Harry Potter et les Maraudeurs - Partie 3: Sirius Black


Lorsque Sirius rencontra Harry pour la première fois, il se demanda si Azkaban ne l'avait pas rendu fou après tout. A force d'être hanté par le souvenir de James, son esprit devait lui jouer un tour. Pourtant, au cours des années suivantes, il aurait de nombreuses occasions de constater qu'Harry ressemblait de façon frappante à son père... dans tous les sens du terme. Quand Sirius l'avait entraperçu à Magnolia Crescent, il faisait sombre et le Magicobus l'avait empêché de bien voir mais il avait quand même eu l'impression d'être frappé en pleine poitrine. Leur retrouvaille dans la cabane hurlante lui prouva qu'il n'avait pas halluciné. Harry avait hérité tellement de traits physiques de son père que ç'en était déstabilisant, car bien sûr il était lui-même aussi... C'était comme regarder un miroir difformant ou une personne qu'on n'avait pas vu depuis des années ou croiser une personne très ressemblante en coup de vent dans la rue...

Sirius devait s'empêcher de se retourner pour le regarder tandis qu'ils remontaient tous le long du tunnel pour ressortir de la cabane. Il marchait derrière lui avec Hermione, silencieux, mais il l'entendait étouffer des exclamations entre le rire et la désapprobation à chaque fois qu'il laissait le corps de Servilus (malencontreusement évidemment) heurter le plafond bas. A l'avant, Ron, Remus et Peter continuaient d'ouvrir le chemin en marchant en crabe pour réussir à passer dans l'étroit tunnel jusqu'à ce qu'ils soient tous enfin à l'air libre. Voir ce traître de Peter ainsi attaché, bien vivant après toutes ses années donna la force à Sirius de se tourner brusquement vers Harry.

- Tu sais ce que ça signifie, de livrer Pettigrew ? Demanda-t-il.

- Vous êtes libre, répondit-il.

Libre. Sirius avait presque oublié ce que ce mot voulait dire. Pourtant, il ressentit un certain malaise en entendant Harry le vouvoyer, comme s'il n'était qu'un étranger. Et c'est ce qu'il était pour le fils de James au fond. Il n'était plus « Pamol ! » (Harry n'arrivait jamais à prononcer son surnom correctement quand il était petit) mais simplement Sirius Black, l'homme qui venait de s'échapper d'Azkaban pour le tuer, ou du moins c'est ce qu'il croyait il y a encore une heure.

- Oui... dit-il, incertain. Mais je suis aussi... je ne sais pas si quelqu'un te l'a jamais dit... je suis ton parrain.

- Je le savais.

- Tes parents m'ont désigné pour m'occuper de toi si jamais il leur arrivait quelque chose...ajouta-t-il pour expliciter en voyant qu'Harry ne continuait pas.

Il y eu un léger silence, comme si Harry mesurait ses paroles, hésitant. Du coin de l'œil, il vit que Remus, qui avait sûrement entendu la conversation, lui jetait un regard appuyé et forçait Ron et Peter à avancer un peu plus pour leur laisser un peu d'espace.

- Bien entendu, je comprendrais très bien que tu préfères rester avec ton oncle et ta tante...mais...penses-y...Lorsque j'aurais été réhabilité... Si jamais...tu veux changer de maison...

Il ne savait pas s'il bégayait autant juste parce qu'il n'avait plus l'habitude de parler au quotidien ou si sa proposition le rendait plus nerveux qu'il ne voulait bien l'admettre. Après tout, même si Lily ne s'entendait pas avec sa sœur, Harry avait passé toute son enfance chez elle et il ne voulait s'imposer dans sa vie s'il n'en avait pas envie.

- Vous voulez dire... habitez avec vous ? Dit Harry d'un ton étrange. Et quitter les Dursley ?

- Je pensais bien que tu n'accepterais pas, s'empressa de le rassurer Sirius. Je comprends très bien. Je voulais simplement...

- Vous plaisantez ? Coupa-t-il, la voix soudain rauque. Bien sûr que je veux quitter les Dursley ! Vous avez une maison ? Quand est-ce que je peux m'y installer ?

Sirius se figea devant le brusque enthousiasme de son filleul. Il le regardait avec un grand sourire et les yeux plein d'espoir, attendant ses réponses. Qu'est-ce qui avait bien pu se passer chez les Dursley pour qu'Harry veuille les quitter avec autant de force ?

- Tu veux vraiment ?

- Oui, je veux vraiment ! Assura-t-il, presque en sautillant sur place.

Ce geste était tellement familier... Il se rappelait de James qui rebondissait quasiment sur ses pieds à chaque fois qu'il était stressé, joyeux ou juste excité par quelque chose. C'était comme si son corps débordait d'énergie. Harry avait l'air plus calme malgré tout mais Sirius percevait cette même énergie au fond de lui, celle qu'il avait déjà vu quand il s'était glissé dans les gradins de Quidditch pour voir Harry jouer. Il volait aussi bien que James évidemment. Il avait cette légèreté dans les airs qui frôlait l'insolence, cette même lueur dans le regard quand il était sur un balai.

Sirius sentit un sourire, un vrai sourire, sûrement le premier depuis son évasion, se dessiner sur son visage. Sourire qui s'accentua quand Harry le lui rendit. Il réalisa qu'il venait également d'avoir sa première conversation avec son filleul.

Evidemment, comme souvent dans sa vie, tout bascula juste après. Remus se transforma, Peter s'échappa, et son dernier souvenir fut les détraqueurs qui l'entouraient, le forçant à se remémorer des douze dernières années dans sa cellule...du corps de James étendu dans l'entrée...de sa mère qui hurlait tandis qu'il claquait la porte de chez lui...

Lorsqu'il reprit conscience, deux Aurors étaient en train de le traîner en direction de la tour ouest pour l'enfermer à nouveau. Fudge était non loin d'eux et félicitait Rogue qui faisait léviter Harry et Hermione, encore inconscients, et Madame Pomfresh accourait vers eux.

- Non...murmura-t-il, s'attirant tous les regards.

- Ah Black, enfin de retour parmi nous, susurra Rogue. Ne t'en fait pas, les détraqueurs ne t'ont pas eu cette fois-ci mais ils seront ravis de revenir dans quelques heures pour toi...

- Harry ? Comment va...Harry ?

- Ce ne sont pas vos affaires, Black, s'emporta le Ministre. Emmenez-le, sa mort sera annoncée dans la Gazette de demain à la première heure.

- Vous ne comprenez pas... Attendez... Harry ? Et Remus, est-ce que Remus va bien ?

Fudge et Rogue se contentèrent de grimacer à la mention du lycanthrope et se détournèrent. Alors que les Aurors le tiraient dans la direction opposée, il eut le temps de voir le hochement de tête rassurant de Pomfresh, penchée au-dessus d'Harry, et sa bouche qui mima silencieusement « je m'occupe de Remus ».

Défait, Sirius se laissa faire. Au moins, il mourrait en sachant qu'Harry et Remus connaissaient enfin la vérité. Il n'avait pas trahi James et Lily. Il était peut-être responsable de leur mort mais il ne les avait pas trahis. Il pouvait mourir en sachant cela...

Pourtant, une heure plus tard, son cœur loupa un battement en voyant Harry et Hermione arriver sur le dos d'un grand hippogriffe blanc et faire voler en éclat les barreaux de la fenêtre de sa cellule. Il se glissa par la fenêtre et s'envola avec eux. Ils ne parcourent que quelques mètres, le temps de se poser sur un des créneaux de la tour ouest, puis Harry et Hermione mirent pied à terre.

- Il faut partir maintenant, Sirius ! Vite ! Dit Harry, la respiration haletante. Ils vont arriver dans le bureau de Flitwick d'un moment à l'autre.

- Qu'est-ce qui est arrivé à l'autre garçon, Ron ? Demanda-t-il précipitamment en se rendant compte qu'il n'était pas là.

- Il va guérir. Il n'a pas encore repris connaissance mais madame Pomfresh a dit qu'elle arriverait à le remettre sur pied. Vite, allez-y !

Mais Sirius n'arriva pas à se résoudre à partir. Merlin, il venait juste de le retrouver...

- Comment pourrai-je jamais te remercier ?

- Allez-y ! Crièrent ensemble Harry et Hermione.

Leur inquiétude était tellement sincère que Sirius hocha la tête et resserra sa prise autour de Buck.

- Nous nous reverrons un jour, promit-il. Tu es...tu es le digne fils de ton père, Harry...

Harry sourit, ému, et Sirius se força à donner un coup de talon à Buck pour le faire décoller plutôt que de descendre et le prendre dans ses bras.

Il ne savait ce qu'il avait poussé à dire ça mais il n'avait pas pu s'en empêcher. James aurait été fier de son fils, il en était persuadé. Le simple fait qu'il brise des lois et vienne le secourir en hippogriffe (même les Maraudeurs n'avaient jamais fait une telle entrée) lui aurait plu, sans aucun doute.

**

*

Tout au long de la quatrième année d'Harry, Sirius veilla à ne pas perdre le contact avec lui en lui envoyant et en répondant à ses lettres dès qu'il le pouvait. Ce n'était jamais facile, surtout qu'il errait sous sa forme de chien la plupart du temps, et qu'il devait se cacher dans les montagnes. Quand il avait reçu la nouvelle de sa participation au Tournoi des Trois Sorciers, il avait cru à une mauvaise blague. Aucune personne saine d'esprit au sein du gouvernement ou de l'administration scolaire ne laisserait un gamin de quatorze ans participer à ce genre d'épreuve. Merlin, Dumbledore allait agir, empêcher ça ! Evidemment, ça ne se passa pas ainsi.

Il passa l'année à se faire un sang d'encre, communicant avec Remus pour avoir plus d'informations, mais lui aussi n'en savait pas énormément depuis qu'il n'était plus professeur. Ce qui lui faisait penser qu'il devait mettre son poing dans la figure de ce crétin de Servilus quand il l'aurait en face. Malgré tout, il arrivait à glaner quelques infos en lisant la Gazette, les jours où il pouvait récupérer un numéro laissé par un passant. Honnêtement, il aurait presque pu s'en passer au vu des papiers que Rita Skeeter publiait. Soit il s'était complètement trompé sur son filleul, soit cette journaliste racontait n'importe quoi. Il penchait pour la seconde option, même si au moins son article dans Sorcière Hebdo sur un Harry au cœur brisé par Hermione l'avait bien fait rire.

Le soir de la dernière épreuve, il insista auprès de Dumbledore pour être à Poudlard, juste au cas où. Le directeur hésita un long moment mais l'autorisa à attendre dans la cabane d'Hagrid. Si par mégarde quelqu'un venait à passer dans les parages, ce qui était peu probable puisque tout le monde était censé assister à l'épreuve, il le prendrait probablement pour Crockdur. Normalement, Harry aurait dû le rejoindre après sa sortie du labyrinthe pour passer la soirée ensemble avant les examens et la fin des cours.

Pourtant ce fut McGonagall que Sirius vit arriver, et il sut quelque chose clochait. Sa cape à motif écossais claquait derrière elle tandis qu'elle dévalait la pente, le pas pressé et le teint pâle. Elle eut l'air déboussolé en arrivant devant ce grand chien noir, les yeux plissés.

- Tu dois...aller dans le bureau du directeur et attendre qu'il te rejoigne, dit-elle lentement, comme si elle parlait à un enfant de deux ans. Oh Dumbledore ne pouvait pas être plus clair !

Sirius songea une seconde à la faire patienter pour prolonger son malaise, mais son inquiétude prit le dessus et il se transforma. McGonagall sursauta et fit un bond en arrière, la main sur la poitrine.

- Black ! Hurla-t-elle.

- Je suis innocent ! Dit-il immédiatement. Vous devez me croire, professeur, je...

- Je le sais très bien, coupa-t-elle sèchement. Le directeur m'a tout raconté en début d'année. Il avait toutefois omis de préciser ce détail ! Un animagi... Merlin... Vous avez failli me donner une attaque, Black, à mon âge pensez à mon cœur !

- Vous êtes toujours jeune...

- La flatterie ne vous mènera nulle part.

Mais un léger sourire vint contredire ses paroles. Même si Sirius aurait bien passé sa soirée à engager une lutte verbale avec son ancienne prof, son esprit le rappela à l'ordre.

- Pas que je ne suis pas ravi de vous revoir, professeur, mais pourquoi est-ce que vous êtes venu me chercher ?

McGonagall redevint aussitôt grave et une ombre passa sur son visage fatigué.

- Il s'est passé quelque chose ce soir... Harry...

- Quoi Harry ? Il va bien ?

- Physiquement... à peu près. Psychologiquement ? Je n'en jurerais pas. Mais venez, suivez-moi, je vais vous raconter en chemin.

Sirius se retransforma à nouveau, et s'empressa de lui emboîter le pas. Son cœur battait vite, trop vite, et il se mit à accélérer si bien que McGonagall se mit à trottiner à ses côtés pour ne pas se faire distancer. Il s'imaginait déjà Harry blessé, frappé par un sortilège égaré d'un autre champion, ou accablé par les journalistes pour x raison.

- L'épreuve consistait en une traversée du labyrinthe, expliqua-t-elle. Le premier des quatre champions qui atteignait le centre et saisissait le trophée remportait l'épreuve. Malheureusement, tout ne s'est pas passé comme prévu... Je ne sais pas exactement comment, mais il semblerait qu'un mangemort ait usurpé l'identité d'Alastor. Le trophée n'était plus un simple trophée mais un portoloin. Potter et le champion de Poufsouffle, Cédric Diggory, se sont retrouvés... oh je ne sais pas exactement où, mais hors de Poudlard. Voldemort les attendait, ou du moins Potter l'a affronté et Diggory... Diggory n'a pas survécu, termina-t-elle dans un souffle brisé. Nous avons compris qu'il y avait un problème assez rapidement mais nous n'avons rien pu faire avant que Potter ne réapparaisse...Il se cramponnait au corps de Diggory et saignait du bras. Je ne vais pas vous mentir, il avait l'air perturbé... ce qui comprend bien entendu... Dumbledore m'a dit de venir nous chercher, il vous rejoindra avec Potter.

Pendant tout son récit, McGonagall avait gardé le regard droit devant elle, la voix ne tremblant qu'à certain moment, mais Sirius pouvait voir qu'elle n'en menait pas large, et il supposait que s'il avait été sous forme humaine il aurait eu la même expression.

L'attente dans le bureau de Dumbledore fut une des pires de sa vie. Il avait connu plusieurs attentes dans sa vie, de sa répartition à Gryffondor à celle dans le couloir de St-Mangouste le jour de la naissance d'Harry en passant par les journées interminables dans sa cellule d'Azkaban, mais celle-ci était insoutenable. Comment une chose pareille avait-elle pu se produire sous la garde de Dumbledore ? Comment un gamin de quatorze avait pu faire face au sorcier le plus sombre de tous les temps, seul ? Au milieu de l'inquiétude qui bouillonnait en lui, Sirius sentit une pointe de colère. Il aurait dû être là pour le protéger, il était son parrain pour l'amour de Merlin ! Encore une fois, il avait été incapable de sauver son filleul. Il avait l'impression de revivre cet instant horrible lorsqu'il avait compris que James et Lily ne reviendraient pas.

Le silence de la pièce fut rompu brusquement par la porte qui s'ouvrit, révélant Dumbledore et Harry. Sirius se précipita vers eux d'un bond.

- Harry ? Comment te sens-tu ? Je le savais...j'étais sûr que quelque chose comme ça arriverait... Qu'est-ce qui s'est passé ?

Les mains tremblantes, il aida Harry à s'assoir sur une chaise.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

Sirius écouta les explications de Dumbledore sur les aveux de Croupton tout en gardant un œil sur Harry, recroquevillé sur sa chaise. Son uniforme était déchiré à plusieurs endroits, notamment la manche droite qui était imbibée de sang, et l'estomac de Sirius lui remonta dans la gorge. Il avait le teint pâle, cireux, les yeux hagards et son expression reflétait une fatigue immense. Dans un état second, il fixait le vide sans vraiment écouter.

Au moment où Dumbledore terminait son récit, Fumseck s'envola de son perchoir pour venir se poser délicatement sur les genoux d'Harry.

- Bonjour Fumseck, dit-il à voix basse en frôlant son plumage rouge et or du bout des doigts.

Sirius se crispa en entendant sa voix rauque, comme s'il avait crié trop longtemps et il se refusa de penser aux sortilèges qu'il avait bien pu subir dans ce cimetière. Il gardait les yeux fixés sur le phénix, mais Dumbledore reprit malgré tout en s'adressant à lui :

- Harry, il faut que je sache ce qui s'est passé quand tu as touché le portoloin dans le labyrinthe.

- On pourrait peut-être attendre demain matin ? Demanda-t-il d'un abrupt en voyant la fatigue de son filleul.

Avec reconnaissance, Harry se laissa aller contre lui tandis qu'il posait une main réconfortante sur son épaule. Dumbledore, indifférent à ce qu'il venait de dire, se pencha par-dessus son bureau et Harry releva les yeux à contrecœur.

- Si je pensais pouvoir t'aider en te plongeant dans le sommeil pour retarder le moment où tu devras repenser à tout ce que tu as vécu cette nuit, crois bien que je le ferais, dit-il avec douceur. Mais je sais que ça ne serait pas une bonne chose. Endormir la douleur pendant quelque temps ne la rendra que plus intense lorsque tu la sentiras à nouveau. Tu as fait preuve d'une bravoure qui dépasse tout ce que j'aurais pu attendre de toi et je te demande de montrer encore une fois ton courage. Je voudrais que tu nous racontes ce qui s'est passé.

Au fond de lui, Sirius savait que le directeur avait raison. On lui avait lui-même répété des dizaines de fois de ne pas tout garder pour lui, de ne pas repousser l'aide des autres... Pourtant, il savait ce qu'Harry ressentait en le voyant tressaillir. Le jour de la mort de James et Lily, le jour où il avait appris la mort de Regulus, le jour de l'attaque à Inverness dans laquelle l'Ordre s'était battu, il aurait envoyé son poing dans la figure à la première personne qui lui aurait demandé de parler pour se sentir mieux.

Mais Harry se redressa lentement, déglutit, inspira profondément, et commença son récit. Dès qu'il commença, ce fut comme si il ne pouvait plus arrêter le flot de parole qui franchissait ses lèvres. Sirius se retint d'intervenir quand il évoqua la mort de Cédric Diggory ou la présence de Peter, mais un regard de Dumbledore le fit taire. Il n'arriva pas toutefois à étouffer son exclamation de surprise, tel un grondement sourd, quand Harry mentionna comment Peter lui avait coupé le bras pour prendre son sang.

Dumbledore s'était levé et contourna son bureau pour examiner la coupure.

- Il a dit que mon sang le rendrait plus fort que tout autre sang. Il a dit que la protection que ma...que ma mère m'a laissé en mourant...serait également en lui. Et il avait raison. Il a pu me toucher sans éprouver aucune douleur.

Cette fois, Sirius se retint d'envoyer son poing dans le mur, par égard pour Harry qui n'avait vraiment pas besoin ça de maintenant (et peut-être un peu pour le bureau de Dumbledore). Lily avait donné sa vie pour cette protection. Elle avait fait barrage de son corps en sachant que James était mort, qu'elle allait mourir elle aussi, et sa dernière action avait été de s'interposer pour son fils. Il tenta réellement de ne pas y penser, de ne pas se l'imaginer devant le berceau d'Harry en suppliant, ses longs cheveux auburn encadrant son visage pâle...en vain. Il crut entendre sa voix, désespérée, démunie... Lily qui était toujours pleine de gentillesse, de compassion, mais qui pouvait se battre avec une rage passionnée... Lily qu'il avait fait danser le jour de son mariage dans sa robe blanche...

- Très bien, dit Dumbledore d'une voix neutre. Voldemort a donc réussi à abattre cette barrière. Continue, Harry, s'il te plaît.

Harry reprit. Il raconta la façon dont Voldemort était revenu à la vie en sortant du chaudron, le discours qu'il avait prononcé encerclé par ses mangemorts. Puis il en vint au moment où Voldemort l'avait libéré et lui avait redonné sa baguette pour l'affronter en duel. Sirius jura. Un duel avec Voldemort à quatorze ans... C'était un miracle qu'Harry soit encore vivant.

Dumbledore expliqua le sortilège du Priori Incantatum et quelque chose sembla passer silencieusement entre le directeur et Harry, comme s'ils communiquaient et se comprenaient par le regard. Sirius comprit une seconde plus tard.

- Aucun sortilège ne peut faire revivre les morts. Il s'agit simplement d'une sorte d'échos à l'envers. Une ombre de Cédric vivant a dû émerger de la baguette... C'est ce qui s'est passé, Harry ?

- Il m'a parlé, répondit-il en se remettant à trembler. Le fantôme de Cédric, ou je ne sais quoi... Il m'a parlé.

- Un écho, acquiesça Dumbledore. Un écho qui a conservé l'apparence et la personnalité de Cédric. Je devine que d'autres formes ont dû apparaître...Des victimes moins récentes de la baguette de Voldemort.

- Un vieil homme, dit Harry, la gorge si serrée que ses mots n'étaient pas plus qu'un murmure. Bertha Jorkins...Et...

- Tes parents ?

- Oui...

La main de Sirius serra plus fort l'épaule d'Harry, et il se dit un instant qu'il devait lui faire mal, mais il était incapable de faire autrement. A cet instant, seule la pensée qu'Harry avait besoin de lui l'empêchait de tomber à genoux. Cette fois, il n'arriva pas à s'imaginer un James et une Lily sous des formes fantomatiques, comme de simples échos d'eux-mêmes, de ce qu'ils avaient été et de ce qu'ils avaient représentés pour les autres (pour lui...).

Heureusement, Dumbledore mit fin à leur discussion quelques minutes plus tard après avoir remercié Harry et complimenté pour sa bravoure.

- Sirius, vous resterez avec lui cette nuit ?

La question ne se posait même pas, mais il sentit Harry se tourner vers lui en une demande silencieuse, perdu et il approuva aussitôt d'un signe de tête. Il se retransforma en chien, puis guida son filleul à l'infirmerie avec Dumbledore.

La pièce, encore remplie de personnes, se vida progressivement au cours de la nuit, et Sirius resta éveillé au pied du lit dans lequel dormait Harry. Mrs Weasley avait été dure à convaincre mais avait finalement accepté de quitter Harry pour aller se reposer elle aussi. Lui n'arrivait pas à trouver le sommeil. Plusieurs fois, il entendit Harry s'agiter dans son sommeil et se retourner mais la potion que Pomfresh lui avait donnée devait faire suffisamment effet.

Néanmoins, vers cinq heures du matin lorsque les premiers rayons du soleil éclairaient la pièce d'une lueur pâle et dorée, Harry se réveilla. Il eut l'air perdu pendant quelques secondes avant d'apercevoir Sirius.

- Eh Patmol, souffla-t-il même s'il n'y avait personne d'autre.

Sirius se transforma et vint s'assoir près de lui, veillant à ne pas lui écraser les jambes au passage.

- Comment tu te sens ? Demanda-t-il.

- Bien... fatigué, mais bien...

Son visage contredisait ses paroles.

- Ton bras te fait mal ? Ça ne va pas ?

- Non, non...murmura Harry. Je le sens à peine. Tout le monde est parti ?

- Molly a mis les autres dehors sous prétexte « qu'ils t'empêchaient de te reposer en faisant du bruit ». Ron et Hermione ont essayé de protester mais il fallait qu'ils dorment aussi. Pomfresh devait aussi s'occuper des autres champions.

- Krum et Fleur...ils vont bien ? Maugrey, enfin je veux dire Croupton, a dit qu'il les avait ensorcelé mais...

- Ils vont bien, calme-toi. Fleur était un peu secouée et Krum avait subi un Impardonnable mais physiquement ils vont bien.

Harry hocha la tête. Sirius ne savait honnêtement pas quoi faire. Il avait toujours su quoi dire à James, lire ses émotions sur son visage, mais il fallait dire que James était le genre de personne extraverti et expansif qui n'arrivait jamais à garder quelque chose pour lui. Et puis il connaissait James par cœur. Harry tenait plus de Lily, il avait cette même réserve, et Sirius n'avait jusqu'à présent pas eu l'occasion de parler avec lui hormis dans les situations de crise.

- Tu veux en parler ? De ce qui s'est passé dans le cimetière ?

- Je...j'ai déjà tout raconté tout à l'heure à Dumbledore...

- Non, tu lui as dit ce qui s'était passé, pas ce que tu ressentais. Ce n'est pas la même chose.

Le récit d'Harry tout à l'heure lui avait rappelé l'époque de l'Ordre quand l'un deux revenait de mission et qu'il devait faire son rapport à Maugrey. On s'en tenait aux faits, on expliquait ce qui était arrivé avant d'aller chercher les autres pour réellement parler. Il avait tenu plusieurs fois Lily contre lui quand James n'était pas là et qu'elle avait besoin de se confier, il avait passé des soirées entières en compagnie de Remus, Marlène et Dorcas à s'inquiéter pour les autres.

- De quoi tu veux parler ?

- N'importe, ce dont toi tu veux ou tu as besoin. Et si tu n'as pas envie, ce n'est pas grave. Je reste là de toute façon.

Harry ramena ses jambes contre lui et garda le silence de longues secondes.

- Je ne sais pas... Au début, je n'ai pas compris où on était. Je me suis demandé si c'était encore une épreuve, un dernier test avant la fin du Tournoi. Mais Queudver est arrivé...

Sirius serra les poings.

- Il... Ma cicatrice s'est mise à... j'avais tellement mal, c'était comme si ma tête explosait. Je suis tombé par terre, je ne voyais rien. Et...une voix a ordonné de « tuer l'autre ». Je n'ai rien pu faire...je n'ai pas eu le temps...

- Eh Harry, Harry...

- Je l'ai entendu tomber à côté de moi...mais je n'arrivais pas à bouger, la douleur de ma cicatrice... je... je n'ai rien pu...

La voix d'Harry se brisa et il détourna le regard, les larmes aux yeux. Il avait l'air fatigué, il avait l'air de quelqu'un qui avait vécu trop d'épreuves et Sirius resta une seconde sans savoir quoi faire. Ce n'était pas la même de réconforter une personne d'une vingtaine d'année qui se battait dans une guerre par choix et par conviction qu'un gamin de quatorze ans que Voldemort considérait comme son ennemi personnel.

Lily aurait su quoi faire, songea-t-il. Mais Lily n'était plus là et elle lui avait fait confiance pour veiller son fils.

- Il est mort, Sirius, dit-il en étouffant un sanglot. Il est mort parce que je lui ai dit de prendre ce satané trophée en même temps que moi...

- Harry, regarde-moi. Ce n'est pas de ta faute, tu m'entends ? Personne n'aurait pu prévoir ce qui s'est passé ce soir et tu as fait preuve d'un courage exemplaire. Voldemort, Peter, les mangemorts... ce sont leurs fautes. Tu comprends ?

- Un courage... C'est ce que Dumbledore a dit aussi... Mais j'avais peur, Sirius... J'étais terrifié en le voyant revenir...

- Courage ne veut pas dire sans peur. Crois-moi, il m'a fallu du temps pour le comprendre, mais tu as le droit d'avoir peur, c'est même normal.

Mais Harry paraissait toujours agité, et le cœur de Sirius se serra en voyant des larmes brûlantes dévalées ses joues.

- J'étais seul, murmura-t-il. J'étais seul face à eux et je ne savais pas quoi faire... Ron et Hermione ont toujours été là, mais ce soir...j'étais seul dans ce cimetière...

Sirius rompit la distance entre lui et Harry, et le prit dans ses bras sans réfléchir. Harry s'accrocha à lui, tremblant, et se recroquevilla un peu plus mais Sirius ne le lâcha pas. Ils restèrent ainsi de longues minutes tous les deux et Sirius se promit une chose. Tant qu'il serait là, Harry ne serait plus jamais seul.

**

*

Réunir l'Ordre plus de dix ans après sa dissolution avait été plus difficile que prévu, mais en seulement un mois et demi ils avaient réussi à réunir la plupart des anciens et à regrouper tous les nouveaux susceptibles d'être à la fois utiles et fiables. Sirius avait parcouru des kilomètres à travers tout l'Angleterre sous forme de chien pour retrouver certains d'entre eux, comme Emmeline Vance qui après la première guerre avait quitté Londres pour s'installer à la campagne, au calme. Elle n'avait pas paru surprise de voir Sirius débarqué sur le pas de sa porte un matin de bonne heure, sûrement car la lettre de Dumbledore était arrivée avant lui. Elle l'avait regardé d'un air triste, presque nostalgique, et avait esquissé un sourire :

- On recommence à ce qui paraît ? Avait-elle dit, lasse.

- Il est revenu, Em... On a besoin de l'Ordre. Personne n'est obligé de revenir, mais...

- Mais ce n'est pas avec Mondingus que vous irez très loin, je comprends. Et Merlin, personne ne m'avait appelé Em depuis des années !

Sirius avait souri aussi. Emmeline était un peu plus âgé que lui, sept ou huit ans s'il se souvenait bien, et elle était déjà dans l'Ordre depuis plusieurs mois quand les Maraudeurs et les filles les avaient rejoints. S'ils s'étaient tous très vite entendu avec Gideon et Fabian Prewett, Emmeline avait été la seule femme jusque-là, avant l'arrivée de Lily, Dorcas, Marlène et Alice. Sûrement heureuse de voir autant de fille grossir les rangs d'un coup, elle s'était auto-proclamée leur guide et tutrice en plus de Maugrey bien sûr, qui était beaucoup moins délicat quand il s'agissait de leur apprendre à se battre. Elle avait été une sorte de grande sœur pour eux tous.

- Tu m'as manqué, Em... Sincèrement.

- Toi aussi. Je... j'étais dévastée quand j'ai appris ce qui t'étais arrivé, sans procès. Evidemment je ne pouvais pas me douter que...mais quand Dumbledore m'a dit la vérité, je me suis dit que j'aurais dû le savoir...je suis désolée.

- C'est pas grave. Pour le moment, on a juste besoin que tu reviennes.

Emmeline avait hoché la tête et attrapé une grosse valise déjà prête, cachée derrière la table.

- J'en suis. On l'a fait une fois, on y arrivera encore. Juste...

- Oui ?

- Pitié, dis-moi qu'Harry ressemble à Lily. Je ne supporterais pas un autre James, j'ai eu mon compte de blague pour le reste de ma vie !

Sirius avait éclaté de rire.

Toujours est-il que l'été était passé vite, trop vite. Tout était loin d'être prêt mais les mangemorts avaient apparemment aussi besoin de s'organiser après tant de temps et la plupart des missions consistaient en du repérage ou des filatures. Maugrey était revenu comme chef des opérations, le Square Grimmaurd servait désormais de QG, et les Weasley était venu s'installer début juillet. Sirius ne savait pas vraiment quoi en penser. Les enfants étaient tous sympathiques, particulièrement les jumeaux, et les aînés étaient des ajouts non négligeables pour l'Ordre. Arthur était un homme chaleureux et bienveillant qui était d'une aide précieuse au Ministère. Quant à Molly... Sirius n'avait rien contre elle, réellement. Elle était une mère fantastique, cuisinait comme personne (et il devait avouer que la puissance de ses sortilèges l'impressionnait), mais il n'arrivait pas à se faire à l'idée que c'était elle la fameuse sœur de Fabian et Gideon. Pendant la première guerre, elle avait déjà la trentaine et cinq enfants, ce qui l'avait empêché de rejoindre l'Ordre, pourtant il avait entendu parler d'elle grâce à ses frères. Si physiquement, ils avaient les mêmes cheveux roux et les mêmes traits du visage, Molly était loin d'être aussi amusante. Mais au fond, il supposait qu'il avait connu Fabian et Gideon quand ils avaient vingt-cinq ans et que les gens changeaient avec le temps. Il suffisait de le regarder.

Le pire dans tout ça, c'est qu'il devait rester enfermer à Square Grimmaurd. Peter devait avoir tout révéler au sujet des animagus et il ne pouvait plus simplement se transformer pour partir en mission. Ou pour aller voir Harry. Il n'avait pas pu rester énormément en contact avec son filleul au cours de l'été et quand il eut enfin des nouvelles, elles n'étaient vraiment pas rassurantes.

Il était dans la cuisine du Square Grimmaurd avec Remus, revenu de mission quelques heures plus tôt, les enfants Weasley, Molly, Hermione et Emmeline Vance quand la porte s'était ouverte avec fracas pour révéler Arthur. Il avait ses lunettes de travers et la respiration haletante.

- Salut papa, commença Ron. Tu as passé une bonne... ?

- Vous êtes au courant ? Demanda-t-il. On vous a prévenu ?

- Que l'Angleterre avait encore perdu face au Pérou ? Dit Fred. Oui, merci de nous le rappeler, j'avais misé trois noises !

- Non, pas ça ! Pour Harry !

Sirius se redressa d'un coup.

- Quoi Harry ?

- Il a été attaqué par un détraqueur il y une demi-heure près de chez lui, annonça Arthur. Arabella Figg a donné l'alerte. Il était avec son cousin et l'a sauvé en jetant un patronus. Le Ministère a évidemment repéré le sortilège immédiatement, ils doivent avoir déjà envoyé une lettre pour saisir sa baguette ou pour l'expulser de Poudlard. Dumbledore est en train d'essayer d'éclaircir les choses et j'ai envoyé une lettre à Harry pour lui dire de ne surtout pas quitter la maison...

- Merlin, murmura Molly. Le pauvre... Tu es sûr qu'il va bien ?

- Le détraqueur s'en est apparemment d'abord pris à son cousin. Le problème c'est qu'Harry a fait de la magie devant un moldu...

- Mais Dudley sait qu'il est un sorcier, protesta Hermione.

- Ce n'est pas si simple, il n'a pas dix-sept ans. Et il y a déjà eu l'affaire avec cet elfe de maison il y a deux ans, il avait eu un avertissement. Ça veut dire qu'une audience disciplinaire est probablement requise.

Sirius se prit la tête entre les mains. Encore une fois, alors même que l'Ordre veillait sur lui depuis le début de l'été, il avait été seul face à un détraqueur.

- Qu'est-ce que Dumbledore a dit ? Intervint Remus d'un ton calme. Est-ce qu'il faut aller le chercher ?

- Pas encore, répondit Arthur. Une escorte sera envoyée demain soir, mais il doit rester là-bas cette nuit le temps de sécuriser le périmètre et le transport. Maugrey rassemble les autres.

- Demain soir ? Répéta Sirius, incrédule. On va le laisser encore tout seul toute une journée alors que Voldemort a pu envoyer un détraqueur en plein quartier moldu ? Hors de question !

- Sirius...

- Non, Remus. Dumbledore peut faire tout ce qu'il veut avec les gratte-papiers du Ministère mais Harry ne peut pas rester seul aussi longtemps.

- Mondingus est retourné à son poste, et Mrs Figg veille aussi...

- Oh magnifique, coupa-t-il. Un escroc et une cracmol, ça va effrayer Voldemort ça !

Remus plissa les yeux devant son cynisme.

- On a besoin d'avoir une escorte solide et un plan pour l'emmener jusqu'ici... Qu'est-ce que tu veux faire ? Transplaner à Privet Drive et aller le chercher comme ça ?

- Exactement !

Il se leva sans prévenir et commença à avancer vers la porte mais Remus lui barra immédiatement le passage. Emmeline s'était également levée, incertaine.

- Sirius, sérieusement, tu ne peux pas faire ça.

- Pourquoi pas ? Lança Ron. Il a raison, non ? Ca fait des mois qu'Harry nous envoie des lettres pour savoir ce qui se passe, il est tout seul chez sa tante et son oncle, et il vient de se faire attaquer par un détraqueur. C'est suffisant pour aller le chercher, pas vrai ?

- Ron, ne te mêle pas de ça, gronda Molly. Ce sont les affaires de l'Ordre, d'ailleurs vous devriez tous sortir.

- Quoi ? S'exclama Ginny. Non ! Maman !

- Harry est mon meilleur ami, j'ai le droit de savoir !

- Les enfants...tenta d'apaiser Arthur.

- Oh pour l'amour de Merlin, on perd du temps. Remus, laisse-moi passer !

- Sirius, sois raisonnable. Dumbledore a un plan, on ne peut pas prendre le risque de tout perturber. Voldemort n'enverra rien si vite après ce soir en sachant que le Ministère surveille la maison, pas quand il veut éviter que son retour soit rendu public.

Sirius se figea. Au fond de lui, il savait que Remus avait raison. Pourtant, il s'était fait la promesse qu'Harry ne serait plus jamais seul, qu'il n'aurait pu à le tenir dans ses bras alors qu'il avait vécu une autre épreuve traumatisante. En restant enfermé ici et en ne faisant rien, il était inutile. Il rompait une fois de plus sa promesse.

Son inquiétude dû se lire sur son visage car Emmeline posa une main réconfortante sur son bras.

- Tu pourrais peut-être lui envoyer un message, comme Arthur ? Pour lui dire de bien rester chez lui ? Ça passera sans doute mieux si ça vient de toi...

- Bonne idée, approuva Remus. Fais-ça et pendant ce temps-là j'essaye de contacter Dumbledore ou Maugrey d'accord ?

Après ça, ils passèrent de longues heures à attendre. Le repas avait été oublié sur le coin de la table et ils tournaient tous en rond dans la cuisine en attendant des nouvelles. Ce fut une boule de plume blanche qui tapa la première au carreau.

- Hedwige ! Cria Hermione.

La chouette s'engouffra dans la pièce dès qu'on lui ouvrit la fenêtre. Elle lâcha trois petits parchemins sur la table et fondit vers Ron, Hermione et Sirius avant de leur donner des petits coups de becs coléreux.

- Aïe ! Hedwige, arrête ! Aïe !

- Je crois qu'Harry en a marre de ne pas avoir de réponses, commenta George en ouvrant un des parchemins. « Je viens d'être attaqué par des détraqueurs et on va peut-être me renvoyer de Poudlard. Je veux savoir ce qui se passe et quand je pourrai enfin sortir d'ici ».

- Oh Harry, toujours dans la mesure ! Lança Fred en se penchant par-dessus l'épaule de son frère. Vraiment, aucun sens dramatique.

- Tout à fait, il devrait peut-être exprimer un peu plus sa colère de temps en temps, renchérit George.

- Arrêtez tous les deux ! Ordonna Molly. Ce n'est pas drôle.

- Qu'est-ce qu'ont fait ? Demanda Ron, les doigts meurtris. On ne peut pas le laisser sans réponse cette fois...

- On n'a pas le choix, dit Emmeline. Les mangemorts pourraient intercepter la chouette. Elle ne passe pas vraiment inaperçue... De toute façon, ce n'est que 24h. Il tiendra bien jusque-là.

- C'est vrai qu'Harry est la patience même, dit Fred.

- Oui, il n'est pas du tout du genre à agir sur un coup de tête !

- Bon ça suffit vous deux ! S'exclama Molly. Au lit tout le monde !

Sirius regarda les enfants se faire jeter dehors (oui, même Bill et Charlie) et retomba sur sa chaise. Il entendit vaguement Ron protester en disant qu'il n'avait pas mangé et qu'il n'avait plus quatre ans, mais il se contenta d'échanger un coup d'œil avec Remus. Malgré ce que son ami avait dit, il voyait bien qu'il n'appréciait pas la situation plus que lui.

Le lendemain, Sirius dû rester sur place tandis que l'escorte que Maugrey avait rassemblé partait chercher Harry. Au moins, une réunion avait été programmée en fin d'après-midi, ce qui l'empêcherait de tourner en rond. Vers 18h, Dumbledore arriva avec Rogue, McGonagall, et Mondingus. A peine entré dans la salle de réunion, qui avait été le bureau d'Orion à l'époque comme en attestait la grande bibliothèque contre le mur gauche, Sirius se dirigea droit vers ce dernier, faisant sursauter Molly.

- Fletcher ! Gronda-t-il.

Le petit escroc recula d'un pas, effrayé, et se mit à jouer avec ses mains.

- Oh Sirius...bredouilla-t-il. Tout...tout va...bien ?

- Qu'est-ce qui t'a pris bon sang ? Tu étais censé veiller sur lui, c'était ton tour de garde !

- Euh... je ne pensais pas... Il y avait cette promotion sur les chaudrons, c'était juste une petite heure...

- Des chaudrons ? Rugit Sirius. Tu as abandonné ton poste pour des chaudrons ? Harry a dû affronter deux détraqueurs parce que tu as préféré aller marchander tes affaires douteuses ?!

A cet instant, Dumbledore s'interposa et ce fut sûrement la seule chose qui l'empêcha de mettre son poing dans la figure de Mondingus. Tout le monde les observait avec désapprobation, mais il n'aurait pas pu dire si c'était à cause de lui ou à cause de Mondingus.

Ses retrouvailles avec Harry furent moins joyeuses que prévu. La réunion avait été un enfer, même après le retour des autres. Il avait dû écouter tout le monde faire son rapport, donner les dernières nouvelles, et subir les remarques désobligeantes de Rogue. Et pour couronner le tout, le portrait de sa mère se réveilla quand Tonks trébucha –encore– sur le porte parapluie en jambes de troll. Quand il se tourna enfin vers Harry, il fut presque surpris. Il s'était imaginé qu'il aurait changé depuis le début de l'été, peut-être à cause de ce qui s'était passé dans le cimetière ou avec les détraqueurs, mais il était pratiquement le même que la dernière fois qu'il l'avait vu. Il l'accueillit sans doute un peu froidement mais Harry ne parut pas s'attarder dessus, trop occupé à écouter les explications qu'il lui donnait.

Sa colère contre Ding était retombée au moment du repas, sûrement parce qu'il avait réussi à énerver Molly en moins de deux minutes, et il s'assit entre lui et Harry à la grande table de la cuisine, en face de Remus. Il discuta avec eux en mangeant et observa du coin de l'œil Tonks changer de nez pour amuser les filles, puis l'ambiance retomba lentement et une atmosphère somnolente tomba sur les personnes présentes. C'est là que les choses commencèrent à dérailler. Il proposa des réponses à Harry au sujet de Voldemort, sentant le regard lourd de Remus sur lui, et Fred et George se mirent immédiatement protester.

- Vous êtes trop jeunes, vous n'êtes pas membres de l'Ordre, dit Fred d'une voix aiguë qui imitait avec une ressemblance troublante celle de sa mère. Harry, lui, n'est même pas majeur !

- Ce n'est pas de ma faute si on ne vous a rien dit de ce que faisait l'Ordre, répondit-il. Il s'agit d'une décision de vos parents. Harry, en ce qui le concerne...

- Ce n'est pas à toi de juger ce qui est bon ou pas pour Harry ! Coupa Molly sèchement.

Honnêtement, il comprenait Molly. Elle s'était occupée d'Harry quand il n'avait personne, l'avait accueilli chez elle, et il lui en était réellement reconnaissant. Sa fibre maternelle lui faisait penser à Lily parfois, même si les deux femmes étaient bien différentes. Pourtant, sa tendance sur protectrice l'agaçait aussi. Il était le parrain d'Harry, ça voulait dire quelque chose. James avait voulu que ça signifie quelque chose. Il n'allait pas laisser l'Ordre décider ce qui était le mieux pour Harry, pas si ça voulait dire le laisser dans l'ignorance jusqu'à ce que ça leur explose tous au visage.

- Il n'est pas membre de l'Ordre, poursuivit Molly. Il n'a que quinze ans et...

- Et il a dû affronter autant d'épreuves que la plupart des membres de l'Ordre, interrompit-il, et même plus que certains !

- Personne ne nie ce qu'il a fait, répondit-elle en élevant la voix, ses poings tremblants sur les bras du fauteuil. Mais il est encore...

- Ce n'est plus un enfant, s'impatienta-t-il.

- Ce n'est pas non plus un adulte ! Protesta Molly, les joues rouges. Ce n'est pas James !

Oh, elle croyait qu'il ne le savait pas ? Personne ne pouvait remplacer James, pas besoin de lui rappeler, il y pensait tous les jours. De l'autre côté de la table, Remus le regardait toujours intensément.

- Je sais parfaitement qui il est, Molly, répliqua-t-il froidement.

La conversation se poursuivit encore de longues minutes, le temps de mettre Harry au courant sans lui « en dire plus qu'il n'avait besoin de savoir », puis Molly envoya tout le monde au lit. Sirius ne fut pourtant pas étonné d'entendre des voix venir de la chambre des garçons quand il passa devant leur porte en allant se coucher. Il hésita à entrer, soit pour leur dire de dormir soit pour se joindre à la conversation il ne savait pas trop, mais finalement il continua son chemin. Molly pouvait gérer si elle le voulait, ces adolescents étaient bien trop vieux pour qu'il leur donne en couvre-feu surtout en vacances.

Le reste du mois d'août se passa quand même bien mieux que les précédents. Sirius passait certes toujours ses journées à faire le ménage et à assister aux réunions, mais le fait qu'Harry soit là changeait tout. Déjà, il pouvait veiller sur lui sans s'inquiéter. Les autres enfants, particulièrement Ron et Hermione, étaient aussi de bien meilleure humeur et ils se retrouvaient parfois tous écrouler de rire en pleine séance de ménage. Seule l'audience disciplinaire d'Harry planait sur eux comme un nuage noir, et Sirius usa de tous ses arguments pour les convaincre qu'il devait l'accompagner, sans succès.

Le matin de l'audience, Harry descendit dans la cuisine vers 5h du matin, pâle. Il toucha à peine au petit déjeuner que Molly mit devant lui et ne décrocha pas un mot. Juste avant de partir, Molly tenta vainement de plaquer les cheveux d'Harry avec un peigne mouillé.

- Tes cheveux ne s'aplatissent donc jamais ? Demanda-t-elle d'un ton désespéré.

Harry fit non de la tête et Sirius esquissa un sourire, amusé. Combien de fois avait-il essayé avec Remus de coiffer James, tous les deux appuyant sur les épis avec leurs mains et jetant des sorts, sans jamais réussir ? Pendant toute la journée, il s'angoissa à nouveau, comme les autres. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de se dire que si Harry était renvoyé de Poudlard, il viendrait vivre avec lui, ici, et il ne serait plus seul. Evidemment, il n'avait pas osé donner de réponse claire à Harry quand il lui avait demandé s'il pourrait habiter avec lui et ne pas retourner chez les Dursley si le Ministère décidait de l'exclure. Ça ne servait à rien de lui donner de faux-espoirs, et plus que tout, il ne souhaitait pas réellement qu'il soit forcé de partir de Poudlard. Il ne le savait que trop bien lui-même, le château était une deuxième maison.

**

*

Même si Sirius avait été triste de voir Harry repartir et qu'il attendait son retour avec impatience, il ne s'attendait quand même pas à le revoir si vite. Quelques jours avant les vacances de noël, alors qu'il buvait un verre seul dans la cuisine de Square Grimmaurd, le portrait de Phineas se manifesta brusquement. Il cligna des yeux, surpris, tandis que son ancêtre lui demandait de la part de Dumbledore s'il pouvait accueillir les enfants Weasley et Harry sur le champ. Deux minutes plus tard, ils arrivaient par portoloin.

Et ils avaient tous l'air secoué. Harry et Ginny trébuchèrent en atterrissant, et tombèrent brutalement par terre, tandis que Ron, Fred et George tremblaient presque, angoissés. Des cinq, Harry était celui qui était visiblement le plus mal en point. Le visage extrêmement pâle, il avait les jambes tremblantes et la sueur perlait sur son front où sa cicatrice paraissait ressortir plus que d'ordinaire.

- Qu'est-ce qui se passe ? Demanda-t-il en tendant une main à Ginny pour l'aider à se relever. Phineas Nigellus a dit qu'Arthur avait été blessé...

- Demandez à Harry, dit Fred.

- Oui, moi aussi j'aimerais bien savoir, ajouta George.

Sirius fronça les sourcils, perplexe. Ils dévisageaient tous Harry, presque accusateurs, et le pauvre paraissait ne pas savoir comment réagir.

- J'ai eu... j'ai eu une sorte de...vision.

Cette fois, Sirius sentit son estomac se tordre. Ça ne pouvait pas être un bon signe, et il en eut la confirmation lorsqu'Harry raconta ce qu'il avait vu dans son rêve. A un moment, il le vit échanger un coup d'œil avec Ron, mais il ne chercha pas à l'interrompre. Si Harry cachait quelque chose, il lui demanderait plus tard. Après ça, le ton monta vite entre lui et les jumeaux, qui voulaient naturellement aller voir leur père immédiatement à l'hôpital sans comprendre que ça pourrait non seulement compromettre l'Ordre mais aussi Harry.

- Ecoutez-moi, dit-il, agacé. Votre père a été blessé au cours d'une mission pour le compte de l'Ordre. Les circonstances sont déjà assez louches, si en plus on s'aperçoit que ses enfants étaient au courant quelques secondes plus tard, l'Ordre pourrait en subir de très graves conséquences.

- On s'en fiche complètement de cette idiotie d'Ordre ! S'exclama Fred.

- Tout ce qui compte, c'est que papa est en train de mourir ! S'écria George.

- Votre père savait à quoi il s'exposait et il ne vous remerciera pas d'avoir compliqué les choses. Voilà pourquoi vous n'êtes pas membre de l'Ordre...Vous ne comprenez pas...il y a des causes pour lesquelles il vaut la peine de mourir !

Il aurait voulu leur dire qu'ils étaient trop jeunes pour comprendre, qu'ils n'avaient pas encore mesuré l'ampleur de la guerre et des enjeux qui venaient avec, qu'ils ne comprenaient pas contre qui et pourquoi ils risquaient tous leur vie. Ils n'avaient jamais connu rien d'autre que la paix de l'entre-deux guerres. Sirius avait vu tellement de gens mourir pour l'Ordre... Gideon et Fabian, Marlène, Dorcas, Edgar Bones.... James et Lily... Ils s'étaient tous sacrifiés pour une cause plus grande, pour que l'Ordre puisse continuer à exister. Alors que personne ne vienne lui dire que l'Ordre ne servait rien, qu'on pouvait tout remettre en cause car quelqu'un était possiblement blessé.

**

*

Finalement, ils n'eurent des nouvelles d'Arthur que vers 10h du matin, quand Molly arriva enfin. Il allait vivre. La blessure était grave, mais grâce à Harry, on avait pu le trouver à temps.

Après ça, ils purent tous préparés noël de bonne humeur. Sirius trouva même supportable de ressortir les guirlandes et les décorations de son enfance pour rendre la maison un peu plus festive. Même Kreattur avait l'air d'avoir disparu, c'était dire ! Le soir de noël, la moitié de l'Ordre était réunie pour faire la fête. Adossé au mur du fond avec Remus, Sirius observait tout le monde discuter joyeusement, comme si la guerre avait été suspendue le temps d'une journée... Un peu plus loin, Harry et Ron parlaient tous les deux, un verre de lait de poule à la main, tandis qu'Hermione aidait Ginny à faire sortir Pattenrond de sous le grand buffet.

- Il a grandi non ? Demanda-t-il tout d'un coup. Harry je veux dire...

- C'est ce que font généralement les ados, répondit Remus laconiquement. Il n'a plus un an ni treize.

- Hum... Tu sais à quoi le lait de poule me fait penser ?

Remus haussa un sourcil. Il parut perplexe une seconde avant de réaliser ce que Sirius venait de dire et il éclata de rire.

- Lily ?

- Ouais ! Le jour où James a glissé du whisky pur feu dans son verre. Tu te souviens de sa tête ?

- Je me souviens surtout qu'elle avait manqué de s'étouffer, rit Remus.

- Pourquoi vous rigolez ? Lança une voix.

Sirius et Remus tournèrent la tête. Les jumeaux avaient visiblement échappé à la surveillance de leur mère et se tenaient devant eux, un air malicieux identique sur le visage. Aussitôt, une idée surgit dans l'esprit de Sirius.

- Eh les garçons... Vous seriez partants pour une blague ?

- Nous ? Dit Fred. Toujours !

- Qu'est-ce qu'on doit faire ? Dit George.

Sirius leur fit signe d'approcher. Alors qu'il chuchotait son idée, Remus secoua la tête, à mi-chemin entre l'amusement et la réprobation, mais ne fit rien pour arrêter les jumeaux alors que ces derniers se faufilaient entre les invités vers leurs cibles.

- Tu étais obligé, pas vrai ? Marmonna Remus.

- Oh allez, ne me dis pas que ça ne va pas te faire rire ! Où est ton esprit de Maraudeur ?

- Tu profites du fait que ces deux-là feraient n'importe quoi depuis qu'ils ont appris qu'on était les Maraudeurs.

- La renommée, Lunard ! Ça s'appelle la reconnaissance pour les anciens. Et puis si on se fait prendre par Molly, vaut mieux eux que moi.

Remus sourit. Heureusement, Molly était occupée à l'autre bout de la pièce avec Bill, qu'elle essayait apparemment de convaincre de couper ses cheveux. Elle avait l'air plus détendue ce soir que ces derniers jours en tout cas, maintenant qu'Arthur était sûr d'être tiré d'affaire. Sirius se souvenait encore de sa crise de larme il y a quelques mois, lorsque l'épouvantard du secrétaire du premier étage s'était transformé en corps de ses proches. Pendant des jours, il n'avait pas pu s'enlever de la tête l'image d'un Harry mort, étendu sur le tapis, et il avait tenté de faire des efforts avec Molly.

Brusquement, les jumeaux revinrent dans leur direction, un sourire aux lèvres.

- Mission accomplie, déclara George. On a proposé de leur resservir du lait de poule et ses pauvres innocents ont accepté !

- Oui, on a aussi du whisky pur feu dans le verre de Ron, ajouta Fred. On s'est dit que ça serait encore plus drôle !

- Il faut juste attendre qu'ils boivent, approuva Sirius. Quelqu'un a un appareil photo ?

- Sirius !

- Oh j'aimerais, dit Fred en riant. On pourrait envoyer la photo à Cho Chang, tout de suite elle trouverait Harry un peu moins héroïque.

Voilà une phrase qui eue le don d'interpeller Sirius. Remus se rapprocha lui aussi, intéressé, et demanda d'une voix qui se voulait neutre :

- Cho Chang ? Qui est-ce ?

- La fille pour qui Harry a le béguin, les informa George, ravi de pouvoir leur révéler quelque chose. C'est toujours un grand divertissement de le voir la regarder amoureusement ou de bégayer dès qu'elle entre dans son champ de vision. La dernière fois dans la Grande Salle, j'ai bien cru qu'il allait en recracher son jus de citrouille quand elle lui a fait un signe de la main.

Sirius échangea un regard éloquent avec Remus. Merlin, comment est-ce qu'ils n'avaient pas entendu parler de ça jusqu'ici ?

- Mais...ça dure depuis longtemps ?

- Qu'il se ridiculise devant elle ? Oh depuis l'année dernière. Il devenait tout rouge, tu te souviens George ?

- Je dirais à mi-chemin entre l'écarlate et le bordeaux, renchérit George.

Sirius s'imaginait assez bien la scène. Il avait assez de fois vu James perdre ses moyens devant Lily et vu Lily devenir plus rouge que ses cheveux pour se représenter Harry dans la même situation. Remus devait penser à la même chose car il lui sourit, nostalgique, avant d'éclater de rire tout seul.

Les trois le regardèrent sans comprendre.

- Je viens de penser à quelque chose, désolé...

- A quoi ?

- Je me disais... Si Harry commence à avoir des sentiments pour les filles, est-ce que...est-ce que ça veut dire que tu dois avoir la conversation sur les oiseaux et les abeilles avec lui ?

Fred et George éclatèrent de rire. Sirius, lui, pâlit considérablement.

- Moi ? Pourquoi moi ?

- Tu es son parrain, dit Remus comme si c'était évident. C'est ton rôle.

- Pourquoi pas toi ? Tu es le plus responsable !

- Tu es son parrain, répéta Remus, l'air de beaucoup s'amuser. Et c'est vrai qu'il a quinze ans, ça serait normal de lui en parler.

- Non, non ! S'exclama Sirius, horrifié. C'était pas dans mon contrat, James n'a jamais dit que... que...

- Tu n'as pas lu les petits caractères en bas de page ? C'était clairement spécifié.

- J'avais pas signé pour ça, insista Sirius.

Il voyait déjà la conversation d'ici, le regard paniqué qu'allait lui jeter Harry tandis que son visage s'enflammerait. Lui-même se revoyait à dix-sept ans enfoncé dans son fauteuil dans le bureau de Fleamont, assis à côté de James qui paraissait vouloir se faire avaler par le sol, alors que Mr Potter leur parlait calmement de sexualité, de consentement et de potion contraceptive. En y repensant, Mr Potter avait eu l'air de trouver leur embarras très divertissant.

- Oh ! Souffla brusquement George. Ils prennent leurs verres !

Ils se tournèrent tous pour observer Ron er Harry qui discutaient toujours, inconscients de ce qui allaient arriver dans une minute.

- Un...deux...trois.... Décompta Fred, un rire dans la voix.

Harry fut le premier à prendre une gorgée. Et une grande en passant. Dès que le liquide descendit dans sa gorge, ses yeux s'écarquillèrent et il se mit à tousser, tout de suite suivit par Ron qui recracha une partie de son verre. Leurs visages avaient pris une couleur rouge criarde et tout le monde se tourna vers eux, surpris.

Les jumeaux, Remus et Sirius éclatèrent de rire.

**

*

Les choses ne pouvaient pas durer éternellement. Rien de bon dans la vie de Sirius n'avait duré éternellement : ni sa relation avec son frère, ni Poudlard, ni James et Lily... Harry ne pouvait pas être différent.

Ce jour-là, il discutait avec Emmeline dans le salon à propos de Quidditch. Rien de spécial, vraiment. Ils se demandaient ce que pouvaient être les sujets d'examens des BUSES cette année, si les enfants avaient réussi les épreuves.

Pourtant, Remus et Tonks étaient arrivés en courant, complètement paniqués.

- Qu'est-ce que...

- Harry est parti de Poudlard !

- Quoi ?

- Il est au Ministère...Voldemort a réussi à l'attirer pour prendre la prophétie ! D'après ce qu'on sait, il a essayé de contacter Square Grimmaud il y a une heure mais Kreattur n'a prévenu personne.

Le cœur de Sirius lui remonta dans la gorge. C'était impossible... On ne quittait pas la surveillance de Dumbledore comme ça, par Merlin !

- Et il n'est pas seul. Ron et Hermione sont avec lui, Ginny aussi, ainsi que Luna Lovegood et Neville Londubat.

- Merlin... Bon sang, qu'est-ce qui leur est passé par la tête ?

- Ils veulent te sauver, apparemment.

- Moi ? Dit Sirius, incrédule.

- Voldemort a dû utiliser son lien avec Harry pour lui faire croire que tu étais en danger, expliqua Remus, pâle. A ton avis, qui était la seule personne pour qui il serait prêt à tout risquer ?

- Peu importe pourquoi Potter l'a fait, intervint soudain une voix grave. Il n'y a pas une minute à perdre.

Maugrey entra dans la pièce, clopinant. Dans son sillage, Kingsley le suivait, très calme comme à son habitude, mais il tenait déjà sa baguette à la main, prêt au combat. Ils n'étaient pas nombreux, mais le temps filait. Ils ne pouvaient pas attendre pour des renforts.

- Très bien, on y va. Formation habituelle. Sirius, tu restes ici au cas où si quelqu'un revient.

- Hors de question, rugit-il. Je ne resterais pas à rien faire encore une fois !

- Black, on n'a pas le temps pour...

- Il est mon filleul ! Je ne le laisse pas !

Non, il ne pouvait pas laisser les autres aller secourir Harry à nouveau alors que lui resterait enfermé dans cette maudite maison. Il ne laisserait pas Harry à la merci de Voldemort sans faire barrage de son corps, comme James l'avait fait quatorze ans plus tôt. Il n'avait rien pu faire à l'époque et il ne laisserait plus ça arriver.

Emmeline s'avança, apaisante.

- Je vais attendre ici, dit-elle. Je ferais passer les messages si nécessaire, ne vous inquiétez pas. Allez-y !

Maugrey ne protesta pas. Il grogna son assentiment puis fit un signe de tête aux autres. Ils transplanèrent. Ils arrivèrent dans le hall du Ministère, vide à cette heure-ci. Jamais Sirius n'avait couru aussi vite. Ils franchirent plusieurs portes avant d'arriver dans le Département des Mystères mais ne s'arrêtèrent pas dans les salles qu'ils traversaient.

Ils firent voler contre le mur les dernières portes. La salle était immense, avec des larges rangées de gradins en granit qui faisaient le tour de la pièce circulaire à la manière d'un amphithéâtre ou d'une salle de jugement. Au centre, sur une estrade, se dressait une arcade en pierre antique et lézardée. Sans aucun mur pour la soutenir, elle encadrait un rideau noir en lambeau, ou plutôt un voile, qui ondulait légèrement.

Les jeunes étaient tous entourés de mangemorts, Lucius Malefoy en tête. Les membres de l'Ordre n'hésitèrent pas : ils se jetèrent dans la bataille. Sirius engagea un duel féroce avec un mangemort masqué, s'assurant du coin de l'œil qu'Harry se mette à l'abri. A une dizaine de mètre, il vit Maugrey s'effondrer, frapper par derrière par Dolohov. Tonks poussa un cri de rage et voulut se jeter à sa poursuite, mais Bellatrix lui barra le passage, son rire dément résonnant contre les murs.

Dolohov avait profité de l'occasion pour se rapprocher d'Harry qui tentait d'aider Neville Londubat, ou du moins Sirius supposa que c'était lui. Il ressemblait trop à Alice pour ne pas être son fils. Sans réfléchir, il s'élança et heurta Dolohov de plein fouet d'un coup d'épaule qui le précipita à plusieurs mètres. Malheureusement, cela ne suffit pas à le mettre hors-jeu. Il se releva, furieux, et Sirius réagit une seconde avant d'être frappé par un sortilège.

- Pétrificus totalus ! Hurla Harry.

Bras et jambes figés, Dolohov bascula en arrière et atterrit violemment sur le dos.

- Bien joué, s'écria Sirius en forçant Harry à se baisser. Et maintenant tu vas sortir...

Un jet de lumière verte passa au-dessus de leur tête, les manquant de peu. De l'autre côté de la salle, Sirius vit Tonks tomber des gradins, sa silhouette flasque dégringolant de marche en marche. Bellatrix poussa un cri de triomphe.

- Harry, prends la prophétie, emmène Neville et va-t'en d'ici ! Cria-t-il avant de se ruer vers sa cousine.

Il traversa la salle et descendit les gradins en sautant presque trois marches à la fois.

- Eh Bella, hurla-t-il. Viens plutôt jouer avec moi !

Bellatrix fit volte-face. Un sourire psychopathe se dessina sur ses lèvres et ses lourdes boucles noirs volèrent autour d'elle tandis qu'elle bondissait vers lui. Elle n'avait pas changé depuis Azkaban, toujours ces mêmes yeux sombres dans lesquels dansaient une lueur de folie et ce port altier si caractéristique des Black.

- Oh petit cousin, chantonna-t-elle. Fais attention à toi. Doloris !

- Protego !

Un nouveau sortilège arriva droit sur lui et il se baissa juste à temps. Se battre en duel avec Bellatrix demandait non seulement des réflexes incroyables, et Sirius était un peu rouillé de ce point de vue-là, mais aussi une grande précision. C'était comme une danse mortelle, un ballet...

- Allez Bella ! Fais mieux que ça ou ton Seigneur des Ténèbres t'en voudra ! Soit un bon lieutenant !

- Tu n'as jamais rien compris, cria-t-elle. Tu fais honte à notre nom !

Elle jeta un nouveau maléfice et Sirius esquiva de justesse avant de lui en envoyer un également. Il se rappelait d'une époque où Bellatrix avait été sa cousine préférée, malgré leurs neuf ans d'écart. C'était il y a longtemps, avant ses cinq ans sans doute. Bellatrix était son idole, elle était comme lui. Tête-brûlée, courageuse, curieuse. Regulus, Narcissa et Andromeda étaient toujours si sages, si bien élevés. Bellatrix était différente. Elle était entière, passionnée, et c'est ce que Sirius aimait chez elle. Jusqu'à ce qu'il se rende compte que sa cousine était étrange, effrayante aussi parfois. Un jour, alors qu'ils jouaient au fond du jardin de son oncle Cygnus et de sa tante Druella, elle avait attrapé un oiseau et l'avait tué sans cligner des yeux, juste « pour voir ». Sirius s'était mis à pleurer.

A un moment, Sirius pris vaguement conscience de l'arrivée de Dumbledore, mais il n'y prêta pas attention. Ce n'était plus un mangemort contre un membre de l'Ordre. C'était entre elle et lui. Sirius ne voyait plus que les yeux noirs de Bellatrix et les années de souffrance avec les Black, le jour où il était parti, le jour où il avait vu le nom de Regulus dans la rubrique nécrologique. Bellatrix était responsable de tout cela. C'était elle qui avait fait entrer les Black dans le cercle des intimes de Voldemort.

Il se baissa pour éviter un jet de lumière rouge. Il éclata de rire. Il avait toujours adoré narguer Bellatrix.

- Allons, tu peux faire mieux que ça ! Se moqua-t-il.

Un deuxième jet de lumière le frappa en pleine poitrine.

Il se sentit tomber, lentement, comme en suspension dans l'air. Il ne s'était jamais dit qu'il reverrait sa vie défiler devant sa vie au moment de mourir. A quoi bon ? Il s'imagina plutôt ce qu'aurait été sa vie si les choses avaient été différentes... Si Peter ne les avait pas trahis, si Harry n'avait pas été l'enfant de la prophétie... Il aurait appris à jouer au Quidditch à Harry avec James, il aurait fait des blagues à Lily et Remus, aurait pu assister aux anniversaires, aux mariages...

Il voulut se relever, arrêter de tomber...pour Harry. Il ne pouvait pas le laisser seul, il se l'était promis et plus que tout il l'avait promis à James et Lily. Mais il était fatigué...Si fatigué... Et Remus serait là, tout comme les Weasley et Dumbledore...

Il pouvait revoir James et Lily. Enfin.

FIN


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