𝔏𝔞 𝔅𝔢̂𝔱𝔢
La conscience est la lumière de l'intelligence pour distinguer le bien du mal - Confucius
Dans le silence assourdissant de la nuit, un jeune homme se tient debout devant ce qui semble être une tombe. Il ne sait pas vraiment ce qu'il fait ici à cette heure tardive, ni pourquoi cette action est devenue récurrente aux cours de ces derniers mois, lui qui n'a jamais été un grand sentimental. L'œil morne, il regarde les inscriptions gravées dans le marbre sans une once de chagrin ni de regret. En fait, son visage ne reflète que l'impassibilité, l'indifférence.
Il sait que son père l'a toujours détesté, et ce, depuis sa venue au monde. Du temps de son vivant, combien de fois ne lui a-t-il pas rabâché sa haine et sa rancœur pour l'abomination qu'il était ? Il lui arrivait même d'en venir aux mains, et parfois, quand il avait trop bu, c'était sa ceinture qui prenait le relais. Mais d'où venait toute cette haine ? Jungkook n'a jamais compris. Il s'est pourtant démené à le rendre fier de lui tout au long de son enfance, récoltant les meilleures notes de sa classe et devenant le petit garçon modèle que tout parent rêve d'avoir. Mais tous ses efforts n'ont jamais été suffisants.
Est-ce qu'il a été touché en apprenant la mort de son père ? Non, pas du tout. C'est même plutôt l'inverse, il a été soulagé lorsque le policier lui a annoncé la terrible nouvelle. Vu sous cet angle, il n'est pas illogique de penser que le jeune homme - qui à l'époque venait tout juste d'avoir douze ans - est fou ou tout simplement sans cœur. Mais ce jour-là, Jungkook a enfin aperçu une éclaircie dans sa vie morose.
Alors pourquoi, pourquoi après toutes ces années passées sans penser à lui, ressent-il le besoin de venir le voir au cimetière et surtout, pourquoi aujourd'hui alors que la police est sûrement en train de le rechercher activement ?
Le crime qu'il vient de commettre dans le petit café à l'angle de la rue des Bouchers n'est certainement pas passé inaperçu et les voisins ont dû appeler les forces de l'ordre dès l'instant où ils ont vu le jeune adulte sortir du commerce, recouvert de sang de la tête au pied.
Un rictus étire ses belles lèvres carmin lorsque des bribes de souvenirs de cette nuit lui reviennent en mémoire. Il se rappelle avoir pris du plaisir en regardant ses victimes agoniser dans d'atroces souffrances.
À cette pensée, Jungkook sait que quelque chose ne tourne pas rond chez lui. Il a toujours été comme ça, tiraillé entre deux pôles extrêmes, mais sa folie semble s'être intensifiée au cours de ces derniers mois. Il a parfois l'impression que ses démons prennent le dessus sur ses actions ainsi que sur ses pensées et le poussent à commettre des actes impardonnables. Dans ces moments-là, il a l'impression qu'une rivière glacée plonge son esprit dans un état d'inconscience jusqu'à son réveil.
Il lui arrive parfois d'ouvrir les yeux comme après une nuit de sommeil dans un endroit inconnu, quelquefois avec des vêtements tachés d'une sombre couleur et d'autres fois avec des brûlures sur son corps svelte. Ces blessures sont toujours éphémères et disparaissent au bout de quelques jours, comme si sa peau a le don de se régénérer dix fois plus vite qu'un être humain normal.
Oui, le jeune homme n'est pas comme les autres, bien qu'il essaie de s'en dissuader, comme s'il est dans une sorte de déni, n'acceptant pas sa différence.
Perdu dans ses réflexions, il n'entend pas tout de suite le bruit assourdissant des sirènes de police qui braillent dans les environs et qui semblent se rapprocher de plus en plus. Bientôt, il va se retrouver encerclé par toute une armée d'officiers, sans aucune issue pour s'en sortir. Bien-sûr, s'il l'avait voulu, Jungkook aurait eu le temps de s'enfuir, sachant que le cimetière se trouve tout en haut de la colline. Mais le jeune adulte n'en peut plus de fuir. À vrai dire, il est fatigué de la vie misérable qu'il mène.
Il se laisse alors tomber mollement sur ses genoux, n'ayant de toute façon pas la force de riposter. Lentement, il apporte ses mains derrière sa tête comme le lui a demandé le sergent Jung. Pour il ne sait quelle raison, son subconscient lui insurge de se laisser faire, que l'aide dont il a grandement besoin ne va pas tarder à arriver.
Une fine pluie commence à ruisseler sur ses joues émaciées. Il ferme les yeux le temps que la police le menotte et profite de ses derniers moments passés à l'extérieur pour savourer la douce fraîcheur que lui procurent les gouttes d'eau sur son visage. Celles-ci finissent leur course sur le marbre de la pierre tombale lorsqu'il incline sa tête vers le bas, emportant avec elles le sang qui macule son visage de démon.
Dans un murmure quasi inaudible, une dernière parole est prononcée. Personne ne semble l'avoir entendue tant la voix du garçon est basse, mais peut-être que quelque part ailleurs, ses mots résonnent encore comme les carillons d'une cloche.
- Je te demande pardon.
☽☾
Deux heures. C'est le temps qu'il a fallu au docteur Kim pour rejoindre son patient dans la salle d'interrogatoire. Vingt minutes, c'est le temps qui s'est écoulé depuis qu'il y est entré. Pas un mot n'est sorti de la bouche du détenu depuis que la police l'a coincé entre ces quatre murs. Pas même lorsque le psychiatre l'a salué en s'installant sur la chaise en face de lui. Ils se regardent en chien de faïence et n'attendent qu'une chose, que l'autre prenne la parole en premier. Le vingtenaire a eu le temps d'analyser le jeune garçon. Dans son dossier, il est indiqué que son patient est âgé de vingt-et-un ans, mais il lui en aurait bien donné vingt-cinq tant ses traits sont tirés et ses yeux cernés. Personne n'a pensé à le débarbouiller, ce qui est bien dommage. Il aurait certainement paru plus sympathique sans le sang séché qui est étalé un peu partout sur son visage.
Le docteur ne comprend pas la peur qui a secoué tout un régiment d'officiers. Le gamin qu'il a en face de lui paraît tout à fait normal, voire presque innocent. Son regard est effarouché, comme celui d'une biche devant les phares d'une voiture. Sa lèvre est meurtrie à force de la mordre et ses poignets sont rougis à cause du frottement des menottes contre sa peau. Rien ne pourrait lui faire penser qu'il a en réalité un assassin en face de lui, ni même une anomalie.
- Monsieur Jeon Jeongguk, c'est bien ça ?
L'interpellé se contente d'hocher sa tête avec raideur. Il a la gorge bien trop sèche pour émettre le moindre son. De toute façon, il n'a pas envie de parler. Il est tétanisé. L'homme en face de lui semble le comprendre et décide de passer au sujet suivant. Il sort des feuilles d'une grande pochette noire et les étale devant lui. Jungkook s'interroge sur ses intentions. Il n'a jamais aimé le corps médical, il se sent incompris auprès d'eux.
- Alors Jeongguk...
- Jungkook, le corrige-t-il de sa voix cassée. Je préfère quand on m'appelle Jungkook.
- D'accord Jungkook. Peux-tu me dire ce qu'il s'est passé ce soir ?
Pourquoi faire ? Cette question lui brûle les lèvres, mais il préfère la garder pour lui. Il sait que personne ne le croira. Son histoire est trop démente, à la limite du réel. Alors il se braque, détourne le regard sur les anneaux de fers qui entourent ses poignets et prie pour que tout ceci ne soit qu'un affreux cauchemar.
Le médecin est dépassé. Ses confrères lui ont filé un cas qui sort de ses habitudes et il ne sait pas comment s'en dépatouiller. Sur l'instant, il se dit que c'est une affaire désespérée. Si le gamin ne veut pas parler, il n'a aucune chance d'avancer ni même de l'aider. Et puis il reprend du poil de la bête. Ce n'est pas son genre d'abandonner au premier problème, il n'a même pas encore utilisé toutes ses cartes. Bien décidé à obtenir des réponses, l'homme se redresse sur son siège et se racle la gorge.
- Et si nous reprenions depuis le début, qu'en penses-tu ? Enchanté Jungkook, je suis le docteur Kim. Sais-tu pourquoi je suis là ?
- Je ne suis pas fou.
- Personne n'a dit le contraire.
- Si, c'est pour ça que vous êtes en face de moi.
- Pourquoi est-ce que l'on penserait ça de toi ?
Le garçon reste muet, il a compris la combine du médecin et ne compte pas se faire avoir.
- Que faisais-tu dehors en pleine nuit, Jungkook ?
- Je rendais visite à mon père.
- À ton père ? Accepterais-tu de me parler de lui ?
La mâchoire serrée et les pupilles rivées sur les feuilles disposées sur la table, Jungkook se replonge difficilement dans ses souvenirs d'enfant.
☽☾
Douleur.
Amertume.
Chagrin.
C'est tout ce que Jungkook arrive à ressentir à cet instant précis. Son corps résiste péniblement aux nombreux coups de ceintures qu'il reçoit de son père tandis que son esprit lutte pour ne pas sombrer dans les abysses de son subconscient.
Mais le noiraud sait que c'est peine perdue. Ses membres se font de plus en plus engourdis et ses paupières peinent à rester ouvertes. Au fond de lui, il a déjà abandonné le combat.
Lorsque son père fait claquer une énième fois sa ceinture contre la peau rougie de son corps frêle, Jungkook lâche enfin prise et se laisse happer docilement par les ténèbres où il y trouve refuge. Du moins, pour une courte durée.
Le réveil est agité pour le petit garçon qui a perdu connaissance la veille. Alerté par des cris qui proviennent de l'extérieur, il émerge difficilement du gouffre dans lequel il était retenu jusque-là.
Ouvrant un œil après l'autre, c'est avec surprise qu'il se rend compte qu'il se trouve dans son lit et non plus dans le bureau de son père, là où ses souvenirs de la veille s'arrêtent.
Au fur et à mesure que les secondes passent, les cris s'intensifient, poussant ainsi Jungkook à descendre de sa chambre pour découvrir le spectacle qui l'attend en bas.
A travers les fenêtres de la grande baie vitrée du salon, le noiraud peut apercevoir ses voisins entourer le corps robuste de leur jardinier et celui inerte d'une autre personne étendue de tout son long sur l'herbe fraîche. En y regardant plus attentivement, Jungkook reconnaît le costume coûteux de son père sur la silhouette disloquée qui repose à terre.
Prêtant enfin attention aux vociférations de ses voisins, le petit garçon comprend qu'ils sont en train d'accuser le jardinier d'avoir écourté la vie de monsieur Jeon. Jungkook bloque sur cette information. Son père vient donc de passer de la vie au trépas ? Cela signifie-t-il qu'il est enfin libre de toute cette peur qui le ronge depuis si longtemps ?
Une boule de joie explose dans son ventre alors qu'il prend petit à petit conscience de ce que cela implique. Cependant, cette joie est vite balayée pour laisser place aux remords. Ne devrait-il pas être attristé ou du moins secoué par cette terrible nouvelle ? Que vont penser les autres en le voyant aussi peu touché par la mort de son père ? On le prendrait pour une personne sans cœur dans les meilleurs des cas et dans le pire... Il ne préférait même pas y penser.
Il suffit de faire semblant.
Faire semblant de pleurer une personne qui n'a jamais éprouvé une once d'amour envers lui et qui passait son temps à le rabaisser ? En est-il seulement capable ?
Tu peux le faire, Jungkook. Rien n'est insurmontable.
C'est avec ces paroles en tête que le petit garçon parvient facilement à duper tous ceux qui l'interrogent sur la fin tragique de son paternel. Son air d'enfant innocent ainsi que ses grands yeux larmoyants ont suffi aux autres pour qu'ils le croient et le laissent tranquille.
Quelque temps après son arrivée au commissariat, une assistante sociale est venue le chercher afin de le conduire dans un orphelinat pour garçon. Ce n'était censé durer qu'une courte période le temps qu'une famille d'accueil vienne l'adopter, lui avait-elle dit.
Jungkook l'a bien-sûr crue, mais il faut reconnaître qu'un enfant et un adulte n'ont pas la même notion du temps. Deux ans, c'est le temps qu'il a patienté avant qu'une femme et son mari ne viennent enfin le délivrer de cet endroit morose où son seul réconfort était un garçon plus vieux de trois ans et prénommé Yoongi.
Ah Yoongi, Jungkook se rappelle d'avoir pleuré à chaudes larmes lorsqu'on lui a annoncé qu'ils allaient devoir se séparer. Ce garçon a été l'une des premières personnes à s'être montré aussi attentionné envers le noiraud, il l'a même aidé à se reconstruire petit à petit après la disparition de son père. Mais il y a des stigmates que l'on ne peut effacer à tout jamais.
Une ombre menaçante s'est installée autour de Jungkook, elle s'épaissit de jour en jour, alimentée par toute la noirceur qui entoure le garçon, prête à faire surface à tout moment.
- Dis m'en plus sur ce Yoongi. Vous êtes-vous revus après l'orphelinat ?
☽☾
Jungkook grimace, il vient déjà de livrer des souvenirs qui lui sont douloureux, pourquoi diable s'acharne-t-il à connaître ce genre de détails qui lui font plus mal qu'autre chose ? L'homme face à lui le scrute cependant avec tellement d'intensité qu'il se sent obligé d'obéir à sa requête.
- Yoon, t'es sûr qu'on a le droit d'être ici ? chuchote Jungkook de sa petite voix d'enfant tout en se cachant derrière le dos de son aîné lorsque celui-ci pénètre dans la salle de musique de leur école.
- T'inquiète pas Kook, j't'aurais pas emmené avec moi si je n'étais pas sûr que cet endroit était inoccupé.
Rassuré par les paroles de son ami, le garçon de quatorze ans avance plus sereinement dans la grande pièce assombrie par les rideaux tirés. Un faible rayon de soleil parvient tout de même à s'infiltrer parmi ces longs morceaux de tissus, éclairant ainsi un tant soit peu la pièce.
Jungkook se perd dans la contemplation de grains de poussière qui voltigent au-dessus de sa tête. Il se dit qu'il aimerait bien être à leur place, être aussi léger qu'eux et planer sans se soucier du temps qui passe.
Il est soudainement sorti de ses songes par les notes aiguës d'un piano. Il n'a pas besoin de se retourner vers son ami pour comprendre que c'est lui qui est à l'origine de ce doux son.
Sans y réfléchir davantage, il part le rejoindre sur le tabouret dédié au pianiste et tente de l'accompagner selon les souvenirs qu'il lui reste de ses cours de solfège, mais c'est un échec lamentable. Ses doigts ne sont pas assez agiles, il frappe deux touches au lieu d'une et le son est cassant, alors il préfère laisser jouer Yoongi seul.
A la place, il écoute la mélodie avec un grand sourire pendu aux lèvres. Il adore assister aux concerts privés de son ami, c'est quelque chose qui parvient toujours à le bercer et à l'apaiser. Et en ce moment, il en a bien besoin. Alors lorsque la chanson touche à sa fin, Jungkook se pend au bras de son camarade et lui fait ses yeux doux pour qu'il reprenne du début. Yoongi ne peut s'empêcher de rire de bon cœur, il est habitué au manège de son cadet et sait qu'il n'en a jamais assez.
Ses doigts courent sur le clavier encore et encore, pendant une heure au moins ou peut-être plus. La tête endormie de Jungkook finit par glisser sur l'épaule de l'adolescent, mais ça lui est égal. Il ferait n'importe quoi pour le rendre heureux. Quand il s'arrête enfin, il souffle et détend ses mains endolories avant de poser ses deux obsidiennes sur le corps maigrelet de son ami. Il ne peut s'empêcher d'éprouver un élan d'affection en le regardant dormir si paisiblement. C'est si rare de le voir aussi détendu, il voudrait que cela dure plus longtemps.
- Tant que je serai là, je te fais la promesse qu'il ne t'arrivera rien.
☽☾
- Que s'est-il passé ensuite Jungkook ?
- Yoongi est parti, il m'a abandonné.
- En connais-tu les raisons ?
- J'imagine que j'étais devenu un fardeau pour lui..., l'image qu'il reflète de lui à cet instant est si fragile, c'est la première fois que le docteur entraperçoit une faille dans cette bulle qui semble entourer le garçon.
- Comment as-tu vécu cet abandon ?
Un rire sarcastique lui secoue les épaules et fait vibrer ses cordes vocales tant la question lui paraît absurde. La réponse n'est-elle pas évidente ?
☽☾
Comment a-t-il pu ? Comment Yoongi a-t-il pu lui fausser compagnie après neuf longues années à se battre à ses côtés ? S'est-il rendu compte de la cause perdue qu'il est ? En a-t-il eu marre de toujours devoir veiller sur lui ? Est-il finalement devenu un poids trop lourd à porter ?
Tant de questions qui resteront sans réponse parce que Yoongi est parti. Il s'est évaporé du jour au lendemain sans même dire adieu à Jungkook.
Un goût amer persiste depuis quelques jours dans la bouche du jeune homme. Si c'est ça la saveur de la trahison, elle est immonde.
Depuis qu'il est seul, Jungkook est rongé par l'angoisse. Il a peur de s'endormir le soir. Quelqu'un d'autre pourrait avoir pris sa place à son réveil. Alors il ne dort que d'un œil la plupart du temps. Le reste, il est éveillé, il guette lui aussi. La dernière fois qu'il a baissé sa garde, il est revenu couvert de brûlure et puant le pétrole. Et depuis, plus aucune nouvelle de Yoongi.
Il sent ses forces le quitter de jour en jour. Et puis, vient ce moment où il craque. A quoi bon lutter quand plus rien ne le retient ? Il est temps, temps de lâcher prise.
☽☾
- Que s'est-il passé ce soir, Jungkook ?
- Je suis sorti prendre l'air, comme chaque vendredi après mon service.
- Tu étais toujours dehors à vingt-trois heures ?
- Je n'étais pas chez moi si c'est votre question.
- Où étais-tu dans ce cas ?
- Ci et là..., le regard du jeune homme vagabonde sur les quatre coins de la pièce, il semble de moins en moins concentré sur leur conversation. Ou du moins, les premiers signes d'agacement deviennent visibles.
- Jungkook, j'ai besoin de plus de précisions. Vous vous en souvenez ?
- Pourquoi me le demander alors que de toute évidence, vous connaissez déjà la réponse ? Vous avez des témoins qui vous le confirmeront.
- Je veux ta version des faits, mon garçon.
- Elle n'est pas très jolie à entendre, susurre-t-il du bout des lèvres, ses deux pupilles obsidiennes de nouveau braquées sur le corps maigrelet de l'homme en blouse blanche.
- C'est à moi d'en juger.
- Je vous aurai prévenu, docteur.
☽☾
La nuit est froide ce soir. Aucune étoile n'illumine le ciel ni le chemin de Jungkook. C'est un garçon qui vit dans l'ombre de toute façon. Ses pieds raclent le sol et butent parfois contre des cailloux, le faisant jurer quand il manque de se tordre la cheville à cause de l'un d'eux. Ses mains sont fourrées dans la poche de son manteau et son nez dans son écharpe, celle que Yoongi lui a offerte l'année dernière.
Il erre sans but précis, il veut juste se changer les idées. Sa vie est morne ces temps-ci, et bien trop calme, comme une tempête qui s'annonce au loin. Ses poils se dressent quand il entend des bribes de voix tout près de lui, il ne supporte pas le bonheur des autres quand lui n'y a pas droit.
Il marche encore jusqu'à tomber sur une enseigne lumineuse. PANDEMONIUM, c'est le nom inscrit sur la pancarte qu'il lorgne. Il a l'air d'y faire chaud et surtout d'y avoir de l'alcool. C'est une bonne manière de déverser son spleen.
Il entre et part s'accouder au bar du café, là où personne ne risque de le déranger. Il regarde quelques instants les actualités défiler sur le petit poste-télé accroché au mur en attendant qu'un serveur porte son attention sur lui. De son tabouret, il peut voir un couple de danseurs se trémousser sur une chanson des années quatre-vingt diffusée par le vieux juke-box. Ça lui donne presque envie de les rejoindre car c'est quelque chose qu'il adorait faire autrefois, seulement il a déjà d'autres projets en tête.
- C'est une jolie broche que vous avez là. Elle vous sied à ravir.
Son compliment semble toucher la jeune serveuse qui vient d'arriver puisqu'elle rougit jusqu'à la pointe de ses oreilles. Trop facile, se dit-il.
Il lui offre son sourire ravageur pour mieux la faire tomber dans ses filets et quelques minutes plus tard, la conversation est lancée.
Il la laisse se confier à lui, répondant de temps en temps pour confirmer qu'il l'écoute attentivement, pendant que ses yeux la dévorent du regard. Son esprit se met à divaguer et il se questionne sur la texture de sa peau, la tonalité de sa voix lorsqu'elle arrive à son paroxysme, la couleur de son sang. Est-il vermeil ? Pourpre ? D'une odeur alléchante ? Jungkook papillonne soudainement des paupières comme pour sortir d'un rêve, conscient de la dangerosité que prend la tournure de ses pensées.
L'angoisse lui tord le ventre, il sait qu'il est là, éveillé et attentif. Il est assoiffé, comme une bête qu'on aurait oublié de nourrir. Alors il boit une gorgée du liquide ambré qui repose dans son verre. Il boit pour oublier la douleur lancinante qui se propage dans son être, il boit pour chasser toute idée scabreuse qui s'immisce dans son esprit pourri, mais l'alcool n'est pas assez fort. C'est un combat perdu d'avance entre lui et la bête.
Il n'a jamais voulu faire de mal à qui que ce soit. Jungkook est un ange comparé à celui qui se fait appeler Jeongguk. C'est lui le véritable démon, un alter-ego dont il se serait bien passé.
La jeune fille en face de lui est trop naïve, elle lui offre son cou et ses veines sur un plateau d'argent. Il a la tête qui bourdonne, c'est un véritable calvaire. Cette voix au fond de lui qui lui hurle toutes ces atrocités est bien trop forte pour qu'il en fasse abstraction, il veut qu'elle s'arrête, qu'elle lui fiche la paix une bonne fois pour toute. Il ferme les yeux, s'abandonne à quelques prières qu'on semble entendre car lorsque ses paupières laissent de nouveau passer la lumière, le monde autour de lui a disparu. C'en est fini.
Jungkook s'est fait renverser comme le roi lors d'un échec et mat. D'ailleurs, ces mots résonnent encore dans la tête du garçon. Mais il n'a pas le temps de s'en préoccuper, le buffet est désormais à volonté...
-----------------------------------------------
Je suis contente de vous retrouver avec cette nouvelle histoire mes anges !
Bon, je vous avoue que j'ai longtemps réfléchi quant à savoir si je devais vous la partager ou non. De base c'est une Nouvelle que j'ai écrite pour mon examen de janvier, d'où le fait que la relation Taekook ne soit pas très présente, voire quasi inexistante mdr (j'ai d'ailleurs un peu honte de l'avoir publiée dans ce recueil)... Je me rattraperai peut-être dans une deuxième partie, il y a encore pas mal de choses qui pourraient être développées dans cet univers, mais je ne me vois pas me lancer dans sa rédaction si vous n'avez pas aimé cette partie ahah
N'hésitez donc pas à me dire ce que vous en avez pensé, ça me fait toujours très plaisir de lire vos commentaires ! ❤️
À très bientôt !
BWL
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top