?
Les yeux de Remus étincelèrent. En quelques enjambées, il revint près du piano et le toisa de toute sa hauteur.
- C'est facile à dire pour toi, pas vrai ? Tu n'étais pas là, Sirius ! Tu n'étais pas là et tu...
- Comme si c'était de ma faute ! Comme si vous ne m'aviez pas tous condamné ! Si j'avais pu être là, j'aurais...
- Mais justement, tu n'étais là ! répéta Remus avec force. Tu n'étais pas là pour voir que ma vie venait de voler en éclat du jour au lendemain ! James et Lily, morts ! Peter prétendument assassiné ! Toi... toi... (Il s'étrangla, les mains soudain tremblantes, puis reprit dans un souffle brisé). En six mois, j'avais tout perdu... J'avais tout perdu et je n'avais rien vu venir, j'avais été incapable de l'en empêcher. Alors ne viens pas me reprocher treize ans plus tard ce qui s'est passé. J'arrivais à peine à me lever le matin ou à payer mon loyer. Je devenais un monstre une fois par mois. Tu crois que ça aurait été la meilleure solution pour un bébé ?
Sirius secoua la tête. Cette excuse de la lycanthropie, il l'avait trop entendu.
- Ca aurait toujours été mieux pour lui de vivre avec quelqu'un qui le connaissait, maintint-il, buté. J'étais peut-être son parrain, mais tu aurais dû t'occuper de lui si je ne le pouvais pas...
- Mais c'est tout le problème, non ? contra Remus sans hésiter. Est-ce que je le connaissais vraiment ? La dernière année, on se parlait à peine. Les rumeurs sur un traître partaient de tous les côtés et oses me dire que tu ne me soupçonnais pas, Sirius...
- Je...
Il se retrouva momentanément sans pouvoir nier. Le goût du regret lui envahit la bouche.
- James t'avais nommé parrain pour une raison, asséna Remus. Toi, pas moi. Je ne pouvais pas accueillir un bébé chez moi, pas avec ce que j'étais, c'était évident.
- Non, stop ! Arrête, je t'interdis d'utiliser cette excuse, pas dans ce sens-là...
- Pourquoi ? On sait que c'est vrai, Sirius, je ne vois pas pourquoi tu...
Mais une rage dévorante monta en lui et il laissa sa voix jaillir, coupant Remus avec force :
- Pourquoi ? Pourquoi ? hurla-t-il. Parce que tu sais très bien que si James ne t'a pas nommé parrain, ça n'avait rien à voir avec ta lycanthropie. Je t'interdis de dire ça sur lui ! C'était James, bordel !
- Je sais, Sirius, je sais ! Comment tu peux croire que j'ai oublié ? Mais contrairement à ce que tu sembles toujours croire, James ne pouvait pas tout faire, ni résoudre tous les problèmes. Il ne pouvait pas décrocher la lune, pardonne-moi le jeu de mot ! Donc non, ça aurait été inenvisageable que je prenne Harry avec moi. J'en n'avais pas la force ni les moyens !
L'air proche de s'effondrer, Remus marqua une pause, haletant. Il prit le temps de se recomposer une expression moins crispée, ses yeux ambrés toujours hantés et articula d'une voix glaciale :
- Harry a été confié aux Dursley avant que j'ai eu le temps de comprendre ce qui s'était passé, Si tu crois que j'avais la force de me battre pour le récupérer alors que j'avais l'enterrement et Alexia à gérer, je suis désolé de te décevoir, mais c'était impossible... Personne ne m'aurait laissé faire. Alors ne me fais pas la morale du haut de tes quelques lettres et deux rencontres avec Harry.
Sur cette ultime pique, il se retourna, l'air frustré, et se mit à marcher en rond comme pour évacuer sa frustration. Sirius resta assis au piano, traversé par un tressaillement involontaire. Là encore, il avait oublié à quel point Remus pouvait être tranchant dans ces moments-là. Le calme de la bande, toujours d'humeur égale, mais il ne fallait pas le pousser dans ses retranchements. Sinon le loup ressortait. C'était ce que Peter avait dit un jour pour rire et il avait eu raison, il en avait la preuve à l'instant. Sa colère le quitta brusquement, remplacée par la mélancolie familière de laquelle il n'arrivait pas à s'extirper depuis son évasion. Il n'avait plus les Détraqueurs à blâmer désormais.
Il aurait dû s'excuser. Il ne le fit évidemment pas. Malgré toute la défense de Remus – assez légitime, il voulait bien le reconnaître – il n'arrivait pas à tout pardonner. Pas pour Harry. A moins que ça ne soit pour lui et la douleur qui le pinçait toujours dans la poitrine quand il songeait que Remus et lui avaient été assez aveugles pour se croire coupables mutuellement.
Pendant plusieurs minutes, aucun d'eux ne parlèrent. Remus observait la tapisserie et ses ramifications sans vraiment les voir, tandis que Sirius se contentait d'appuyer sur des touches au hasard, juste pour tester chaque notes. Certaines sonnaient mieux que d'autres. En face de lui, la partition, étonnement épargnée par la poussière et les mites, lui dit vaguement quelque chose. La préférée de Regulus ? Peut-être... Il n'avait pas envie d'y penser. Au lieu de ça, il s'éclaircit la gorge et osa enfin demander :
- Quand tu dis t'occuper d'Alexia... ?
Il aurait voulu garder un ton neutre. Il n'y parvint évidemment pas et Remus le remarqua, ça se vit quand il posa à nouveau son regard sur lui. Il détesta que Remus le remarque.
- J'allais lui rendre visite à l'hôpital, explicita-t-il d'une voix plus douce, quoiqu'encore un peu amère. Son état s'est assez vite dégradé.
- Oh...
- Les médicomages ont dit que c'était le choc.
Sirius acquiesça. Sur la fin, il avait eu tendance à presque oublier la maladie d'Alexia tant elle allait mieux. C'était étrange de se dire que ça n'avait pas été le cas, que tout ça c'était passé il y a longtemps, mais qu'il n'avait juste pas été présent pour le voir. C'était comme retrouver Harry adolescent alors qu'il était encore un bébé dans son esprit, ou voir les dates sous le nom de Regulus sur la tapisserie. 1979 paraissait être encore hier par moment.
Ses mains se crispèrent sur le bord du banc. Il aurait voulu poser tant de questions, mais elles restèrent au fond de sa gorge : tant qu'il ne les posait pas, elles ne pourraient pas altérer la réalité. Remus soupira avec pitié, puis s'avança doucement. Il finit par s'accouder au piano et lui jeta un regard prudent, fatigué.
- Je le demanderai qu'une seule fois, Sirius. Est-ce que tu veux savoir ? demanda-t-il dans un murmure.
Il ferma les yeux. Et hocha la tête.
- Très bien... Hum... C'est moi qui lui ai annoncé. Pour ce qui s'est passé le 31 octobre. J'ai débarqué chez sa sœur, elle gardait sa nièce ce week-end-là. Elle n'arrivait pas y croire, pas plus que moi. On n'avait trop perdu ces derniers mois après Marlène et Dorcas pour se dire que... enfin, tu sais. (Remus examina ses mains, les épaules voûtées, mais continua avec détermination). Elle s'est remise à faire des crises. Les médicomages disaient que c'était une façon pour le corps de traduire le choc de l'esprit. Elle voulait aller te voir, mais ils ont refusé de la laisser sortir et puis les semaines ont passé... elle était persuadée que tout était une erreur, qu'il y avait forcément une explication.
Sirius se redressa, le cœur au bord des lèvres.
- Quoi ? croassa-t-il.
- Je sais... Elle ne t'a jamais cru coupable, je crois, pas totalement. Même les années suivantes, elle ne le disait pas, mais je m'en doutais. On évitait d'en parler la plupart du temps.
Il ne sut pas quoi faire de cette information. A cette époque, la situation avait été compliquée entre eux, il s'en souvenait encore très bien. Peut-être même que si la guerre avait continué, ils auraient fini par rompre, brisé par la charge que demandait l'Ordre et leur vision opposée sur ce qu'il devait donner à l'organisation. Pourtant, au milieu de ce chaos, une part d'Alexia avait toujours cru en lui et il aurait voulu lui dire à quel point ça comptait, à quel point dans le fond elle resterait toujours la seule fille qu'il avait aimé...
- Enfin bref... reprit Remus, perdu dans ses souvenirs. J'essayais de la voir le plus possible, surtout quand elle est sortie de l'hôpital. Elle s'était installée chez sa sœur. On s'aidait à tenir en allant boire un verre de temps en temps, elle m'a fait découvrir le cinéma moldu. Je l'ai même emmené à la Coupe du Monde de Quidditch avec sa nièce en 86.
- Oh... Qui a gagné ?
- L'Angleterre. (Il sourit). Grâce à une certaine Artemisia Meadowes qui a attrapé le vif d'or et est devenue l'idole d'une génération, mais surtout d'une petite Ellie de huit ans. Alex a pleuré quand elle a dédié sa victoire à Dorcas pendant une interview juste après.
Sirius sourit à son tour. Il imagina Alexia, les larmes aux yeux d'émotion, sa nièce serrée contre elle et Remus à ses côtés dans un stade plein à craquer. Elle avait toujours rêvé d'aller voir un match de Coupe du Monde. Il aurait juste voulu être celui qui l'y avait emmené...
Brusquement, il se demanda à quel point Remus et Alexia s'était rapprochée durant cette période d'après-guerre, restés seuls tous les deux comme derniers vestiges de leur groupe. Il tenta de prendre une expression nonchalante, incapable de se taire :
- Et vous deux... vous n'avez jamais... ? Tu sais... ?
Remus lui renvoya un regard incrédule, puis laissa échapper un rire étouffé.
- Non, Patmol, non, détrompa-t-il, l'air presque amusé. Elle disait toujours qu'elle était une princesse et que personne ne serait à la hauteur. Ça faisait beaucoup rire Ellie.
Instinctivement, Sirius secoua la tête pour cacher son sourire lui aussi. Il pouvait presque entendre sa voix faire cette affirmation d'un ton pompeux. Il eut soudain l'impression d'être drainé émotionnellement et se remit sur ses pieds, refermant le piano avec délicatesse.
- Merci, Lunard...
Il ne savait pas exactement pourquoi il le remerciait : pour lui avoir raconté tout cela, pour ne pas être parti et avoir claqué la porte quand le ton était monté il y a une demi-heure, pour l'avoir accompagné aujourd'hui ou pour avoir pris soin d'Alexia ? Peut-être un mélange de tout cela.
- Pas de problème, assura Remus avec calme. On continue ? J'ai hâte de découvrir ta chambre et pouvoir me moquer de ton pyjama d'enfant ou des peluches que tu avais sûrement, même si tu voulais prétendre le contraire.
Il éclata de rire. D'un geste, il invita Remus à passer devant lui et tous les deux ils montèrent à l'étage, puis au suivant. Sa chambre et celle de son frère étaient au dernier étage. Dans l'ombre, ils entendirent des bruits, des choses déguerpir avec sûrement un peu trop de pattes à sa convenance, et il espéra avec un frisson que Dumbledore connaisse ses sorts ménagers sur le bout de sa baguette. Pour la énième fois aujourd'hui, il eut la sensation d'être observé. Nerveux, il poussa la première porte sur sa gauche, celle avec le fameuse pancarte ridicule dont il s'était un jour moqué : « défense d'entrer sans l'autorisation expresse de Regulus Arcturus Black ». Remus n'aurait qu'à attendre pour découvrir sa chambre. Ensemble, ils rentrèrent dans la pièce.
Sirius remarqua tout de suite que quelque chose n'allait pas.
Il mit plusieurs secondes à comprendre quoi, avant que ça ne le frappe. La chambre aux couleurs vertes et argent était... propre.
- Oh... s'exclama Remus, perplexe. Je m'attendais à plus de... poussière.
Au vu de l'état général délabré de la maison, Sirius ne pouvait pas lui en vouloir. Mais ici, une bulle miraculeuse semblait avoir arrêté le temps. Tout était en place. Du couvre-lit émeraude au bureau en bois ciré en passant par le blason des Black peint au-dessus du lit. Sirius déglutit. Par tous les mages, il était un idiot.
- Remus ?
- Oui ?
- Revois ta liste des priorités. Laisse tomber la plomberie et les portraits, même. On a quelque chose de plus urgent à gérer.
- Ah bon ? s'étonna-t-il. Quoi ? Parce que si c'est une technique pour me distraire, je le dis tout de suite : je pose une option sur cette chambre si l'Ordre vient ici pour faire le QG. Tu pourras rester avec les araignées ailleurs.
Mais Sirius n'eut pas le temps de répondre. Dans l'ombre, un bruit feutré leur parvint et ils se retournèrent d'un même mouvement pour voir surgir deux grands yeux gris et un nez pointu sur un visage plissé par les années. Evidemment, songea Sirius avec hargne, s'il fallait une chose vivante dans cette maison, il fallait que ça soit lui.
Et alors, ça lui revint. Presque mot pour mot. Sa propre voix résonna en lui, comme au travers d'un long tunnel où le temps n'avait pas de prise. Il l'avait déclamé, tête haute, face à toute la famille et il l'avait encore jeté au visage du portrait de sa mère il y a une heure. Quand vous serez tous morts, votre précieux nom gravé sur vos tombes, je serai l'héritier. Et croyez-moi, mère, vous aurez de quoi vous retourner dans votre cercueil.
Ah l'ironie. Sa prophétie s'était réalisée.
Pourtant, il prit seulement conscience à cet instant que Square Grimmaurd était la tombe. La tombe de toute une lignée où le noble nom des Black s'étalait en fil d'or sur une tapisserie, véritable mémoire funéraire. Celle où sa mère était morte seule, recluse, et il était prêt à profaner sa dernière demeure sans hésitation. Le feu du phénix arriverait peut-être à purger cette maison.
- Kreattur... souffla-t-il, cynique. Pas encore mort à ce que je vois ?
L'elfe eut une grimace de dégoût, puis s'inclina avec réticence.
- Maître Sirius, dit-il d'une voix d'outre-tombe, Square Grimmaurd est heureux de revoir son héritier.
FIN
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