"Et si..." : Partie 1 - Dans les griffes du phénix

Vous vous souvenez peut-être que j'avais évoqué la possibilité décrire un bonus qui changerait le destin de Regulus ? Et bien le voici! 

Le titre changera sûrement, je n'ai rien trouvé de mieux pour l'instant que "Et si..." dans le sens "et si cela s'était passé différemment, qu'est-ce que ça aurait changé à l'histoire ?". Mon "et si" à moi se résume un peu à Marlène, ou plutôt à la relation entre Marlène et Regulus. Bien sûr, Sirius aura un grand rôle dans tout ça, parce que si j'aime écrire quelque chose, c'est bien la relation des frères Black ^^ 

Bonne lecture! 

La brume s'était abattue sur Londres depuis ce matin et avait plongé la capitale dans un épais brouillard. Alors que ses pas résonnaient contre les pavés, Regulus remit sa capuche en place avant de s'engouffrer dans une ruelle adjacente. Pour la troisième fois, il referma sa main autour de sa baguette et du médaillon qu'il gardait dans sa poche. Dans sa poitrine, son cœur battait à coups sourds à un rythme erratique. Il avait à peine dormi cette nuit et son esprit avait ressassé son plan jusqu'à l'épuisement. Même s'il essayait de ne pas y penser, il savait que la mission qu'il s'était donné pourrait être la dernière chose qu'il ferait.

Comme dans un état second, il s'engagea sur le pont qui s'étendait devant lui et traversa la Tamise pour rejoindre l'ouest londonien. Il devait retourner à Square Grimmaurd pour la tombée de la nuit, une fois que ses parents seraient partis à la soirée organisée chez les Malefoy, et prendre Kreattur avec lui pour qu'il l'amène à la grotte dont il lui avait parlé il y a plusieurs mois. Il se souvenait encore de ce jour-là, le jour où son monde avait paru basculer sous ses pieds.

Regulus ne pouvait pas dire qu'il détestait appartenir aux mangemorts. Il avait fini par intégrer les rangs, juste après ses Aspics à la sortie de Poudlard, et il avait l'impression d'avoir appris tellement en seulement un an. Comme si sa magie avait explosé dans ses veines. Il avait appris des sorts dont il n'avait jamais osé rêver, des techniques de duel, des élixirs et des poisons oubliés. Il avait eu raison, Voldemort avait véritablement repoussé les limites de la magie. Et Regulus, qui avait vécu sa vie entière enfermé par des limites, des traditions et des règles, avait trouvé cet homme fascinant. Jusqu'à ce qu'il cesse d'être un homme.

Il lui avait fallu du temps pour ouvrir les yeux. Peut-être trop. Mais maintenant qu'il savait, il ne pouvait plus détourner le regard. Voldemort avait fracturé son âme au-delà de tout ce qu'il avait pu imaginer. Il devait agir et il le pouvait. Ou du moins, il l'espérait.

Regulus n'avait pas immédiatement compris pour les Horcruxes, bien au contraire. Il avait passé des mois à voir les indices danser dans son esprit, il avait vu l'apparence physique de Voldemort changer toujours plus, et même si la trace de la magie noire était évidente, il n'avait pas compris avant les vacances de noël il y a quatre mois. Il était revenu chez ses parents pour le bal annuel des Black où toute la famille se réunissait. Même les traditions familiales passaient avant les mangemorts visiblement. Vers minuit, il avait pourtant réussi à s'éclipser dans la bibliothèque pour échapper au bruit et au rire haut perché de la tante Lucretia. Quand il était enfant, c'était toujours là aussi qu'il venait se réfugier avec Sirius, Bellatrix, Andromeda et Cissy. Désormais, il ne restait plus que lui.

C'était ce soir-là qu'il avait enfin découvert la vérité. Les Horcruxes. Un simple mot écrit au détour d'une page d'un livre rangé sur la plus haute étagère de la bibliothèque de son père. Jamais il n'avait vu ou entendu parler d'une magie si noire. Voldemort n'avait pas simplement repoussé les limites de la magie comme Regulus l'avait cru pendant longtemps, il avait fracturé son âme en deux. Il était allé au-delà de l'humanité. Ce qui l'avait fasciné en cet homme pendant presque trois ans s'était alors transformé en une horreur pure en écoutant les révélations de Kreattur dans cette même bibliothèque le soir du bal.

L'elfe de maison, qui avait longtemps été son seul ami enfant ou après le départ de son frère, s'était mis à sangloter, les oreilles frémissantes, alors qu'il lui racontait ce qu'il avait vécu dans la caverne où le Seigneur des Ténèbres l'avait emmené. Regulus avait dû physiquement le retenir par sa tunique pour qu'il arrête de se cogner la tête contre un volume encyclopédique presque aussi grand que lui.

Depuis ce soir-là, il n'avait pas cessé d'élaborer son plan. La partie la plus difficile, au-delà de la façon de détruire un Horcruxe qui restait encore à déterminer, avait été de se procurer une réplique du médaillon que lui avait décrit Kreattur. Il avait passé des heures à rechercher des illustrations du médaillon de Salazar Serpentard et il avait même écumé les antiquaires de l'Allée des Embrumes pour en trouver des copies. Après un mois de recherche, il avait enfin trouvé la réplique qui se trouvait désormais dans sa poche. Il resserra sa prise autour de la chaîne, comme pour s'assurer qu'elle était toujours là, puis traversa la rue, tête rentrée dans les épaules.

Regulus ne releva pas les yeux en sentant deux silhouettes le frôler de part et d'autre tandis qu'il remontait une ruelle obscure. Il évoluait dans les ténèbres depuis deux ans, il pensait pouvoir se fondre dans les ombres et n'être remarqué par personne dans ce quartier de Londres. Il ne comprit son erreur qu'une seconde trop tard, au moment où l'une des deux personnes le saisit violement par le poignet.

- Alors comme ça les mangemorts font des balades ?

Instinctivement, il voulut sortir sa baguette, une crampe de panique au ventre ; mais une autre main se referma sur son bras et lui tordit dans le dos. Sa baguette lui glissa des doigts et heurta le sol presque sans faire de bruit. Il se mit à se débattre avant de sentir la pointe d'une autre baguette s'enfoncer au creux de son dos.

- Je te conseillerais d'arrêter, lui souffla une voix. Ça ne sert plus à rien. Et ne pense même pas à transplaner ou je te fais sauter les jambes avant que tu aies pu faire un tour. C'est clair ?

Regulus eut envie de rire et de crier à la fois. Jamais, de toute son existence, il n'avait été désarmé avec autant de faciliter et aussi rapidement. Ses agresseurs devaient se dire la même chose car celui qui le tenait toujours fermement s'adressa brusquement à son acolyte.

- Eh Fab ? Tu trouves pas que c'était un peu trop facile ?

- Pourquoi ? Tu voulais te battre jusqu'au coucher du soleil ? Rétorqua celui que Regulus n'avait pas dans son champ de vision. Dis-toi que Maugrey serait fier de nous !

- Tu parles, même si on arrêtait cette foutue guerre il trouverait encore un moyen de nous reprocher quelque chose.

- Ça, c'est de ta faute. Si tu n'avais pas manqué ton tour de garde dans le Sussex à cause des beaux yeux d'Emmeline, il...

- C'est bon, coupa l'autre. J'ai compris. Voyons plutôt ce qu'on a là. Stupéfix !

Sans prévenir, son corps se raidit et Regulus se retrouva incapable de bouger ou de s'échapper. Des mains fermes le saisirent par les épaules, puis le retournèrent. Il se retrouva face à face avec Gideon Prewett. Avec sa barbe rousse de trois jours qui lui mangeait le menton et ses yeux perçants, il était facilement reconnaissable. Leur route s'était déjà croisée à plusieurs reprises lors des affrontements entre l'Ordre et les mangemorts.

- Tiens tiens ! Mais c'est le petit Black, non ? Fabian ! Regarde !

- Arrête de crier, je suis juste là, imbécile, intima-t-il d'un air exaspéré. Le périmètre est dégagé, il est seul.

- Ce n'est pas prudent ça, Black, dit Gideon, un rictus aux lèvres. T'as perdu ton troupeau ?

Si Regulus avait pu bouger la bouche, il l'aurait insulté.

- Qu'est-ce que tu faisais ici tout seul, hum ? Reprit-il d'une voix chantante. Pas de réponse ? Eh Fab ? On en fait quoi du petit Black ?

Fabian regarda au loin, comme s'il réfléchissait à quoi faire de ce mangemort encombrant.

- On le ramène au QG, décida-t-il. Il faut l'interroger, on obtiendra peut-être des infos sur leurs prochaines descentes ou sur leurs nouvelles recrues.

- Mais les autres ne sont pas encore revenus... ?

- Les filles seront là. C'est suffisant.

- D'accord, concéda Fabian qui avait retrouvé son sérieux. Tu transplanes avec lui ?

Son frère acquiesça d'un hochement de tête et, toujours incapable du moindre mouvement, Regulus fut transféré entre les mains de Fabian Prewett. Son nez brusqué, souvenir d'un duel sanglant avec Bellatrix, lui donnait un air plus intimidant que Gideon.

Au fond de lui, Regulus se sentait trop calme et ce sentiment le perturbait. Il aurait dû sentir son cœur battre à en avoir l'impression d'exploser, son ventre aurait dû être serré par l'angoisse, mais une étrange sérénité avait pris possession de lui en même temps que les frères Prewett avait pris possession de son corps et de son libre arbitre. Dans sa poche, la réplique du médaillon le brûlait presque.

Qu'est-ce qu'avait dit Fabian déjà ? « Les filles seront là » ? Sans pouvoir s'en empêcher, Regulus songea immédiatement à Marlène et cette fois son cœur loupa un battement, erratique. Il ne l'avait pas revu depuis la fin de sa scolarité, ou du moins pas à proprement parler. Il y a quelques mois, il s'était retrouvé face à elle, une poignée de secondes lors d'un affrontement dans la banlieue de Manchester. Il s'était figé alors qu'elle était étendue par terre, sa baguette à quelques mètres après avoir reçu un sortilège de Mulciber. Elle n'avait pas pu le reconnaître à cause de son masque et elle l'avait dévisagé, terrifiée et déterminée à la fois ; comme il y a toutes ces années lorsqu'elle s'était mise à lui crier dessus en apprenant sa participation à l'attaque de Pré-au-Lard, les bras écartés telle une victime offerte.

En y repensant, il trouvait ça tellement risible aujourd'hui. Pré-au-Lard avait été une blague, un mauvais coup d'enfants riches et impatients qui n'avaient fait que casser des vitrines et effrayer leurs camarades.

Plongé dans ses pensées qui valsaient de Marlène à Poudlard, Regulus ne comprit qu'il transplanait qu'au moment où la sensation familière d'un crochet au creux de l'estomac le fit vaciller et que ses pieds quittèrent le sol pavé de Londres. Les couleurs se brouillèrent devant ses yeux, les formes se tordirent, puis son corps tourna sur lui-même à toute vitesse.

Il n'avait jamais transplané en étant stupéfixié et il pria pour ne jamais recommencer. Il eut l'impression d'étouffer, comme si ses poumons, à l'image du reste de son corps, étaient compressés et incapables de bouger pour faire circuler l'air dans son sang. La sensation ne dura que quelques secondes, puis ses jambes rencontrèrent à nouveau la terre ferme. Le transplanage d'escorte doublé à la stupéfaxion rendit son atterrissage moins contrôlé qu'à l'ordinaire et ses genoux lâchèrent sous son poids, l'entraînant vers le sol.

Les mains à plat contre l'herbe humide, Regulus ferma les yeux pour tenter de refouler sa nausée. Il se sentait toujours étrangement vide, comme s'il était détaché de lui-même et que tout ça arrivait à quelqu'un d'autre. Malgré tout, au fond de son esprit, il n'oubliait pas la mission qu'il s'était donné. Le poids du médaillon était un rappel constant de la promesse qu'il s'était fait d'être le début de la fin pour le Seigneur du Ténèbres.

- Allez Black, debout, ordonna Fabian. Et avance.

Fabian le tira par le bras d'un geste sec, le remettant sur ses pieds. Immédiatement, Regulus balaya son environnement du regard, cherchant une échappatoire, et constata avec surprise qu'ils étaient au milieu de nulle part.

Le vent soufflait sur des plaines d'herbes hautes et de bruyères à perte de vue et au loin des collines se détachaient sur le ciel gris chargé de nuages orageux. La seule trace humaine était une maison en vieilles pierres et au toit en chaume à seulement quelques mètres. Ses volets en bois sombres claquaient à cause des bourrasques glacées. Si Regulus devait deviner où il était, il aurait été incapable d'être plus précis que « la campagne anglaise ». A moins qu'il soit en Irlande ou en Ecosse. Merlin, il n'en savait rien. C'était sûrement pour cela que ni Fabian ni Gideon n'avait pris la peine de lui bander les yeux. Ou alors, ils n'avaient pas prévu de le laisser repartir vivant d'ici. De toute façon, peu lui importait où il se trouvait, l'important était où il devait aller pour détruire ce maudit Horcruxe.

Toujours incapable de se mouvoir complètement, même s'il sentait ses sensations revenir doucement au bout de ses doigts et dans les jambes ; Fabian et Gideon le traînèrent presque entre eux jusqu'à la chaumière. Le premier avait sa baguette à la main qu'il leva devant lui. L'air ondula, comme si un voile entourait la maison, et Regulus retint un juron. Des sorts de protection, évidemment. Ils n'étaient pas assez stupides pour laisser leur QG sans protection, mais ça lui rendrait la tâche plus difficile au moment de s'échapper.

La porte s'ouvrit avant qu'ils n'arrivent à sa hauteur. Une jeune femme rousse s'encadra dans l'ouverture, sa baguette dégainée. Regulus reconnut sans peine Lily Evans qui marqua un temps de surprise en le voyant. Elle se reprit en une seconde et s'adressa aux frères Prewett d'une voix claire portée par le vent :

- La première chose que vous m'ayez dite quand je vous ai annoncé mes fiançailles avec James ?

- Que tu pouvais trouver mieux qu'un hérisson mal coiffé et binoclard ! Répondit Gideon sans hésiter. Et je le pense toujours !

Evans roula des yeux mais abaissa sa baguette.

- C'est bon, marmonna-t-elle. Entrez.

Elle s'effaça pour les laisser passer et Regulus pénétra dans la maison, toujours escorté par les deux hommes, tandis qu'Evans refermait le battant dans leur dos.

L'intérieur de la maison était peu meublé. Ils passèrent dans un couloir au sol pavé de tomettes qui déboucha sur une cuisine faiblement éclairée par un feu de cheminée qui crépitait dans l'âtre noirci. Une table en bois branlante était placée au milieu et Gideon le força à s'assoir sur l'une des chaises avant de jeter un sortilège informulé. Aussitôt, des liens s'enroulèrent autour de ses chevilles et de ses poignets, l'immobilisant.

Face à lui, Evans le dévisagea cette fois ouvertement avant de se tourner vers Fabian, adossé au mur.

- Qu'est-ce qu'il fait ici ? Demanda-t-elle enfin.

- Du tourisme, lança Gideon en passant près d'elle pour se laisser tomber sur une chaise. Il voulait visiter l'Ordre, voir nos paysages et la chambre d'Emmeline qui est quand même classé par le Ministère !

- Gideon...

- A ton avis, Evans ? On était du côté de Trafalgar Square quand on l'a pris en filature. L'occasion était trop belle, surtout qu'on a besoin d'informations ces derniers temps. J'ai l'impression qu'ils ont toujours un coup d'avance sur nous depuis plusieurs semaines, peut-être qu'on va enfin réussir à inverser la tendance.

- Et vous comptez faire quoi ? L'interroger ici ?

- On peut difficilement le ramener au Ministère, commenta Fabian avec flegme. Je vais prévenir Maugrey et attendre ses ordres. Il te reste du véritaserum dans tes réserves, Evans ?

Regulus déglutit. Il s'était entraîné, au début, à résister au véritaserum ; mais le résultat était toujours aléatoire en fonction de la force de l'élixir. Et s'il se rappelait bien, Lily Evans était une très bonne potionniste.

Derrière lui, une théière siffla et tout le monde se tendit, à l'affut. Evans le contourna pour l'enlever du feu.

- Une ou deux fioles, pas plus, répondit-elle finalement. Et arrête de m'appeler Evans.

- Ah oui... Potter, corrigea Gideon d'un air goguenard. Où est-ce qu'il est d'ailleurs, ton chevalier servant ?

Evans coula un regard dans sa direction, probablement hésitante à révéler des informations devant un mangemort.

- En mission, éluda-t-elle. Il est parti ce matin.

Elle avait l'air nerveuse et Regulus comprit ce que son silence ne disait pas. Les missions de l'Ordre étaient variées, d'après ce qu'il avait pu observer au fil des mois, mais la majorité consistait à pourchasser les mangemorts ou à infiltrer différents réseaux proches de Voldemort. En début d'année, Remus Lupin avait failli se faire tuer après plusieurs semaines sous couverture dans un groupe de loup-garou qui vivait reclus dans les montagnes du mont Snowdon au Pays de Galles.

Une rare expression de compassion traversa le visage de Gideon.

- Te fais pas de bile, Evans, dit-il. Il reviendra comme d'habitude pour t'embêter et te faire des déclarations d'amour idiotes. Il en a vu d'autres et il n'est pas seul si ma mémoire est bonne.

La jeune femme esquissa un mince sourire reconnaissant alors que soudain des bruits de pas se firent entendre, comme si quelqu'un descendait un escalier en vitesse, et une voix s'éleva :

- J'ai entendu « embêter » et « idiot » ? On parle de James ?

Dans un geste contrôlé, Alexia Cassidy entra dans la cuisine, les mains accrochées au chambranle. Son air amusé s'estompa pourtant comme si elle venait de voir un détraqueur dès qu'elle aperçut Regulus et elle se figea.

Ils se dévisagèrent mutuellement, exactement comme Lily Evans l'avait fait il y a plusieurs minutes. Regulus la trouva différente de l'adolescente qu'il gardait en souvenir, mais cette impression venait sûrement du fait qu'il n'avait jamais pu effacer de sa mémoire le jour où il l'avait vu pâle et inanimée sur un lit d'infirmerie. Ses cheveux châtains lui arrivaient désormais au-dessus des épaules, ce qui lui donnait l'air plus mature. S'il ne se trompait pas, elle avait aussi pris du poids et paraissait en meilleure santé.

- Regulus... ? Laissa-t-elle échapper sous le coup de la surprise.

- C'est ça ! S'exclama Gideon en claquant des doigts. Regulus ! Impossible de m'en rappeler.

Fabian haussa un sourcil.

- C'était pour ça tout ton cinéma avec « petit Black » ?

- J'avoue, j'ai manqué d'imagination sur le coup, concéda Gideon. Mais Regulus ouvre de nouvelles voies ! Pas vrai, Petit Roi ? Ajouta-t-il en s'adressant à lui.

Regulus se contenta d'une œillade assassine. Il haïssait ce surnom. Gideon pensait sans doute être original, mais son grand-père Arcturus l'appelait souvent comme ça depuis des années, lorsqu'il avait réalisé que Sirius était une déception pour la famille. Sans doute une façon de lui montrer que Regulus avait pris sa place en tant qu'héritier.

- Petit Roi, répéta Fabian, consterné. T'as rien de mieux qu'une pauvre traduction ?

Intérieurement, Regulus se disait la même chose ; mais Gideon n'eut pas le temps de répondre car Cassidy s'avança un peu plus dans la pièce.

- Comment... comment il est arrivé ici ?

- Par magie !

- Gide, soupira Fabian. Tais-toi un peu et bois du thé, ça t'empêchera de parler.

Gideon leva les mains, résigné, tandis que Fabian reportait son attention vers Cassidy.

- On a transplané depuis Londres avec lui. Ça faisait un moment qu'on le suivait à la trace. Il était seul et semblait agité. Quand on s'est retrouvé à l'écart des moldus, on a tenté notre chance. Il ne s'est pas vraiment défendu.

Regulus aurait aimé objecter qu'il n'en avait surtout pas eu l'occasion. L'embuscade des frères Prewett avait été rapide et inattendue, et son esprit avait été trop embrumé par sa mission. Il aurait déjà dû être à Square Grimmaurd à l'heure qu'il était.

- Vous avez prévenu Maugrey ?

- Non, mais je vais le faire, dit Fabian. Fouillez-le en attendant. Et Lily, on va avoir besoin de tes fioles de veritaserum.

Dès qu'il quitta la pièce, probablement pour envoyer un patronus, Evans l'imita. Ses cheveux roux volèrent dans son dos et Regulus la regarda partir avec appréhension. Être seule avec Gideon et Cassidy ne l'enchantait pas plus que ça, mais il tenta de relativiser. Moins de personne dans le pièce signifiait moins de personne pour l'intercepter quand il s'échapperait.

Il sentait le sortilège de stupéfaxion faiblir de seconde et seconde, mais il se garda bien de bouger un muscle. Autour de ses chevilles et de ses poignets, une douce chaleur irradiait des liens qui le retenaient à la chaise, l'empêchant de toute façon de faire le moindre geste.

Pendant de longues secondes, ils se contentèrent tous de rester à leur place sans rien faire. Ce fut évidemment Gideon qui brisa le silence.

- Bon, tu le fouilles ?

- Moi ? Non ! Refusa Cassidy.

- Pourquoi ? Je l'ai déjà capturé, j'ai le droit de me reposer non ?

- Arrête... ça serait bizarre, tu le sais.

Un rictus amusé vint ourler les lèvres de Gideon.

- Bizarre ? Parce que tu tapes son frère ? Nargua-t-il.

Le teint pâle de Cassidy s'enflamma et Regulus sentit ses propres joues rougirent, embarrassé. Il avait tout fait pour ne pas penser à Sirius jusqu'ici, mais sa soudaine apparition dans la conversation le déstabilisa. Leur expression devait en tout cas être amusante puisque Gideon éclata de rire. Il secoua la tête et se leva.

- C'est bon, j'ai compris, dit-il l'air fier de lui. Je vais le faire. Alors, Petit Roi, qu'est-ce que tu trimballes sur toi ?

Gideon s'agenouilla face à lui et Regulus tenta de reculer instinctivement. Les liens magiques autour de ses poignets se resserrèrent, lui brûlant la peau au passage. Il laissa échapper un sifflement de douleur.

- Ne bouge pas, conseilla Cassidy. Tu vas te faire mal...

- Merci pour ta perspicacité, Alex, railla Gideon. Il avait sûrement besoin de toi pour le savoir. Depuis quand tu t'inquiètes pour un mangemort ?

- Ça s'appelle de la compassion, tu devrais essayer de temps en temps.

- Je n'ai pas de compassion pour les mangemorts, objecta-t-il par-dessus son épaule. Nuance.

Cassidy le fixa longuement, le visage impassible.

- Alors tu n'es pas mieux qu'eux, asséna-t-elle finalement. Mais c'est pas grave, je sais que t'aimes jouer au gros dur pour te donner un genre.

Gideon roula des yeux, même si un sourire amusé se devinait à la commissure de ses lèvres. Il ne tenta même pas de protester et reporta son attention vers Regulus qui se tendit à nouveau. Du coin de l'œil, il pouvait voir sa baguette négligemment posée sur la table et il retint l'impulsion de tendre la main pour s'en saisir. Gideon lui vida les poches en quelques secondes, étalant devant lui la réplique du médaillon et l'invitation au bal des Malefoy auquel il aurait dû se rendre ce soir.

- Qu'est-ce que c'est ? Demanda Cassidy. Un collier ?

- Aucune idée... Un avis, Evans ?

Lily Evans venait de revenir dans la cuisine, une fiole dans chaque main, et elle se pencha pour mieux observer. Les pierres vertes au centre scintillèrent en accrochant un rayon de soleil.

- On dirait un vieux médaillon, peut-être forgé par des gobelins, supposa-t-elle. Il y a un serpent gravé sur le loquet... Une référence à Serpentard ?

- Pas nécessairement, les sangs-purs ont souvent des serpents sur leurs objets de famille ou sur des bijoux. Le serpent n'est pas officiellement l'emblème des Black, mais ils l'utilisent parfois, expliqua Alexia. Enfin, c'est ce que Sirius m'a dit...

- Et pourquoi le Petit Roi aurait besoin d'un joli collier, hum ? Interrogea Gideon en balançant le médaillon au bout de sa chaîne en or. Un cadeau pour ta maman ?

- Comme s'il allait te répondre, lança Fabian en se glissant par la porte d'entrée. C'est tout ce qu'il avait sur lui ? Vous avez fouillé la poche intérieure de sa cape ?

- J'allais le faire... Maugrey arrive ?

- Dès que sa réunion avec le Ministre est terminée.

Approbateur, Gideon hocha la tête et tendit la main vers la doublure de sa cape pour continuer la fouille, et Regulus fut pris d'un mouvement de panique. Cette fois, il recula si brutalement que ses liens grésillèrent contre sa peau. Il serait tombé à la renverse avec sa chaise si Gideon ne l'avait pas retenu à la dernière seconde.

- Oh la Petit Roi, doucement. Quelque chose à cacher ?

A cacher ? Regulus ne savait pas lui-même. Il se maudit d'avoir gardé cette foutue lettre sur lui. Il n'aurait jamais dû. C'était une marque de faiblesse, une angoisse qu'il n'avait pas réussi à réprimer. Laisser un mot dans le médaillon à l'intention du Seigneur des Ténèbres était une chose – et il se demandait quand est-ce que les membres de l'Ordre allaient avoir l'idée d'ouvrir le médaillon pour le découvrir – mais une lettre aussi personnelle en était une autre.

Gideon tenta à nouveau de l'approcher et Regulus serra les poings.

- Non ! Gronda-t-il d'une voix rauque.

- Regardez tous ! Le Petit Roi parle ! S'exclama Gideon, grandiloquent. Le peuple est impressionné.

- Va te faire voir, Prewett. Laisse-moi partir, c'est ta seule chance de mettre fin à cette guerre. Vous ne pourrez pas gagner contre lui.

- Bien tenté... mais non. Vous n'avez épargné personne parce qu'on vous l'avait demandé, n'espère pas un traitement différent. Comme je l'ai dit, je n'ai aucune compassion pour les mangemorts. Tu ne mettras pas plus fin à cette guerre que nous aujourd'hui, Black, donc tiens-toi tranquille.

D'un geste vif, Gideon plongea la main dans la poche intérieure de sa cape et saisit la lettre froissée que Regulus avait glissé sur un coup de tête, persuadé de mourir dans quelques heures. Il lutta contre ses liens, la mâchoire contractée, et regarda impuissant les autres se rassembler pour mieux lire le nom inscrit sur l'enveloppe.

- « Marlène McKinnon », lut Evans. Oh...

- Marlène ? Notre McKinnon ? S'étonna Fabian, surpris. Qu'est-ce qu'elle vient faire là-dedans ?

Cassidy et Evans échangèrent un regard entendu. Regulus ne fut pas étonné que Marlène n'ait pas parlé de leur amitié – ou bien leur relation, il ne savait même pas comment appeler ce qu'il avait eu avec elle – aux autres membres de l'Ordre. Ce n'était pas quelque chose dont on pouvait se vanter en entrant dans un groupe de résistance.

- Tu vas pouvoir lui demander toi-même, dit soudain Gideon. Elle arrive.

Ils tournèrent tous leur tête en même temps. A travers la fenêtre, Regulus vit Marlène qui traversait la pelouse en direction de la maison et il eut l'impression d'avoir avalé un bol entier de couleuvres. Parce que Marlène n'était pas seule. Elle était encadrée de James Potter et de Sirius.

Avant même qu'il réussisse à intégrer ce qu'il venait de voir, la porte s'ouvrit puis claqua avec fracas. La voix de Potter résonna depuis l'entrée.

- Je déteste faire des missions de surveillance ! On est resté trois heures dehors à regarder les feuilles tomber ! Lily, j'ai besoin d'une aide psychologique !

- Quand je te dis que tu peux faire mieux... marmonna Gideon.

Evans n'eut pas le temps de le rembarrer sèchement que les trois autres entrèrent. Et comme tout le monde, ils se figèrent en découvrant Regulus ligoté sur sa chaise.

En tête du groupe, Sirius fut le premier à le voir. Tout son corps se raidit et son attitude légère parut s'envoler, comme si un poids venait de lui tomber brutalement sur les épaules. Regulus ressentait la même chose. Après deux ans sans voir son frère, sans avoir à vivre constamment dans son ombre aux yeux de tous, il avait oublié ce sentiment d'être jugé dès que leur regard s'accrochait. Pourtant, de façon ambivalente, un certain soulagement se diffusa dans ses veines en voyant son frère. « Je te protégerai toujours, promis ». C'est ce qu'il lui avait dit ce fameux soir d'orage 1966. Le petit garçon en lui n'arrivait pas à se défaire de cette promesse.

Potter, lui, se contenta d'un haussement de sourcil étonné avant de se tourner vers Sirius, l'inquiétude inscrite sur ses traits. Regulus eut envie de lui crier que ce n'était pas pour son meilleur ami qu'il devait s'inquiéter, que ce n'était pas Sirius qui était capturé dans le camp ennemi ou qui avait la responsabilité du plus grand secret du Seigneur des Ténèbres. Que tout ne concernait pas toujours Sirius. Mais il garda le silence.

Et au bout de secondes interminables, il se résolut enfin à tourner la tête vers Marlène et son souffle se bloqua. Elle se tenait à seulement quelques pas de lui, confuse. Il ne pouvait pas lui reprocher. Lui-même ne comprenait pas comment tout avait pu basculer à ce point depuis plusieurs heures et il était le principal concerné. Il aurait aimé tendre la main vers elle, lui dire tout ce qu'il avait passé la nuit à écrire, persuadé qu'il ne la reverrait plus jamais. Marlène avait changé elle aussi. Ses cheveux blonds paraissaient plus sombres et lui arrivaient désormais à la poitrine. Elle avait perdu les rondeurs qu'elle affichait à Poudlard, surtout au niveau des hanches et du visage, ce qui lui donnait l'air plus dur.

- Gideon et Fabian l'ont capturé il y a une heure, expliqua Lily en constatant que personne ne prenait la parole. On a prévenu Maugrey, il doit arriver après sa réunion au Ministère. Il n'a pratiquement rien dit et avait ça sur lui.

Elle désigna le médaillon d'un mouvement de menton. Lentement, Potter s'en approcha et l'observa.

- Une amulette qui contient un mauvais sort ? Tenta-t-il.

- Pas à notre connaissance, dit Cassidy en secouant la tête. En tout cas, le collier ne nous a rien fait quand on l'a examiné, mais on n'a pas non plus eu le temps de l'étudier plus que ça...

- Et on a aussi trouvé ça dans sa cape, ajouta Gideon en levant l'enveloppe comme s'il présentait une pièce à conviction. Elle t'est adressée, McKinnon.

Marlène tressaillit, sans détacher son regard de Regulus. Son pouls s'accéléra.

- Moi ? S'étonna-t-elle.

- En personne. On ne savait pas que tu connaissais le Petit Roi.

Cette fois, Marlène reporta son attention sur Gideon, perplexe ; et même Potter et Sirius eurent un haussement de sourcil.

- Comment tu l'as appelé ? Dit ce dernier.

- Petit Roi, c'est une traduction de...

- Je sais ce que ça veut dire, coupa Sirius, agacé. Ne l'appelle plus comme ça.

De toute évidence, son frère n'avait pas oublié plus que lui le surnom dont leur grand-père l'avait affublé. Ils avaient eu de nombreux différents au cours des années, mais Regulus partageait au moins une chose avec Sirius : leur aversion pour Arcturus. Le patriarche de la famille n'avait jamais montré la moindre once de compassion envers eux, enfants, et même Walburga répugnait à le laisser seul avec ses fils. Sa canne en argent ne lui servait pas qu'à marcher. Avant sa mort, Regulus se souvenait des marques et des bleus sur les bras de sa grand-mère Melania qui était décédée avant qu'il entre à Poudlard.

Gideon eut un rictus presque effronté et carra les épaules.

- Un problème, Black ? Je ne peux pas me moquer d'un mangemort maintenant ? Ou... de ce mangemort en particulier ?

- Tu insinue vraiment quelque chose, là ? Demanda Sirius d'une voix sourde.

- Je dis juste que...

- Je peux voir la lettre ? Claqua Marlène sèchement, la main tendue. T'as dit qu'elle était pour moi, non ?

Pendant une seconde, Regulus crut que Gideon n'allait pas lâcher Sirius aussi facilement, mais Potter fit un pas en avant pour se mettre épaule contre épaule avec lui et il renonça en soupirant. D'un geste ample, il déposa l'enveloppe dans la paume de Marlène.

- Ça ne répond pas à ma question, dit-il néanmoins. Comment tu le connais ? Ou plutôt à quel point pour qu'il prenne la peine de t'écrire ?

Marlène garda le silence et se contenta d'ouvrir la lettre, les mains tremblantes. Pour la première fois aujourd'hui, Regulus fut heureux que les siennes soient attachées car ça lui évitait la même chose. Mais si ses mains ne tremblaient pas, son cœur paraissait prêt à sortir de sa poitrine comme un oiseau qui tentait de se libérer de sa cage. Son rythme erratique lui faisait tourner la tête et il serra les dents, un cri dans la gorge, incapable d'utiliser sa voix.

Les yeux de Marlène bougeaient au rythme de sa lecture tandis qu'elle parcourait les lignes que Regulus avait mémorisé et récitait dans sa tête en même temps.

McKinnon,

Tu ne liras jamais cette lettre. Et si c'est le cas, c'est que je ne suis plus de ce monde.

Je ne sais pas pourquoi je t'écris. Il ne me reste que quelques heures avant de partir, et je n'arrive pas à dormir. J'ai pensé à laisser un mot à mes parents mais ils ne comprendraient pas et je ne veux pas les mettre en danger. Et puis j'ai pensé à toi.

Marlène McKinnon. Un nom du passé, une fille qui pensait pouvoir changer le monde parce qu'elle le croyait. Tu ne dois plus vouloir entendre parler de moi et je le comprends. Mais avant de mourir, c'est ton souvenir qui m'est revenu. La fille discrète de Poudlard, toujours prête à aider les autres sans condition, à sauver ce qui ne pouvait pas l'être. Les gens ne te voyaient pas, ils n'avaient d'yeux que pour les héros de l'école, les Maraudeurs ; pour le couple parfait, James Potter et Lily Evans ; pour le garçon à l'aura mystérieuse, Remus Lupin. Mais au milieu de tout ça, il y avait toi.

Tu te souviens de Poudlard ? De notre repère avec le vieux canapé, le tableau avec nos dessins à la craie ? Parfois, j'aimerais y retourner pour échapper à mon quotidien et à ce qui m'attend. Je ne savais pas dans quoi je m'engageais en les rejoignant... Ce n'est pas ce dont mes parents ou Bellatrix avaient pu parler. Tu devrais le voir, le Seigneur des Ténèbres... Il est plus puissant que vous ne le croyez, toi et tes amis de l'Ordre. Vous êtes fous si vous pensez pouvoir l'arrêter.

Je dois être fou aussi j'imagine car je vais faire quelque chose à l'aube et je ne pense pas revenir en vie. Je ne sais pas... Je l'espère... En tout cas, je préfère écrire cette lettre maintenant, juste au cas où, parce que la vérité...la vérité, McKinnon, c'est que j'ai peur. Est-ce que vous aussi, de votre côté, vous avez peur ? Est-ce que les héros ont peur ? En tout cas, je n'en suis pas un.

Ce soir, ce que je vais faire ne sera pas courageux ni héroïque, je le fais juste parce qu'il faut que quelqu'un commence. Si ce que je pense avoir découvert est vrai, alors la tâche est immense et personne, ni moi ni l'Ordre, ne pourra rien faire. Tu ne comprends pas ? Il est trop puissant. Mais il faut que quelqu'un commence. Et peut-être qu'un jour quelqu'un de courageux, plus courageux que moi, quelqu'un comme Sirius ou comme toi, pourra le vaincre.

J'ai hésité à lui laisser une lettre aussi. Mais ce n'est pas pareil. Parce qu'il m'a abandonné il y a longtemps, contrairement à toi. Il criait toujours haut et fort qu'un jour il partirait, il me jetait au visage qu'il quitterait notre famille, mais j'avais cru que ce n'était que des mots. Après tout, il n'avait nulle part où aller et pas d'argent pour vivre. C'était sans compter Saint James Potter, n'est-ce pas ? Je me suis longtemps demandé ce qui se serait passé s'il n'avait pas rencontré Potter dans ce train. Est-ce qu'il serait resté mon frère, est-ce qu'il ne m'aurait pas abandonné ? Toi, tu n'as jamais laissé tomber, tu as toujours cru en moi, même quand il n'y avait plus rien à espérer et que j'avais fait mon choix de les rejoindre. Dis-lui, dis à Sirius, qu'à la fin j'ai essayé de faire ce qu'il aurait fait. Ou non... Non, ne le lui dis pas. Qu'est-ce que ça changerait ?

Je t'ai vu, il y a quelques semaines. Est-ce que tu avais deviné que c'était moi ? Je suppose que oui. Quel autre mangemort t'aurais épargné ? Je m'étais juré que si je t'avais en face de moi, je n'hésiterais pas. Ce sont les ordres. Peu importe la personne, la cause du Seigneur des Ténèbres passe avant tout et on doit être prêt à tout, à tuer l'ennemi. Je n'ai pas pu. Par Merlin, il fallait que tu le fasses n'est-ce pas ? T'engager dans l'Ordre !

Sauve-toi... Arrête ça tant que tu le peux. Moi, je ne peux pas partir. On ne quitte pas le Seigneur des Ténèbres. Mais toi ? Tu pourrais vivre heureuse. Tu vas dire que je ne te connais pas si je te dis ça, que tu te battras jusqu'au bout parce que c'est ce qui est juste. Réfléchis bien. Vous n'êtes tous que des gamins qu'ils envoient à la mort. Bientôt, si ce n'est pas déjà le cas, il sera invincible. Crois-moi, je suis au cœur de leur rang.

En vérité, je suis terrifié. Et si je n'arrivais même pas à faire ce que je dois accomplir ? Et si tout ça ne servait à rien ? Je devine ce que tu penses... Mais non, je ne peux pas te dire ce que je vais faire ni ce que j'ai découvert. C'est trop dangereux. Si je te le dis, qui me dit que tu ne te lanceras pas toi-même dans la tâche ? Je ne le permettrais pas.

Tu étais incroyable. Toi et ton maudit chat. Il va me manquer aussi... je pense. C'est un peu grâce à lui qu'on s'est rencontré, non ? S'il n'était pas venu saccager ma salle commune et que tu n'étais pas venue le chercher, je n'aurais jamais été ton ami. Ah je t'imagine déjà pleurer en lisant ce mot. C'est bien ce qu'on était, n'est-ce pas ? Des amis.

Ne pleure pas. Pas pour moi.

Je ne regrette rien, saches-le. Ni nos rires ni nos disputes. Je ne sais pas si j'aurais pu faire ce que je vais faire cette nuit sans toi, si tu ne m'avais pas ouvert les yeux. Je ne prenais pas assez Livia au sérieux pour ça en tout cas. Elle a quitté l'Angleterre, tu le savais ? Son père voulait la marier à un mangemort et lui faire rejoindre nos rangs. Elle a refusé, bien sûr. Encore une personne qui a eu plus de courage que moi.

Et tu te souviens un jour quand tu m'as demandé si je croyais en quelque chose ? Je me suis trompé. Peut-être que je ne crois pas en dieu ni au mariage ni au destin mais si je crois en une chose, je crois en toi, Marlène McKinnon.

Tu m'as fait voir le monde différemment, Marlène. Et je t'aimais du mieux que je pouvais.

Adieu. Ne pleure pas.

RAB

PS : Brûles cette lettre

Après de longues secondes de silence durant lesquelles tout le monde dévisageait Marlène, tendu par la curiosité, elle releva enfin la tête. Regulus sentit un goût de cendre se répandre dans sa bouche en voyant ses yeux emplis de larmes.

- Marlène, souffla Evans en s'avançant d'un pas vers elle.

D'un mouvement sec de la main, Marlène l'arrêta. Sa poitrine se soulevait à un rythme saccadé et Regulus avait l'impression de recevoir sa colère et sa détresse par vague.

- Tu es un idiot, dit-elle d'une voix tranchante. Tu comptais vraiment faire ça ? Et me laisser une simple lettre ?

- McKinnon...

- Faire quoi ? Intervint Fabian. Qu'est-ce qu'il a écrit ? Donne-la moi.

Paniqué, Regulus implora Marlène du regard. Il refusait que quelqu'un d'autre lise cette lettre. Pas temps qu'il était encore en vie. Elle parut comprendre et hésiter. Après tout, elle n'avait aucune raison de lui être loyale, elle appartenait à l'Ordre et il était l'ennemi. Pourtant, un éclat déterminé s'alluma dans ses yeux bleus et elle releva le menton en reculant lentement.

Regulus réalisa qu'elle se trouvait dos à la cheminée. « Brûles cette lettre »

- Marlène ne fait pas ça, gronda Fabian, un éclair de compréhension déchirant ses traits. On a besoin d'informations, tu ne sais pas ce qui pourrait nous être utile là-dedans !

- Il n'y a rien qui ne soit pas pour moi, affirma-t-elle. On pourra l'interroger ou étudier le médaillon.

Et avant que quiconque puisse protester, elle lâcha la lettre. La feuille sembla se suspendre dans l'air, puis tourbillonna avant d'être avalé par les flammes. Le papier se recroquevilla sur lui-même tandis que les bords noircissaient jusqu'à devenir des cendres dispersées par les volutes de fumée.

- Non ! S'écria Gideon en se précipitant en avant. McKinnon !

Il voulut plonger la main dans le feu, mais elle lui saisit le poignet à la dernière seconde.

- Ne fais pas l'idiot, tu vas te brûler !

- Que moi je ne fasse pas l'idiot ? Persiffla-t-il, furieux. T'as perdu la tête, par Merlin ? Cette lettre aurait pu contenir des informations sur les mangemorts, leurs planques, leurs réseaux ! Il ne voulait pas qu'on la lise et tu lui as accordé la seule chose qu'il voulait !

- Je te le redis, asséna-t-elle, il n'avait rien écrit qui aurait pu nous aider. C'était personnel.

- Personnel ? Rugit Fabian à son tour. Je m'en tape que ça soit personnel ! Je me tape de vos histoires de lycéens à la con ! Ça fait des semaines que les mangemorts jouent avec nous comme des hippogriffes avec des furets, ils arrivent à avoir des informations classées secrètes, et quand on arrive enfin à avoir un coup d'avance, tu le détruis sans même nous consulter ? Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ?!

Le cri de Prewett se répercuta contre les murs et tout le monde tressaillit. La gorge nouée, Regulus se sentit soudain mal d'avoir ainsi compromis Marlène. Elle n'avait rien à voir dans tout ça, il n'aurait même dû être ici. Il avait tout fait pour qu'elle reste à l'écart. Encore une grande réussite dans sa vie, songea-t-il avec cynisme.

- Vous savez quoi ? Débrouillez-vous avec lui ! Reprit Fabian en le pointant du bout de sa baguette. J'attends que Maugrey arrive et je ne bougerai pas un cil quand il vous beuglera dessus !

- Merlin... maugréa Gideon, l'air défait.

Sur ces paroles, les deux frères quittèrent la pièce d'un pas lourd et la porte de la cuisine claqua dans leur dos avec une telle force que les vitres vibrèrent.

Sirius ferma brièvement les yeux, les lèvres pincées, puis soupira.

- J'ai besoin d'air, admit-il. Je vais faire un tour.

- Attends, l'arrêta Evans précipitamment. Est-ce que tu peux mieux regarder le médaillon ? Pour voir si tu sais quelque chose... c'est peut-être un objet de famille ou un bijou qui appartenait à des sang-purs.

- On va regarder ça, dit James en s'emparant du collier sur la table. On revient. Vous venez avec nous ?

Cassidy et Evans hésitèrent, mais un coup d'œil en direction de Marlène parut les décider. Elles hochèrent la tête et tout le groupe sortit par la porte de devant.

Pour la première fois depuis qu'il était arrivé, Regulus réalisa qu'il était en surveillance réduite. Si les liens ne l'avaient pas retenu, il aurait pu bouger maintenant que les effets du stupéfix s'étaient entièrement dissipés. Mais il n'eut pas le temps de penser davantage à un plan d'évasion car Marlène attrapa une chaise et la fit glisser devant lui pour lui faire face.

Un nœud se forma dans sa gorge et lui coupa le souffle. C'était étrange d'être confronté une personne qu'on pensait ne plus jamais revoir. Il ne se faisait pas d'illusion, il s'agissait bien d'une confrontation. Marlène avait cette lueur dans le regard. Elle voulait se battre, avoir des réponses, et elle n'abandonnerait pas. Il se demanda si elle le trouvait autant changé que lui la trouvait différente.

- Tu comptais vraiment le faire ? Souffla-t-elle. Mourir sans rien dire à personne ?

- Quel intérêt ? Je n'avais personne...

- Arrête de jouer au martyr. Je viens te prouver que tu pouvais me faire confiance et je vais sûrement avoir de gros problèmes d'ici ce soir. Alors aie au moins la décence d'être honnête avec moi, Reg.

Regulus frissonna. Personne ne l'avait plus appelé comme ça depuis longtemps. Trop longtemps.

- Qu'est-ce tu veux que je te dise ? Tu as lu ma lettre... J'ai tout écrit...

- Je t'en prie, ne te moque pas de moi, s'énerva-t-elle. Imagine si j'avais vraiment reçu ta lettre en apprenant ta mort... j'aurais eu tellement de questions. Qu'est-ce que tu essayais d'accomplir ? Pourquoi tu n'es pas venu me voir plus tôt ? Est-ce que tu avais réellement tourné le dos à Tu-Sais-Qui ? Pourquoi tu pensais que ce que tu avais découvert était trop dangereux ?

Les coudes sur les genoux, elle se pencha en avant et planta ses yeux dans les siens. Elle avait l'air prête à pleurer et à le tabasser en même temps.

- Aujourd'hui, j'ai l'occasion de te poser ces questions. Et je veux des réponses, Reg. Je peux t'aider.

- Non, tu ne peux pas... protesta-t-il. Dès que Maugrey ou Dumbledore arriveront, je serai jeté à Azkaban si les mangemorts ne me retrouvent pas et ne me tue pas avant.

- Pas si tu parles ! Tu peux passer un accord...

Regulus secoua la tête et un rire amer lui échappa. Peut-être qu'elle n'avait pas autant changé qu'il l'avait cru. Toujours à vouloir sauver ce qui ne pouvait pas l'être. Et alors que Marlène l'observait, suppliante ; un sentiment d'urgence et une idée folle germèrent dans son esprit.

- Tu veux vraiment m'aider ? Murmura-t-il. Aide-moi à partir d'ici.

Immédiatement, Marlène recula froidement et croisa les bras sur sa poitrine.

- Ne me prends pas pour une idiote non plus, s'agaça-t-elle. Hors de question.

- McKinnon... Marlène... dit-il en inspirant un grand coup. Crois-moi. Il faut que je parte, je dois accomplir la mission dont je parlais dans la lettre. C'est le seul moyen de lutter contre Lui. Tu dois me laisser partir.

- Non. Et ne le demande pas encore une fois. Je ne trahirai par l'Ordre. Je ne te laisserai pas partir en mission suicide, je ne te laisserai pas mourir.

- Pourquoi ? Pourquoi est-ce que ça t'importe ? Ma vie contre une chance d'arrêter le Seigneur des Ténèbres est un faible prix à payer...

- Pas pour moi. Ta vie a autant de valeur que celle des autres et si tu as trouvé quelque chose qui pourrait nous aider à le vaincre, si tu veux vraiment changer de camp, alors on peut...

- Arrête ! S'écria-t-il brusquement, la faisant sursauter. Arrête, par Merlin ! Tu ne comprends pas Marlène ? Ça va au-delà de moi, ça a toujours été au-delà de moi ! Cette guerre, Voldemort, tout ! Arrête d'essayer de me sauver, je n'en vaux pas la peine, ce que j'ai à faire est plus important. (Il marqua une pause, la respiration saccadée). Gemma Ackerley, elle, méritait d'être sauvée... et je l'ai tué. Les dizaines de sorciers assassinés par nos rangs méritaient d'être sauvés ! Et aujourd'hui je peux enfin essayer... essayer de sauver ceux qui restent. Mais pour ça, tu dois me laisser partir... Laisse-moi une chance de faire taire les voix, Marlène, je t'en prie...

Haletant, Regulus ferma les yeux. Dans son emportement, il s'était à nouveau brûlé contre ses liens et la douleur l'ancrait presque au moment présent, même si les voix n'étaient jamais bien loin. La voix des fantômes qui hantaient son esprit ne gardaient jamais le silence. Elles faisaient partie de lui, et celle de Gemma paraissait toujours dominer les autres.

Depuis deux ans, il ne cessait de suivre le mouvement et les attentes de ses proches. La fierté de ses parents réussissait à faire taire sa conscience, les ordres de Bellatrix parvenaient à atténuer ses doutes... Mais les voix reprenaient inévitablement le dessus. Il ne savait pas exactement quand est-ce qu'elles étaient apparues ni quand est-ce qu'il avait commencé à remettre en question le système dans lequel il évoluait depuis sa naissance. Peut-être qu'elles avaient toujours été là et peut-être qu'il n'avait jamais véritablement cru en la cause qui semblait pourtant animer Bellatrix au cœur de son âme.

Intérieurement, il savait qu'il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même pour ne pas avoir compris plus tôt jusqu'où le Seigneur des Ténèbres était capable d'aller. Il avait repoussé les limites de la magie noire tellement loin que Regulus n'avait plus rien trouvé de fascinant en cet homme et ses croyances.

- Reg, respire, murmura Marlène en prenant sa main. Respire. Ça va aller...

Le contact de sa peau contre la sienne était étrange. Personne n'avait cherché à le réconforter physiquement depuis longtemps et il fut presque étonné qu'elle ose le toucher. La marque des ténèbres parut le brûler sous sa manche.

- Laisse-moi partir, supplia-t-il. Je ne serai pas une menace pour l'Ordre, tu ne me reverras plus...

- J'avais oublié ton entêtement... Regulus, écoute-moi. Je ne sais pas ce que tu crois devoir garder pour toi, mais on ne peut pas te libérer. Si tu parles à Dumbledore, il pourra t'aider, l'Ordre te protégera...

- Dumbledore ? L'Ordre ? Tu t'entends ? S'exclama-t-il. Albus Dumbledore est peut-être le plus grand sorcier du siècle, mais c'est un vieux fou idéaliste qui ne fera pas changer les choses avec sa bande de justiciers secrets. Je refuse de... de devenir le traitre, celui qui tourne le dos à sa famille. Les pratiques du Seigneur des Ténèbres sont peut-être révoltantes, mais je ne me fais pas d'illusions. Je ne pourrais jamais être comme eux, comme vous ! Je reste un Black, Marlène, et je ne trahirai pas mon nom en m'associant à l'Ordre.

Le visage de Marlène se durcit. Il avait conscience d'insulter tout ce en quoi elle croyait, mais cette conviction était la seule chose qui lui restait. S'il n'était pas un mangemort, il était quand même l'héritier des Black et personne ne pourrait le lui enlever. Son père lui répétait sans cesse que la famille était la seule chose qui valait la peine de se battre.

Il ouvrit la bouche, sans même savoir ce qu'il allait dire, mais une voix le devança :

- Qu'est-ce que c'est un Horcruxe ?

Regulus releva la tête si vite qu'une douleur fusa dans son cou. Juste entre cuisine et le couloir qui menait à l'entrée de la maison, Sirius se tenait dans l'ombre. Dans ses mains, le médaillon et le mot se détachaient nettement ; et Regulus sentit son ventre se contracter si violemment qu'il en eu la nausée. Le mince espoir que personne ne penserait à ouvrir le médaillon vola en éclat et chaque fragment parut s'enfoncer dans son cœur.

- Un quoi ? Dit Marlène, perplexe.

- Un Horcruxe, répéta-t-il avançant à sa hauteur. C'est ce qu'il a écrit sur le parchemin.

Les sourcils froncés, Marlène se saisit du papier que Sirius lui tendait, même s'il ne le lâchait pas du regard. Encore une fois, Regulus se souvenait parfaitement des quelques lignes écrites d'une main tremblante la veille.

Au Seigneur des Ténèbres,

Je sais que je ne serai plus de ce monde bien avant que vous ne lisiez ceci, mais je veux que vous sachiez que c'est moi qui ai découvert votre secret.

J'ai volé le véritable Horcruxe et j'ai l'intention de le détruire dès que je le pourrai.

J'affronte la mort dans l'espoir que lorsque vous rencontrerez un adversaire de votre taille, vous serez redevenu mortel.

R.A.B.

Marlène se mordit la lèvre.

- Je ne comprends pas, avoua-t-elle. Quel « véritable Horcruxe » ? Qu'est-ce que c'est ? Et comment ça « redevenu mortel » ?

- C'est ce que j'aimerais aussi savoir, approuva Sirius en s'asseyant à côté d'elle. On a trouvé ce mot caché à l'intérieur du médaillon. James et Lily sont partis en parler aux Prewett. Alors, Reg ? Ajouta-t-il avec un coup d'œil presque provocateur en sa direction. Tu vas enfin parler ?

Regulus serra la mâchoire, résolu à s'enfermer dans son silence, et Sirius et Marlène parurent le percevoir car ils lui lancèrent le même regard exaspéré. Maintenant en infériorité numérique, il avait l'impression d'être une bête prise dans un piège, incapable de s'échapper. Et même s'il sentait la magie couler dans ses veines, comme une part intégrante de lui-même, il ne pouvait rien en faire sans sa baguette.

- Merlin ! S'énerva Sirius. Parle, bon sang ! Arrête avec tes conneries, ne fais pas semblant ! C'est évident que tu as découvert quelque chose qui t'as fait changer d'avis. Je te jure que je n'hésiterai pas à utiliser le veritaserum s'il faut aller jusque-là !

- Et si je parle, tu sais ce qu'ils me feront ? Rétorqua-t-il. Tu as pensé aux conséquences ? Ils me tueront dès qu'ils me mettront la main dessus ! Et non, je ne veux pas de la protection de Dumbledore.

Le mépris qu'il mit derrière le nom sonna même à ses oreilles, mais il n'arriva pas à se retenir. Il savait qu'il devait avoir l'air d'un enfant capricieux et il mit un point d'honneur à garder la tête haute pour tenter de garder la face. Malgré tout, il ne mentait pas. Il ne rejoindrait pas ni l'Ordre ni Dumbledore... Il n'était pas Sirius par Merlin ! Il n'avait pas passé des années à sortir de son ombre pour redevenir son double.

Son entêtement parut encore plus énervé son frère qui bondit soudainement sur ses pieds et se mit à arpenter la pièce, les poings serrés contre lui, comme s'il se retenait de les lui mettre dans la figure.

- Très bien, on arrête les petits jeux mesquins maintenant, Reg, s'impatienta-t-il. Tu as bien fait comprendre à tout le monde que tu nous détestais, que tu étais mieux que le commun des mortels, mais si cet « Horcruxe » est vraiment si important pour Tu-Sais-Qui et que ça peut nous aider, alors mets ta fierté de côté deux minutes et...

- Que moi je mette ma fierté de côté ? Coupa Regulus, incapable de se retenir. C'est toi qui me dis ça ? Tu as toujours placé ta foutu fierté avant tout le reste, avant ta famille, ne joue pas l'hypocrite !

- Sauf que ce n'est pas de moi dont il s'agit aujourd'hui, ni même les Black, c'est ton Maître adoré...

- ... ce n'est pas mon Maître...

- Et il est hors de question que je te laisse mourir pour Lui !

Regulus déglutit. Il s'était toujours demandé comment Sirius réagirait en apprenant sa mort, s'il le pleurait un tant soit peu ou s'il l'ignorerait comme il l'avait fait toutes ces années. Son agitation à cet instant lui donnait un semblant de réponse.

- Sirius, calme-toi, pria Marlène. Les autres ne vont pas tarder à revenir, Reg, et je te promets de prendre ta défense, mais seulement si tu parles.... Pour la dernière fois, qu'est-ce qu'un Horcruxe ? Et pourquoi tu pensais mourir en le détruisant ?

Le pire dans tout ça, c'est que Marlène était sincère. Il le savait. Elle ferait tout pour le défendre et pour que l'Ordre ne le livre pas au Ministère s'il l'aidait, mais les mots restèrent bloqués entre ses lèvres. Kreattur lui avait raconté ce que le Seigneur des Ténèbres avait créé dans cette grotte, jusqu'où il s'était enfoncé dans la magie noire. Il n'osait pas imaginer ce qu'il ferait aux personnes qui découvriraient son secret.

Pourtant, il avait conscience d'être dans une impasse. Il ne pouvait pas se taire indéfiniment et quand Dumbledore arriverait, il comprendrait forcément ce qu'était un Horcruxe, et alors il perdrait son seul atout. Sa seule chance de partir d'ici était encore de négocier.

- D'accord, murmura-t-il en inspirant un grand coup. Je vais parler. Mais en échange, je veux une promesse.

- Laquelle ? Se méfia Marlène.

- Pouvoir accomplir ce que j'avais prévu. Voilà ce que je propose, je vous livre le strict nécessaire de ce que vous avez besoin de savoir pour me croire et en contre partie vous me libérez. Je vous jure que les informations que je vais vous donner pourront aider l'Ordre à renverser le Seigneur des Ténèbres.

Marlène et Sirius échangèrent un regard équivoque. Ni l'un ni l'autre n'avait envie de faire cette promesse, mais l'enjeu de son secret ne leur échappait pas. Ils se battaient depuis deux ans dans cette guerre et avaient perdu des personnes chères. Ils voulaient enfin pouvoir y mettre un terme.

- J'accepte, mais à une condition, argua Sirius. Tu ne pars pas seul. Je viens avec toi.

Regulus le dévisagea, incrédule.

- Quoi ? Pour que tu puisses me recapturer ? Hors de question !

- Non, corrigea son frère, pour que je puisse te ramener en vie de cette foutue mission.

Son ton ne soufflait aucune réplique et il comprit qu'il ne pourrait pas négocier davantage. Dans un coin de son esprit, il se dit qu'il arriverait bien à semer Sirius s'ils partaient d'ici, et à contre-cœur il se résolu à hocher la tête.

- D'accord, accepta-t-il à nouveau. Donc c'est promis ? Vous me laisserez partir avec Sirius ?

- On veut d'abord des explications, mais oui on promet, dit Marlène. Tu sais que tu peux me faire confiance, pas vrai ?

Si un autre membre de l'Ordre lui avait fait cette promesse, Regulus ne l'aurait pas cru. Marlène avait toujours été différente de toute façon. Mais maintenant que c'était le moment de tout raconter, il ne savait plus par quoi commencer. Tout ce qu'il avait appris ces derniers mois se brouillait dans sa tête et il enfonça ses ongles dans ses paumes, nerveux.

- J'avais des soupçons sur le Seigneur des Ténèbres depuis plusieurs mois, raconta-t-il, les yeux résolument fixés sur un point au-dessus de l'épaule de Sirius pour éviter de croiser son regard. Quelque chose n'allait pas avec lui...

- Comme le meurtre d'innocents ? T'as mis autant de temps à réaliser que c'était un psychopathe ? Railla son frère, goguenard. Je me suis toujours dit que la fois où tu as dévalé les escaliers à trois ans avait dû t'amocher la tête.

- Laisse-le parler, le rabroua Marlène. Continu, Reg.

Elle l'encouragea d'un hochement de tête sec, signe que malgré sa façade conciliante, elle était sûrement aussi en colère que Sirius contre lui.

- Je disais que quelque chose n'allait pas avec lui, reprit-il, fébrile. Surtout au niveau de son apparence. La première fois que je l'ai vu, en sixième année, il ressemblait encore à... à un être humain je suppose. Et puis, ça s'est dégradé progressivement. Parfois, il partait pendant des jours, et on n'avait aucune nouvelle. Quand il revenait, ses traits paraissaient déformés, ses cheveux perdaient de leur couleur... Les traces de magie noire était évidente, mais je n'avais jamais entendu parler d'un phénomène pareil. Jusqu'à noël dernier. J'étais à Square Grimmaurd pour le bal de famille, dans la bibliothèque, quand Kreattur est apparu. Je l'avais... je l'avais recommandé auprès du Seigneur des Ténèbres la veille parce qu'il avait besoin d'un elfe. Mais quand il est revenu... Merlin... (Il marqua une pause, la voix brisée, avant de se reprendre). Il hallucinait et se tordait de douleur. J'ai dû l'assommer pour que ses cris ne rameutent pas tous les invités. Quand il est revenu à lui, il m'a expliqué que le Seigneur des Ténèbres l'avait emmené quelque part pour cacher un Horcruxe. J'ai mis près d'une heure à lui faire cracher le morceau, il essayait de se frapper la tête avec les livres...

- T'aurais dû le laisser faire... Maudit elfe...

- La ferme, gronda Regulus. Kreattur a vécu un enfer, sans lui personne n'aurait jamais su ce qui se passait ! Parce que j'ai cherché. Un Horcruxe est un objet dans lequel un sorcier ou une sorcière peut placer une partie de son âme... Il faut littéralement fracturer son âme en deux !

- Merlin... Oh Merlin... souffla Marlène.

Elle avait considérablement pâli et même Sirius paraissait horrifié.

- Une fois qu'une partie de l'âme est placée dans l'objet, le sorcier est immortel. Même si on cherche à tuer ton enveloppe physique, une partie de ton âme est encore en vie. Mais déchirer son âme a un prix... On devient instable, ce n'est pas une vie complète... Le Seigneur des Ténèbres défendait déjà une certaine... idéologie, mais depuis quelques temps il devient plus extrême...

- Mais alors l'Horcruxe qu'il a fait avec Kreattur... ? C'était... ?

L'air dégoûté, Sirius désigna le médaillon qu'il tenait toujours dans les mains et Marlène eut un mouvement de recul.

- Non, s'empressa de les détromper Regulus, ce n'est qu'une copie. C'est le médaillon de Salazar Serpentard. D'après les historiens, il était dans sa famille et passait de génération en génération mais personne ne l'a vu depuis le début du siècle. Je ne sais pas comment il s'est retrouvé entre les mains du Seigneur des Ténèbres. J'ai réussi à en trouver une copie...

- Pourquoi ? Demanda Marlène, confuse. Pourquoi avoir une copie et mettre ce mot à l'intérieur ?

Regulus hésita une fraction seconde, mais Sirius parut comprendre et il laissa échapper une exclamation incrédule.

- J'arrive pas à y croire, dit-il. Tu voulais vraiment échanger le vrai Horcruxe avec ta copie, pas vrai ? Et signer ton vol ? L'escalier a fait plus de dégâts que j'pensais, t'es retardé ou suicidaire ?!

- Quel importance que je signe ou non ? Je ne comptais pas le revoir à nouveau... J'ai été assez clair à ce sujet.

Sa réponse figea son frère. Jusqu'à présent, Sirius n'avait pas dû le prendre sérieux ni réaliser l'ampleur de la mission dans laquelle il s'était engagé. A côté de lui, les yeux de Marlène étaient embués de larmes et sa jambe tressautait, comme si elle tentait de refouler l'émotion qui l'assaillait.

- Où... où est l'Horcruxe ? Où est-ce qu'il avait emmené ton elfe ? Demanda-t-elle au bout de quelques secondes d'une voix étonnamment ferme. Qu'est-ce qu'il y a dans cet endroit pour que tu sois persuadé à ce point d'y mourir ?

Un sourire triste étira les lèvres de Regulus.

- Tu n'as pas besoin de le savoir, McKinnon. Je vais m'en occuper. Mais tu dois respecter ta promesse maintenant. Laisse-moi partir.

- Quoi c'est tout ? Non ! Je veux plus de détails, on doit savoir comment le vaincre...

- Vous pourrez le vaincre quand l'Horcruxe sera détruit, affirma-t-il. Et pour ça, Kreattur doit m'emmener jusqu'à lui.

Marlène parut sur le point de protester, mais Sirius se leva avant qu'elle puisse émettre une phrase. Il avait l'air grave et Regulus sentit son cœur s'affoler douloureusement une fois de plus. Tout se jouait maintenant. Il leur avait révélé une partie de ses découvertes et il espérait que c'était suffisant.

Il ne laisserait personne d'autre descendre dans cette caverne. De toute façon, Kreattur n'obéissait qu'aux Black et n'emmèneraient aucun membre de l'Ordre sans en avoir reçu l'instruction. La seule chose qui inquiétait Regulus était de savoir si Sirius pouvait encore contrôler l'elfe. Il avait été renié, brûlé de la tapisserie, mais il n'avait jamais su si ses parents avaient fait les démarches administratives officielles. Même si leurs parents clamaient que leur aîné n'était plus rien à leurs yeux, ce dernier lien qui unissait Sirius à la famille devait être difficile à couper.

Brusquement, Sirius sortit sa baguette et la pointa sur lui. L'espace d'un battement de cœur, il fut persuadé qu'il avait échoué et qu'il ne partirait pas.

Et ses liens cédèrent.

- Alors ? Lança Sirius en voyant qu'il ne bougeait pas. Tu viens ? On va à la chasse à l'Horcruxe et voir à quel point cette chute dans l'escalier t'as amoché... 

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