Bonus II : Les deux faces d'une même pièce

Hello !! Et oui, surprise. Maintenant que le premier bonus de LHDI est terminé, il est temps de passer au second. Et celui-ci présente une petite subtilité... Mais comme je suis très fatiguée et flemmarde, je vais laisser Perri tout vous expliquer dans le texte ci-dessous. Let's go ! 

Hello there <3 Perri speaking, en direct de sa belle maison où s'annonce une crémaillère avec vingt personnes. Comment ça je devrais être aux fourneaux et au ménage au lieu d'écrire ce message ? Vous savez bien que vous êtes ma priorité !

Mais la priorité pour quoi, me direz-vous ? Mais tout simplement pour le premier bonus à quatre main écrit par la fabuleuse Annabethfan et moi-même !

He oui après avoir crée un univers partagé aux multiples ramifications, il était temps de passer à l'étape suivante et de nouer plus intimement encore nos trames. C'est pour ça qu'on se présente devant vous avec ce bonus qui comportera un certain nombre de partie (4 pour l'instant mais ce n'est pas définitif).

Mais le suspens vous tue : MAIS QUEL EST LE SUJET DE CE BONUS ? Vous avez lu le titre ? Mais qui donc sont les deux personnages de notre univers qui se ressemblent si fort qu'ils forment « les deux faces d'une même pièce » ? Allez, tous.tes avec nous !

NOAH ET JOSEPHIIIINE ! (Comment ça on l'a déjà teasé ? Bon surtout au salon du livre ... Eh oui il fallait être là !)

Alors pour remettre les choses dans le contextes pour les rares qui ne sont pas familier.ères de notre univers partagé. Noah (on est chez Anna', j'ose dire) vous le connaissez déjà pour être l'un des personnages majeurs de L'héritage d'Ilvermorny. Quant à Joséphine, c'est l'une des grandes protagonistes de ma fanfiction La dernière page. Donc ce bonus demande un pré-requis : avoir lu les deux fanfictions pour pouvoir en profiter pleinement !

Ce sont deux personnages qui ont un caractère semblable, des évolutions presque en miroirs, des réactions pépites et flamboyantes. Noah est américain, Joséphine anglaise mais le destin va les mettre sur le même chemin ... C'est ce chemin commun, parcouru côte à côte avec leurs points de ruptures et de parallèles qu'on va vous raconter dans ce bonus. Les moments forts de la relation entre Joséphine et Noah, c'est ici et ça commence maintenant !

Pour ce prologue, vous n'aurez que la plume d'Anna et le pdv de Noah, tout simplement parce ce moment a déjà été conté sous la mienne ... Alors, par quoi on commence ? Bien par les raisons de la colère. ANNA, LIGTHS ! 

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Prologue : Les raisons de la colère

Juin 1991

Dans l'âtre de la cheminée, les flammes vacillèrent et Noah plissa les yeux, mal réveillé. Il arrivait à peine à distinguer la différence de couleurs entre le orange évanescent du feu et les cheveux roux d'Aileen. Il faisait un triste artiste... Jules aurait su différencier toutes les nuances, lui. Peut-être qu'il pourrait essayer de les reproduire ce soir avec de la peinture, ça faisait longtemps qu'il n'y avait pas touché parce que Jules était retombé dans sa phase du fusain, mais il avait besoin de couleurs en ce moment pour aller avec l'atmosphère que le mois de juin avait apportée avec lui. Il pourrait peut-être même...

- ... Noah, tu m'écoutes ?

- Hum ?

Aileen soupira.

- Morgane, je vais finir par te virer un jour.

Il avait trop entendu cette phrase pour la prendre au sérieux et, amusé, laissa sa chaise retomber sur ses quatre pieds en se redressant pour mieux lui faire face. Il devait être affreusement tard à Toronto en ce moment, mais Aileen avait quand même insisté pour faire un briefing avec lui et vu son expression elle le regrettait amèrement.

- Tu peux pas me virer, répliqua-t-il. C'est ça d'embaucher ses amis !

- Julian est mon ami, il se trouve juste que t'étais dans le tableau aussi malheureusement.

Il éclata de rire et la pointa du doigt.

- Tu traînes trop avec Théa, je reconnais son style dans cette réplique, accusa-t-il.

- C'est parce qu'elle m'a fait des fiches. Comme ça, j'ai toujours de la répartie contre toi !

- Je vois. Efficace.

- N'est-ce pas ?

Même à travers les flammes de leur coup de cheminette transatlantique, il perçut le sourire d'Aileen et il secoua la tête, un peu plus amusé. Depuis qu'elle l'avait nommé Rédacteur en chef de la branche anglaise de la Voix du Chaudron, il avait l'impression de la redécouvrir en tant que patronne dans un monde professionnel bien éloigné de l'univers au sein duquel il l'avait connu jusque-là.

Après Ilvermorny, leurs rencontres s'étaient de toute façon faites plus rares à cause de son départ en Angleterre pour rejoindre Julian, mais ils n'avaient jamais perdu contact. Il avait observé et encouragé de loin son ascension impressionnante en tant que femme de presse et journaliste, puis il avait soutenu son projet de lancer son propre journal, nommé la Voix du Chaudron en honneur à leur aventure de sixième année. Le clin d'œil l'avait tout de suite amusé, voire touché. Dans un sens, toute l'affaire du Rituel d'Ancrage avait été le marqueur du début de leur amitié. De son histoire avec Jules, même. Il savait aussi ce qu'il devait à Aileen au-delà de ça, elle qui n'avait cessé de les aider de loin, et il s'était spontanément proposé pour dessiner le logo de son nouveau journal. Il l'avait fait gratuitement, évidemment, même si Aileen et Liam – qui était devenu son associé en tant qu'acolyte de toujours – avaient voulu le rémunérer. Il leur avait fait remarquer que pour le faire, ils auraient déjà eu besoin d'argent à dépenser, et ils s'étaient donc résolus. Il leur avait ainsi offert leur logo, un petit chaudron souriant surnommé Albert qui en était même venu à faire l'identité du journal au fil des ans.

Ça n'avait été que des années plus tard qu'il avait rejoint le journal en tant que tel. Lassé des méthodes de la Gazette du sorcier, il avait claqué la porte du jour au lendemain pile au moment où la Voix du Chaudron décollait bien au Canada et aux Etats-Unis. Fort de ce succès, Aileen avait voulu conquérir le vieux continent et l'Angleterre avait évidemment été la plus indiquée. Sans bien savoir comment, Noah s'était ainsi retrouvé catapulté Rédacteur en chef, même si Liam restait le Directeur de cette branche anglaise. Et bien qu'il ne soit pas encore sûr de vraiment aimer ce poste à responsabilités, il l'endossait bon gré mal gré.

Or qui disait poste à responsabilités disait encadrement d'équipe. Et qui disait équipe disait recrutement de la dite équipe.

- Allez, Noah, fais un effort juste pour aujourd'hui, ok ? l'encouragea-t-elle. Ça va bien se passer, il y a seulement quatre candidats. On doit absolument trouver quelqu'un pour compléter la rédaction.

- Je sais, je sais...

- Vois ça comme un test et c'est toi qui a la main en plus. Ou une expérience pour voir si t'es compatible avec la personne !

Il plissa les yeux devant son ton et devina son sourire encore un peu plus prononcé.

- Alors déjà, je ne suis compatible avec presque personne, énonça-t-il, main levée. Et ensuite, ne crois pas que j'ai pas compris ta pique, McCallum ! Tu vas un jour laisser tomber ou pas ?

- Jamais, ça me fait encore rire aujourd'hui. Une expérience, je te jure.

Cette fois, elle ne prit même pas la peine de faire semblant et s'esclaffa franchement. Noah secoua la tête sans pouvoir réprimer un sourire lui aussi, même s'il tenta de se détourner pour qu'elle ne le perçoive pas. Depuis le jour où Julian s'était confié à elle au sujet de leur relation – et plus particulièrement sur le début où les choses avaient été compliquées et qu'ils avaient prétendu tous les deux que ce qui se jouait entre eux n'était qu'une « expérience » – Aileen n'en finissait pas de trouver ça drôle. Avec ses pouvoirs d'Empathe, elle avait évidemment toujours su que c'était faux, même si elle avait eu la délicatesse de ne rien dire à l'époque. Malheureusement, ce temps béni était révolu.

- C'est bon, c'est bon, on passe à autre chose, grommela-t-il, amusé malgré tout.

- Oui, pardon, allez. Mais ça reste important, Noah, d'accord ? Tu as quatre personnes à recevoir, fais-le bien. Tu sais ce qu'il faut leur demander.

- Je sais, ouais. Mais rappelles-moi pourquoi Liam est pas avec moi ?

Aileen grimaça.

- Il aurait dû, je sais... Seulement, il a eu un empêchement...

- Un empêchement qui s'appelle Théa ?

Cette fois, Aileen eut l'air gêné et il s'en voulut presque d'avoir énoncé l'évidence à voix haute, mais elle se défendit immédiatement :

- Oh arrête, tu sais bien que c'est compliqué entre eux et que les allers-retours entre New-York, Londres et Toronto commençaient à leur peser. Alors j'ai accepté qu'il prenne ses vacances maintenant mais...

- Aileen, c'est bon, t'inquiète, coupa-t-il en voyant qu'elle avait l'air sincèrement désolé. Je peux gérer tout seul.

- T'es sûr ? Je peux peut-être...

- Quoi ? Prendre un portoloin transatlantique et être là dans 1h sans avoir dormi ? J'en doute. Non, vraiment ça va aller. Je vais être un recruteur parfait alors même que je n'ai même pas passé d'entretien d'embauche pour être là !

Il écarta les bras, fier de lui, et Aileen roula des yeux, même s'il devinait un léger sourire à la commissure de ses lèvres.

- Ton entretien à toi, ça a été de partager un dortoir avec Liam pendant sept ans. C'est différent. (Hors cadre, il la vit se saisir d'un parchemin). Mais bref, je te le rappelle une dernière fois : on cherche quelqu'un qui pourra bien s'intégrer dans l'équipe, qui a déjà eu au moins une expérience dans la presse, ou qui au minimum plusieurs stages ou formations dans le monde de l'informations, de la politique et de la rédaction.

- C'est noté !

- Le salaire est négociable, mais pas trop non plus. Ne promets rien là-dessus, laisse-moi gérer si on va plus loin avec un des candidats, d'accord ?

- Hum, hum...

Il commençait déjà à être distrait et lorgna sur sa tasse de café qui refroidissait sur son bureau.

- Ah, j'allais oublier, il y a une petite subtilité, glissa soudain Aileen et le timbre de sa voix l'interpella assez pour qu'il refocalise son attention sur elle. Les trois premiers entretiens seront ici, au local, mais le dernier aura lieu à Pré-au-Lard. Au Trois Balais pour être précise.

- A Pré-au-Lard ? Quoi ?

Il fit retomber les quatre pieds de sa chaise sur le sol dans un claquement sonore et Aileen grimaça. Incrédule, il la dévisagea. Il n'avait pas une grande expérience dans le domaine, mais à sa connaissance, aucun entretien ne s'était déroulé hors du local du journal et aucun recruteur ne se déplaçait jusqu'au candidat ordinairement. C'était censé être l'inverse.

- Aileen, qu'est-ce que je vais aller foutre au fin fond de l'Ecosse ? s'exclama-t-il.

Une petite voix lui rappela qu'il parlait techniquement à la Grande Patronne comme aimait la surnommer Liam, mais les mots s'étaient déjà échappés et elle eut l'obligeance de ne pas relever.

- Je sais, je sais, grimaça-t-elle. Désolée, j'aurais dû te prévenir avant, les choses se sont un peu décidés à la dernière minute et comme Liam n'est finalement pas là... Enfin, bref, oui en Ecosse. La dernière candidate est encore à Poudlard, elle ne peut pas avoir d'autorisation pour venir à Londres...

- A Poudlard ? Mais...

Il tenta d'imaginer une particularité ou une raison qui expliquerait la présence de la candidate à Poudlard, mais aucune ne justifiait de ne pas avoir d'autorisation de sortie. Aucune exceptée si...

- Elle est élève là-bas ? comprit-il, surpris.

- Oui, elle va finir l'année bientôt. Mais tu comprends qu'elle ne puisse pas se déplacer. J'ai proposé cette alternative pour lui laisser sa chance.

- Je vois... Et qu'est-ce qui justifie qu'on recrute au berceau maintenant ? On manque à ce point de candidats ?

Aileen leva les yeux au ciel.

- Non. Ouvre le dossier que Liam t'a laissé, t'as la raison dedans. Elle a écrit un article pour la Gazette il y a quelques semaines, tu l'avais repéré aussi. J'ai réussi à contacter quelqu'un que je connais là-bas, il m'a donné ses coordonnées.

- Un article ?

- Hum... « un passé qui ne passe pas ». Ça te parle ?

Il se redressa. Le nom fit résonner un écho en lui, lointain de quelques semaines, mais il s'en souvenait parfaitement. Tous les matins, il lisait la Gazette, plus par obligation professionnelle que par plaisir. Il n'était juste pas toujours d'accord avec leur ligne éditoriale, même s'il reconnaissait que certaines plumes qui y travaillaient valaient le détour. Cet article l'avait justement interpelé dès les premières lignes et pour cause ! Il y était question de demander des comptes aux pouvoirs publics pour les manquements pendant la Première Guerre des sorciers en Angleterre et tout le monde y était passé : les pouvoirs politiques de l'époque, les Aurors, la presse, certaines grandes familles nommées à mots à peine voilés. Quand il l'avait ramené le soir à la maison, Julian s'était fendu d'un commentaire éloquent après sa lecture : « il était temps que quelqu'un leur mette un miroir devant les yeux ». L'article n'avait pas été parfait, loin s'en faut, mais il avait eu un côté pamphlétaire et polémiste rafraîchissant dans un discours d'après-guerre qui ne faisait que se réjouir de la chute de Voldemort.

- C'était elle ? lâcha-t-il, soudain enthousiasme.

- Et oui. Donc c'est bon, t'iras en Ecosse ?

Pour une fille capable de balancer autant de vérités tranchantes à la figure du Ministère ? Oh oui, il était prêt à aller dans les montagnes écossaises. Jules allait en être jaloux, il adorait Pré-au-Lard, c'était son côté d'éternel nostalgique.

- Compte sur moi, déclara-t-il. Je pourrais faire passer le voyage en note de frais ?

- Noah...

- Fallait bien que je tente.

Aileen sourit. Pour l'avoi vu avec d'autres employés, il savait qu'elle n'était pas toujours si magnanime, mais il n'avait jamais été qu'un employé à ses yeux, pas plus que Liam. C'était le privilège que de se connaître depuis plus de quinze ans. Hors champ de cheminée, il la vit chercher quelque chose, puis un parchemin apparut devant son visage et elle parut revoir point par point les informations qu'elle devait lui donner.

- Bon, je crois qu'on est bon, décréta-t-elle avec satisfaction. Ah oui, juste une dernière chose. La personne qu'on prendra peut avoir des compétences artistiques, mais ce n'est pas obligatoire. T'es déjà notre illustrateur attitré.

- Et si la personne dessine mieux que moi ? répliqua-t-il du tac au tac.

- Alors tu diras à Julian que je réfléchirais à la possibilité de l'embaucher.

- Eh !

S'il avait pu, il lui aurait jeté un crayon dessus, mais la cheminée qui faisait le lien entre eux rendait la chose impossible. A nouveau, Aileen éclata de rire, mais il se retrouva flatté du compliment déguisé. Si elle jugeait que seul Jules dessinait mieux que lui dans ce monde, il pouvait vivre avec : il était d'accord.

Visiblement fatiguée, Aileen eut soudain un bayement sonore et lui fit un geste d'excuse.

- Désolée... marmonna-t-elle. Bon, je pense que je vais aller dormir. J'espère me réveiller demain avec un nouveau membre pour la rédaction de Londres, ok ?

- Je vais faire de mon mieux, McCallum. Allez, bonne nuit.

- Merci. A demain, Noah !

Il lui adressa une parodie de salut militaire, sourire aux lèvres, puis la communication coupa. Son bureau retomba dans le silence. Avec un soupir, il s'affaissa contre sa chaise. Morgane, la journée promettait d'être longue.

Il ne redoutait même pas ces entretiens d'embauche à proprement parler pourtant, c'est juste qu'il les trouvait... inintéressants ? C'était le genre d'entrevues où personne n'était sincère et essayait de se vendre au mieux, simplement parce que c'était le jeu, mais l'idée l'agaçait. En vérité, il trouvait ça artificiel. A choisir, il aurait préféré donner une période d'essai d'un mois à chaque candidat pour vraiment apprécier leur valeur, mais il savait que ce n'était pas possible. Ça aurait fait perdre trop de temps et d'argent à la rédaction. Mais après tout, tant pris. Aileen avait raison, il n'avait qu'à voir ça comme un test. Ça pouvait même être drôle à faire. Surtout, il avait hâte de la jeune fille à Pré-au-Lard... Elle avait peut-être le profil le plus détonnant de tous les candidats et il fouilla dans la masse de documents qui encombraient son bureau pour trouver son dossier.

Quand il mit enfin la main dessus, il en ressortit alors le numéro de La Gazette où son article avait été publié. Les mots, vifs, lui ressautèrent aux yeux. « Les blessures que l'on a oubliées continuent de saigner en silence... » ; « la justice s'est arrêtée en marche et s'est endormie, saoule et bienheureuse. Pourquoi, monsieur le Ministre ? Pourquoi, Madame Bagnold ? Certaines victimes valaient-elles plus que d'autres ? », ; « mais quand les erreurs font des victimes, le pardon doit être accompagner de réparation » ; « Des comptes, monsieur le Ministre. Des comptes pour tous ceux qui ont été oubliés ». Il le relit trois fois, s'imprégnant de chaque saillie rageuse avec satisfaction. A l'époque, il n'avait pas compris tout ce qui se jouait en Angleterre. Il avait été bien plus préoccupé par l'état de Julian, habité par le deuil de son meilleur ami, mais aujourd'hui les mots résonnaient bien plus en plus. Ses yeux se baissèrent jusqu'à la signature en bas de l'article. J.O. Ou Joséphine Abbot de son vrai nom d'après le dossier laissé par Liam.

Mais avant elle, il avait trois autres personnes à voir. Autant réviser leur dossier également. Une heure et deux cafés plus tard, il ouvrit donc la porte au premier candidat, un certain Jeremiah Garnet. Le dos droit, il entra dans le bureau avec une poignée de main ferme, un sourire charmeur, et des cheveux blonds gominés soigneusement.

- Enchanté, Mr Douzebranches. Merci de me recevoir.

- Merci à vous d'être venu. Asseyez-vous.

Il lui indiqua la chaise devant son bureau et ils prirent place tous les deux. Noah avait l'impression de jouer une pièce de théâtre. Jusqu'à présent, même s'il avait été nommé Rédacteur en chef, il n'avait pas eu à vraiment jouer le rôle du « patron », préférant laisser cette partie-là à Liam ou à Aileen.

- Bien, voici comment l'entretien va se dérouler, commença-t-il en jetant un œil à ses notes. Je vais d'abord vous laisser vous présenter, puis je vous parlerai un peu du poste, et ensuite je vous poserai quelques questions suivi d'un échange. Si vous avez des demandes ou des remarques, n'hésitez pas à tout moment. C'est bon pour vous ?

- Tout à fait.

- Alors je vous écoute. Qu'est-ce que vous pouvez me dire sur vous et votre parcours brièvement ?

L'homme hocha la tête.

- Mon nom est donc Jeremiah Garnet. Je travaille pour la RITM, la Radio Indépendante à Transmission Magique, depuis plusieurs années maintenant. J'ai évidemment fait ma scolarité à Poudlard dans la maison Serpentard avant de faire mes armes à la Gazette du sorcier. J'y ai réalisé plusieurs grands reportages salués par ma hiérarchie. Puis, j'ai décidé de m'orienter vers la radio. Mon plus beau coup médiatique reste à ce jour mon reportage sur le dragon qui avait déclenché un incendie à Poudlard !

- Un dragon... à Poudlard ?

Son étonnement dû être mal compris par Jeremiah Garnet car celui-ci se raidit soudain et expliqua avec aplomb :

- Ah je vois que vous avez peut-être entendu parler du scandale autour de cette affaire ? Ne croyez pas les calomnies qu'on a pu raconter.

- En fait, je n'en avais pas entendu parler, non.

- Oh ? Dans ce cas...Pour que vous compreniez, des personnes mal intentionnées ont essayé de me faire passer pour un menteur, mais ne vous méprenez pas. Il y avait vraiment un dragon qui a essayé de mettre le feu au hangar à bateau de l'école ! (Il se redressa, l'air pompeux, puis enchaîna). J'étais là-bas pour faire un sujet sur l'histoire de la culture des champignons dans le château, voyez-vous, quand l'incendie s'est déclenché ! Et j'avais même une photo d'un Boutefeu chinois sur les lieux du crime !

Surpris, Noah haussa un sourcil.

- Un Boutefeu chinois dans les montagnes écossaises ?

- Eh bien... oui et non...

- C'est l'un ou l'autre, non ?

Mal à l'aise, Jeremiah Garnet se râcla la gorge.

- La photo était peut-être un peu truquée, mais je devais lancer l'intérêt du public pour cette affaire et la bonne femme du Service des Animaux du Ministère sur place ne voulait pas coopérer.

- Hum.

Il ne chercha même pas vocaliser ce qu'il pensait, il espérait être assez clair rien qu'avec son regard. D'expérience, il savait que le silence pouvait être plus parlant et l'idée d'une photo falsifiée pour venir appuyer une hypothèse d'enquête au mépris de la vérité le hérissait. Le « bonne femme » n'aidait pas non plus. Il se demanda si ce type savait qu'une femme était à la tête du journal pour lequel il postulait.

Jeremiah Garnet dû sentir qu'il était sur une mauvaise pente car il écourta soudain son histoire :

- Disons simplement que l'affaire était compliquée, éluda-t-il. Mais mon reportage d'enquête, Les Feux de l'amour, ou comment calciner sa dulcinée, a connu un franc succès !

Très bien, on ne lui confira pas les titres des éditions, songea-t-il, consterné. Après cela, il tenta d'écourter le plus possible l'entretien. Il ne posa que le strict minimum des questions qu'Aileen avait préparé, dont celle qui l'intéressait le plus : quel fait d'actualité récent vous a marqué ? La réponse fut à l'image du candidat. « L'actualité est assez pauvre en ce moment... il fait chaud surtout, une canicule arrive sur le pays ». Noah se retint de rouler des yeux et il aurait aimé qu'Aileen soit là pour constater sa maîtrise de lui.

- Merci à vous, on vous recontactera d'ici une à deux semaines pour vous tenir au courant, congédia-t-il. Au revoir.

Dès que Jeremiah Garnet fut parti, il raya son nom de la liste sans autre forme de cérémonie. Les deux candidats suivants ne furent pas bien mieux. Le premier, Bozo, était photographe à la Gazette du sorcier et voulait changer de branche en s'essayant à la presse écrite. Autant dire qu'il tenta de le convaincre de rester photographe, ça serait mieux pour tout le monde. La seconde était une femme aux anglaises blondes et au sourire carnassier, Rita Skeeter. Son entretien avait été pour le moins... déconcertant. Il l'a connaissait uniquement de réputation, même s'il l'avait aperçu il y a dix ans à l'enterrement des Bones. Il ne savait même pas comment il pouvait encore s'en souvenir alors même qu'il y avait eu des dizaines de personnes ce jour-là, mais son allure et son comportement avaient dû le frapper. Aujourd'hui, Skeeter n'avait presque pas changé, à l'exception de quelques rides aux coins des yeux et des anglaises encore mieux dessinées qu'avant. Apparemment, elle en avait marre de son manque de reconnaissance à la Gazette – à croire que tout le milieu journalistique anglais y était passé dans ce foutu journal – et passait des entretiens à droite et à gauche depuis un moment. Noah n'était même pas sûr que sa candidature soit sérieuse, mais il lui avait quand même fait passer l'entretien.

Résultat ? Skeeter s'était beaucoup mieux renseignée sur la Voix du Chaudron et ses employés que les autres. Elle osa lui demander si les taxes que payaient le journal au Ministère anglais pour publier sur le sol britannique étaient en règle, si les lecteurs étaient au courant que le Rédacteur en chef – à savoir lui – entretenait une relation « particulière » dans sa vie privée, et s'il savait que Théodore Scriptor, leur reporteur principal, prenait en moyenne dix pauses cigarette dans la journée. A la deuxième question, il était déjà debout pour lui indiquer la porte. Elle n'avait jamais eu l'intention de postuler sérieusement, c'était maintenant évident, et il se fit une note mentale de prévenir Aileen que l'espionnage d'autres rédactions pouvaient être envisageables.

Il considéra sérieusement d'arrêter là et de ne même pas recevoir la dernière candidate, mais il se souvint brusquement de sa spécificité. Pré-au-Lard. Joséphine Abbot. Non, il ne pouvait pas louper et il devait même se dépêcher pour ne pas être en retard. Il enfila souplement sa veste, puis sortit sur la terrasse pour prévenir Théodore – effectivement en train de fumer – qu'il partait.

Quelques minutes et un transplanage longue distance plus tard, il arpentait les ruelles du plus célèbre village sorcier d'Angleterre avec ses toits pointus et son architecture penchée. Le soleil, vaillant, perçait les quelques nuages éparses qui faisaient ombrages au ciel de début d'été et jetait des reflets colorés sur les pavés. Julian l'avait dessiné à l'aquarelle un jour, un peu dans le même style et avec cette même lumière. Même si le crayon et le fusain restaient ses matériaux de prédilection, ça restait une de ses toiles préférées de lui. Les mains dans les poches, il dépassa la grande Poste, puis poussa jusqu'au Trois Balais dont l'enseigne se balançait doucement au vent. L'odeur sucrée de la bièreaubeurre et le bruit feutré des conversations l'assaillirent dès qu'il passa la porte. Le vieil établissement était presque vide en ce jour de semaine : il n'eut aucun mal à trouver une place, près d'une grande plante qui lui permettait de surveiller l'entrée sans être trop observé. Et alors il attendit.

Son attente ne fut heureusement pas longue. Quelques minutes plus tard, le temps qu'il se commande simplement un thé – Morgane, ce que l'amour ne faisait pas faire – une jeune fille se présenta devant lui.

Vêtue d'une élégante robe de sorcière parme à col haut et d'un chapeau assorti, elle n'était pas vraiment ce qu'il avait imaginé, mais il nota des détails plus précis lorsqu'elle s'approcha jusqu'à sa table. Ses longs cheveux ondulés étaient lâchés librement sur ses épaules et son maquillage, notable sans être trop lourd, n'arrivait pas à cacher la légère nervosité qui émanait d'elle. Il lui sourit, amusé de son apparence aussi bien juvénile que classe sans bien savoir pourquoi.

- Ah, lâcha-t-il, ravi. J.O, je suppose ?

- Euh...

Elle se râcla la gorge, clairement prise au dépourvu, et parut se fustiger elle-même alors que sa mâchoire carrée se crispait une brève seconde. Elle se reprit en tirant la chaise face à lui.

- Joséphine Abbot, précisa-t-elle.

La présentation, plus classique, le fit souffler avec sarcasme :

- Quel dommage. C'était avec « J.O » que j'espérais échanger...

Il était presque injuste avec elle, il s'en rendit compte à la seconde où elle fronça les sourcils, déstabilisée, et il héla la patronne du bar dont le nom lui échappa sur le coup. Julian avait dû lui dire pendant une de leur visite, mais ça faisait un moment qu'ils n'étaient pas venus. Peut-être même que la dernière fois, ça avait été avec Charity. S'il en avait eu le temps, il lui aurait envoyé une lettre pour qu'elle le retrouver après l'entretien si elle n'avait pas cours, mais il était trop tard désormais.

- Vous voulez boire quelque chose ? demanda-t-il, distrait par le regret de l'occasion manquée.

Il avait presque du mal à la vouvoyer. Elle faisait à la fois jeune et en même temps il ne devait pas avoir tant d'écart que ça, peut-être moins de dix ans. Et il refusait de se considérer vieux à vingt-huit ans, merci bien.

Avec une seconde de décalage, il se fit toutefois la réflexion que proposer à boire dans un bar à une jeune fille certes majeur mais encore étudiante n'était peut-être pas une bonne idée, mais tant pis. La même pensée dû traverser l'esprit de Joséphine car elle le dévisagea, méfiante, et il attendit alors sa réponse, soudain intéressé. Un sourire amusé lui monta en lèvres en voyant qu'elle le scrutait, peu amène d'être mise dans cette position. Mais n'était-ce pas tout le double-jeu d'un entretien après tout ?

- Juste du thé, s'il vous plait, finit-elle par répondre, presque froidement.

Il en fut presque déçu, même s'il ne s'était pas attendu à autre chose.

- Quelle bonne petite anglaise, plaisanta-t-il en sentant son rictus s'étirer. Et quelle originalité...

- Vous seriez surpris, rétorqua-t-elle. C'est un ami qui m'a donné l'habitude...

A la manière dont elle l'affirma, il sentit que l'information, bien que banale, comptait pour elle. Et il aurait été assez mal placé pour juger. Dans un flash, il revit Julian, entêté et passionné, qui s'était échiné à lui faire goûter tous les thés possibles et inimaginables d'Angleterre quand il l'avait rejoint ici. Certains matins, il en avait goûté presque trois différents dans sa petite chambre de l'IRIS sous son œil vert plein d'espoir. Leurs essais avaient souvent conduit à des fous rires que seule la fatigue de l'époque avait pu conjurer et il tenta de maîtriser l'expression de son visage en y repensant, même si ça ne devait pas être un succès criant.

- Ah, je vois que nous avons quelque chose en commun... commenta-t-il finalement.

Elle ne répondit rien. Elle se contenta de le fixer d'un long regard, sans ciller, et il sut que les choses ne se dérouleraient comme avec les autres candidats. Il y avait quelque chose d'étonnement sauvage qui émanait de Joséphine Abbot, une défiance et une envie de plaire qui se battaient dans un mélange paradoxale. Une image presque familière, même s'il n'aurait pas exactement su dire pourquoi. Mais il était là pour comprendre. Ce qu'elle avait été chercher dans sa tribune, ce n'étaient pas des mots communs... C'étaient des mots nourris d'une rage qu'il connaissait bien. Elle avait envie d'être entendu, même si elle ne le savait peut-être pas encore et c'était parce que personne n'avait dû encore lui poser la bonne question.

Pourquoi ?

Il se revit plus jeune, incapable de vraiment exprimer les tempêtes qui le traversaient. Il aurait aimé avoir la maîtrise des mots de Joséphine pour le faire, mais ce n'était pas ça l'important. L'important, c'était de trouver la personne en face pour capter ces émotions en vrac, et il ne l'avait compris que bien plus tard. Systématiquement, les adultes autour de lui avaient eu des réponses variées : Hilda l'avait noyé de reproches avant de se faire plus conciliante ; sa mère lui avait permis de fuir quand il en avait besoin ; Hicks lui avait présenté des solutions et une certaine bienveillance exaspérée : même Leonidas, le parrain de Jules, s'était fendu de quelques remarques en espérant l'aider... Mais personne n'avait jamais songé à lui demander pourquoi il ressentait ce besoin d'hurler sa colère à la face du monde.

Et alors, habitée par la curiosité et l'envie de mettre Joséphine Abbot devant le défi qu'elle représentait pour elle-même, il sortit l'exemplaire de La Gazette qu'il avait emmené avec lui et le jeta dans sa direction. Il le fit avec un peu trop de force, mais heureusement elle avait de bons réflexes, et le rattrapa d'une main habile avant de lui décocher une œillade à la fois furieuse et agacé. Qu'importe. L'entretien pouvait désormais commencer et il croisa ses mains devant son visage, un grand sourire aux lèvres.

- Allez, dis-moi tout, encouragea-t-il. Pourquoi tu as écris ça ?

Vas-y, Joséphine, ajouta-t-il mentalement sans louper l'éclat déconcerté qui passa sur ses traits, dis-moi pourquoi tu es en colère. Et voyons ensemble ce qu'on peut en faire. 

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ALOOOOOOORS ?? Verdict ? ^^

Petites explications sur ce prologue. Comme vous avez pu le remarquer, j'ai repris la scène de LDP où Joséphine fait son entretien d'embauche, mais du point de vue de Noah. Toute l'idée était vraiment de montrer leurs points de vue croisés et c'était très amusant à faire, d'étoffer aussi le "avant" pour voir où en était Noah. 

Je précise que les noms de journalistes qui se présentent à l'entretien et les infos autour d'eux viennent de Pottermore ! 

Pour la première partie du bonus, on se retrouve... la semaine prochaine ! Et oui, aussi vite, ça sera un peu notre petit cadeau de noël ! (Par contre, il remplacera le chapitre de LHDI prévu, faut vraiment que je me refasse une avance donc ce bonus permettra d'au moins poster quelque chose pour combler un peu). Voilà vous savez tout ! 

Encore un énorme merci à Perri pour ce projet, vraiment chaque jour je m'émerveille de ce qu'on a créé ensemble. Je n'aurais pas pu trouver une meilleure partenaire d'écriture et si j'ose dire une meilleure amie pareille <3

Et avant de se quitter, puisqu'on vous a sous la main, qu'attendez-vous de ce bonus ? Quels scènes, quels thèmes, qu'attendez-vous de Joséphine et Noah sous notre plume ?

Allez, à la semaine prochaine !! 

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