Harry Potter et les Maraudeurs - Partie 2: Peter Pettigrew


Pour une des rares fois dans sa vie, Peter fut le premier parmi les Maraudeurs à quelque chose. Remus pensait sans doute qu'il avait été le premier à revoir Harry, mais Peter l'avait devancé et même de trois ans.

Etre dans la peau d'un animagi pendant plus de dix ans était une expérience étrange. Parfois, il lui arrivait de reprendre conscience après des heures d'absence, comme s'il se confondait avec le rat. A sa connaissance, personne n'avait maintenu la transformation aussi longtemps et il était possible que des effets secondaires apparaissent au fil des années. Ses sensations n'étaient pas les mêmes sous sa forme animale, ni sa perception des choses autour de lui.

Malgré cela, rien n'aurait pas pu l'empêcher de remarquer le jeune garçon qui s'assit en face de Ron Weasley, son nouveau maître après être passé dans les mains de plusieurs de ses frères. Il avait senti son petit cœur battre à toute vitesse et Ron l'avait posé négligemment sur la banquette près de lui. Dire qu'Harry ressemblait à James aurait été un euphémisme. Avec sa vision altérée, Peter aurait pu croire se retrouver devant son jumeau, même s'il distinguait la couleur verte si familière de ses yeux.

Il ne sut jamais tout à fait ce qu'il ressentit à cet instant, ce jour-là précisément pendant tout ce voyage en train. Pour ne pas devenir fou, il avait dû tenter d'oublier. Tout oublier. S'il se permettait de repenser à ce qu'il avait à James, Lily, Sirius...à tous les autres... il deviendrait fou. A partir du jour où il avait décidé de se transformer en rat et de rester sous cette forme, il s'était juré d'oublier. De recommencer une nouvelle vie. Après tout, valait mieux vivre en rat que de mourir tout court. Il savait que les partisans du Seigneur des Ténèbres viendraient pour le tuer s'ils apprenaient qu'il était encore en vie. Ce n'était un secret pour personne au sein des mangemorts qu'il avait fourni l'information sur la cachette des Potter. Mais comment continuer à oublier quand il devait voir Harry tous les jours ? Quand il savait qu'il était responsable de la mort des parents de ce gamin qu'il avait tenu dans ses bras alors qu'il ne savait pas encore marcher ?

Tout avait paru remonter à la surface, la culpabilité, la peur, la tristesse... Il avait pensé pendant plusieurs jours à se retransformer en humain et à partir, quitter l'Angleterre, mais il avait renoncé à l'idée assez vite. Comme d'habitude, il n'en avait pas eu le courage. Partir signifiait devoir trouver une nouvelle identité, gagner sa vie pour vivre, et oserait-il l'avouer...cela signifiait quitter Harry.

C'était sans doute idiot, mais en restant auprès de Ron, il pouvait garder un œil sur Harry. Il pouvait le voir grandir au jour le jour, discuter avec ses amis, faire ses devoirs...C'était étrange. Il avait l'impression qu'il devait bien ça à James et Lily peut-être. Il se devait, après tout ce qu'il avait, de veiller sur Harry. Ou du moins c'est ce qu'il se disait. Il n'intervint pas toutes les fois où Harry se retrouva en difficulté (à part pour mordre le fils Goyle au doigt), il n'arriva pas à se résoudre à abandonner sa couverture, mais le garçon s'en sorti à chaque fois... où était le mal ?

Il aurait dû savoir que ça ne pouvait pas durer pour toujours. Tout s'effondra une fois de plus lorsque Sirius et Remus le retrouvèrent. Il se recroquevilla sur lui-même en sentant la colère, la rage pure, dans leurs yeux. Ce fut grâce à Harry qu'il eut la vie sauve ce soir-là.

**

*

La prochaine fois qu'il revit Harry, il était dans un cimetière.

- Vous ! S'exclama-t-il alors que Peter l'attachait solidement, les mains tremblantes, à la pierre tombale.

Ce simple mot contenait toute l'incrédulité et la colère du jeune homme. Il avait changé en un an, depuis l'épisode de la cabane hurlante. Il était plus grand et ses cheveux noirs en bataille, les mêmes que James, avaient poussé et lui retombaient maintenant sur le front, cachant sa célèbre cicatrice.

Peter baissa le regard, incapable de l'affronter, et se détourna. Il se concentra sur ce qu'il avait à faire. Sans accorder d'attention à Harry, ni au serpent qui ondulait sur le sol, ni au corps du jeune homme aux couleurs de Poufsouffle qui gisait à quelques mètres, il poussa l'énorme chaudron de pierre en direction de la tombe. Il l'alluma pour faire bouillir l'eau tandis que le Maître, enveloppé dans une couverture, commençait à s'agiter de plus en plus. La respiration saccadée, il entretenait les flammes en essayant de ne penser à rien à part la tâche à accomplir. Très vite, l'eau dans le chaudron se mit à bouillir et il ne put plus reculer l'échéance.

- Dépêche-toi.

- C'est prêt, Maître, dit-il.

- Maintenant...siffla-t-il d'une voix glaciale.

Peter jeta un dernier regard au chaudron puis déplia la couverture, révélant...le Maître, ou du moins la créature qu'il était devenu. Il entendit Harry émettre un hurlement étouffé par le bâillon et il ne pouvait pas lui reprocher, retenant lui-même un haut-le-cœur. Il se pencha pour le ramasser et le porta jusqu'au chaudron dans lequel il déposa le Maître, le ventre noué en sachant ce qui allait suivre.

- Que les ossements du père, donnés en toute ignorance, fassent renaître le fils ! Psalmodia-t-il.

La tombe grinça et une volute de poussière d'os s'éleva dans l'air puis tomba doucement dans le chaudron. La surface, brillante comme du diamant, s'agita et un long sifflement s'en échappa. Des étincelles jaillirent en tous sens et le liquide prit une couleur bleu vif qui ressemblait à un poison.

Peter sortit son poignard de sa manche dans un sanglot.

- Que la chair...du serviteur...donnée vo...volontairement...fasse...revivre son maître !

Il tendit sa main droite devant lui. Harry parut réaliser ce qu'il allait faire car l'horreur se peignit sur son visage juste avant qu'il ne ferme les yeux au moment où Peter abattit son poignard qui trancha sa main. La douleur explosa le long de son bras et il poussa un hurlement. Des tâches rouges dansèrent devant ses yeux puis il se courba en avant, le bras replié contre la poitrine. Pendant plusieurs secondes, plus rien d'autre ne compta que la douleur, mais il fallait qu'il termine le rituel.

En gémissant, il raffermit sa prise sur le manche de son poignard et s'approcha d'Harry, au bord de la nausée.

- Que le sang...de l'ennemi...pris par la force...ressuscite celui qui le combat.

Harry tenta de se débattre contre ses liens, sans succès. Il regarda Peter de ses grands yeux verts implorants, impuissants, et Peter ravala un sanglot. C'était le fils de James devant lui, le fils de James ! Et ses yeux... ses yeux... Sans savoir pourquoi, ce fut le souvenir de Lily dans sa robe de mariée qui s'imposa dans son esprit. Elle était sur le balcon pour prendre l'air, les joues rougies par le champagne, et lui avait adressé un sourire rayonnant quand il était venu la rejoindre.

« -Eh Pete ! Où est-ce que tu te cachais ?

- J'aidais Sirius à répéter son discours de témoin...

- Oh Merlin, est-ce que je dois m'attendre au pire ? Rit-elle.

Peter sourit

- Non, seulement quelques anecdotes embarrassantes pour James. Il t'épargne relativement, ne t'inquiète pas.

- Il y a encore des choses que j'ignore sur James ?

- Crois-moi, on ne fait que te protéger, assura-t-il, moqueur. Je venais juste te chercher d'ailleurs. Ta mère a dit que c'était l'heure des discours et elle avait l'air assez sérieuse. Un truc à propos de l'organisation ou je ne sais pas...

- Je vais y retourner, promis Lily, la tête rejetée en arrière vers le ciel. Juste deux minutes. Oh et Peter ?

- Oui ?

- Merci... Je sais que c'est compliqué en ce moment pour toi avec l'Ordre et ta maman... Je voulais te dire que même si Maugrey ne te le dit pas assez, tu fais du bon boulot. Sans toi...je ne sais pas ce qui ce serait passer la dernière fois face à Mulciber.

- Oh...lâcha-t-il, surpris. De rien, c'est normal...

Il resta là à piétiner sur place, incapable de lui avouer qu'il avait été terrifié, qu'il aurait voulu être n'importe où ailleurs. Au lieu de ça, il sourit timidement à la jeune mariée.

- Lily ? Tu es magnifique aujourd'hui...

Ses yeux verts pétillèrent de joie. Oui, Lily Potter était magnifique. Et une amie formidable ».

Le souvenir s'effaça. Harry était toujours plaqué contre la pierre tombale, terrifié même s'il essayait de ne pas le montrer. Peter se demanda s'il allait dire quelque chose ou lui demander de l'aide mais Harry garda le silence. Tellement semblable à James. Je suis désolé, pensa-t-il de toutes ses forces en enfonçant la lame au creux du bras du jeune garçon, je suis désolé Lily...

**

*

La dernière fois que Peter vit Harry Potter, ce fut le jour de sa mort.

Le manoir des Malefoy était devenu le quartier général des mangemort et il n'avait pas eu l'occasion de le quitter depuis des semaines. Il essayait de se faire oublier, même si Bellatrix ou Lucius ne manquaient jamais une occasion de lui crier dessus d'un air dédaigneux. Les jours passaient et se ressemblaient tandis que les mangemorts qui revenaient de missions défilaient pour faire leur rapport. Le Maître lui-même venait pour des grandes réunions durant lesquels il restait prostrés dans un coin.

Ce jour-là, il était dans la grande salle à manger des Malefoy entrain d'écouter Nott et Avery faire leur rapport quand Bellatrix était entré avec fracas dans la pièce. Ses longues boucles noires volaient dans son dos et ses yeux brûlaient d'une lueur de folie. Elle semblait jubilée.

- Ils l'ont ! S'exclama-t-elle hystériquement. Les Rafleurs ont trouvé Potter !

- Quoi ?

- Il est dans les cachots avec les deux autres, dit-elle. Drago doit l'identifier !

Peter resta figé alors que les trois autres quittaient la pièce. Il ne fallut pas longtemps avant qu'il n'entende les cris de torture de la jeune fille, Hermione s'il se souvenait bien. Bellatrix était d'humeur à jouer. Il se demanda un instant s'il devait aller dans la cave pour voir Harry, voir à quoi il ressemblait maintenant... mais aucune raison valable pour expliquer son geste ne lui vint en tête. Il était sûrement une des dernières personnes qu'Harry voulait voir dans sa vie, surtout après la dernière fois dans le cimetière.

Tant de choses s'étaient passées depuis. Il avait appris la mort de Sirius de la bouche de Bellatrix elle-même quand elle était revenue de la Bataille du Ministère de la Magie, extatique et inquiète à la fois après le fiasco de la prophétie. Peter était resté silencieux pendant qu'elle racontait comment elle avait enfin tué son cousin, ce cousin si arrogant et traître à son sang qu'elle méprisait depuis tant d'années. Puis elle s'était tournée vers lui et avait lâcher du bout des lèvres, comme si elle savourait son commentaire, « un de moins dans ta pathétique bande d'amis, Pettigrow. Le prochain sera le loup-garou ! ». Peter s'était mordu la joue pour éviter de répondre. Quel droit avait-il de pleurer Sirius de toute façon ? Ce dernier l'aurait tué sans hésiter s'il l'avait pu... Comme toujours, Peter n'avait fait que ce qu'il fallait pour rester en vie. Et il avait eu raison non ? James, Lily, Marlène, Dorcas, Gideon, Fabian, Maugrey...ils étaient tous morts. Ce n'était pas leurs grands principes qui les avaient gardés en vie, et Peter, lui, était toujours là. Voldemort était trop puissant et il ne voulait pas mourir comme tous les autres... Est-ce que c'était vraiment si grave ?

Au bout d'un moment, il ne put rester plus longtemps à se cacher et rejoignit les autres dans le salon. Bellatrix était presque étendue sur le corps d'Hermione, son visage à quelques centimètres de la jeune fille qui sanglotait, effrayée, et lui hurlait dessus à propos de l'épée de Gryffondor. Sur son bras étendu était gravé « Sang-de-bourbe » en lettres de sang et Peter détourna les yeux, comme il en avait l'habitude.

Pourtant, quelques minutes plus tard, ils entendirent tous un bruit sonore provenant de sous le parquet à la cave. Bellatrix releva la tête.

- Qu'est-ce que c'était ? Siffla-t-elle.

- Ça venait de la cave...les prisonniers...

- Queudver ! Va voir, vite !

Peter s'exécuta aussitôt, ravi de quitter la pièce. Il descendit les marches en pierre polies par les siècles, incertain de ce qu'il allait trouver. A travers les grilles de la porte, il ne vit que la cellule vide et étrangement illuminé.

- Reculez, ordonna-t-il. Ecartez-vous, j'entre.

Pas de réaction. Peter déglutit et ouvrit la porte avant de faire quelques pas dans la cellule. Il n'eut le temps que d'apercevoir trois drôles de lumières qui flottaient au-dessus du sol quand une force brusque le percuta sur le côté gauche, lui faisant perdre l'équilibre. Aussitôt, un de ses bras, celui qui tenait sa baguette, fut tordu violemment dans son dos mais son cri de douleur et de surprise fut étouffé par une main plaquée sur sa bouche.

Peter se débattit. Sa main en argent se referma sur le cou de son agresseur...qui se trouva être Harry. Peter paniqua. Ça ne devait pas se passer comme ça... Le Maître allait être furieux...

- Que se passe-t-il, Queudver ? Appela Lucius au-dessus d'eux.

- Rien, répondit Ron dans une imitation acceptable de sa voix. Tout va bien !

Peter continuait de se débattre silencieusement, ses doigts se resserrant un peu plus autour de la gorge d'Harry qui paraissait avoir du mal à respirer.

- Tu veux me tuer ? Haleta-t-il en essayant de se dégager de la main métallique. Alors que je t'ai sauvé la vie ? Tu as une dette envers moi Queudver !

Peter eut un mouvement de recul. Il se souvenait parfaitement d'un Harry beaucoup plus jeune, un air de dégoût sur le visage, qui donnait l'ordre de l'épargner dans la cabane hurlante, qui le sauvait du baiser des détraqueurs alors qu'il aurait eu toutes les raisons au monde de laisser Sirius et Remus le tuer. Et puis...tous les mangemorts, et même le Maître, l'appelaient Queudver... Pourtant, entendre son surnom de Maraudeur dans la bouche d'Harry lui fit l'effet d'un coup de poing. C'était James qui avait trouvé ce surnom.

Sans l'avoir véritablement décidé consciemment, ses doigts se desserrèrent et Harry se libéra de son emprise sans enlever sa main de sa bouche. Il ne savait pas qui entre lui et le jeune homme était le plus stupéfait par ce qui venait de se passer. Peter se remit à s'agiter.

- On va prendre ça, murmura Ron en lui arrachant sa baguette.

Mais Peter n'y prêta pas attention. Une sensation étrange remonta le long de son poignet, celui qui portait la main métallique, et son bras se mit à bouger comme mû par une volonté propre. Impuissant, il fixa avec horreur sa main avancer inexorablement vers sa gorge.

- Non...

Immédiatement, Harry se jeta sur la main de métal pour essayer de la retenir, mais il était impossible de l'arrêter. Désormais un serviteur inutile, son hésitation allait lui coûter la vie.

- Non !

Ron l'avait également lâché et joignait ses efforts à ceux d'Harry, mais c'était inutile. Peter sentit ses poumons implorer de l'air, son corps devenir faible...sa vision se réduisit à une tête d'épingle et une vive douleur se répandit dans sa gorge et son torse.

- Lashlabask ! Dit Ron en pointant sa baguette vers lui.

Rien ne se produisit. Les jambes de Peter se dérobèrent sous lui et il tomba à genoux. Après toutes ses années à reculer l'échéance, il allait mourir comme les autres de « la main » de Voldemort. Sirius aurait ri à ce jeu de mot, pensa-t-il. Le visage d'Harry dansa devant ses yeux... Son dernier acte aura été de le sauver. Quelle ironie. Mais il avait payé sa dette. A la fin, il avait le sauver le fils de James, comme il aurait dû le faire il y a seize ans.

La dernière chose qu'il entendit avant s'évanouir fut le cri perçant d'Hermione depuis l'étage supérieur. Il s'écroula, inerte.


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