OS N°8 - Légende - MHA

(Désolée, je n'ai pas trouvé de média correspondant, alors je vous mets juste un fanart mignon)


Univers : My Hero Academia - Univers Alternatif

Personnage-s : Kaminari Denki, Shinsō Hitoshi & Sero Hanta

Présence de ship-s : Shinkami

Longueur : Plus de 10 000 mots (les gars, c'est le plus long de tout le recueil pour l'instant, Wattpad m'indique qu'il faut 30 minutes pour le lire (leurs estimations sont toujours fausses, ne partez pas !))


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"Si une nuit tu rencontres quelqu'un doté d'une chevelure mauve dans la forêt ou la campagne, surtout ne lui adresse pas la parole. S'il te parle, ne lui réponds jamais. Car si tu fais cette erreur, il s'emparera de ton corps ; et ton esprit, lui, sera perdu à jamais."


 Quelque part dans le Royaume de Yuei, dans un village reculé, vivait Denki Kaminari. Ce jeune adulte, souvent confondu avec un adolescent de part son comportement enfantin et irresponsable, avait grandi avec croyances, mythes et légendes à ne plus savoir quoi croire. C'était une fois une bête monstrueuse qui venait dévorer les enfants qui se perdaient la nuit tombée ; une autre, un cerf de lumière descendu de la Lune qui apportait le bonheur à celui qui avait la chance de le croiser ; une troisième, des êtres de la taille d'une main qui chapardaient les songes des endormis pour les remplacer par des cauchemars. Si jamais Denki avait pensé à les compter, il lui aurait fallu des années. Pour chaque chose du quotidien, pour chaque disparition mystérieuse, pour chaque enfant désobéissant, il y avait une explication fantastique.

 L'une d'elle en particulier avait éveillé la curiosité et l'incompréhension de Denki : celle des Rôdeurs Mauves. Des êtres, semblables en tout points à des Humains, mais qui étaient reconnaissables à leurs étranges cheveux violet pâle. On les disaient porteurs de grande capes noires ou blanche, marchant la nuit dans les forêts et les campagnes désertes. Certains affirmaient qu'ils étaient des apôtres du Diable, d'autres des Esprits qui n'avaient pas réussi à trouver la paix, d'autres encore qu'il n'étaient pas originaires de notre monde. Mais ce que l'on redoutait chez eux, c'était leur capacité à transformer en pantin quiconque avait le malheur de leur répondre. L'enveloppe charnelle de l'Humain piégé devenait le jouet du Rôdeur, quant à l'esprit qui l'habitait... il n'en restait rien.

 Denki avait du mal à comprendre : on disait que les Rôdeurs Mauves demandaient aux personnes qu'ils croisaient s'ils étaient perdus, pour les pousser à leur parler. Mais Denki trouvait cela, au contraire, plutôt gentil. Il avait réfléchit et trouvait plus simple d'attaquer quelqu'un afin de l'obliger à répondre, plutôt que de lui proposer son aide pour retrouver son chemin. Les gens étaient méfiants alors, sans même connaître cette croyance, il ne s'approcheraient généralement pas à d'étranges inconnus drapés dans de grands voiles, les prenant pour des voleurs ou des assassins.

 Bien évidemment, Denki n'avait dit à quiconque ce qu'il pensait. On pouvait qui douter des légendes, mais rendre les créatures maléfiques bienveillantes, c'était inconcevable. Le jeune homme aurait bien voulu croiser un de ces Rôdeurs, pour connaître la vérité ; au risque de se faire voler son corps. Alors certaines nuits, lorsqu'il ne trouvait pas le sommeil, il partait sans bruit déambuler dans les champs ou entre les arbres.

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 C'était une nuit claire grâce à la Lune au trois quarts pleine et au ciel dégagé. Denki n'avait une fois encore pas réussi à s'endormir et cette fois-ci, il avait choisi la forêt. Les arbres touffus diminuaient grandement la luminosité du lieu, mais le jeune homme avait de bons yeux et avançait sans grandes difficultés. Il marchait d'un pas tranquille, ne souhaitant pas troubler la quiétude du lieu, et se penchait de temps à autre vers le sol pour ramasser des champignons et autres plantes comestibles - il avait apporté une besace pour les transporter.

 Denki jetait régulièrement des regards autours de lui, en quête d'un Rôdeur Mauve. Ça devait faire une bonne centaine de fois qu'il sortait la nuit dans l'espoir d'en croiser, mais ses promenades nocturnes n'avaient jusqu'alors rien donné.

- Si ça continue, je vais penser qu'ils n'existent pas, ces Rôdeurs... marmonna-t-il en cueillant un autre champignon.

 Il perdit l'équilibre en se relevant et s'étala de tout son long, poussant un cri. Il s'était mordu la langue et ça paraissait assez profond d'après l'intense goût de sang qu'il avait dans la bouche. Lorsqu'il se releva, il s'essuya la bouche d'un revers de main et grimaça d'avantage en voyant la traînée de sang sur celle-ci. Denki soupira et s'essuya contre l'écorce d'un arbre - qui semblait assez propre.

 Il continua d'avancer, jusqu'à arriver dans une sorte de clairière. Enfin, clairière, c'était un bien grand mot : elle devait à peine faire quelques mètres carrés. Ce fut pourtant une opportunité pour le jeune homme, qui s'assit en son centre pour se reposer. Il sorti quelques baies de sa besace et les croqua en fixant le ciel.

- Es-tu perdu ?

 Denki se tourna vivement vers la source de la voix, la cherchant du regard. Ses yeux dorés s'écarquillèrent en rencontrant ceux, violets et cernés, d'un homme d'environ son âge. Il portait une sorte de grand voile blanc qui lui couvrait l'entièreté du corps - si ce n'est le cou et la tête, aux fins dessins noirs. Mais, par dessus tout, c'était les cheveux mauves qui se dressaient en ondulant sur son crane qui effrayèrent Denki.

- Un Rô-Rôdeur... souffla-t-il, tremblant, ne se rendant pas compte qu'il parlait à la créature.

 Le Rôdeur Mauve resta immobile, attendant une réponse, positive ou négative. Comprenant que Denki resterait pétrifié ainsi s'il ne se passait rien, il reposa sa question, l'air légèrement las.

- Es-tu perdu ? Veux-tu de l'aide pour rentrer chez toi ?

 En dépit de toutes ses convictions, le jeune blond n'arrivait pas à répondre au Rôdeur Mauve. La peur était trop forte. Alors, malgré toutes ces nuits passées à l'extérieur dans le but d'en croiser un, il s'enfuit sans dire un mot de plus, laissant la créature seule.

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 Lorsqu'il arriva chez lui, le souffle court suite à sa course, il se frappa le front contre un mur.

- Minable ! Alors que ça fait des mois que j'essaye d'en trouver un, je me défile !

 Il maugréa une minute, puis parti se coucher en traînant des pieds.

- La prochaine fois, je répondrais. Si jamais je fais encore le lâche, alors je jure que je devrais déménager à l'autre bout du Royaume, assura-t-il en serrant les poings.

 Alors qu'il sombrait dans le sommeil, une dernière pensée lui traversa l'esprit : bien qu'il ait parlé au Rôdeur, il était toujours vivant.

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 Denki avait repris ses expéditions nocturnes, décidé à retrouver un Rôdeur Mauve. Il s'était juré de parler à l'une de ces créatures, peu importe le prix à payer : c'était toujours mieux que d'être un lâche. Mais cela faisait bientôt sept mois, et il commençait à perdre espoir.

- Presque deux ans que je cours après ces Rôdeurs... J'aurais vraiment dû tenter ma chance cette fois là, soupira-t-il.

 C'était de nouveau une nuit claire, chose rare à cette période de l'année, et le jeune homme avait espéré que ce soit un signe. Il avait privilégié la forêt afin d'augmenter ses chances et tentait de s'enfoncer le plus profondément possible entre les arbres, avec l'idée que "les Rôdeurs doivent probablement s'approcher des personnes qui pourraient vraiment être perdues" - c'était le fruit de sa réflexion.

 Il se trouvait à présent loin de son village et il commençait à se demander s'il n'était pas véritablement perdu. À trop vouloir jouer les égarés, cela s'était retourné contre lui. Il jura entre ses dents, l'idée de devoir dormir à la belle étoile ne lui disait rien - et puis, il y avait une foule de créatures autres que les Rôdeurs Mauves qui pouvaient bien l'attaquer.

 Il décida de s'arrêter là, se faisant la réflexion que s'il devait rebrousser chemin lorsque le Soleil se lèverait, il ferait mieux de ne pas s'enfoncer d'avantage. Il s'assit contre le tronc d'un large arbre, assez éloigné des autres pour être moyennement éclairé. Il sortit un livre de sa besace, le plaçant dans une zone de lumière, puis commença à le lire, les yeux plissés.

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 Cela faisait environ une heure que Denki lisait - un peu difficilement -, et ça commençait à le fatiguer. Il rangea son livre, se massa les yeux puis s'appuya sur les paumes de ses mains pour observer les alentours. Il était tenté de parler, pour attirer un Rôdeur, mais se reprenait à chaque fois en pensant aux autres créatures - priant au passage pour qu'aucune d'elles ne viennent dans son sommeil. Il détourna son regard un instant des bois pour le ciel et lorsqu'il le reposa sur les arbres, une forme blanche était apparue au bord de son champ de vision.

 Il se releva soudainement et écarquilla les yeux en reconnaissant le vêtement distinctif des Rôdeurs Mauves. Il chassa ses peurs d'un revers de main, souffla doucement pour se calmer, puis avança lentement vers la silhouette. Lorsqu'il arriva suffisamment près d'elle, il fut surpris en reconnaissant le jeune homme qu'il avait vu il y a sept mois.

"Pas croyable, c'est lui... ! Sur tous les Rôdeurs qu'il doit y avoir par ici, je retombe sur le même !"

 Ledit Rôdeur le remarqua quelques secondes après son arrivée, pencha presque imperceptiblement la tête sur le côté puis parla.

- C'est encore toi. Tu as réellement l'air perdu, cette fois. Veux-tu de l'aide ?

 Denki tressaillit en entendant sa voix, sa peur ne s'étant pas totalement dissipée, mais remarqua qu'il n'était pas le seul à se souvenir de leur première rencontre. Il s'arma de courage, inspira profondément puis osa lui répondre.

- Tu es... un Rôdeur, n'est-ce pas ? demanda-t-il - il préférait s'en assurer.

- Un quoi ?

- Un Rôdeur Mauve, enfin, les créatures qui marchent la nuit et qui demandent aux gens s'ils sont perdus, quelque chose comme ça.

- Ah. Je vois. On nous appelle comme ça. Je comprends...

 Le jeune blond était mitigé entre peur, émerveillement et joie : il parlait à un Rôdeur ! Et, comme il le pensait, il n'avait pas l'air de vouloir lui faire de mal.

- Tu veux juste aider les gens perdus, c'est ça ? Tu ne fais rien à personne, hein ?

- Je ne vois pas ce que je pourrais te faire. Et oui, nous guidons les gens perdus, parce que nous n'avons que ça à faire. En théorie.

- En théorie ? répéta Denki, tout de suite moins rassuré.

- Tu dois bien être le seul humain qui n'ait pas fui devant moi - si on exclu la première fois. Alors je n'ai jamais aidé personne.

- Donc, qu'on mette bien les choses au clair, tu as des pouvoirs ?

  Le Rôdeur Mauve le regarda en haussant un sourcil.

- Je comprends humains, animaux et plantes. Est-ce ce que tu appelles "pouvoir" ?

- Tu ne peux rien faire d'autre ?

- Pas à ma connaissance, non.

- Aha, j'avais raison ! s'exclama fièrement Denki, un grand sourire sur les lèvres.

 Le Rôdeur le fixait sans comprendre.

- Raison pour quoi ?

- Ben, au village, tout le monde dit que les Rôdeurs Mauves, ce sont des créatures qui volent les corps des humains en leur parlant. Et moi, je me disais bien que c'était faux. Du coup, ça fait deux ans que je cherche quelqu'un comme toi, pour vérifier mon idée.

- Voler des corps ? Les Humains sont étranges... murmura-t-il. Cependant, pourquoi t'es-tu enfui lors de notre première rencontre ?

- Ah, ça... Disons que j'avais quand même un peu peur, avoua-t-il, un peu gêné. Je ne suis pas le plus intelligent du village, loin de là, alors quand je pense quelque chose on évite de s'y fier - même moi. Mais maintenant, je suis rassuré !

- Hmm. Donc, la dernière fois, tu n'étais pas perdu.

- Non. Mais... là, je crois bien que je me suis trop éloigné. Je comptais attendre l'aube pour y voir plus clair, mais puisque tu es là... Tu veux bien m'aider ?

 Le Rôdeur hocha la tête puis lui indiqua d'un geste de main de le suivre.

"Il a donc des membres, hein... Au moins des bras", songea Denki en marchant derrière lui.

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 Ils étaient arrivés aux abords du village en à peine une heure. Le jeune homme n'avait pas osé poser plus de questions, mais ne s'était pas gêné pour scruter du mieux qu'il le pouvait les fins détails sombres de la cape du Rôdeur Mauve - il voulait les recopier sur un cahier. Il avait au passage vu que la créature avait des pieds - ce qui sous-entendait des jambes - et semblait donc conforme en tous points aux Humains.

- Voilà, c'est bien ce village là ?

- Oui, c'est lui. C'est incroyable, on y est arrivé vraiment rapidement !

- Je connais la forêt, ce n'est pas compliqué de trouver le chemin le plus rapide.

 Denki le remercia en s'inclinant, commença à s'éloigner puis s'arrêta et se tourna vers le Rôdeur.

- Dis, tu penses qu'on pourrait se revoir ?

- C'est difficile de se croiser.

- Oui, mais si on décide d'un lieu de rendez-vous, c'est possible. Alors, t'en dis quoi ?

- Si tu veux.

- Super ! Tu te souviens de là où l'on s'est rencontrés, la petite clairière ? Je viendrai là-bas la prochaine fois. Peut-être pas demain, parce que je dois récupérer mes heures de sommeil, mais dans deux ou trois jours c'est possible.

- Bien. Je t'attendrai alors.

- Génial ! À bientôt !

 Il reprit sa marche, fit quelques pas puis s'arrêta de nouveau.

- Au fait, je m'appelle Denki, se présenta-t-il. Et toi, tu as un nom ?

 Le Rôdeur sembla réfléchir quelques secondes, comme s'il l'avait oublié, puis pencha la tête vers l'avant.

- Je suis Hitoshi.

 Il s'enfonça dans la forêt, laissant le jeune homme. Denki rentra chez lui en sautillant, heureux de cette rencontre - et de la véracité de son hypothèse.

- Hitoshi. C'est joli.

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 Denki attendait, assis dans la clairière. Après deux nuits où il avait complètement dormi, il se sentait en forme pour veiller celle-ci.

- Tu m'as attendu longtemps ?

- Ah, Hitoshi, bonsoir ! le salua-t-il en agitant le bras. Sinon, non, ne t'inquiète pas, ça doit faire à peine dix minutes que je suis là.

- Tant mieux.

- Tu veux marcher, ou t'asseoir ici ?

- Je n'ai pas de préférence.

- Bon, alors viens, on marchera après.

 Il lui fit signe de s'asseoir en tapotant la terre près de lui. Le Rôdeur s'avança et s'installa, un genou vers le ciel et l'autre sur le côté. Sa position ne dévoilait cependant rien d'autre de son anatomie que Denki ne connaisse déjà grâce à sa grande cape.

- Dis, Hitoshi, ça va te sembler idiot et bizarre, mais... Ton corps, est-il comme le mien ?

- Je suppose, oui, répondit-il en penchant légèrement sa tête sur le côté - une sorte de tic, en avait conclu Denki. Du moins, je ne vois aucune différence entre nous deux. Une tête, un buste, deux bras et deux jambes. Les Humains ont-ils un autre membre ?

- Non, rit doucement le blond. Je te l'avais dit, c'était idiot. C'est juste qu'avec ta cape, on ne voit pas grand-chose. D'ailleurs, c'est vrai que tous les Rôdeurs en ont une ?

- Je n'en ai jamais vu sans, donc je pense que oui.

- Et est-ce qu'il y en a des noires ?

- Oui. Mais toutes ont des écritures.

- Des écritures ? demanda-t-il, interloqué. Tu veux dire que ces dessins, ce sont des textes ?

- Oui, bien que je ne sache pas ce qu'ils signifient. Je sais que ce sont des écrits, mais c'est tout.

- Hmm...

 Denki réfléchit quelques secondes, le regard levé vers le ciel.

- Nous, les Humains, nous vous appelons "Rôdeurs Mauves". Mais vous, comment est-ce que vous vous appelez entre vous ?

- Nous n'avons pas de nom.

- Vraiment ? Vous savez juste que vous êtes pareils avec votre cape et vos cheveux ?

- C'est ça.

 Le jeune homme fronça les sourcils, un peu perturbé.

- Mais tu t'appelles Hitoshi, alors c'est que vous vous donnez des noms, pas vrai ?

- Non. Je sais que je m'appelle comme ça, mais personne ne m'a jamais rien dit.

 Denki le regardait, perdu. Il ne comprenait plus : Hitoshi avait un nom, sauf que personne ne lui en avait donné un. Mais alors, comment pouvait-il le savoir ? S'était-il lui-même nommé ?

- J'ai du mal à comprendre, avoua-t-il sincèrement.

- Disons simplement que je suis Hitoshi. Comme pour les écritures, je le sais et c'est comme ça. Je n'ai aucune explication, et je n'ai jamais cherché à comprendre. Évite de trop y réfléchir, tu te feras mal à la tête.

- J'ai déjà la tête qui tourne, rit le jeune homme. Mais je crois que j'ai saisi l'idée.

- Tant mieux.

 Denki le dévisagea, surpris : le Rôdeur, qui n'avait jusqu'alors jamais montré d'émotions, avait brièvement souri. Il ne lui fit pas la remarque, mais garda cette image en mémoire.

- Donc, tu t'appelles Hitoshi. Mais qu'es-tu ? Les gens disent un peu tout et n'importe quoi à votre sujet, certains vont jusqu'à raconter que vous êtes des serviteurs du Diable...

- Les Humains sont vraiment particuliers, affirma Hitoshi. Il vous faut toujours une réponse claire, rien ne doit jamais rester sans explications. Ils ne peuvent pas se contenter de nous voir comme des créatures marchant la nuit, qui aident les gens perdus parce que c'est ce que tout le monde ferait. Ils nous donnent des capacités étranges, nous associent au Mal... Vous êtes vraiment débordant d'imagination.

- Si tu savais le nombre de croyances que nous avons... Le pire, c'est que chaque personne a une version différente. Tiens, regarde-moi : je suis sûrement le seul à avoir pensé que les Rôdeurs n'étaient pas mauvais, alors j'ai moi aussi une vision différente des choses.

- Tu t'approchais de la vérité.

- Oui, pour une fois j'ai deviné juste, sourit le blond. Mais, comme je suis Humain, j'aimerais tout de même savoir ce que tu es.

- J'existe, répondit simplement le Rôdeur.

- Ce n'est pas vraiment une réponse.

- Demande au ciel ce qu'il est, il te répondra la même chose.

- Le ciel est le ciel, mais toi, qu'es-tu ?

- Je ne suis rien. Je porte le nom qu'on me donne. Si pour toi je suis un Rôdeur Mauve, alors soit. Tout ce qui importe est que j'existe. Le ciel ne sait pas qu'il est le ciel, il n'entend pas les créatures l'appeler ainsi. Il existe et ça s'arrête là. Je suis comme le ciel. Je ne suis jamais né, je ne mourrai probablement jamais, j'existe simplement.

- Hmm, je sens que je suis un peu trop humain pour comprendre pour l'instant.

- Peut-être qu'un jour, tu comprendras.

- Tu dis que tu n'es jamais né... Tu n'as donc aucun parent ?

- Pas à ma connaissance, non.

- Tu ne te sens jamais seul ?

- Je ne sais pas ce que ça fait, d'être seul, avoua Hitoshi presque dans un murmure.

 Il semblait troublé, lui qui paraissait habituellement sûr de ses pensées.

- Parfois, les animaux me disent qu'ils sont tristes parce que l'un des leurs est mort. Ils racontent qu'il leur manque. Mais je ne sais pas ce que c'est, ça. Je ne sais pas ce que ça fait de tenir à quelqu'un et de souffrir de son absence. Je ne sais pas ce qu'est le sentiment de solitude.

 Denki le regardait du coin de l'œil et pouvait sentir une sorte de mélancolie se dégager d'Hitoshi. Il trouvait ça étrange, presque comme s'il regrettait de ne pas connaître cette sensation, pourtant négative.

- Je pense que j'aimerais savoir ce que ça fait d'être attaché à quelqu'un ou quelque chose, conclu-t-il les yeux levés sur les étoiles.

 Et Denki comprit sa tristesse.

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 Les deux hommes se voyaient presque chaque nuit à présent, et cela durait depuis quelques mois. L'Humain dormait de moins en moins la nuit, se calquant progressivement sur le rythme du Rôdeur Mauve, en se rattrapant le jour. Les deux apprenaient beaucoup l'un sur l'autre - enfin, c'était principalement Denki qui élargissait ses connaissances. Hitoshi lui avait enseigné de nombreuses choses qu'il n'aurait jamais soupçonnées sur les animaux, les plantes et les saisons, et il avait l'impression de mieux le comprendre de jour en jour. Le Rôdeur quant à lui était curieux des mœurs et coutumes humaines et souriait de plus en plus souvent en entendant les facettes humaines. Mais parfois, ils préféraient se taire et marchaient alors pendant des heures l'un à côté de l'autre, les émotions émanant d'eux parlant à leur place.

- Tu sais, dit une nuit Denki, je suis vraiment heureux de t'avoir rencontré. D'avoir cherché un Rôdeur, de m'être accroché à l'espoir d'en voir un un jour. Oui, je suis vraiment heureux d'avoir envisagé il y a presque trois ans que les Rôdeurs puissent être l'inverse de ce que l'on dit.

- Moi aussi, je crois que je suis heureux. J'ai du mal à savoir exactement ce que cela signifie, mais j'ai l'impression... de ressentir ce dont les arbres parlent, parfois. Lorsqu'ils racontent ce que cela fait d'être réchauffé par le Soleil. Je n'ai jamais pu voir ce Soleil qu'ils aiment tant, je ne sais pas comment on se sent sous sa chaleur, mais... j'ai cette impression là quand je suis avec toi.

 Le jeune homme avait tourné la tête vers Hitoshi, troublé par ses paroles et son sourire.

- On m'a dit que le Soleil était jaune, très lumineux - bien plus que la Lune. Toi, tu as les cheveux blonds et tu sembles irradier. On dirait bien que j'ai trouvé un Soleil !

 Denki resta bouche-bée face aux mots du Rôdeur, les joues quelque peu rosées. Mais ce qui le stupéfiait par dessous tout, c'était le son qui venait de sortir de la bouche d'Hitoshi : un rire. Ç'avait été assez bref, mais c'était suffisant pour faire bondir le coeur de Denki.

 Pour la première fois, Hitoshi avait ri.

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 Un an et trois mois qu'ils se connaissaient maintenant. Ils se rapprochaient beaucoup, peut-être trop parfois pour laisser le coeur de Denki intact. Le jeune homme le sentait battre toujours plus fort dans sa poitrine, le cognant sans ménagement lorsqu'Hitoshi souriait - que dire des fois où il riait... -, ne lui laissant plus aucun répit. Et même s'ils n'étaient pas ensemble la journée et certaines nuits, il le harcelait de questions auxquelles il peinait à répondre.

- Tu n'as jamais ressenti ça, n'est-ce pas ? le questionnait-t-il d'un ton un peu énervant.

- Laisse-moi.

- Mais tu sais que j'ai raison. Tu ressens des choses, pas vrai ?

- Il n'y a rien. Rien. Rien. Rien. Rien... Ouais, rien...

- S'il n'y avait vraiment rien, tu ne serais pas en train de pleurer.

- Je ne pleure pas... Si ?

- Regarde ton oreiller, il est trempé. Tu es triste, non ?

- Mais pourquoi est-ce que je serais triste ?

- Tu ne comprends pas ce qu'il se passe, ça doit être pour ça.

- Qu'est-ce qu'il se passe, alors ?

- Je te le dirais bien, mais tu ne veux pas m'écouter.

- C'est parce que tu ne racontes que des âneries.

- Je suis ton coeur, je ne dis que la vérité.

- Tais-toi. Laisse-moi dormir.

- Oh que non, tant que tu ne m'accepteras pas je continuerai.

- Chut, chut, chut, chut, ch-

- Hitoshi... !

- Ferme-la !

 Denki enfouit plus profondément son visage dans son oreiller, le trempant d'avantage, tout en essayant de faire taire la voix de son coeur qui lui susurrait le nom du Rôdeur qui hantait ses pensées.

- - -

 En se réveillant le lendemain, le jeune homme réalisa qu'il ne pouvait plus. Il avait compris que son coeur ne lâcherait pas l'affaire et qu'il valait mieux pour lui qu'il daigne à l'écouter pour arrêter l'enfer de ses pensées. Il courut jusqu'au champ de blé le plus proche et se roula dedans en hurlant à s'en casser la voix. Lorsqu'il eut terminé, il lâcha un profond soupir et fixa les nuages.

- Tu es prêt à m'écouter, maintenant ?

- Je n'ai pas le choix, sale truc.

- Ahhh, souffla son coeur, c'est ça que tu ne comprends pas. Tu sais, je ne suis pas méchant.

- Tu m'énerves, alors si.

- C'est moi qui suis énervé, car je veux simplement que tu sois heureux. Et être heureux, ça passe d'abord par s'accepter, sentiments compris.

- Faux. Ma cousine a avoué a son ami qu'elle l'aimait et elle a fini en larmes. Depuis elle est constamment triste.

- Je n'ai jamais parlé de dire quoi que ce soit à quelqu'un, lui fit-il remarquer.

- Alors de quoi est-ce que tu parles ?

- Je veux que tu sois franc avec toi-même. Dis-moi, qu'est-ce que tu ressens pour Hitoshi ?

- Nous sommes amis.

- Je ne te demande pas votre lien.

- Ce que je ressens... ? réfléchit Denki. J'ai du mal à savoir. C'est un peu comme... la chaleur dont il parlait la dernière fois, ce que les arbres disaient. Je me sens plus qu'heureux. Je... En fait, ça n'a aucun sens. Et ça ne veut rien dire.

- Tu l'apprécie d'avantage que d'autres amis, n'est-ce pas ?

- Non, enfin...

- Différemment, c'est ça ?

- Oui. C'est différent. Et ça me fait peur.

- C'est normal. Calme-toi, je bats très fort - et ce n'est pas parce qu'Hitoshi te parle.

- Comment est-ce que ça pourrait être normal alors que ça ne m'est jamais arrivé ? s'inquiéta-t-il.

- Il t'a juste fallu du temps pour rencontrer la bonne personne.

- Justement, est-ce que c'est normal que ce soit cette personne ? C'est un homme.

- Est-ce que ça a une importance que comparé à la majorité, cette relation soit différente ?

- Si, non... ?

- De toute manière, personne ne sait que vous vous connaissez, alors si tu te mets à penser à l'avis des gens...

- Et si jamais il n'est pas capable de ressentir ce genre de choses ? Après tout, ce n'est pas un humain.

- Tu n'as qu'à lui poser la question, idiot.

 Denki s'assit et arracha un épi de blé qu'il commença à mâchouiller.

- Lui demander, hein...

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 Les deux amis étaient allongés quelque part sur une petite colline. Denki avait réfléchit quelques semaines sur ce qu'il ressentait, ce qu'il fallait qu'il fasse, et cette nuit il avait décidé d'oser lui parler. Il le regardait à la dérobée, anxieux, puis commença à lui poser des questions.

- Dis, Hi-Hitoshi, bégaya-t-il un peu, est-ce que tu ressens les mêmes choses que les Humain... ?

- C'est à dire ?

- Les émotions, les sentiments... Tout, quoi.

- Je sais ce que ça fait d'être heureux. Parfois, je suis inquiet quand tu pars plusieurs jours en oubliant de me prévenir. Je suis aussi sûrement un peu triste quand j'imagine qu'un jour, tu mourras - après tout, les Humains ont une courte existence. Je ne sais pas ce qu'est la colère, mais je suppose que je t'en veux un peu lorsque tu reviens après une semaine en me disant que tu avais juste oublié de me prévenir.

 Il s'arrêta quelques secondes, puis sourit en penchant légèrement sa tête vers l'avant.

- Je pense qu'aujourd'hui, je peux dire que je suis attaché à quelqu'un. Et que je sais ce que ça fait de ressentir autre choses que de l'indifférence. Alors oui, je crois bien que je suis comme les Humains sur ce point.

- Hmm... En vérité, nous sommes très peu différents. Tu n'es juste pas le jour, tu n'as pas besoin de nourriture - bien que tu puisses manger -, tu sais parler à toute chose vivante et ta durée de vie semble éternelle. Mis à part ça, tu es comme moi. Ton corps est chaud, tu respires, tu as deux bras et deux jambes, ton rire est joli, tu aimes les écureuils - surtout celui avec la tâche blanche sur l'épaule -, tu a un petit tic qui te fait pencher la tête parfois et tu adores les étoiles.

- Et toi, tu es tête en l'air, tu aimes lire et dessiner, tu es plus curieux que les écureuils, tu sens la paille, tu trouves des formes dans les nuages, tu souris constamment et tu inventes sans cesse de nouvelles constellation. Je t'aime vraiment bien, tu sais ?

- Oui. Moi aussi.

"Sûrement plus que tu ne l'imagines..."

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 Denki avait tenté de nombreuses fois de parler du sujet de l'amour, mais il n'arrivait pas à poser plus de questions, la gêne le paralysant. Il avait toutefois réussi à comprendre que sur le point émotionnel, les Rôdeurs Mauves - du moins, Hitoshi - et les humains étaient identiques et qu'il était possible que son ami tombe amoureux de lui. Seulement, il lui restait à savoir s'il l'intéressait.

- Hey, Hitoshi... Tu penses qu'un jour tu pourrais aimer quelqu'un ?

- Je t'aime déjà toi, alors pourquoi cette question ?

- Non, je veux dire... P-pas en tant qu'ami...

- Ah... C'est possible, mais je ne connais que toi. À moins qu'un jour une autre personne devienne proche de moi, il n'y a que de toi dont je pourrais tomber amoureux.

 Denki devint rouge écrevisse et se demanda si Hitoshi possédait la gêne dans son répertoire d'émotions, ou s'il n'en n'était juste que peu affecté.

- Tu penses pouvoir m'aimer... ? murmura le blond.

- Je suppose que oui. Après tout, nous somme devenus ami ; alors pourquoi pas amants ?

- Et... est-ce que tu le saurais si jamais tu tombais amoureux de moi ?

- Ah, ça... Tout le monde le sait quand ça arrive, non ? demanda-t-il avec sourire. Bon, et si on allait marcher un peu ?

 Le Rôdeur se leva et tendit sa main pour aider l'Humain - toujours rouge -, puis il commença à marcher, un peu devant lui. Il fit à peine quelques pas avant de s'arrêter, leva la tête vers le ciel et sourit d'avantage, riant presque.

- Après tout, notre coeur est le meilleur pour ça. Tu le sais bien toi aussi, n'est-ce pas ?

- - -

 À peine rentré chez lui, Denki s'était assis sur son lit et avait serré contre lui sa couverture, en fixant un point au loin. Il était complètement troublé par les paroles d'Hitoshi, qui semblaient exprimer à haute voix ce qu'il pensait depuis des mois, mais aussi par ce qu'elles pouvaient sous-entendre.

- Il m'aime peut-être... ?

- Ah, ça, tu devras te débrouiller pour le savoir. Un coeur par personne, je n'ai de réponses que pour tes sentiments.

- C'est possible qu'il lise dans les pensées ?

- Arrête avec ça, tu connais ses capacités. Et ce n'est pas comme s'il te l'avait caché, il te fait confiance.

- Alors, comment... ?

- Tu es seulement incapable de bien dissimuler ce que tu ressens.

- Hmm.

- Je bats très vite.

- Je sais, tu me fais mal. Tu crois qu'il m'aime, lui aussi ?

- Peut-être.

- Il a beaucoup souri.

- En effet.

- Il a ri.

- Presque, oui.

- Il sait que j'aime son rire.

- Tu le lui as dit et il a une bonne mémoire, donc c'est certain.

- Tu penses que c'était voulu ?

- Je ne peux rien savoir des autres, je te l'ai dit.

- Il a envisagé l'idée que nous nous aimions en tant que couple sans paraître gêné ou dégoûté.

- C'est vrai.

- Ça veut dire quelque chose, tu crois ?

- Si c'était toi, ça voudrait dire quelque chose ?

- Oui. Mais moi, c'est moi, lui c'est lui.

- Il a un coeur, lui aussi. Et il semblerait qu'il l'écoute, puisqu'il te l'a dit. Je pense que la plupart des coeurs pensent que dire ce genre de choses de cette manière, ça signifie beaucoup.

- Tu crois... Que je devrais lui faire un signe ?

- Ce serait une bonne idée.

- Je vais y réfléchir.

 Il s'allongea, les yeux grands ouverts, perdu dans sa réflexion.

- - -

 Denki avait passé le reste de la nuit à penser, rattrapé son sommeil la journée et décidé d'attendre un ou deux jours avant de revoir Hitoshi, cela pour deux raisons : la première, qu'il allait être trop affecté et troublé pour agir normalement ; la seconde, qu'il n'avait toujours pas trouvé comment il pourrait lui faire comprendre ses sentiments, sans que ce soit flagrant - la déclaration, c'était non. Il avait alors songé à demander conseil à ses amis.

- C'est une bonne idée, se convainquait-il sur le chemin, anxieux. Oui, une très bonne idée.

 Il arriva à la porte de son meilleur ami, toqua à celle-ci et attendit devant, se demandant s'il n'était pas parti. Finalement, au bout d'une minute quelqu'un vint lui ouvrir, se frottant le visage pour essuyer les traces de peintures - en vain.

- Denki ? Qu'est-ce tu viens faire ici ? Tu veux de l'encre ?

- Hanta, j'ai besoin d'aide.

- Hmm, vu ta tête c'est plus grave qu'une rupture d'encre, comprit le brun, la main sur le menton. Allez, entre.

 Il lui fit signe de le suivre, dégageant de son pied par la même occasion des pots de peinture vides qui encombraient le passage. Hanta était artiste peintre et ébéniste, alors mettre un pas chez lui signifiait ressortir tâché de dizaines de couleurs différentes et recouvert de copeaux de bois.

- Raconte-moi tout, lui dit-il lorsqu'ils furent assis, tant bien que mal, sur les seules chaises vides.

- Tu promets de ne pas te moquer ou me raconter des âneries ?

- Juré.

- Je suis amoureux, lâcha Denki.

 Hanta laissa pendre sa mâchoire, ne s'attendant pas à ça.

- Tu es sérieux ?

- Très.

- Depuis quand ?

- Hmm, calcula-t-il, presque trois mois que je le sais.

- Alors, attends une seconde.

 Il se leva, fit calmement le tour de la table en expirant lentement, puis couru vers son ami pour lui agripper les épaules et le secouer comme un prunier.

- Mais enfin Denki c'est incroyable ! s'exclama-t-il sous le regard apeuré du blond - le voir changer d'un seul coup comme cela, c'était déstabilisant.

- Pourquoi... ?

- Tu es la dernière personne que j'espérais voir tomber amoureuse ! Tu passes ton temps chez toi et lorsque tu sors, c'est pour aller chercher à manger ou te promener loin du village. Explique-moi comment est-ce que tu étais supposé réussir à rencontrer quelqu'un et t'en enticher !

- Ah, et bien... On peut dire que je l'ai rencontré pendant mes ballades.

- C'est une fille d'un autre village, alors ? Je la connais ?

"Si tu savais... C'est un homme, qui plus est un Rôdeur Mauve"

- Oui, mentit-il. Mais non, je ne crois pas que tu la connaisses...

- Son prénom ?

"Aïe, ça se complique"

- Kyoka, inventa-t-il - c'était le nom d'une de ses tantes.

- Hmm, non, je ne connais pas, fit-il en se rasseyant. Comment est-elle ?

- Il... elle est plus grande que moi, se rattrapa-t-il rapidement. Elle aime les animaux et la nature - surtout les écureuils -, son rire est magnifique et... bref, je la trouve incroyable.

 Hanta sourit en se passant les mains dans les cheveux.

- Tu te verrais... Tu es complètement amoureux. On dirait que tu parles d'une créature comme le Cerf de la Lune, ou une Nymphe.

"Tu n'as pas tord", songea-t-il en riant intérieurement.

- Bon, alors tu es venu pour me demander quoi exactement ? Tu veux lui avouer ton amour, quelque chose comme ça ?

- Oui, c'est à peu près l'idée, mais... Je voudrais plus lui faire un signe, qu'il - euh, qu'elle - comprenne toute seule, ou qu'elle l'ignore si elle ne partage pas mes sentiments...

- Prudent. Déjà, est-ce que tu penses qu'elle t'aime ?

- C'est... possible. Enfin, je ne sais pas vraiment.

- Hmm... Essaye de te rapprocher d'elle. Physiquement, j'entends. Du genre, assis-toi plus près d'elle, et au bout d'un certain temps si elle ne dit rien et que ça ne semble pas la déranger, alors tente de lui prendre la main.

- Tu n'es pas sérieux ? s'enquit Denki, rouge pivoine. Je ne pourrai jamais faire ça ! Lui tenir la main c'est... trop.

- Ah la la, quel timide tu fais... Pour l'instant, essaye au moins de te rapprocher, ce sera déjà bien.

- Tu penses que ça suffira ? Je veux dire, je ne suis pas capable de lui prendre la main, mais seulement m'asseoir à côté ça me paraît insuffisant pour qu'elle comprenne.

- Je n'ai pas fini ! Il faut aussi que tu dises des phrases un peu ambiguës, comme, hmm...

- Envisager d'être amants sans paraître gêné ou dégoûté... ? I-elle m'a dit des choses comme ça, la dernière fois. Et qu'elle pourrait sûrement tomber amoureuse de moi.

 Hanta le regarda avec des yeux ronds, la mâchoire encore plus décrochée qu'auparavant.

- Elle t'as vraiment dit des trucs comme ça ?

- Oui... Pourquoi ?

 Le brun cligna des yeux plusieurs fois, abasourdi, puis prit la direction de sa chambre.

- Denki, je vais dormir. Ta stupidité est à un tel niveau que c'est obligatoire que cette conversation est un rêve, et que le seul moyen de me réveiller est d'aller dans mon lit.

- Mais... !

- Bon Dieu, mais Denki ! Espèce de débile profond ! l'insulta-t-il en le secouant de nouveau. Comment est-ce que tu peux douter après ce genre de choses ?! C'est presque une déclaration ! C'est évident qu'elle t'aime - et qu'elle n'est pas du tout timide, ceci dit en passant -, alors pourquoi est-ce que tu viens me voir pour me demander des conseils ? Cours la voir et dis-lui que toi aussi, tu es amoureux d'elle !

- Tu crois... ?

- Je te jure que si tu me fais encore une fois cette tête de petit chiot qui ne comprends pas ce qu'on lui dit, je vais te frapper avec le morceau de bois là-bas pour que tu reprennes tes esprits.

- Donc, il - elle - m'aime ?

- Bien sûr que oui, gros lourdaud... Allez, maintenant tu restes là deux minutes, je vais chercher à boire pour fêter ça.

 Il le laissa là, tout troublé qu'il était, les joues roses.

- Alors comme ça, il m'aimerait, hein... murmura-t-il pour assimiler l'idée.

- - -

 Les deux amis avaient copieusement dîné. Hanta était soûl et Denki, qui avait fait attention à sa consommation, trouvait que c'était l'heure de rentrer chez lui - après tout, il était déjà trois heures du matin. Arrivé au seuil de la porte, le brun, qui l'avait accompagné, lui posa la main sur l'épaule.

- Denki, j'te jure qu'tu dois y aller. Faut qu'tu lui dises que t'as le béguin. Tu dois p-pas attendre, c'est sûr qu'il t'aime.

- Il ?

 Il le regarda, effrayé à l'idée qu'il avait compris qu'il ne parlait pas d'une fille.

- Ben ouais, t'sais vraiment pas mentir, toi. Mais j'avais pas envie de t'gêner, alors j'ai rien dit. Mais t'aurais pu m'dire qu'c'était un homme, comme si ça f'sait quelque chose... rit-il.

 Denki fut instantanément soulagé, il sentait comme un nœud se défaire de sa poitrine. Il n'avait pas osé avouer à son meilleur ami le véritable genre de la personne qu'il aimait de peur d'être jugé - deux personnes du même sexe ensemble, c'était souvent mal vu -, mais il venait de lui prouver qu'il n'en était rien. De plus il était ivre, ce qui signifiait qu'il ne mentait pas - l'alcool le rendait honnête.

- Je suis heureux que tu le prennes comme ça. Tu sais, j'avais peur de te le dire, mais... Maintenant, je regrette presque !

- Ben voui, fallait pas avoir peur pour ça... Allez, maint'nant tu vas l'voir, zou ! 'Fait nuit mais pas grave, tu vas toquer chez lui. Ah, et pis d'main tu viens avec lui hein, j'veux qu'tu m'le présente !

- On verra, on verra, sourit le blond. Bonne nuit Hanta, en espérant que tu n'auras pas trop mal à la tête demain ! Et puis merci, surtout.

 Il courut vers la forêt, offrant un dernier signe de main à son ami.

- - -

"Je vais le lui dire. Cette nuit. Si ce n'est pas maintenant, je n'y arriverai jamais. Il faut que je le fasse. Allez, tu-"

- Denki ? Tu arrives tard, je ne pensais pas que tu viendrais.

- Ah, Hi-Hitoshi ! sursauta-t-il il l'entendant.

 Il avait beau avoir deux verres dans les veines, son courage qu'il pensait avoir avec disparu dès qu'il le vit s'approcher de lui.

- Tu sens... bizarre, lui fit remarquer le Rôdeur.

- Ah, ça doit être l'alcool... J'ai été chez un ami, c'est pour ça d'ailleurs que j'arrive aussi tard.

- Est-ce que tu es soûl ?

- Non, je n'ai pas beaucoup bu, alors c'est bon.

- Je me demande si je pourrais l'être, moi... réfléchit-il.

- C'est une bonne question, ça. Et si tu essayais ? Je crois que j'ai une bouteille de vin dans la cave, qui est là depuis des lustres. Autant qu'elle serve un jour !

 Il rit en imaginant Hitoshi sous les effets de l'alcool, plus détendu que tout à l'heure. Pour l'instant, tout semblait normal entre eux et il préférait ne pas penser à la suite, lorsqu'il devra se lancer et lui avouer ses sentiments.

- On va s'asseoir ? demanda-t-il. Je suis un peu fatiguée, ça fait plusieurs nuits que je ne dors pas. J'ai beau me rattraper le jour, le décalage n'est pas encore au point.

 Ils trouvèrent un lieu pour s'installer, mais Denki titubait déjà de fatigue.

- Tu ne ferais pas mieux de rentrer ? s'enquit le Rôdeur. Reviens demain, après t'être reposé.

- Non, non... marmonna-t-il, luttant contre le sommeil. Je dois rester encore un peu. J'ai... quelque chose à te dire.

- Hmm. C'est si important que ça ?

- Très.

- Dis-le moi maintenant, non ?

- Je ne peux pas... Pas comme ça. C'est difficile.

- Alors viens.

 Il s'assit et tira le blond vers lui pour qu'il s'allonge, la tête sur ses jambes. Il détacha sa cape et le recouvrit avec, le protégeant ainsi du froid.

- Ahh, alors tu peux l'enlever finalement, hein... ? rit doucement Denki, les yeux à peine ouverts.

- Bien sûr que oui, idiot. Ce n'est qu'un vêtement.

- Je pensais que tu ne pouvais pas t'en séparer, voire que tu n'avais rien en dessous. Mais je m'étais trompé.

- En effet, sourit-il. Sinon, cette chose important et difficile que tu dois me dire, qu'est-ce que c'est ?

- Ah, ça... C'est pour ça que je suis parti voir mon ami. Je voulais qu'il m'aide. Et tu sais quoi ? Selon lui, il faut juste que j'en discute avec toi.

- Tu as parlé de moi à quelqu'un ?

- Non, j'ai dit que tu étais un humain.

- Et donc ?

- Hier, tu m'a dit des choses... étranges. Enfin, venant de toi ça me paraissait bizarre, j'avais presque l'impression que... Je ne sais pas vraiment, seulement ça m'a fait penser à une chose.

- Hmm ?

- Tu m'as parlé du coeur, n'est-ce pas ? Et que moi aussi, je devais l'écouter.

- C'est vrai.

- Si ton coeur te parle, c'est qu'il y a une raison, non ?

- Oui.

- Et c'est ?

 Hitoshi pencha sa tête sur la droite, réfléchit quelques instants puis sourit en regardant Denki, presque endormi.

- Je te le dirai demain. Dors, maintenant.

 Le jeune homme voulut protester, souhaitant une réponse immédiate, mais s'endormit avant de le pouvoir, la main chaude du Rôdeur dans la sienne.

- - -

 Lorsque Denki se réveilla, aux alentours de quinze heures, il était seul, allongé dans la forêt. Un semblant d'oreiller, fait de mousse et de feuilles, était coincé sous sa tête.

- Aïe, mon dos... grogna-t-il en s'asseyant.

 Il regarda autours de lui, cherchant la présence d'Hitoshi, avant de se souvenir qu'il n'était pas le jour. Puis il lança une flopée de noms d'oiseaux envers le Rôdeur Mauve, qui ne lui avait pas répondu la veille.

- Il s'est défilé, oui ! Ah, mais il va voir, je vais l'attendre... Dire que j'avais réussi à lui parler de ça... Comment est-ce que je vais bien pouvoir faire, moi, cette nuit...

 Il se prit la tête entre les mains puis repensa à la scène d'hier soir, qui le fit instantanément rougir. Il s'était endormi sur les genoux d'Hitoshi et ce dernier lui avait même prit la main !

"D'ailleurs, ce n'est pas ce dont parlait Hanta ? Prendre la main... Ça veut dire quelque chose, non ?"

 Il se leva, s'étira puis parti chercher de quoi manger. Pour l'heure qu'il était, il valait mieux qu'il reste dans la forêt, à attendre la nuit. Il se demandait d'ailleurs quand est-ce que les Rôdeurs Mauves apparaissaient : dès que le Soleil disparaissait à l'horizon ? Lorsque le ciel était entièrement sombre ? Denki était toujours arrivé assez tardivement, il n'avait jamais attendu Hitoshi avant que le Soleil ne se couche. Aujourd'hui était donc l'occasion de connaître un nouveau point sur les Rôdeurs.

- - -

 Le jeune homme avait fait un petit feu pour cuire ses champignons, et attendait maintenant l'arrivée d'Hitoshi. Il lui avait laissé de côté une partie de sa cueillette, en espérant qu'il aimerait.

"Ce n'est donc pas dès le coucher du Soleil...", nota-t-il en mâchant.

 En effet, le Rôdeur n'était pas encore là, alors que le Soleil avait disparu. Le ciel étant encore clair, il arriverait sûrement plus tard. Du moins, Denki l'espérait : après leur discussion légèrement ambiguë d'hier, il était possible qu'il prenne un peu de temps pour réfléchir, et donc ne pas se montrer cette nuit. Mais c'était un léger doute ; après tout, Hitoshi n'avait jamais l'air gêné sur ce sujet.

- Tu m'as attendu sans rentrer chez toi ?

 Denki se retourna et rougit un peu en voyant le visage amusé de son ami, penché au dessus de lui. Il ne l'avait pas entendu arriver.

- Je me suis réveillé tard, expliqua-t-il. D'ailleurs, l'oreiller était plutôt bien. Dommage qu'il n'y ait pas eu de matelas.

- Désolé, je ne voulais pas te réveiller.

- Assis-toi. Tu veux des champignons ?

- Merci.

 Il commença à grignoter, fixant le feu.

- Tu sais, c'est la première fois que je sens la chaleur d'un feu.

- Vraiment ? s'étonna le blond. Tu n'en as jamais fait ?

- Non, puisqu'il n'y a pas d'utilité. J'en ai déjà vu, au loin, dans les villages, mais je ne me suis jamais approché.

- Et alors, comment c'est ?

- Comme toi.

 Denki le fixa quelques secondes, les yeux légèrement écarquillés, puis rougit violemment sans trop comprendre pourquoi.

- Qu-Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

- Je ne sais pas ce que ça fait d'être réchauffé par le Soleil ou par un feu. Je ne sais pas ce qu'est la chaleur, pour faire simple. Bien sûr, je sens que je suis plus chaud qu'un arbre, que les animaux le sont aussi, mais... Je n'étais pas réchauffé. Cependant, au bout d'un moment, j'ai eu l'impression de l'être. À chaque fois, c'était lorsque tu étais près de moi. J'ai alors compris que tu devais être un Soleil. Un Soleil qui me réchauffe la poitrine. C'était un peu étrange, surtout que je ne savais pas vraiment ce qu'était la chaleur, mais j'avais ce sentiment.

- Et ? le relança le jeune homme, le voyant s'arrêter.

- Tout cela, c'était fondé sur des impressions, de l'imagination. Je ne pouvais qu'imaginer ce qu'était un Soleil. Mais, ce soir, j'ai un feu devant moi. Le feu, c'est comme un minuscule Soleil, n'est-ce pas ? Et donc, pour la première fois, je peux te comparer en étant sûr de moi.

 Il marqua une pause, sourit et se tourna vers son ami.

- Denki, tu es véritablement un Soleil.

 Le concerné chercha du regard un trou dans lequel se cacher, les joues plus rouges que le feu devant eux. Hitoshi se rendait-il compte de l'effet de ses mots ? Le jeune homme en doutait fortement ; ou alors, le Rôdeur n'en avait cure.

- Les champignons cuits sont bons.

- Meilleurs que crus, non ? arriva difficilement à dire Denki.

- Ça a plus de goût, et la texture est plus agréable aussi.

 Denki le regardait à la dérobée, se demandant si son ami allait oui ou non reprendre leur discussion d'hier et laisser de côté celle sur les champignons. Voyant qu'il ne disait plus rien, il se lança du mieux qu'il le put, tentant de vaincre son malaise.

- Eh... Hier, tu m'as dit que... Que tu allais me répondre.

- Ah... J'aurais cru que tu avais oublié ; après tout, tu dormais presque.

- Alors tu allais faire comme si de rien n'était et ne jamais me répondre ? s'indigna-t-il.

- C'est bien possible, oui, avoua Hitoshi en se passant la main sur la nuque.

 Denki le fixa, surpris : il avait l'air gêné, et affichait un sourire un peu différent de l'habituel.

- Mais tu veux vraiment une réponse ?

- Oui.

- Hum, eh bien... Si mon coeur me parle... C'est parce qu'un Soleil l'a réveillé.

- Et... Qu'est-ce qu'il te dit ?

- Que j'aime ce Soleil. Que je l'aime différemment d'avant, des écureuils et de tout le reste. Que j'ai étrangement envie de le sentir contre moi, de sentir son odeur et sa chaleur. Que son sourire me donne des frissons et son rire me rend bouillant. Que j'ai envie de l'embrasser, de mille façons, toute la nuit, jusqu'à ce que le jour se lève et que je ne puisse plus.

 Il se tut, les joues rosées. Denki était partagé entre fondre sur place sous le poids de la gêne et se jeter sur le Rôdeur car ses rougeurs - les premières qu'il ait vues sur lui - le rendait incroyablement mignon. Il resta finalement à sa place et osa demander, les lèvres tremblantes et le regard fuyant :

- Pour commencer... De quelle manière tu m'embrasserais ?

 Hitoshi haussa légèrement les sourcils sous le coup de la surprise, ne s'attendant pas une telle question.

- Lentement, très doucement, murmura-t-il enfin.

- Alors... Vas-y.

 Il pivota vers le Rôdeur et ferma les yeux, un peu stressé. Après une ou deux secondes d'attente, il sentit des lèvres se poser sur les siennes, esquissant un léger sourire - qui fut contagieux.

 Et cette nuit là, éclairés par le feu, les deux hommes ne dirent plus un mot, leurs lèvres se mouvant sans bruit, pour une fois.

- - -

 Cela faisait maintenant trois ans qu'ils se connaissaient. En trois ans, ils étaient devenus amis, s'étaient rapprochés... et au final étaient tombés amoureux. Denki avait fini par complètement vivre la nuit, se calquant ainsi sur le rythme d'Hitoshi. Il profitait cependant du matin pendant l'été et voyait parfois ses amis en début de soirée - lorsqu'il n'était pas emprisonné dans les bras de son amant, qui s'était avéré extrêmement tactile. Il avait vendu sa maison, et avec l'argent ainsi obtenu, avait fait bâtir une petite chaumière dans la forêt. Peu de gens en avaient connaissance, elle était située assez profondément dans la forêt, à l'emplacement d'une petite clairière qui avait vu de nombreux rendez-vous.

 Comme chaque jour depuis quelques mois, le jeune homme se réveillait en fin d'après-midi, peu de temps avant le coucher du soleil. Et comme à chaque fois, lorsqu'il réalisait qu'il n'était plus dans la maison dans laquelle il avait grandi et habité plus de vingt ans, mais la sienne et celle de son conjoint, il souriait un peu bêtement, simplement heureux.

- C'est notre maison à nous, chantonnait-il en se levant.

 Il partait ensuite chercher de quoi manger, puis attendait Hitoshi en lisant. Lorsqu'il partait échanger ses livres au libraire du village - qui faisait presque office de bibliothécaire -, on lui demandait souvent ce qu'il faisait dans la forêt, pourquoi on ne le voyait presque plus... Et il répondait toujours sans trop s'étendre. Les gens avaient fini par comprendre, et le voyaient à présent comme l'original du coin. Personne ne savait qu'il entretenait une relation avec quelqu'un, mis à part Hanta. Il lui avait d'ailleurs présenté Hitoshi une nuit, ce qui avait causé un sacré remue-ménage lorsque le brun avait su la nature du compagnon de son ami. Finalement, au bout d'une heure d'explications, Hanta avait fini par comprendre que tout allait bien, et avait affirmé qu'il garderait cela pour lui.

- Je suis là, fit une voix derrière Denki.

 Plongé dans ses pensées, le jeune homme sursauta avant de rire en sentant deux bras l'encercler et une tête se poser sur la sienne.

- Tu arrives de plus en plus tôt... Les nuits rallongent.

- Avant, je ne faisais pas attention aux saisons. Mais maintenant... j'aime quand l'air se refroidit et que les feuilles tombent.

 Le Rôdeur s'assit à côté de son amant et ce dernier posa sa tête sur son épaule.

- Dis, Hitoshi... Quel âge as-tu ? Je ne t'ai jamais posé la question.

- Je ne sais pas moi-même.

- C'est bien ce que je pensais.

- Tu commences à comprendre, n'est-ce pas ? demanda-t-il en souriant.

- Oui. Je suis humain et je le resterais. J'aurais toujours envie d'explications à tout, mais... Je crois que maintenant je suis capable de laisser certaines questions sans réponses. Après tout, il le faut bien, mon compagnon est un mystère insoluble ! rit-il.

 Hitoshi l'embrassa puis prit le livre que Denki avait refermé lorsqu'il était arrivé.

- Tu me lis un passage ?

 C'était devenu un rituel : chaque soir le blond lisait quelques pages à voix haute, et son conjoint l'écoutait. Le Rôdeur aimait particulièrement les poèmes, alors le blond en prenait plus régulièrement.

 Et cette nuit là, comme toutes les autres depuis un an, la voix de Denki résonna dans leur demeure, sous le regard doux d'Hitoshi.


- - -  F I N  - - -


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... Ou pas

Hum, en effet, il y a un dernier paragraphe, mais... Vous n'êtes pas obligés de le lire (enfin, je veux dire, vous n'êtes obligés de rien, vous faîtes ce que vous voulez quand vous lisez quelque chose, mais voilà quoi, vous m'avez comprise), pour deux raisons :

1) Parce que l'OS peut très bien se terminer comme ça

2) Parce que "l'autre" fin... Elle est un peu triste. Enfin, pas vraiment, mais un peu quand même. Peut-être pour certains seulement. Je suppose. Bref, si vous êtes du genre sensible ça peut vous plomber le côté fluff de l'OS. Même si en vrai ça reste quand même mignon

Raah, je me perds en explications. Vous n'avez qu'à faire ce que vous voulez, et ce sera votre faute si vous êtes tristes à la fin. Voilà, débrouillez-vous, vous êtes grand. Après tout moi je poste ça là juste pour prévenir, c'est pas mon job de vous surveillez ensuite

BREF, on se retrouve tout en bas de l'OS !

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- - - S U I T E - - -


 Les années avaient passées. Dix, vingt, trente... Aujourd'hui, cela faisait cinquante-huit ans qu'ils s'étaient rencontrés. Hitoshi, assis en tailleur sur le sol, n'avait pas changé physiquement. Ses cheveux mauves gardaient leur éclat, sa peau restait intacte et son corps celui d'un jeune homme d'une vingtaine d'années. Denki cependant, comme tout humain, avait vieilli. Et deux jours plus tôt, il avait fini par s'éteindre. Lorsque son compagnon était arrivé à la nuit tombée, il l'avait retrouvé assis, un livre à la main. Comme toujours. Mais, cette fois là, le corps de l'homme ne bougeait pas, figé en pleine lecture. Crise cardiaque, avait supposé le Rôdeur.

 Il avait été chercher Hanta - bafouant ses principes en s'introduisant au coeur du village -, et à eux deux ils avaient creusé une tombe puis enterré Denki. Et à présent, Hitoshi se trouvait face à cette tombe, sur laquelle il avait déposé une pierre au nom de son amant. Un écureuil sur l'épaule gauche - sûrement un descendant de celui à la tâche blanche - et un livre dans la main droite, il fixait le ciel, le regard mélancolique.

 Il lâcha un bref soupir, puis tourna la tête vers là où reposait Denki.

- Pendant cinquante-six ans, chaque soir, tu as lu à haute voix pour moi, lui dit-il en souriant. Mais, moi, je ne t'ai jamais rien lu. Cette nuit, je pense que c'est mon tour. J'ai cherché dans les livres - je sais lire, tu sais ? Je crois que je ne te l'ai jamais dit. J'ai trouvé un recueil de poèmes. Et parmi les poèmes qu'il contenait, j'en ai découvert un pour toi.

 Il s'interrompit, gratta du bout du doigt la tête de l'écureuil, puis ouvrit l'ouvrage qu'il tenait à la bonne page.

- L'orbe d'or du soleil tombé des cieux sans bornes
S'enfonce avec lenteur dans l'immobile mer,
Et pour suprême adieu baigne d'un rose éclair
Le givre qui pétille à la cime des mornes.


> En un mélancolique et languissant soupir,
Le vent des hauts, le long des ravins emplis d'ombres,
Agite doucement les tamariniers sombres
Où les oiseaux siffleurs viennent de s'assoupir.


> Parmi les caféiers et les cannes mûries,
Les effluves du sol, comme d'un encensoir,
S'exhalent en mêlant dans le souffle du soir
A l'arôme des bois l'odeur des sucreries.


> Une étoile jaillit du bleu noir de la nuit,
Toute vive, et palpite en sa blancheur de perle ;
Puis la mer des soleils et des mondes déferle
Et flambe sur les flots que sa gloire éblouit.


> Et l'âme, qui contemple, et soi-même s'oublie
Dans la splendide paix du silence divin,
Sans regrets ni désirs, sachant que tout est vain,
En un rêve éternel s'abîme ensevelie.

 Il récitait, les yeux presque fermés, sa voix s'élevant au delà de la cime des arbres. Bientôt, une trentaine d'animaux vinrent l'entourer, l'écoutant avec attention. Le peuple végétal frémit lui aussi, fleurs, feuilles et branches se tournant imperceptiblement vers la voix du Rôdeur. Lorsque le poème prit fin, Hitoshi se mit à chanter, comme pour une continuité. Ce chant ne ressemblait en rien à ce que les Hommes pouvaient créer ; c'était celui du Monde. Un chant sans paroles que les Hommes avaient oublié, mais que toutes les espèces connaissaient sans l'avoir jamais écouté.

 Hitoshi chantait le Monde. Et le Monde vint l'accompagner. Les animaux se mirent à fredonner avec lui et les plantes parlèrent leur langage, amplifiant la voix du Rôdeur. La terre résonna avec eux et les étoiles semblèrent briller d'avantage. Rapidement, la forêt fut baignée des bruits, des sons, du vent. Les villageois se tournèrent vers cet égrégore, naturellement attirés par lui. Beaucoup pleurèrent sans en comprendre la raison, leurs pleurs troublant le silence du village. Et par dessus tous ces bruits, tous ces sons, tout ce vent et toutes ces larmes, Hitoshi poussa sa voix au plus loin qu'il le put, le visage vers le ciel.

 Pour la première fois, il sut ce qu'était le sentiment d'avoir perdu la personne qu'il aimait. Il s'en rendait compte, la puissance du Chant du Monde réveillant en lui ce qu'il n'avait pas réussi à comprendre. Il percevait les émotions de toutes les créatures de la forêt, celles des villageois mais surtout les siennes. Il se sentait incroyablement vivant.

 Avant de rencontrer Denki, il avait, comme tout Rôdeur Mauve, erré sans rien chercher de la vie. Lorsqu'il entendait un animal appeler au secours ou une plante souffrir du manque d'eau, il l'aidait et reprenait ensuite sa marche jusqu'à l'aube. Il ne se posait pas de questions ; il savait ce qu'il devait savoir, mais ne voulait rien de plus. Il avait conscience des sentiments des autres êtres vivants, mais ignorait tellement les siens que c'en était presque comme s'ils n'existaient pas. Seulement, sa rencontre avec un jeune homme blond avait changé la donne. Denki irradiait d'émotions, de vitalité, d'esprit et de curiosité. Il avait des questions sans réponses, des questions parfois inutiles, mais... C'était ces mêmes interrogations qui poussaient Hitoshi à réfléchir, à définir son opinion et ses pensées, à se découvrir.

 Il avait appris à sourire, à rire, à s'énerver, à être surpris, mais surtout à aimer. Il avait découvert mille sensations et émotions. Il avait passé des nuits à détailler le visage, le corps, les yeux de l'homme qu'il aimait. Il avait écouté sa voix, son rire, parfois ses pleurs. Il avait embrassé ses lèvres, ses joues, son cou. Il avait senti un coeur battre contre le sien, une chaleur intensifier la sienne. Il était devenu vivant.

 Et cette nuit là, alors que la personne qui lui avait permis de devenir comme ça était morte, il pleurait pour la première fois, un sourire de remerciement sur le visage.


- - - F I N - - -



Eeeeet voilà !

J'en ai bavé, je vous jure (j'espère qu'il vous a plut au moins)

Je me suis beaucoup trop investie dans celui-ci, c'est dingue. Il est énorme (pour moi), et pourtant je l'ai écrit assez rapidement (ce qui signifie deux semaines environs). Ouais, je sais, pour vous ça doit être long. Mais vous voyez, j'ai deux heures de Wattpad par jour, et cet OS je ne l'ai pas écrit d'abord sur mon cahier, mais direct sur l'ordi. Donc voilà quoi)

Ah, et puis sinon il me plaît bien. Vraiment bien. Genre je l'aime vraiment beaucoup (j'espère que c'est votre cas). Pourquoi ? De 1, j'adore les UA fantasy ; de 2, c'est du Shinkami (ce ship a progressivement monté dans mon classement, je crois que c'est devenu mon deuxième préféré MHA (Kiribaku reste le best)) ; de 3... ben en fait c'est tout, j'ai fait des efforts pour le vocabulaire et puis j'aime imaginer Hanta en artiste (pas vous ?)

Mis à part ça, j'ai hésité à donner la vraie nature des Rôdeurs Mauves et ce qui va se passer pour Hitoshi, parce que je trouvais que ça ferait "trop" dans le texte. Mais puisque ici je parle n'importe comment, je peux bien vous révéler tout ça. Seulement, comme je sais que certaines personnes préfèrent garder une sorte de "mystère", je mettrai un message en commentaire (si vous cliquez, ce sera votre faute, je rejette toutes responsabilités, okay ?)

Enfin voilà, comme d'habitude je parle trop. Je suis atteinte de plumite aiguë, la maladie des pavés, donc j'ai une excuse. Quoi, c'est pas valable ? Dommage, ça veut dire que je peux me faire taper dessus. Parce que oui, je suis une grosse victime en vrai. Ma petite soeur me tape et moi je riposte même pas, c'est dingue

Tout compte fait, tapez-moi, je suis désespérante

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