Harry Potter et les Maraudeurs - Partie 1: Remus Lupin
Si Remus était parfaitement honnête avec lui-même, sa décision d'accepter le poste de professeur que lui proposait Dumbledore n'était pas neutre. Bien sûr, il en avait besoin, et même cruellement. Il ne savait plus comment il avait réussi à payer son loyer ce mois-ci, l'argent devenait une préoccupation incessante dans sa vie depuis que tous ses supérieurs le renvoyaient les uns après les autres. Qui pouvait les blâmer malgré tout ? Ça ne devait pas être évident de voir son employé disparaître plusieurs jours une fois par mois sans explication.
Pourtant, quand Dumbledore l'avait convoqué et lui avait tendu son nouveau contrat, Remus n'avait pu empêcher une petite idée de se glisser dans ses pensées : il allait rencontrer Harry. Ou plutôt le revoir. Mais la dernière fois qu'il l'avait vu, c'était il y a presque douze ans, le lendemain de la mort de James et Lily. Juste le temps de lui dire au revoir sur le pas de la porte des Dursley à travers ses larmes et dans un état de semi-conscience, alors que Pétunia, qui tenait le bébé contre son sein, lui décochait un regard noir, priant sûrement pour qu'il déguerpisse le plus vite possible. Il était venu dès qu'il avait reçu la nouvelle évidemment. La mort de trois de ses amis, l'emprisonnement et la trahison de Sirius, la défaite de Voldemort, avaient été comme des coups de massues assénés à la suite, mais malgré cela l'image du petit garçon avait flashé dans son esprit. Sans prévenir qui ce soit, ni Dumbledore ni Maugrey, il avait transplané à Privet Drive. Il devait s'assurer lui-même qu'Harry allait bien, qu'il avait survécu comme l'annonçait le monde sorcier entier. Après ce jour-là, il n'avait pas pu y retourner : ordre de Dumbledore. Harry devait grandir avec son oncle et sa tante, pour des raisons de sécurité que seul le directeur connaissait, mais Remus n'avait pas cherché plus loin. Son univers venait de basculer du jour au lendemain et il savait qu'il n'aurait pu être d'aucune aide à Harry. Qu'est-ce qu'il ferait, lui, un loup-garou sans argent ni métier, avec un enfant d'un an ?
Ce jour-là, en acceptant ce poste, il savait qu'il ne pourrait plus fuir. Harry devait rentrer en troisième année, il était Celui-Qui-Avait-Survécu, impossible qu'il n'en vienne pas à le croiser ou à l'avoir comme élève dans ces conditions. Il ne savait pas réellement ce que ça lui inspirait. De la peur ? Oui, sans aucun doute. De l'impatience ? Aussi. De la curiosité ? Evidemment. Il se demandait à quoi il pouvait bien ressembler maintenant qu'il était un jeune adolescent. Il se souvenait de ses cheveux noirs si semblables à James et de ses grands yeux verts qu'il tenait de Lily, mais un enfant pouvait changer radicalement entre un et treize ans.
Finalement, il n'eut pas à attendre Poudlard pour le voir. A cause du calendrier lunaire, il n'avait pas pu faire la pré-rentrée réservée aux professeurs et avait dû prendre le Poudlard Express le 1er septembre, comme il le faisait dans sa jeunesse. Quelles étaient sérieusement les chances pour qu'Harry et ses amis débarquent dans son compartiment par Merlin ? Probablement proche de zéro.
Epuisé après la pleine lune qui ne datait que de la veille, Remus s'était profondément endormie, la tête posée contre la vitre, dès qu'il s'était installé sur la banquette confortable. L'arrêt brutal des roulis du train l'avait pourtant réveillé une heure plus tard et il avait mis une seconde à retrouver ses esprits, groggy. La première chose qu'il remarqua fut l'obscurité totale qui l'entourait, le froid mordant au lieu de la douce chaleur habituelle du Poudlard Express, et les voix enfantines paniquées à sa droite.
- Je cherchais Ron, lança une voix de toute jeune fille.
- Entre et assieds-toi, répondit une autre fille au ton autoritaire mais patient à la fois.
Remus sentit quelqu'un s'avancer dans la pièce.
- Pas ici ! S'exclama soudain une voix de garçon. Je suis là !
- Ouille, se plaignit un autre garçon.
Brusquement, le cerveau de Remus parut assembler tous les éléments et son cœur fit un louper. Une seule créature pouvait produire tous ses effets.
- Silence ! Ordonna-t-il.
Aussitôt, les enfants se figèrent et se turent, surpris de l'entendre se manifester ainsi d'un coup. Pour les rassurer, Remus fouilla dans ses poches rapiécées et en sorti des allumettes magiques, celles qu'on trouvait sur le Chemin de Traverse à la caisse chez les petits commerçants. Il en craqua une, tenant la boule de feu au creux de sa main avant de la lever pour éclairer le compartiment.
- Restez où vous êtes, dit-il d'une voix rauque.
Il se leva lentement et n'eut le temps d'apercevoir qu'une mèche de cheveux roux sans pouvoir mieux observer les enfants avec lui avant que la porte ne coulisse, s'ouvrant dans un grincement sinistre.
Debout dans l'encadrement, éclairée par les flammes vacillantes, se dressait une haute silhouette enveloppée d'une cape, le visage entièrement dissimulé sous une cagoule. Elle prenait tout l'espace jusqu'au plafond, les dominant de sa taille, et une main grisâtre, couverte de croûte dépassait de la cape.
Remus se doutait de la raison de sa présence et il aurait préféré ne pas y penser. C'était évident que les gardiens d'Azkaban seraient à la recherche de Sirius. Il avait toujours fallu que Sirius fasse des coups d'éclat mais être le premier à s'échapper de la prison la mieux gardée d'Angleterre était sans doute son plus grand exploit, songea-t-il avec amerturme. A croire que cette histoire ne reposerait jamais en paix.
En tout cas, il s'attendait à ce que le détraqueur reparte en constatant que Sirius ne se cachait pas dans le filet à bagage, mais la créature se tourna brusquement vers l'un des garçons et émit un long râle éraillé. Surpris, Remus mit une seconde de trop à réagir. Le détraqueur se pencha vers l'enfant, répandant un froid intense autour d'eux, et se mit à...aspirer faute d'autre mot. Le feu au creux de la main de Remus faiblit tandis que le garçon se raidissait, pâle.
- Harry ! Cria le jeune rouquin, paniqué.
Même sans le prénom qui le traversa comme une pointe de dragon, Remus aurait réalisé qui il était à ce moment-là quand la lumière du plafonnier se ralluma une brève seconde, comme un éclair aveuglant, et qu'il distingua ses traits. L'espace d'un instant, il fut persuadé d'être toujours endormi et de rêver de James. Mais la jeune fille aux cheveux bruns épais à côté de lui le ramena à la réalité.
- Professeur, faites quelque chose !
Il ne lui demanda pas comment elle savait qu'il était professeur. Il agit sans réfléchir, de la même façon qu'il l'avait fait des dizaines de fois au cours de combats avec l'Ordre il y a vingt ans, et brandit sa baguette.
- Personne dans ce compartiment ne cache Sirius Black sous sa cape. Allez-vous-en ! Rugit-il. Spero patronum !
- Par le caleçon de Merlin, s'exclama le roux.
Le patronus de Remus, un grand loup à la silhouette floue, sauta en direction du détraqueur. Ce dernier recula vivement dans le couloir et la porte du compartiment se referma violemment. De longues secondes semblèrent s'écouler, comme si personne n'osait bouger, jusqu'à ce qu'Harry, déjà tremblant, s'effondre sans prévenir, inconscient.
Remus eut juste le temps de tendre les bras pour lui éviter de heurter le sol trop brutalement avant de l'étendre par terre avec douceur. La lumière se ralluma à ce moment-là, presque trop aveuglante après l'obscurité.
- Harry ! S'exclama une des jeunes filles en s'agenouillant près de lui. Harry ? Mon dieu, qu'est-ce...qu'est-ce qu'il a ?
- Est-ce qu'il est mort ? Glapit un jeune garçon au visage lunaire, sûrement celui qui avait marché sur les pieds de tout le monde à son arrivée.
- Ne raconte pas n'importe quoi, dit sèchement le grand rouquin. Il respire, tu vois bien ! Pousse-toi, Ginny, laisse-moi passer.
- Eh, protesta la petite fille rousse qui devait être sa sœur au vu de la ressemblance. Ne me donne pas d'ordre, j'ai autant le droit d'être avec lui que toi.
- C'est ça, tu pourras fonder ton fan club plus tard, Ginny.
- Taisez-vous tous ! Lança brusquement la première fille, sérieuse. Je crois qu'il ne va pas bien...
En effet, Harry s'agitait et marmonnait, et Remus crut distinguer les mots « cris » et « aider » sans en être certain. Devant la panique des enfants, il s'empressa de les rassurer :
- Ne vous inquiétez pas, il va bientôt se réveiller. Les détraqueurs peuvent avoir ce genre d'effet sur les personnes mais aucun mal ne lui a été fait. Laissez-lui un peu d'air, allez, reculez voilà, dit-il avant de se tourner vers la première jeune fille brune. Comment vous appelez-vous ?
- Hermione Granger, professeur.
- Et moi Neville Londubat.
- Ron, Ron Weasley, marmonna le rouquin, l'air toujours inquiet. Et elle c'est ma petite sœur, Ginny.
- Je peux me présenter, Ron, grommela-t-elle. Euh...professeur ? Vous êtes sur...vous êtes sûr qu'il va bien ?
- Oui, ne vous en faites pas. Il va reprendre conscience d'ici une poignée de seconde.
Comme s'il l'avait entendu, Harry ouvrit les yeux, désorienté. Ron et Hermione l'entourèrent immédiatement et, alors qu'il réajustait ses lunettes qui avait glissé au bout de son nez, ils l'aidèrent à se rassoir sur son siège. Remus se contenta de le dévisager, incapable de bouger. Ses yeux, oh Merlin, ses yeux. D'un coup, le compartiment parut s'effacer et il vit un autre visage, un visage délicat au teint laiteux et aux yeux émeraude encadré par de longs cheveux auburn qui lui souriait avec une douceur chaleureuse. Le nom de Lily lui échappa presque, là, sans aucun avertissement, mais sa voix l'abandonna, sa gorge trop serrée.
Il y avait pensé, il avait essayé de s'y préparer. Un enfant ressemblait souvent à ses parents. Mais par Merlin, pas à ce point. Pas à ce point si douloureux. Il aurait voulu que Sirius ou Peter soit avec lui pour pouvoir leur demander si c'était lui qui inventait des choses, si son esprit fatigué et meurtri voulait superposer le passé et le présent.
Harry ressemblait à James au même âge, mince, les cheveux en bataille, le corps noueux. Physiquement, il était le portrait de son père. Pourtant, à mesure que Remus reprenait le contrôle de lui-même et l'observait, il décelait des différences. Ses yeux évidemment, mais il ne voulait plus s'y attarder. Il y avait aussi les épaules qui étaient moins larges, le nez plus court, la posture moins arrogante et la voix d'une tonalité différente, plus aigüe peut-être, mais il faut dire que la dernière fois qu'il avait entendu James parler il était adulte.
- Mais j'ai entendu crier...était-il en train de dire, visiblement secoué.
Remus sentit un mauvais pressentiment monter en lui mais il le repoussa. Harry avait manifestement besoin de lui et il se mit à lui expliquer brièvement la situation avant de lui tendre un carré de chocolat. Toujours avoir du chocolat sur soi, lui disait Lily en riant à l'époque. Harry le prit, hésitant, mais ne le mangea pas.
Incapable de soutenir son regard vert encore longtemps, Remus afficha un sourire confiant de façade, distribua du chocolat aux autres, et sortit du compartiment en prétextant devoir aller parler au machiniste.
**
*
Remus revit Harry à quelques reprises au détour d'un couloir ou au milieu de la foule lors des repas dans la Grande Salle. Il avait pris le temps de se calmer, de surmonter le premier choc, et même si son cœur se serrait souvent quand il croisait son regard, les choses s'apaisèrent. La situation ne devait de toute façon pas être étrange que pour lui car il repéra le professeur McGonagall lui jeter des coups d'œil inquiets et insistants les premiers jours, comme si ça la perturbait elle aussi de voir deux générations rentrer ainsi en collision en pareilles circonstances.
Le premier cours qu'il eut avec les troisièmes années de Gryffondor se passa assez bien dans l'ensemble et les élèves eurent l'air d'apprécier la leçon sur les épouvantards. Remus s'était pourtant interposé d'instinct quand était venu le tour d'Harry de passer. Il n'aurait vraiment pas supporter, ni pour lui ni pour le bien des autres enfants, que Voldemort se dresse d'un coup dans sa salle de classe.
Au travers des cours, il apprit à connaître un peu mieux Harry pendant le trimestre. Il se rendit vite compte que si Harry ressemblait énormément à James, il avait hérité du caractère plus introverti de Lily, même si ce n'était pas tout à fait la même chose. Harry était un enfant intelligent, attachant, parfois renfermé, et surtout toujours flanqué de ses deux meilleurs amis, Ron et Hermione. Leur amitié lui rappelait un peu quatre autres garçons il y a bien longtemps. A vrai dire, la nostalgie semblait ne plus vraiment le quitter depuis qu'il était revenu au château. Le moindre endroit était associé à un souvenir et il se surprenait parfois à sourire, ému, ou à fixer un banc pendant de longues secondes avant de revenir à la réalité.
Un jour, alors qu'il prenait un café distraitement dans la salle des professeurs lors de sa pause, le professeur McGonagall se glissa en face de lui, une pile de copie sous le bras. Remus vit tout de suite qu'elle était contrariée.
- Tout va bien, madame ?
Elle lui avait demandé depuis plusieurs semaines d'arrêter de l'appeler « professeur » (« nous sommes collègues maintenant Remus ! ») mais il n'avait pas pu se résoudre à aller plus loin dans la familiarité que « madame ».
- Très bien, dit-elle sur un ton qui indiquait le contraire.
Puis elle ajouta, incapable de se retenir, les ailes du nez frémissantes :
- Je viens juste de passer une heure à expliquer à mes élèves de troisième année, comme chaque année, que non, aucun d'eux ne va mourir simplement parce que Sybille l'a lu dans les feuilles de thé !
- Ah je vois, sourit Remus. Les cours de Divination n'ont pas changé...
- Malheureusement, je dirais qu'ils ont empiré. Au moins, le professeur Hyppolite prédisait la météo, lui, alors que Sybille s'entête dans ses grands présages funestes. Ce sont que des enfants impressionnables de treize ans qui passent ensuite tout mon cours à chuchoter d'un air inquiet en fixant Potter comme s'il allait tomber raide mort d'une seconde à l'autre.
Remus suspendit son geste.
- Harry ? Elle a prédit...la mort d'Harry ?
- Oui, ça ou une blessure grave, ou un malheur quelconque. Comme si le pauvre garçon n'avait pas assez de soucis entre ses devoirs, le Quidditch et Black qui...
McGonagall se coupa, l'air de se rendre compte à qui elle parlait. Remus, lui, détourna la tête. Aucun professeur n'avait encore osé parler de Sirius devant lui et il se demandait quand est-ce que ça arriverait.
- Désolée Lupin... C'était indélicat de ma part...
- Ça ne fait rien, dit-il en haussant les épaules. Son nom s'étale en première page de la Gazette tous les jours... Je ne peux pas faire comme s'il n'existait pas, pas vrai ? C'est juste...dur par moments.
- Je comprends.
- Vraiment ?
Il y eut un léger silence.
- Non, soupira finalement McGonagall. Je ne peux qu'imaginer. Je voulais d'ailleurs vous en parler depuis un moment. Tout se passe bien ? Avec Potter, j'entends ? Vous tenez le coup ?
- Oui, oui... Il n'est pas un élève difficile, plutôt même tout le contraire. Je vois bien qu'il veut bien faire, enfin quand il ne discute pas avec Ron. Mais... il me fait penser à James parfois. Souvent. (Il marqua une pause). Tout le temps ?
- Je vois ce que vous voulez dire. Vous allez voir, ça s'atténue avec le temps. Bientôt, vous vous direz que c'est James qui ressemble à Harry. Ça vous déstabilisera et puis un jour vous arrêtez d'y faire attention, à part dans certaines situations où l'idée reviendra vous prendre par surprise. Ce n'est pas facile.
Remus hocha la tête et but une gorgée de café. Il doutait qu'un jour ce phénomène se produise dans son esprit, pas quand il avait été si proche de James, mais il appréciait l'effort de McGonagall.
**
*
Il se rapprocha véritablement d'Harry à partir des vacances de noël, quand il accepta de lui donner des cours pour se défendre contre les détraqueurs. Il ne savait pas bien pourquoi il avait accepté mais il n'avait pas supporté de le voir si fragile et frustré lorsqu'il lui avait demandé d'une voix perdue « Pourquoi ? Pourquoi ils me font cet effet-là ? ». Remus avait essayé de lui expliquer que ce n'était pas sa faute, que n'importe qui avec son passé et ses souvenirs attireraient également les détraqueurs, qu'il n'y avait aucune honte... Mais Harry, le regard fixé résolument sur son bureau, avait ajouté, la gorge serrée : « Quand ils sont près de moi...j'entends Voldemort qui tue ma mère ». En entendant cela, Remus avait eu l'impression de couler au fond du Lac Noir. Il s'imagina les hurlements de Lily qui faisait barrage de son corps, comme on l'avait raconté dans les journaux, pour sauver son fils, implorant Voldemort en sachant que c'était trop tard, en sachant que Sirius les avait tous trahis. Ça faisait mal. Trop mal, même après toutes ses années. Il avait failli sortir de son rôle de professeur et avait commencé à tendre une main vers Harry avant de se reprendre.
Malgré cela, il était quand même là, dans son bureau à entraîner un sorcier de treize ans à jeter un des sortilèges les plus complexes du monde magique. Il observa Harry faire plusieurs essais, s'acharner, s'évanouir, pâlir et engloutir du chocolat après chaque échec.
- Nous devrions peut-être reprendre un autre jour...
- Non, encore quelques essais, protesta-t-il. Je peux le faire ! Il faut que je sois prêt pour le match contre Serdaigle.
Aussi buté que James quand ça concerne le Quidditch, pensa Remus, attendri.
- Très bien, allons-y. Vous êtes prêts ? Un, deux, trois...
Il souleva le couvercle de la malle et fit un pas de côté. Harry se retrouva face à l'épouvantard qui prit immédiatement la forme d'un détraqueur. Campé sur ses jambes, Harry leva sa baguette, déterminé.
- Spero patronum, hurla-t-il, spero patronum...spero...
Remus le rattrapa alors qu'il s'écroulait, comme les fois précédentes. Il laissa passer quelques secondes, le temps de remettre l'épouvantard dans le coffre, et tapota les joues d'Harry qui ouvrit les yeux. Des perles de sueurs s'accrochaient à son front et il roula sur le ventre, tremblant.
- J'en entendu mon père, haleta-t-il. C'est la première fois que j'entends sa voix... Il a essayé d'affronter Voldemort tout seul pour donner le temps à ma mère de s'enfuir...
Remus ne se serait pas sentit autrement si Harry lui avait mis un coup de poing dans la figure. Il mit mine de ne pas remarquer les larmes du jeune homme qui tentait de cacher ses pleurs et il se rapprocha de lui, troublé.
- Vous avez entendu James ? Dit-il, et même à ses propres oreilles sa voix sonna étrangement.
- Oui, dit Harry en relevant la tête, surpris. Pourquoi ? Vous...vous connaissiez mon père ?
La question en était presque risible. Remus aurait voulu répondre qu'il connaissait James Potter probablement comme personne à l'exception de Sirius. Qu'il avait passé des heures à rire avec lui, à refaire le monde en se baladant dans Pré-Au-Lard, à faire leurs devoirs coudes à coudes le matin juste avant les cours. Qu'il avait passé des nuits blanches au manoir Potter à chuchoter, assis sur un matelas posé à même le sol en tentant de ne pas réveiller Fleamont et Euphemia. Qu'il avait pleuré le jour du mariage de James avec Lily « parce qu'enfin, franchement ce n'était pas trop tôt ! ». Qu'il avait pleuré à la maternité le jour de la naissance de Harry. Qu'il avait pleuré en apprenant la mort de James et Lily.
Mais évidemment aucun son ne franchit ses lèvres. Il s'imagina James, dans tout son courage qui frôlait parfois la témérité et l'insolence, se tenir devant Voldemort pour lui barrer le passage, pour tenter de sauver sa femme et son fils alors que lui-même n'était encore qu'un gamin qui se battait dans une guerre qui le dépassait.
- Oui...oui...en effet, réussit-il à articuler au bout d'un instant. Nous étions amis...
**
*
Remus garda toujours un œil sur Harry pendant le reste de l'année. Il tomba des nues en découvrant la carte du Maraudeur entre ses mains, mais au fond il aurait dû s'y attendre... il était le fils de James non ?
Il avait cru avoir une attaque en voyant, quelques semaines plus tard, les noms d'Harry Potter, Sirius Black, Ron Weasley, Hermione Granger...et Peter Pettigrow s'étaler dans la cabane hurlante. Toutes ces années...toutes ces années il avait cru...alors qu'en fait... Merlin, il en avait eu le tournis. Sirius était innocent. C'était comme un poids qui venait de se lever de ses épaules pour retomber aussitôt en comprenant ce que ça impliquait. Peter était le traitre. Le petit Peter, l'innocent Peter, le discret Peter... Mais au cours de la soirée, il avait vu Harry passer par toutes les émotions. La colère, la trahison quand il avait lui aussi cru que Remus s'était joué de lui, le doute, la compréhension, et enfin l'acceptation. Il n'avait jamais été aussi fier d'Harry que quand il avait épargné Peter au nom de James. Lily aurait dit la même chose.
Au cours des années qui suivirent, il vit Harry grandir de loin, affronter des épreuves qu'il n'aurait jamais dû vivre. Il le vit se rapprocher de Sirius, plus qu'il ne s'était jamais rapproché de lui pendant toute l'année de scolarité, comme si le cadre élève/professeur avait mis une barrière entre eux qui n'existait pas avec son parrain. Il l'avait tenu dans ses bras alors qu'Harry hurlait à s'en briser la voix le nom de Sirius qui venait de basculer à travers le voile, le corps secoué de sanglot, avant de s'élancer à la poursuite de Bellatrix Lestrange. Il avait tenté pour des mauvaises raisons d'être là pour Harry, qui n'avait plus rien du gamin de treize ans qu'il avait rencontré et qui était alors en fuite pour accomplir une mission inconnue donnée par Dumbledore lui-même, mais il s'était fait envoyer à juste titre sur les roses.
Il avait pensé à Harry, à Tonks, et à Teddy alors que la vie quittait son corps en se disant qu'il avait sans doute beaucoup de regrets, mais qu'aucune de ces trois personnes n'en faisaient pas partie.
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