"Et si..." : Partie 2 - Au cœur des Ténèbres

Salut ! Bon j'ai finalement mis pas mal de temps à l'écrire, mais voici la partie 2 ^^ J'espère que ça vous plaira ! Une 3e et dernière partie est prévue, je ne sais pas quand est-ce qu'elle sera postée par contre mais j'essaye de faire vite ;) 

Bonne lecture ! 

Incrédule, Regulus contempla ses liens qui gisaient désormais entremêlés au sol. Il mit plusieurs secondes à bouger, incapable de croire que son récit avait été suffisant pour convaincre son frère. Pourtant, Sirius se tenait bien devant lui et attendait qu'il se lève sous les yeux incrédules de Marlène qui ne cessaient de faire des allers-retours entre eux, comme si elle s'attendait à ce que Sirius se jette finalement sur lui pour lui jeter un sort.

Avec appréhension, Regulus se remit debout, et rien ne l'arrêta. Il sentit simplement un éclat de douleur traverser ses poignets là où les liens avaient entaillé sa peau.

- Tu... tu me laisses vraiment partir ? Demanda-t-il.

- Non, répondit Sirius. Je pars avec toi ; nuance. Et on doit y aller tout de suite avant que les autres ne reviennent ou pire que Maugrey et Dumbledore arrivent. Je n'ai aucune envie de leur expliquer ce que tu fais en liberté à te promener dans la cuisine.

Il était déjà en train d'attraper sa cape alors que Regulus se tenait toujours figé au milieu de la pièce, trop surpris pour réagir.

- Reg ! Le pressa son frère. Bouge !

- Attendez ! Retint Marlène en sortant elle aussi brusquement de sa torpeur. Et moi ?

- Tu restes pour expliquer !

- Quoi ? Sirius !

D'un geste vif, elle le saisit par le bras et le força à s'arrêter. Regulus, qui n'avait pourtant même pas bougé, se figea encore un peu plus devant sa détermination. Il prit davantage conscience en voyant son frère obtempérer, l'air agacé mais attentif, que Marlène n'était plus seulement la jeune fille pleine de compassion qu'il avait connu à Poudlard ; elle était un membre de l'Ordre et agissait comme tel.

- Ralentis deux secondes, ordonna-t-elle, et pour une fois je t'en supplie prends le temps de réfléchir. Tu ne peux pas juste sortir de cette maison et l'emmener dans une mission suicide en espérant juste vous en sortir. Et vous ne pouvez certainement pas me laisser derrière pour expliquer !

- Marlène... Je ne ferais pas ça si je n'avais pas confiance en toi...

- Ce n'est pas une question de confiance, c'est une question de bon sens. Je sais que je ne suis pas James, mais s'il te plaît laisse-moi te freiner pour une fois ou tu vas te mettre en danger, mais surtout tu vas le mettre en danger, dit-elle en le désignant de la main.

Regulus comprenait son point de vue, mais du sien, Marlène ne faisait que le ralentir. Il n'avait qu'une envie : partir d'ici, franchir les barrières de protection, transplaner et semer Sirius dans la foulée pour pouvoir aller récupérer Kreattur.

- Par Merlin, Sirius, il n'a même pas sa baguette !

Ce détail important n'avait pas traversé son esprit, ni celui de son frère visiblement, car ils échangèrent un regard qui signifiait clairement « elle a raison » et « on est des idiots » à la fois.

Sirius jura à voix haute, agité.

- Où est-ce qu'elle est ? S'enquit-il. Il faut qu'on la récupère.

- Prewett a dû me la prendre... Oui, il me l'a pris quand ils m'ont arrêté.

- Lequel ?

- Quoi ?

- Prewett ! S'impatienta Sirius. Lequel a ta baguette ?

Regulus tenta de se remémorer ce qui s'était passé près de la Tamise et il se souvint brusquement en premier d'une barbe rousse et d'un sourire moqueur.

- Gideon, dit-il. C'était Gideon.

- Evidemment, soupira Marlène.

- Tu crois qu'il l'a toujours sur lui... ?

- Il l'a pris en sortant de la cuisine, se souvint soudain Sirius en serrant les dents. Merlin !

De frustration, il donna un coup dans la chaise qui manque de se renverser. A contrario, Marlène paraissait plus calme et posée, mais une lueur déterminée brillait dans ses yeux. Elle le regardait comme elle l'avait toujours regardé : avec un espoir sans limite. Si Regulus savait une chose, c'est qu'elle ne le laisserait pas tomber. Pas après avoir brûlé la lettre et s'être mis une partie de l'Ordre à dos seulement dix minutes après l'avoir revu, sans demander d'explication mais simplement parce qu'elle avait eu confiance en lui. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi elle agissait ainsi, ce qu'elle voyait en lui pour avoir une foi si grande, mais il savait que c'était la seule chose qui le maintenait à flot au moment présent.

- Qu'est-ce qu'on fait ? S'impatienta-t-il malgré tout, conscient que chaque seconde écoulée pouvait être celle de trop. J'ai besoin de ma baguette !

- Il ne l'a peut-être pas gardé avec lui ? Il l'a peut-être déposé dans le bureau de Maugrey ?

- Lily allait déposer ses fioles de veritaserum là-bas, dit Sirius, une note d'espoir dans la voix. En attendant que les autres arrivent. Je devais y mettre le médaillon aussi.

- On va voir, décida Marlène. Toi, viens avec nous !

Regulus voulut protester, mais Sirius et Marlène étaient des membres entraînés de l'Ordre et, malgré leur empressement, aucun d'eux n'aurait pris le risque de le laisser seul hors de leur vue. De mauvaise grâce, Regulus leur emboîta le pas et s'engouffra à son tour dans le couloir étroit et sombre qui donnait sur plusieurs pièces.

Ils ne firent que quelques pas et Regulus manqua de rentrer dans Marlène lorsqu'elle s'arrêta brusquement devant une porte. Immédiatement, il recula comme s'il s'était à nouveau brûlé contre ses liens et elle lui jeta un regard lourd à travers ses cils mais ne commenta pas. Sirius, qui était de dos en train d'ouvrir la porte du bureau, ne remarqua rien et se contenta de jeter par-dessus son épaule un simple :

- Restez-là. Je reviens.

Et il s'engouffra dans le bureau en laissant la porte entre-ouverte.

Regulus pouvait presque entendre son cœur battre frénétiquement. S'il n'avait pratiquement rien ressenti en étant capturé par les frères Prewett, ses émotions paraissent le rattraper maintenant. Il ressentait l'importance de l'instant. Son destin se jouait peut-être en ce moment même. Il devait être extrêmement pâle car Marlène le dévisagea, inquiète.

- Reg ? Tu vas... ?

- Oh arrêtez vos conneries ! S'écria soudain une voix.

Cette fois-ci, Regulus fut persuadé que son cœur s'arrêta de battre littéralement plusieurs secondes. Il avait reconnu la voix de Gideon.

En face de lui, tout le corps de Marlène se raidit et elle pivota sur ses hanches, sa baguette à moitié levée devant elle, prête à se battre ou à faire barrage de son corps devant lui, il ne savait même pas ; puis elle se détendit imperceptiblement. D'un mouvement de tête, elle désigna la porte un peu plus loin, celle qui devait donner sur un salon ou une pièce commune, et lui fit signe de ne pas faire de bruit en posant un doigt autoritaire contre ses lèvres. Regulus comprit une seconde plus tard que les autres devaient être rassemblés là-bas quand la voix de Lily Evans répondit, agacée.

- Ce ne sont pas des conneries, si tu prenais la peine de nous écouter...

- Et moi je vous dis que je n'en ai rien à faire de ce qui s'est passé entre eux à Poudlard ! On parle d'un mangemort, Evans. Un mangemort qui avait des informations précieuses sur lui et que McKinnon a jugé bon de brûler sans consulter personne seulement cinq minutes après être revenue !

- Elle ne l'aurait pas fait si... commença Cassidy maladroitement.

- Elle n'aurait rien du faire du tout, coupa Fabian, implacable. Peu importe les « si ». Maugrey va être furieux.

- Regulus est un cas à part, tenta d'expliquer Potter à son tour. Je ne dis pas qu'il n'est pas dangereux ni qu'on ne devrait rien faire mais...

- Mais il est le frère de ton grand ami, c'est ça ?

Le sarcasme qui imprégnait chaque mot de Gideon résonna jusque dans le couloir et Regulus devina ce qui allait suivre avant même que Potter ne réponde. Il en roula des yeux tellement c'était prévisible.

- Si c'est encore une insinuation contre la loyauté de Sirius, tu ferais mieux d'arrêter, Prewett. Je ne le répèterai pas.

- James...

- Non, Alex. C'était marrant la première fois, mais à ce niveau c'est de l'acharnement. Lui-même ne le pense même pas et il le sait. Sirius a assez prouvé sa loyauté.

Un silence suivit le coup d'éclat de Potter et Regulus pria presque intérieurement – et égoïstement – pour que la conversation reste sur Sirius, mais évidemment comme Gideon venait d'être privé d'une cible, il revint sur la première.

- Très bien, admettons que ça n'a rien à voir avec Sirius, accepta-il. Revenons sur McKinnon qui a la loyauté chevillée au corps depuis qu'on l'a connaît et qui d'un coup fait un geste pour un mangemort qui vient de débarquer. Etrange non ?

- Si tu remets aussi en cause Marlène...

- Non Evans, je questionne l'attitude de Marlène, nuance ! Alors, c'est quoi l'histoire ?

En face de lui, Marlène paraissait mal à l'aise en entendant ainsi les autres parler d'elle à quelques mètres et Regulus ne pouvait que la comprendre. Il était celui qui avait dû rester impassible alors qu'elle lisait la lettre qui lui avait écrite en pensant ne jamais la revoir après tout.

- Il n'y a pas vraiment d'histoire, commença Cassidy maladroitement. Enfin je crois... ? Je n'ai pas tout suivi en dernière année, mais d'après ce qu'on a compris... ils étaient proches ?

- Me demande pas, c'est moi qui aie posé la question, rétorqua Gideon, presque goguenard même si une touche de colère était encore perceptible dans sa voix. Proches, tu dis ?

- Assez pour l'embrasser le dernier jour, commenta Potter instinctivement.

- James ! S'agaça Evans, comme si elle lui reprochait d'avoir divulgué l'information.

Pour la énième fois dans sa vie, Regulus maudit James Potter en trente-six langues dans son esprit. Il avait toujours eu la peau pâle et il était sûr de rougir en cet instant même. Résolument, il garda les yeux fixés sur la porte du bureau où il entendait lointainement Sirius fouillé un tiroir et refusa de tourner la tête pour rencontrer le regard de Marlène.

Il se souvenait de ce jour de juin. La dernière fois qu'il l'avait vu à Poudlard. Ils ne s'étaient pas recroisés après, ni dans le train ni sur le quai de la gare. Ce jour-là, sous un soleil de plomb, il avait pris conscience qu'elle quittait le château et qu'il ne la reverrait sans doute jamais autre part que sur un champ de bataille. Qu'il devrait passer l'année suivante seul, sans leurs rendez-vous qui n'appartenaient qu'à eux. Et il avait craqué. Juste pendant une seconde, il avait enfoui en lui ce qu'il avait passé tant de temps à ignorer et il l'avait embrassé. Il ne se souvenait même pas vraiment de la sensation du baiser en lui-même, sûrement assez maladroit et désespéré, mais il se souvenait du symbole qu'il avait représenté pour lui. Celui d'un adieu irrémédiable.

- Ah voilà, ça devient intéressant ! S'exclama Gideon. Embrasser tu dis ? Ils sortaient ensemble ?

- Encore une fois, pas vraiment... répondit Cassidy prudemment. On n'a jamais bien su ce qui s'était passé entre eux, mais Regulus avait un faible pour Marlène. Il était... différent avec elle je dirais... ?

A nouveau, Regulus sentit le sang lui monter au visage. Il ne s'était pas rendu compte que les autres avaient perçu la différence d'attitude qu'il affichait avec Marlène.

- Différent en quel sens ? Demanda Fabian, une note intéressée dans la voix.

- Je ne sais pas... protecteur ? Il l'a défendu contre un Serpentard un jour, je me souviens. Il paraissait plus ouvert avec elle, moins lointain... Non ? Ajouta-t-elle en direction des autres.

- Si, tu as raison, convint Evans. Vous n'avez jamais vu Regulus à Poudlard, mais disons qu'il avait l'image de tout ce qu'un Black pouvait représenter. Fier, parfois arrogant, un sang-pur typique... Je ne lui ai jamais parlé réellement. Mais je l'ai vu avec Marlène le dernier jour... D'un coup, je l'ai vu pour ce qu'il était...

- C'est-à-dire ?

- Un gamin de seize ans qui avait le poids du monde sur ses épaules et qui venait de vivre son premier chagrin d'amour.

Cette fois, Regulus aurait voulu être avalé par le sol. Il ne savait pas d'où Evans sortait cette phrase, et encore moins ce ton compatissant, mais les deux réussirent l'exploit de réduire Gideon au silence momentanément. Incapable de se retenir, il releva finalement les yeux et vit que Marlène le regardait intensément, comme si elle jugeait sa réaction. Au fond de son esprit, il se fit la remarque qu'elle avait pris en assurance... Jamais elle n'aurait osé le confronter de la sorte quand ils étaient à Poudlard.

Le ventre douloureux, il dût pourtant admettre qu'Evans avait raison. Il n'en avait sans doute pas eu conscience à l'époque, mais l'année suivante, alors qu'il était désormais seul à Poudlard, avait été un réveil douloureux. Il ne s'était pas rendu compte à quel point il s'était accoutumé à retrouver Marlène dans leur repère, ou à voir son frère et les Maraudeurs parcourir bruyamment les couloirs. D'un coup, ces repères familiers lui avaient été arrachés et il s'était raccroché à ce qu'il connaissait : Dolohov, Livia, les jumelles Zabini... et Rosier. L'ancien préfet de Serpentard devenu mangemort venait à chaque sortie à Pré-au-Lard pour parler aux élèves susceptibles de rejoindre les rangs du Seigneur des Ténèbres et Regulus en faisait évidemment partie. Les discours grandiloquents de Rosier représentaient une stabilité indéfectible dans sa vie, même s'il le détestait au plus profond de lui-même. Rosier n'aurait jamais dû être là. Il aurait dû être de l'autre côté de l'océan avec Elizabeth Yaxley et leur enfant. Pourtant, de toute évidence, il n'avait pas pris la peine de la suivre dans son exil.

Sa colère lui avait finalement été bénéfique. Elle avait réussi à apaiser la douleur liée au départ de Marlène et de Sirius, comme si les deux sentiments se battaient dans son ventre pour avoir l'ascendant et que la colère, émotion qui l'avait porté jusqu'ici dans la vie, réussissait à s'imposer.

En face de lui, Marlène l'observait toujours et paraissait embarrassée elle aussi à cause du commentaire d'Evans. Même son embarras lui sembla différent. Elle n'avait plus cette rougeur excessive ou ce regard fuyant, elle restait déterminée, comme si elle avait connu bien pire. Regulus supposa que c'était le cas.

Dans le salon, les éclats de voix reprirent :

- Donc vous êtes en train de me dire qu'on a capturé un mangemort au cœur tendre ? Railla Gideon.

- Non, non... coupa son frère d'un ton empressé. Justement ! Cette histoire est intéressante.

- Ah bon ? S'étonna Potter.

- Vous ne comprenez pas ? S'impatienta Fabian en frappant brusquement dans ses mains. Si le petit Black est vraiment attaché à Marlène, c'est un avantage ! Pour nous, je veux dire. Et Sirius aussi d'ailleurs. Ils peuvent le faire flancher plus facilement.

- Qu'est-ce que tu veux dire par flancher ?

- Une guerre ce n'est pas que des batailles, Alex. C'est aussi de la psychologie. Et Marlène et Sirius peuvent être nos cartes maîtresses.

Regulus frissonna. Il n'aimait pas le ton calculateur de Fabian.

- Je ne suis pas sûre que ça fonctionne, contra Evans, mesurée. Je sais que je viens de dire que Regulus était différent avec Marlène, mais il n'était pas et surtout n'est pas idiot pour autant. Ne le sous-estime pas. Il ne se mettra pas à parler juste parce que Marlène pose les questions. Et Sirius et lui... c'est compliqué, ils ne s'entendaient pas bien, je pense même qu'envoyer Sirius sera contreproductif. Il va se braquer juste par principe.

Encore une fois, la perspicacité d'Evans l'étonna. Il se rappelait une jeune fille intelligente, bien sûr, comme tout le monde à Poudlard, mais elle se révélait tout aussi douée pour percer à jour les émotions humaines.

- On ne l'a pas laissé précisément avec ces deux personnes pourtant ? Commenta Gideon.

Marlène se raidit à nouveau, sur le qui-vive, juste au moment où Alexia Cassidy suggérait :

- Et on devrait peut-être retourner le surveiller jusqu'à l'arrivée de Maugrey, non ?

- Merlin, jura-t-elle à voix basse. Sirius, dépêche-toi !

Elle allait ouvrir la porte du bureau, mais elle n'eut pas à le faire. Le battant s'écarta vivement pour révéler Sirius, une lueur de triomphe dans les yeux, une baguette en bois de cyprès brandit devant lui. Regulus sentit une vague d'excitation le parcourir et il tendit la main instinctivement. Ses doigts allaient se refermer sur sa baguette lorsque Sirius l'écarta, un rictus aux lèvres.

- Ah ah ! Dit-il. Tu ne me crois pas si stupide. Je la garde.

- Quoi ? S'indigna Regulus. Non, j'ai besoin de...

- On n'a pas le temps de se disputer ! Coupa Marlène avec brusquerie. Il faut y aller.

D'un geste ferme, elle le poussa dans le couloir et Regulus se déroba à nouveau comme si elle l'avait brûlé. Il le traversa en quelques pas avant de revenir dans la cuisine. Sans s'y arrêter, il commença à se diriger vers la porte d'entrée quand soudain une main se referma sur son bras et le tira en arrière.

- Eh ! Laisse-moi...

- Tais-toi, siffla Sirius. Maugrey arrive.

Il désigna la fenêtre d'un mouvement tête. De l'autre côté de la pelouse, Alastor Maugrey remontait vers la maison d'un pas rapide, sa cape claquant au vent. Regulus sentit son estomac faire une chute libre. Si le célèbre Auror mettait la main sur lui, il ne se faisait aucune illusion : il n'aurait aucune chance.

- Il faut partir d'ici ! Maintenant ! Rugit-il, les dents serrées.

- On ne peut pas transplaner dans la maison, il faut passer les barrières...

- Passez par la fenêtre ! Lança brusquement Marlène. Dès que Maugrey entre, vous sortez par la fenêtre et vous courrez jusqu'à la limite des protections. Je le distrais.

Regulus mit une seconde à enregistrer ce qu'elle venait de dire. Si le moment avait été différent, il aurait sans doute protesté, mais sur le coup l'idée de Marlène était la seule qu'il avait. Sans chercher à objecter, il se précipita vers la fenêtre en même temps que Sirius qui tenait fermement leur baguette dans une main et le médaillon dans l'autre. Il avait l'impression de ne plus avoir d'estomac tant il était noué.

Alors qu'il soulevait le loquet de la fenêtre, Sirius le saisit par le bras, l'air grave :

- N'essaye même pas de me semer, prévint-il. Je te fais transplaner, c'est clair ?

- On doit retourner à Square Grimmaurd...

- Alors on ira, dit son frère en grimaçant. Mais tu restes avec moi.

Résolu, Regulus se contenta d'acquiescer. Pour le moment, valait mieux qu'il reste avec Sirius. Il pourrait lui fausser compagnie quand il aurait récupéré sa baguette.

Postée de l'autre côté de la cuisine, Marlène observait l'entrée, prête à leur faire signe dès que Maugrey entrerait. Dans la précipitation, elle semblait s'être résignée à ne pas venir et à les laisser partir seuls, ce qui enleva un poids énorme des épaules de Regulus. Il ne savait pas s'il aurait réussi à se retourner contre elle pour s'échapper.

- Maintenant, intima Marlène, une urgence dans la voix. Soyez prudents !

Sans hésiter, Regulus posa ses mains sur le chambranle de la fenêtre et se hissa d'un bond. A côté de lui, Sirius l'imita avec plus de légèreté. Le pied posé sur le rebord, il crut qu'il allait tomber quand ils voulurent passer dans l'encadrement en même temps, mais il se rattrapa. Et alors qu'il s'apprêtait à sauter, les muscles contractés, une voix résonna dans leur dos :

- Sirius ! Qu'est-ce que... ?

Par réflexe, Regulus tourna la tête. James Potter venait vraisemblablement d'arriver du couloir et était figé sur le seuil de la cuisine. Derrière lui, le reste du groupe était déjà là aussi. Le temps parut se suspendre littéralement, comme si personne n'osait réagir. Le regard de Sirius et James ne se lâchait pas. Regulus aurait été incapable de déchiffrer la conversation silencieuse qui se jouait entre eux, mais il vit l'expression d'Alexia Cassidy juste derrière. Elle semblait prête à se jeter sur Sirius pour le ramener dans cette cuisine et lui passer le savon de sa vie.

- Vous foutez quoi ? Cria soudain Fabian. Attrapez-les !

Tout se remit en branle. D'un mouvement souple, Regulus sauta du bord de fenêtre et n'attendit pas d'entendre le corps de Sirius atterrir à sa droite pour commencer à courir. Il courut comme il n'avait pas pu le faire face aux frères Prewett le matin même. Il ne se retourna pas, même en sentant un sort le frôler au-dessus de la tête et en entendant les membres de l'Ordre les poursuivre. Il ne voulait qu'une chose : quitter cet endroit. Les explications pouvaient attendre.

Le sang lui martelant les tempes, il accéléra et continua sa course à l'aveugle. Il ne savait pas où il allait, mais foncer le plus loin possible de la maison lui paraissait une idée raisonnable, et Sirius était à ses côtés, il devait donc être sur la bonne voie.

- Non ! Hurla une voix portée par le vent.

Une seconde plus tard, un nouveau sortilège siffla à quelques centimètres de son oreille. Un peu plus à droite et le sort aurait frappé Sirius à la tête.

- Merlin Potter ! Rugit Gideon. Pourquoi tu... ?

Mais la diversion de Potter leur avait laissé les quelques secondes dont ils avaient besoin. Dès qu'ils franchirent la barrière magique, Regulus eut la sensation de passer sous un voile humide et il tenta de freiner, emporté dans son élan. Heureusement, ce fut le cas de Sirius également et ils se rentrèrent dedans à pleine vitesse. Une vive douleur explosa au niveau de ses côtes au moment même où les landes anglaises se dérobèrent sous ses pieds et où le cri de rage de Maugrey résonnait au loin.

Il n'eut le temps de voir que des couleurs brouillées emplirent son champ de vision avant qu'une surface dure ne se matérialise à nouveau sous lui. Déséquilibré et encore endolori par sa collision avec son frère, Regulus vacilla. Il se rattrapa à une rampe d'escalier en fer forgée. Incrédule, il leva enfin les yeux et reconnut avec stupeur la porte d'entrée de Square Grimmaurd. Un rire nerveux gonfla dans sa poitrine. Merlin... Il s'était échappé du QG de l'Ordre. Il venait de réussir l'impossible.

- Espèce d'imbécile, grogna Sirius qui était visiblement réapparu sur la première marche du perron. Qu'est-ce qui t'as pris de t'arrêter ?

- C'est toi qui m'es rentré dedans ! Protesta-t-il.

- C'est ça...

Avec difficulté, Sirius se redressa. Sa colère parut laisser place à l'incrédulité en une seconde.

- Merlin... souffla-t-il. On a vraiment réussi.

- Ouais... Je n'y croyais pas... admit-il honnêtement. Jusqu'à la dernière seconde j'ai cru que... enfin...

- Que je te ramènerai de force pour te rattacher sur cette chaise ? Moi aussi.

Regulus laissa échapper un rire étouffé. Puis il fronça les sourcils, se souvenant d'un détail.

- Est-ce que Potter a dévié le sort qui allait te toucher ?

- Je crois... confirma Sirius. J'espère que Maugrey ne va pas lui beugler dessus pendant des heures à cause de ça...

Mais son ton était peu convaincu, comme s'il savait au fond de lui que ce souhait était vain. Finalement, il secoua la tête, l'air de chasser l'idée de son esprit et se tourna à nouveau vers lui. Regulus le rejoignit sur le perron. Rien que de voir Sirius ici, devant cette porte qu'il avait claqué avec défi toutes ces années auparavant, lui faisait étrange. Il pensait que rien ne pouvait plus le surprendre aujourd'hui après sa capture, mais il faut croire qu'il se trompait. C'était comme Sirius était un élément du décor en trop, quelque chose qui n'était pas à sa place, et Regulus en était étrangement perturbé.

- On entre ? Dit-il pour se donner une contenance. Quelqu'un pourrait finir par nous voir si on reste planter là...

- Attends ! Je ne peux pas juste...

- Quoi ? Entrer chez toi ?

- Ce n'est pas chez moi ! Rétorqua-t-il, indigné.

Regulus ignora la sensation au creux de son ventre, semblable à celle du transplanage, mais qui n'avait cette fois rien à voir. Il sentit son visage devenir inexpressif et toisa son frère froidement.

- Ne t'inquiète pas, ils ne pas là ce soir. Les Malefoy donnent une réception, ils ne seront pas de retour avant plusieurs heures. Viens.

Il allait ouvrir la porte lorsque Sirius le saisit par le coude pour le forcer à se retourner. Il avait l'air mortellement sérieux. Comme un membre de l'Ordre en mission, songea-t-il.

- Je te préviens, dit-il d'une voix sourde, pas de coups tordus. Je risque gros en étant ici et encore plus en t'aidant sans garantie. Ne me le fais pas regretter.

- T'as ma baguette, où est-ce que tu veux...

- Avec toi, je préfère formuler l'incantation avant de jeter le sort. Donc on est d'accord ? Tu restes avec moi, je ne te veux hors de mon champ de vision. Allons-y.

Malgré son ton décidé, il ne bougea pas de sa marche et Regulus retint un grognement agacé en passant devant pour entrer dans la maison. Comme tous les membres de la famille ayant du sang Black dans les veines, il n'eut même pas besoin de clé. La poignée en argent, en forme de serpent, céda sous sa main et il ouvrit la porte avant de s'engouffrer dans le hall, Sirius sur les talons.

Pendant une seconde, ils se figèrent tous les deux, comme s'ils s'attendaient à ce que leurs parents accourent, mais naturellement seul le silence les entoura, inexorable. 12 Square Grimmaurd était vide. Dans la lueur tamisée des lampes à gaz et du lustre en cristal, les tableaux accrochés au mur auraient pu avoir un air inquiétant si Regulus n'avait pas passé son enfance, assis sur la première marche de l'escalier en ébène, à les observer tous. Parfois, Sirius venait le rejoindre et s'amusait à soutenir les regards des tableaux pour voir qui détournerait les yeux en premiers.

Ce dernier s'était d'ailleurs avancé au milieu du hall, faisant craquer le vieux parquet de la noble maison des Black. Regulus essaya de déchiffrer son expression, mais la pénombre rendait sa tentative difficile. Il était pourtant pratiquement sûr que ce n'était pas la nostalgie qui frappait Sirius. D'ailleurs, il ne prit pas plus longtemps pour détailler les lieux qu'il avait quitté il y a tant d'années, et se tourna à nouveau vers lui.

- Bon, qu'est-ce qu'on fait là ? S'impatienta-t-il. Pourquoi tu voulais revenir ?

- Pour Kreattur.

Sirius grimaça.

- Ce vieil elfe ignoble ?

- La ferme... C'est grâce à lui qu'on est courant pour le Seigneur des Ténèbres je te rappelle.

- Magnifique. On lui remettra l'Ordre de Merlin première classe et on l'enverra à Gryffondor pour son courage. Quoique, ça pourrait le tuer... Une telle disgrâce !

La provocation était claire, mais Regulus ne se laissa pas avoir. Sans un mot, il s'élança dans l'escalier pour monter à l'étage. Dans son dos, Sirius jura.

- Reg, reviens ici ! Merlin ! Où tu vas ?

Toujours sans répondre, Regulus parvint en haut du premier escalier et continua dans le couloir sans prêter attention aux têtes d'elfes accrochés au mur tapissé. Puis, il s'engagea dans le second escalier, celui à la barrière en fer forgé et dont la troisième marche grinçait depuis qu'il l'avait dévalé à trois ans. Sirius continuait à courir après lui en pestant à voix haute. Quand il atteignit enfin le dernier étage, le souffle court, il se précipita vers la chambre la plus à droite, celle située juste en face de la sienne où les lettres R.A.B se détachaient nettement.

Le battant céda sous son poids alors qu'il se jetait pratiquement sur la porte de peur que Sirius ne l'empêche d'entrer. La pièce, étrangement lumineuse grâce aux rideaux ouverts, sentaient le renfermé et de la poussière s'éleva sous ses pas, suspendues dans l'air. Au-dessus du massif lit en bois sculpté était accrochée une banderole rouge et or, symbole de Gryffondor, que Walburga n'avait pas réussi à enlever malgré tous ses efforts. Les murs originellement couverts de soie gris-argent étaient presque entièrement tapissés de photos de motos et de femmes moldues, tandis que sur la porte de l'armoire en acajou était collée une photo des Maraudeurs plus jeunes, souriants fièrement. Tout dans cette chambre spacieuse criait Sirius Black.

- Mais ça va pas ? S'écria-t-il. Qu'est-ce que tu fous ? Pourquoi... pourquoi tu m'as emmené ici ?

Il avait pratiquement craché le dernier mot. Regulus fit volte-face.

- Pour te montrer ! Regarde autour de toi ! Tu ne crois pas que tu en as assez fait pour nous faire comprendre que tu étais ô combien différent ?

- N'importe quoi... Arrête, tu es ridicule. On n'a pas le temps pour ça.

- Je décide si on a le temps, rétorqua-t-il vertement. Je ne suis plus ton prisonnier, j'ai juste accepté que tu m'accompagnes, et comme tu l'as fait remarquer on est chez moi.

- Que je t'accompagne ? Répéta Sirius, incrédule et énervé. Remets-toi les idées en place. Si tu es là, c'est parce que je l'ai bien voulu. Donc maintenant arrête de faire ta crise d'ado, viens.

- Non.

Les épaules de Sirius se tendirent et il expira lentement, comme s'il se retenait de lui envoyer deux sorts simultanément avec les deux baguettes qu'il tenait dans les mains.

- Regulus... C'était juste une simple blague sur Kreattur, remets-toi.

- Tu te trompes. C'était encore une de tes façons de me rappeler que tu n'as de cette famille que le nom, que tu es si différent...

- En même temps, ce n'est pas si faux.

Regulus sentit sa magie s'agiter sous le coup de la colère et la lumière du lustre vacilla. Quelque chose au creux de son ventre explosa. C'était comme si revoir Sirius entre les murs de Square Grimmaurd après tout ce temps lui donnait enfin le droit de régler leurs comptes, tous les non-dits qui étaient restés entre eux à l'époque.

- Sirius, celui qui n'est comme le reste d'entre nous ! Railla-t-il. Sirius, celui qui affirme haut et fort la supériorité de Gryffondor ! Parce que quoi ? Hum ? Quoi, Sirius ? Serpentard c'était trop commun dans la famille, pas digne de toi ? Il fallait absolument que tu sois différent, que tu la fasses enrager ? Tu voulais quoi ? La punir de ne pas avoir su être mère ?

- Ca n'a rien à voir avec la Harpie...

- Punir Père de ne pas être comme Fleamont Potter ? Continua-t-il, haletant, comme s'il n'avait pas été interrompu. Tu voulais me punir de ne pas être James ? Qu'est-ce qu'on t'a fait qu'on n'a pas tous subi, Bella, Meda, Cissy et moi ? De quel droit tu crois pouvoir tout remettre en question ?

Le silence qui suivit son coup d'éclat fut assourdissant. Sirius le contempla longuement, le corps tendu. Il semblait prêt à se battre. Brièvement, Regulus se demanda s'ils allaient en venir aux mains. Il ne s'était jamais battu sans baguette, mais la bulle de rage dans sa poitrine l'emplissait d'énergie. S'ils en arrivaient vraiment là, il parviendrait peut-être à récupérer sa baguette dans la confusion et à transplaner hors d'ici. Il n'aurait qu'à appeler Kreattur plus tard.

Pourtant, au bout d'encore de longues secondes, Sirius perdit de sa superbe. Il soupira et secoua la tête puis s'approcha lentement de la photo toujours accrochée à son armoire.

- Tu sais... commença-t-il presque maladroitement. Tu sais que ça n'a jamais été un choix, n'est-ce pas ? Entre vous et eux ? Entre les Black et... le reste ? Gryffondor, les Maraudeurs, l'Ordre ?

- Bien sûr que si...

- Non, Reg. Ou alors c'était un choix de survie. Je n'aurais pas pu...

- Être moi ?

Sirius laissa échapper un rire sans émotion.

- Parce que tu aurais pu être moi, toi ?

Non, songea Regulus. Il n'avait pas la fougue ni l'audace de son frère, comme celui-ci n'avait pas sa réflexion ni sa patience intelligente. Mais il ne répondit pas.

- Ce n'était pas pour moi, dit Sirius finalement. La vie que nos parents auraient voulu, ce n'était pas moi. Tu comprends ? Et je savais... enfin je pensais savoir... que tu refuserais de voir les choses autrement. Que tout ne reposait pas sur le satané honneur de cette famille. Et peut-être que oui, j'ai reproché à la Harpie beaucoup de choses, même si elle les méritait pour la plupart. Mais je ne t'ai jamais reproché de ne pas être James.

- Tu as juste la mémoire courte... « James est mon frère, plus que tu ne le seras jamais », cita-t-il, l'air sombre. Tes mots, pas les miens.

Sirius se tendit à nouveau. Du bout des doigts, il effleura le visage des quatre garçons immortalisés dans une enfance insouciante. Pour une fois, il paraissait réfléchir soigneusement à ce qu'il allait dire.

- Je ne voulais pas dire... Arh ! Sérieusement, Reg ? Evidemment que je le ressentais comme ça ! James a toujours été là, il me connaît par cœur ! Nous... on s'est juste éloigné.

- La faute à qui...

- Oh Merlin arrête ! Ne me mets pas tout sur le dos. Je t'ai proposé de l'aide, peut-être pas avec autant de patience que j'aurais dû, mais je l'ai fait. Tu ne t'es pas tourné vers moi non plus. La preuve, tu pars en mission suicide en laissant une lettre à Marlène et pas à moi.

Regulus n'en aurait pas juré, mais il crut déceler une note de déception, voire de rancœur, comme s'il était blessé. Il ne put s'empêcher de ressentir une pointe de satisfaction, juste avant qu'une lueur amusée ne remplace la gravité dans les yeux de son frère.

- En parlant de Marlène...

- Pitié tais-toi...

- Oh allez ! Tu...

- Kreattur ! Appela Regulus d'une voix forte pour interrompre Sirius. Viens ici.

Un « crack » sonore résonna contre les murs et le vieil elfe de maison apparut entre eux. Les oreilles pendantes, il fit d'abord face à Regulus, s'inclinant profondément ; puis ses yeux gris injectés de sang se posèrent sur Sirius qui grimaça de dégoût. La grimace fut immédiatement réciproque.

- Le traître à son sang ! S'exclama Kreattur. Comment ose-t-il remettre les pieds ici après avoir fait tant de peine à ma pauvre maîtresse ? Oh que dirait-elle si elle savait que le renégat est revenu ?

- Renégat, rien que ça, railla Sirius.

- Ca suffit tous les deux. Kreattur écoute-moi. Je veux que tu ailles chercher les fioles de potion revigorantes que j'avais laissé dans l'atelier au fond du jardin. Ramène aussi ma cape de voyage et mon couteau, celui que Père m'a offert. Ah et une coupe, pas trop grande. Celle en argent dans le buffet. Quand tu aurais tout, reviens ici, d'accord ?

- Bien sûr, jeune maître. Kreattur fera tout pour servir la noble famille des Black.

A nouveau, l'elfe disparut dans un bruit sonore au moment où Sirius se laissait tomber sur son ancien lit, soulevant un nuage de poussière par la même occasion.

- Ils auraient au moins pu faire le ménage... marmonna-t-il.

- Plus personne ne vient dans cette pièce...

- Tragédie. Je pensais que la Harpie viendrait tout remettre en ordre.

Regulus leva les yeux au ciel.

- Mère a essayé, mais tu sais comme moi que tu as collé ces... affiches avec de la glue perpétuelle.

- Quoi ? Feignit de s'étonner Sirius, moqueur. Mes « affiches » ne sont pas à ton goût ?

- Si on aime les motos tapes à l'œil et les filles blondes à forte poitrine.

- Marlène est blonde, rétorqua-t-il immédiatement, l'air fier de lui. Après, je n'ai pas regardé sa poitrine... mais toi peut-être que si ?

- Bon sang Sirius !

Le pire, c'est qu'il savait – il savait – qu'il rougissait comme un souaffle. Son embarras dû fortement amuser Sirius car il éclata de rire. Regulus prit conscience qu'il ne l'avait pas vu rire depuis une éternité et la scène ne lui sembla d'un coup plus si terrible.

- Et je n'ai jamais... enfin c'est Marlène !

Il mit toute la conviction qu'il pouvait dans sa voix, mais Sirius avait toujours été doué pour le percer à jour et il eut un sourire en coin. Il s'empourpra encore plus.

- Un problème, Reg ? Se moqua-t-il.

- Tais-toi, espèce d'imbécile.

Sirius se remit à rire. Parfois, il se demandait qui était vraiment l'aîné entre eux. Et puis, qu'est-ce que faisait Kreattur ? Le jardin ne faisait pas trente hectare bon sang...

- Ce n'est pas comme ça avec Marlène... explicita-t-il finalement en voyant que son frère le fixait toujours avec insistance. En fait, il n'y a rien avec Marlène, c'est juste... compliqué. On ne peut pas dire qu'on se soit vraiment vu ces derniers temps.

- Non, je suppose... Mais tu lui as quand même écrit une lettre. Qu'est-ce qu'il y avait dedans pour qu'elle la brûle sans hésiter ?

Regulus secoua la tête.

- Rien qui te concerne. N'insiste même pas.

- Tant de secrets...

- Ca s'appelle une vie privée.

- « Ca s'appelle une vie privée », le parodia Sirius d'une voix grave.

S'il avait été assez près, il aurait attrapé l'oreiller pour lui envoyer en pleine figure. Quelques secondes s'étirèrent, moins pesantes que tout à l'heure, jusqu'à ce que Regulus ne se décide à poser la question qui lui tournait dans la tête depuis quelques minutes.

- Sirius ?

- Hum ?

- Comment tu as su que tu étais amoureux de Cassidy ?

Surpris, Sirius se redressa. Incapable de le regarder en face, Regulus garda le regard résolument fixer sur la photo d'une moto étincelante. Il sentit son visage s'enflammer une fois de plus et son ventre se nouer et il pria intérieurement pour que, pour une fois, Sirius ne se moque pas de lui. Merlin dû l'entendre car son frère se contenta de le regarder d'un drôle d'air avant de répondre :

- Je ne sais pas trop, avoua-t-il honnêtement. Alex a toujours été la fille la plus proche de moi, la seule peut-être que je considérais vraiment comme une amie plus qu'une camarade avant de me rapprocher de Lily, de Dorcas, d'Alice ou de Marlène. Elle était drôle, on aimait les mêmes choses et... c'était facile d'être avec elle. Quand on s'est mis ensemble, c'était sûrement un peu sur un coup de tête. Elle m'a dit plus tard qu'elle avait déjà des sentiments pour moi depuis un moment, mais je ne suis pas sûr que je pouvais dire la même chose. C'est en étant avec elle que je suis vraiment tombé amoureux d'elle je pense.

- Oui mais... Comment tu t'en es rendu compte ?

Sirius sourit et haussa les épaules.

- Je ne sais pas, Reg, je n'ai pas eu un éclair de lumière et une révélation divine. Je suppose qu'un jour j'ai réalisé que je ne voulais pas vivre ma vie sans elle. Que l'idée de m'éloigner de Dorcas ou Alice ne me plaisait peut-être pas, mais ce n'était pas impossible, ça aurait été la vie. Pour Alex, je n'arrivais pas à l'envisager. Même après Poudlard, je savais que je voulais qu'elle soit avec moi.

Quand Sirius l'expliquait, tout avait l'air simple. Malgré ce qu'il disait, il semblait plutôt savoir ce qu'il ressentait et pour la première fois Regulus le trouva... apaisé. Comme s'il avait trouvé un but dans cette vie qu'il s'était choisi. Une boule dans la gorge, Regulus traversa la pièce pour se donner une contenance et jeta un coup d'œil à la rue en contrebas. La nuit commençait à tomber, mais les réverbères éclairaient le parc en face et les enfants qui jouaient encore.

- Alors ? Reprit Sirius en comprenant qu'il n'allait visiblement pas parler. Tu es amoureux de Marlène McKinnon ?

- Je ne l'ai pas vu depuis deux ans...

- Ce n'était pas ma question.

- Je... C'est Marlène, se contenta-t-il de dire, l'esprit vide.

Le sourire moqueur revint sur le visage de son frère.

- Et on dit que tu es le plus intelligent de nous deux ! Dit-il, goguenard. Mais petit conseil : si tu te poses la question de savoir si tu l'aimes, la réponse est sûrement positive, sinon tu ne te la poserais même pas.

Sur ces mots, Sirius se remit sur ses pieds. Comme s'il avait perçu que la conversation était terminée, Kreattur réapparut à cet instant, les bras chargés de fioles et d'une cape noire parfaitement repassée. Peut-être que c'était ça qui lui avait pris autant de temps, songea Regulus, moitié agacé moitié amusé.

Le vieil elfe ignora superbement Sirius et se dirigea vers Regulus d'une démarche gauche, déséquilibré par sa charge, mais s'inclina comme à son habitude.

- Kreattur est allé chercher ce que le jeune maître a demandé. Est-ce que Kreattur peut faire autre chose pour satisfaire le jeune maître ?

- Merci, Kreattur. Et oui, je vais avoir besoin de toi pour une mission très importante.

- Kreattur fera tout pour la noble maison Black !

Dans son dos, Sirius fit semblant d'avoir un haut le cœur mais Regulus l'ignora.

- Tu te souviens de... l'endroit où le Seigneur des Ténèbres t'a emmené ? Il y a plusieurs mois ? Tu te souviens de ce que tu m'as raconté ?

Les yeux enfoncés de Kreattur s'écarquillèrent et il fut parcourut d'un frisson. Aussitôt, il s'agita, tordant son pagne du bout des doigts avec anxiété. Il paraissait sur le point de se jeter sur la porte de l'armoire pour s'assommer violemment mais Regulus claqua des doigts devant lui, autoritaire, le ramenant à la réalité.

- Kreattur, c'est très important, insista-t-il. Est-ce que tu te souviens ?

- Oui jeune maître, s'étrangla l'elfe. Kreattur se souvient, il se souvient de cet horrible endroit.

- Bien. Je veux que tu m'y emmènes. Ce soir.

Cette fois, l'horreur se peignit sur le visage de Kreattur et ses yeux s'emplirent de larmes. Dans un élan dramatique, il se jeta à ses pieds, tremblant. Regulus retint un geste d'impatience, touché malgré tout, tandis que Sirius levait les bras au ciel, pas impressionné le moins du monde.

- Le jeune maître ne peut pas aller dans cet horrible endroit, couina-t-il. Ce n'est un lieu convenable pour l'héritier des Black ! Le jeune maître pourrait y être en danger !

- Je sais Kreattur, mais comme je te l'ai dit c'est très important et il est primordial que tu m'y emmènes. Mais tu ne devras rien dire à personne, tu m'entends ? Personne ne doit rien savoir.

- Oui jeune maître...

- Même pas mes parents, c'est clair ? S'ils te posent des questions, tu inventes quelque chose, mais je t'ordonne de ne pas leur répondre ni révéler quoique ce soit, peu importe ce qu'ils te disent.

A l'idée de mentir à ses maîtres, Kreattur frissonna cette fois violemment et si Regulus ne s'était pas interposé entre lui et l'armoire, il était sûr que l'elfe se serait jeté dessus. Au lieu de ça, il ouvrit la bouche plusieurs fois, comme si les mots luttaient dans sa gorge, mais il finit par acquiescer d'une voix à peine plus haute qu'un murmure :

- Oui jeune maître. Kreattur comprend. Kreattur emmènera le jeune maître dans l'endroit où le Seigneur des Ténèbres l'a lui-même emmené et n'en dira rien à personne.

- Parfait. Alors...

- Eh la ! Interrompit Sirius. Ne prend pas la potion avant d'allumer le chaudron ! Très malin, Reg, mais reformule un peu ton ordre, je ne suis pas idiot. Kreattur ne va t'emmener dans ce lieu si mystérieux. Il va nous y emmener.

Regulus retint difficilement un juron. Follement – et sûrement naïvement – il avait espéré que Sirius ne dirait rien et se contente de le laisser mener le plan. Au moment de transplaner, même s'il avait saisi le bras de l'elfe, celui-ci n'aurait reçu l'ordre de transplaner qu'avec lui et il aurait enfin pu semer son frère. Mais il avait oublié un détail de taille : Sirius n'était plus le Gryffondor qui fonçait tête baissée, il était un membre entraîné de l'Ordre du Phénix, et il ne se laisserait pas avoir par une tentative aussi grossière.

- Sirius...

- Tais-toi maintenant. On a un pacte, toi et moi. Je te libérais pour accomplir ta mission à condition que je vienne avec toi. Alors arrête de discuter. On y va.

- Mais...

- Je ne resterais pas une minute de plus dans cette maison de toute façon, ajouta-t-il avec dédain. Kreattur ! Fais-nous transplaner précisément où Tu-Sais-Qui s'est rendu avec toi.

- Le traître ose donner des ordres à Kreattur ! Après la souffrance qu'il a provoqué à ma pauvre maîtresse ! Le traître n'est pas digne de la noble maison des Black !

- Mais le traître peut t'entendre et malheureusement il fait encore partie de cette maudite famille. Ce qui veut dire que tu es obligé de m'obéir à moi aussi. Maintenant plus un mot et transplanes, espèce de...

- On a compris, coupa sèchement Regulus. Allons-y, ne perdons pas plus de temps.

Sans rien ajouter, il tendit son bras et la main osseuse de Kreattur se referma sur son poignet. De l'autre côté, il fit la même chose à Sirius mais Regulus remarqua qu'il enfonçait ses ongles pointus dans la peau de son frère. Sûrement par fierté, Sirius resta impassible, mais il fit un vague mouvement de jambe, comme s'il s'était retenu à la dernière seconde d'envoyer Kreattur valser à travers la pièce d'un coup de pied bien placé.

Brusquement, la chambre se brouilla devant ses yeux. Le souffle coupé, Regulus n'eut le temps que de sentir le sol disparaître sous lui avant que de se rematérialiser une seconde plus tard. Sous ses pieds, l'herbe avait remplacé le parquet. L'odeur de renfermé avait laissé place à un air iodé et le vent lui fouetta le visage.

La première chose que perçut Regulus, ce fut le bruit des vagues qui s'écrasaient en contre bas sur la falaise. Ils se tenaient tous les trois sur une saillie rocheuse au-dessus de la mer déchaînée et le vent balayait le front de fer, faisant claquer leur cape autour d'eux. Aucune plage ni aucune trace humaine n'était visible de là où ils étaient.

- Je ne m'attendais pas à ça... commenta Sirius, ses mèches noires ébouriffées par les bourrasques. C'est ici que Tu-Sais-Qui a caché son Horcruxe ?

- Pas ici exactement, non. Là-bas, répondit-il en pointant l'entrée de la caverne, à peine visible, quelques mètres plus loin.

Sirius plissa les yeux, mais Regulus n'aura pas su dire si c'était pour percer l'obscurité de la nuit tombante ou s'il s'était pris de l'eau de mer dans l'œil.

- Lumos, dit-il finalement.

Les deux baguettes qu'il tenait toujours s'éclairèrent, projetant une lumière dorée sur la surface des flots.

- Tu comptes nager en ayant les deux mains prises ? Interrogea Regulus, espérant qu'il lui rendrait enfin sa baguette.

Sirius sourit, comme s'il avait deviné ce qu'il pensait, et secoua la tête d'un air provocateur.

- Bien tenté, reconnut-il. Mais non. Je garde la mienne et quant à la tienne, c'est Kreattur qui va s'en charger. Kreattur, tiens. Surtout, je t'interdis de la rendre à Regulus, sous aucun prétexte. Et s'il tente de te la prendre, mords-le. Mon ordre vaut contre le sien, même s'il te dit le contraire.

De mauvaise grâce, Kreattur se saisit de la baguette avec révérence. Pendant une seconde, la vision d'un elfe de maison avec une baguette le déstabilisa, mais il se reprit. Il avait des choses plus importes auxquelles penser.

Il échangea un hochement de tête avec Sirius et ils plongèrent tous les deux en même temps. Dès que l'eau se referme sur lui, Regulus eut un sentiment de panique instinctif. Puis, il battit des jambes et creva la surface. Tout son corps était gelé mais il se mit à nager immédiatement pour ne pas rester sur place, le poids de ses vêtements menaçant de l'entraîner vers le fond. Il nagea jusqu'à à en avoir les bras douloureux, puis s'engouffra dans la crevasse qui se transformait en tunnel sous la roche. Un goût de sel sur la langue, il toussa en avalant une gorgée d'eau et Sirius se retourna une seconde, vérifiant qu'il n'était pas en train de se noyer. Par réflexe, Regulus fit de même et chercha Kreattur du regard. Cette fois, une véritable vague de panique le submergea quand il se rendit compte qu'il n'était pas derrière lui.

- Kreat... commença-t-il à hurler.

Mais son regard repéra soudain la forme chétive de l'elfe, perchée sur le bord de la roche qui émergeait des flots, au bout du tunnel. Alors qu'ils sortaient enfin de l'eau, tremblants, Sirius décocha une œillade assassine à Kreattur.

- Tu pouvais transplaner jusqu'ici et tu nous as laissé nager ? S'indigna-t-il.

- Le traître n'a pas demandé à Kreattur s'il pouvait l'emmener ici, rétorqua l'elfe d'un faux air contrit.

Visiblement, la satisfaction qu'il ressentait à avoir mis Sirius en colère compensait de ne pas avoir aidé Regulus.

- Au retour, je le noie, grommela Sirius en arrachant pratiquement la baguette des doigts de l'elfe.

Mais la remarque perdit de son impact lorsqu'il se mit à claquer des dents.

- Kreattur, sèche-nous, ordonna Regulus qui commençait à ne plus sentir ses orteils.

Le claquement de doigt se répercuta contre les parois humides de la caverne et aussitôt Regulus sentit une douce chaleur se répandre en lui. Ses vêtements séchèrent, soudain plus légers, et son sang se remit à circuler normalement. Maintenant que sa peau n'était plus une surface gelée, il prit le temps d'observer ce qui se trouvait autour d'eux. La caverne n'était pas très grande et le plafond, bien que bas, était à peine visible dans l'obscurité. C'était légèrement différent de ce que Regulus avait imaginé en écoutant le récit de Kreattur.

- Et maintenant ? Souffla Sirius.

- Maintenant, on doit passer l'arcade. C'est bien ça, Kreattur ?

- Oui jeune maître... Kreattur doit donner son sang pour ouvrir le passage.

- Non ! Je vais le faire.

Sirius eut l'air incrédule.

- Ca va pas ? Laisse-le faire !

- Il a déjà assez enduré comme ça...

- C'est un elfe de maison, Reg ! Il est là pour ça. Et puis, il le mérite.

- Le traître a raison, jeune maître ! S'empressa de dire Kreattur, les yeux à nouveau emplis de larmes. Laissez Kreattur faire, le jeune maître ne doit pas souffrir alors que Kreattur peut...

- Non, coupa-t-il d'une voix ferme, ébahi que son frère et le vieil elfe tombent d'accord sur un sujet. Ta seule mission est de nous faire transplaner, on s'occupe du reste.

Intérieurement, il pensa qu'il ne voulait pas ressembler au Seigneur des Ténèbres ni employer ses méthodes plus longtemps. Et ça incluait se servir d'un elfe de la sorte. Avant que Sirius ou Kreattur ne proteste, Regulus plongea la main dans sa poche et en ressortit le couteau en argent, gravé d'un serpent sur le manque, que son père lui avait offert. Il allait s'entailler l'avant-bras quand son frère lui attrapa le poignet de justesse.

- Donne-le-moi. Je le fais.

- Quoi ?

- Je le fais, je te dis.

- Non , c'est à moi de...

- Considère ça comme ma dette, dit Sirius.

Regulus fronça les sourcils.

- Ta dette ?

- Pour t'avoir poussé dans l'escalier à trois ans.

Sous le coup de la surprise, il n'essaya même d'empêcher Sirius de prendre le couteau, ni de se couper la paume en un trait sanglant.

- Mais tu m'as toujours dit que c'était Bella !

- J'ai menti, admit-il sans sourciller. Bon, où est-ce que je mets mon sang si noble et précieux ?

- Ici, indiqua Kreattur d'un ton grinçant.

Dès que Sirius posa son bras contre la paroi en pierre, le contour étincelant d'une arcade apparut et le sang brilla un instant avant que la roche ne disparaisse purement et simplement, créant une ouverture. Regulus sentit son cœur louper un battement. Après des mois de recherches, à faire répéter à Kreattur son histoire des dizaines de fois, il y était enfin. Il n'aurait imaginé que son frère serait à ses côtés. Même s'il avait tenté de le semer depuis leur départ de l'Ordre, il réalisait au fond de lui qu'il était rassuré qu'il soit là.

Ils franchirent l'arcade et les pierres de grès crissèrent sous leurs pieds. Devant eux, un immense lac s'étendait dans la caverne. Kreattur jetait des coups d'œil anxieux à droite à gauche, clairement effrayé, et Regulus se baissa pour être à sa hauteur.

- Tu vas bien ?

- Kreattur n'aime pas cet endroit... Mauvaise magie, très mauvaise magie...

- Je sais. C'est pour ça qu'on est là. Mais je te jure qu'on fait vite. Et Kreattur ? Si... si quelque chose nous arrive... Transplane. Repars à Square Grimmaurd et mets-toi en sécurité. Mais ne dis rien à personne, souviens-toi.

L'ordre ne lui plaisait visiblement pas, mais il hocha la tête à contre cœur. A côté, Sirius refermait maladroitement sa blessure d'un sort, mais il n'était pas médicomage et une fine ligne rosée demeura sur sa peau. Quand il eut terminé, il tourna sur lui-même.

- Glauque comme endroit, observa-t-il platement même si une certaine tension était perceptible dans ses épaules. Mais ça fait très Tu-Sais-Qui je le reconnais. Il aurait pu mettre la marque des ténèbres sur les murs peut-être, tu sais, histoire d'ajouter sa touche personnelle.

- T'as fini, monsieur le décorateur d'intérieur ?

- Oh allez Reg, détends-toi.

D'expérience, Regulus savait que l'humour de Sirius était sa façon de gérer la situation, et il préféra l'ignorer pour se tourner vers Kreattur. Il n'arrivait plus à savoir s'il était stressé ou impatient désormais.

- Il faut qu'on traverse le lac. Tu nous montres ?

- Par ici, jeune maître... Juste là, voilà...

Avec un temps de retard, Regulus se souvint de ce que l'elfe lui avait raconté. Espérant ne pas être ridicule et sentant le regard de Sirius dans son dos, il tendit la main. Au début, il ne rencontra que du vide puis, soudain, ses doigts entrèrent en contact avec un objet métallique froid et visqueux. D'un coup, il tira. Une grosse chaîne en bronze, verdie par l'eau, sortit du lac. Elle ressemblait presque à un serpent dans le noir.

- Merlin... murmura Sirius.

A deux, ils tirèrent la chaîne de toutes leurs forces jusqu'à faire émerger un bateau dont la coque en bois vint heurter le rivage doucement. Il avait une allure fantomatique, comme la barque de Charon menant aux Enfers. Regulus songea que c'était un peu le cas ici.

Il s'apprêtait à mettre un pied sur le bateau lorsque Sirius le retint.

- Attends ! Tu ne crois pas que ça puisse être dangereux ?

- Le Seigneur des Ténèbres l'a pris avec Kreattur...

- Oui parce qu'il l'a placé lui-même ici. Au cas où si tu n'avais pas regardé, je ne ressemble pas vraiment à Tu-Sais-Qui.

- C'est parfait puisque tu ne viens pas avec moi.

Sirius cligna des yeux, surpris. Puis il haussa un sourcil et croisa les bras, l'air agacé.

- Je croyais qu'on avait déjà dit que...

- Tu ne peux pas venir, expliqua Regulus, fier de lui. Seul un sorcier peut monter dans ce bateau. Kreattur ne compte pas évidemment. Mais toi et moi, ça ferait une charge magique trop importante. Il se rendrait compte qu'on est là.

- Et bien sûr tu le savais depuis le début ?

- Peut-être...

- Tu m'as piégé ! Rugit Sirius.

- Tu ne m'as jamais demandé. Tu voulais m'accompagner jusqu'ici, c'est bon. Maintenant tu attends sur cette berge ou tu repars en arrière.

La mâchoire crispée, Sirius semblait vouloir lui coller son poing dans la figure, mais Regulus ne ressentit qu'une vague de soulagement. Même s'il n'avait pas pu semer son frère, au moins il n'irait pas avec lui sur l'île. Kreattur n'était pas entré dans tous les détails des protections que le Seigneur des Ténèbres avait placé autour du bassin qui contenait l'Horcruxe, tout simplement car il ne les avait pas vu en action, mais il lui avait rapporté avoir ressenti la trace d'une magie extrêmement noire. Pour que Kreattur, qui avait passé sa vie entre les murs de Square Grimmaurd, lui dise ça, Regulus avait compris la potion n'était pas la seule barrière qui protégeait l'Horcruxe. Qui savait ce que le Seigneur des Ténèbres avait encore fait ?

- Attends... murmura à nouveau Sirius. Tu as bien dit que deux « sorciers » ne pouvaient pas monter sur le bateau, c'est ça ?

- Oui, s'impatienta-t-il. Et alors ?

- Alors je pense que je peux venir avec toi.

La nervosité et le défi se lisaient sur le visage de Sirius. Perplexe, Regulus fronça les sourcils. Il ne voyait pas comment il pouvait espérer tromper un bateau ensorcelé par le Seigneur des Ténèbres lui-même. Pourtant, en voyant l'air déterminé de son frère, Regulus fut soudain pris d'un doute et il déglutit.

- Oui, c'est la seule solution... murmura Sirius comme s'il se parlait intérieurement. On va tenter ça. Mais tu me promettre de ne rien à personne, Reg.

- Quoi ?

- Personne ! Tu m'entends ? Si tu veux rembourser la dette que tu as envers moi pour t'avoir libéré, promets-moi que tu emporteras ce secret avec toi.

- Si tu ne me dis rien et que tu restes ici, il n'y aura aucun problème, argua-t-il piteusement.

- Hors de question. Je viens. Mais promets. Ce que je vais te montrer... Ca pourrait m'envoyer à Azkaban, d'accord ?

Regulus mit plusieurs secondes à assimiler. Ce n'était pas censé se passer comme ça. Sirius n'était pas supposé être celui qui risquait Azkaban, bien au contraire. Il était le héros. Qu'est-ce qu'il voulait lui révéler de si dangereux ? La curiosité se mêla bientôt à l'angoisse et il contempla les eaux calmes du lac, prenant sa décision sans réfléchir.

- D'accord, accepta-t-il. Je te le promets. Montre-moi ta solution. Non ! Attends ! S'exclama-t-il brusquement en se souvenant d'un détail.

Il se tourna vers Kreattur qui se tenait toujours silencieusement près d'eux.

- Kreattur, je t'interdis de révéler à quiconque ce que Sirius s'apprête à nous dire et à nous montrer. Peu importe qui te pose des questions, tu ne diras rien sauf si je t'en donne l'ordre, c'est clair ?

- Très clair, jeune maître, dit-il avec révérence. Le jeune maître peut faire confiance à Kreattur.

- Merci.

Satisfait, Regulus se détourna. Sirius roula des yeux en l'entendant remercier l'elfe, mais il ne s'en formalisa pas. L'important était que le secret qu'il s'apprêtait à lui livrer soit en sécurité. Il attendit donc patiemment, s'attendant à ce que Sirius se mette à parler, conscient qu'il perdait tout de même un temps précieux. Mais Sirius ne parla pas. Non... Il se transforma.

Regulus ne pu retenir un cri étranglé qui résonna contre les murs de la caverne et il recula d'un pas. Là où s'était tenu son frère une seconde auparavant se trouvait maintenant un énorme chien noir aux poils épais, les yeux brillants dans l'obscurité.

- Merlin... Un animagus... Oh Sirius, espèce d'imbécile.

Le chien ne sembla pas se formaliser d'être insulté. Il s'avança et donna un coup de tête vers la main de Regulus, sa truffe humide contre sa paume, puis il sauta dans le bateau qui bordait toujours le rivage. Il laissa échapper un jappement vif, faisant sursauter Kreattur qui dévisageait l'animal, l'air d'inviter les autres à monter.

Dans un état second, Regulus obtempéra donc. Un instant, il eut peur que l'embarcation ne détecte leur supercherie, mais rien ne se produisit. Visiblement, le Seigneur des Ténèbres ne considérait pas plus les chiens que les elfes de maison comme une menace. Le bateau n'avait d'ailleurs clairement pas été prévu pour trois, ni pour un sorcier, un elfe et un chien. Serré à l'avant et les genoux repliés contre la poitrine, Regulus essayait de ne pas rire en voyant Sirius toiser Kreattur puis aboyer brusquement pour lui faire peur. Le pauvre faillit se jeter par-dessus bord, mais Regulus le retint juste à temps, et le chien se tint tranquille ensuite. Rire dans un endroit pareil était tellement incongru qu'il se surpris lui-même.

La traversée ne dura de toute façon que quelques minutes. Alors qu'ils accostaient sur la minuscule île en pierres hérissées, Regulus crut voir une tâche blanchâtre dans l'eau, mais quand il regarda plus attentivement il n'y avait rien. Sûrement un reflet, songea-t-il, une étrange sensation au creux du ventre. Le lac n'était qu'un miroir obscur.

Les jambes tremblantes, Regulus posa le pied sur la surface solide. Kreattur l'imita, apeuré, et le chien se contenta d'un bond agile pour sortir du bateau. Une seconde plus tard, Sirius reprenait forme humaine.

- Comment... ? Laissa échapper immédiatement Regulus, incapable de se retenir. Tu n'es pas déclaré dans les registres du Ministère, pas vrai ?

- Si, je te demandais juste de garder le secret pour m'amuser. A ton avis ?

- Mais Dumbledore... ?

- Il ne sait rien non plus.

Que quelque chose de cette envergure échappe à un sorcier comme Dumbledore le laissa sans voix. Il avait peut-être tendance à oublier que, même si son ancien directeur était sûrement le plus grand sorcier depuis Merlin, il n'était pas omniscient pour autant.

- Tu poseras tes questions plus tard, lui assura Sirius. On a autre chose à faire. Et je suis à peu près sûr que cette lueur verte n'est pas juste une déco supplémentaire de Tu-Sais-Qui.

Regulus se retourna. Au milieu de l'île, la source de la lumière verte qu'il avait aperçu depuis l'autre rive provenait d'un simple bassin en pierre, posé sur un piédestal. Silencieusement, ils s'approchèrent tous les trois. A l'intérieur du bassin, un liquide émeraude brillait. Regulus sentit l'angoisse se répandre dans son corps et son esprit. Kreattur lui avait fait brièvement le récit des souffrances qu'il avait enduré en le buvant... Il n'avait jamais complètement réussi, pris de tremblements violents, et Regulus s'était résigné à ne plus lui poser la question.

- Qu'est-ce que c'est ? Se demande Sirius.

Il tenta d'avancer la main vers le bassin, mais une barrière invisible sembla l'arrêter à quelques centimètres.

- Il faut le boire, expliqua Regulus d'une voix atone. Le médaillon, le vrai, est caché en-dessous.

Sirius eut une expression horrifiée.

- T'es pas sérieux ? Se récria-t-il. Tu veux nous tuer ?

- C'est le seul moyen. Kreattur l'a dit.

- Et tu vas le croire sur parole ? Cet elfe à moitié timbré ?

- Il ne me mentirait pas. Il ne le pourrait même pas s'il le voulait, rétorqua-t-il.

- Jamais, jeune maître ! Jura Kreattur férocement.

- Donc c'est régler. Je dois boire le liquide.

A nouveau, Sirius parut scandalisé et le fit savoir en agitant les bras, les deux baguettes qu'il tenait produisant des étincelles.

- « Je », répéta-t-il. Non. Je ne vois pas pourquoi tu devrais le faire.

- Je ne ferai pas revivre cette épreuve à Kreat...

- Et moi ? Coupa Sirius. Je suis là pour la figuration ?

- On ne va pas recommencer ? Tu as donné ton sang, je bois la potion. Par Merlin, arrête de tout rendre compliquer.

Avant que Sirius ne puisse continuer à faire son grand frère agaçant – bien une nouveauté – Regulus se saisit de la coupe en argent estampillée aux armoiries des Black que Kreattur lui avait ramené et la plongea dans l'eau. Il ne rencontra cette fois aucune résistance.

- Reg... dit Sirius d'une voix sourde. Je sais que tu penses que c'est ta mission mais...

- Tu avais dit que tu boirais à notre mort, non ? Je vais le faire avant toi finalement...

Les mots que Sirius avait prononcé le jour de sa fugue résonna entre eux. Puis, en une imitation parfaite du geste de son frère des années auparavant, Regulus leva la coupe d'un salut ironique et insolent avant de la porter à ses lèvres.

Le liquide était glacé sur sa langue mais n'avait aucun goût. Les doigts crispés autour du bassin, il avala une deuxième gorgée, puis une troisième et une quatrième sans réfléchir. Il voulait en finir le plus vite possible.

- Tout va bien... ? Murmura Sirius, inquiet.

Même Kreattur le regardait avec angoisse, sa peau ridée prenant une teinte verdâtre à la lueur que projetait le liquide.

Regulus allait hoché la tête et replonger la coupe une cinquième fois quand il ressentit les premiers effets. Son cœur s'emballa d'un coup et si vite qu'il eu peur de faire un arrêt cardiaque. Ses entrailles se contractèrent violemment. Son estomac semblait en feu et piégé dans la glace en même temps. Il vacilla.

- Reg !

Le cri de Sirius était comme lointain. Résolument, il replongea la coupe à nouveau et avala une autre gorgée, les yeux fermés. Dans ses veines, il avait l'impression de sentir le sang circuler et ralentir, affolant son cœur qui battait maintenant à un rythme frénétique. Sa magie se manifestait aussi et le brûlait presque.

Puis soudain les voix et les images commencèrent. Il eut beau fermer les yeux, buvant à l'aveugle, elles étaient si tangibles... si réelles. La première qui apparut dans les brumes de son esprit fut Gemma Ackerley. C'était comme si la caverne avait disparu et qu'il se trouvait désormais dans le salon élégant du manoir Lestrange. Sur un tapis ouvragé, la jeune Auror apprentie le regardait avec dégoût, fière et battante malgré les mangemorts qui l'entouraient. Elle lui rappelait qu'il ne pourrait pas détourner la tête en voyant son petit frère pleurer en sachant qu'il était responsable de sa mort. Puis Gemma disparu. Cette fois, il était à Square Grimmaurd, en plein de repas de famille. Sirius hurlait sur leur mère qui hurlait encore plus fort en retour. Il levait son verre, arrogant et furieux, avant de claquer la porte sans rien emporter qui appartenait à la famille. En le laissant derrière.

Presque de l'extérieur, il se vit prendre une nouvelle gorgée. Il l'avala avec difficulté, mais il ne parvint pas à replonger la coupe dans le bassin. Son corps vacilla à nouveau et ses jambes se dérobèrent sous lui. Une lumière vive, verte, explosa derrière ses paupières et il hurla. Il ne savait pas si la lumière émanait de la potion ou de ses souvenirs de Voldemort jetant un sortilège mortel sans qu'il intervienne.

Au loin il avait vaguement conscience de Sirius et de Kreattur qui s'agitaient de lui, mais son cerveau n'arrivait pas à s'ancrer assez dans le moment présent pour comprendre leurs paroles. Une nouvelle vague de douleur lui déchira le ventre. La caverne disparut encore une fois. Il portait son masque de mangemort et en face de lui se tenait Marlène, le jour où il l'avait revu durant une attaque de l'Ordre. Sa poitrine se soulevait à un rythme saccadé, sa lèvre était ouverte et les sortilèges fusaient à quelques mètres au cœur de la bataille. Elle avait perdu sa baguette qui gisait à ses pieds mais le dévisageait avec défi. Il aurait pu la tuer. Il aurait dû. Il n'avait pas pu.

- Marlène... Sirius... Gemma... gémit-il en une longue litanie.

- Regulus, tu m'entends ? Merlin, Reg ! Ouvre les yeux !

Dans un sursaut, Regulus obéit. Il était allongé sur le sol, la pierre dure et froide sous son corps endolori, et Sirius était penché au-dessus de lui, aussi pâle qu'un fantôme. Près du bassin, Kreattur se balançait d'avant en arrière en geignant des mots intelligibles.

- Tu l'as fait, dit Sirius d'une voix rauque. Tu m'entends ? C'est terminé, allez...

- Le médaillon... haleta-t-il.

- Je m'en occupe. Ne bouge pas.

Sirius se releva pour récupérer l'Horcruxe. Les oreilles bourdonnantes, il l'entendit ordonner à Kreattur de se remettre debout. Il réalisa avec un temps de retard que sa gorge lui faisait mal comme s'il avait avalé un bocal d'épines de poisson-diable, souvent utilisés en potion. Alors que Sirius était toujours en train de sermonner Kreattur, il se traîna jusqu'au bord de l'eau et y plongea la main. L'eau fraîche lui éclaircit les idées.

Il était en train d'observer son reflet quand la surface du lac se brouilla soudain. Une main blafarde surgit brusquement et lui agrippa le bras. Pétrifié, Regulus n'arriva pas à crier. Sa gorge semblait l'avoir abandonné mais la sensation glaciale et visqueuse contre sa peau n'avait rien d'imaginaire. Avec un haut le cœur, Regulus vit soudain d'autres bras blanchâtre émerger. Le lac n'était plus un miroir immobile, c'était un cimetière. Une tombe aquatique de laquelle les morts surgissaient. Des hommes, des femmes, des enfants dont les yeux voilés ne voyaient plus.

La créature qui le tenait toujours renforça soudain sa prise, ses ongles noirs s'enfonçant dans son poignet et traçant un sillage écarlate qui se mêla à l'encre ébène de la Marque. Puis la créature tira, inexorable. Regulus n'eut pas le temps de crier ou de se débattre. Comme ce matin face aux frères Prewett, le destin s'abattit sur lui. Plusieurs mains le saisirent et le firent basculer.

Alors que les eaux sombres du lac se refermaient sur lui, il n'entendit que le cri de Sirius. Et tout devint noir. 

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