OS n°1 - Interview - MHA


Univers : My Hero Academia - Univers Alternatif Héros!Tomura Shigaraki & Héros!Crématorium (Dabi)

Personnage-s : Tenko Shimura & Tōya Todoroki

Présence de ship-s : Shigadabi platonique

Longueur : environ 8800 mots


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- Tenko ! Eh, oh, Tenko !

 Un jeune homme aux cheveux rouges hérissés et aux yeux d'un bleu unique, vêtu d'un tee-shirt large et d'un pantalon de jogging, secouait son colocataire et ami depuis deux bonnes minutes, sans que celui-ci daigne se lever.

- Réveille-toi, espèce de grosse limace !

- Va te faire, Tōya...

 Le dénommé Tōya plissa les yeux de mécontentement, et enfonça son doigt dans la joue du flemmard afin de l'énerver d'avantage.

- Tōya... !

- T'as oublié qu'on devait partir dans genre... moins d'une heure ?

- Partir où ?

- Au studio, tout ça parce que t'as pas osé dire non ! rappela-t-il en faisant la moue.

 Tenko s'assit d'un coup, en jetant un regard affolé à son ami.

- T'es pas sérieux, on doit partir dans une heure ? s'exclama-t-il, enfin parfaitement réveillé.

- Plutôt trois-quarts d'heure en fait.

- Et tu me réveilles que maintenant ?

- Eh, j'avais oublié moi, et puis t'avais qu'à pas jouer aussi tard.

- Laisse ma console en dehors de ça, exigea Tenko en la serrant contre sa poitrine.

 Tōya le fixa d'un air ahuri : Tenko dormait presque avec elle, c'était dingue. Sauf qu'à cause de son amour pour les jeux vidéos, il n'arrivait jamais à se lever tôt - plutôt vu d'un mauvais œil pour un Héro. Le roux soupira avant de se lever, et déclara en souriant sur le seuil de la porte :

- Continue de te lever aussi tard si tu veux, mais si jamais on te pose une question sur ça, compte pas sur moi pour t'aider, au contraire !

- Et dire que t'es censé être mon meilleur ami...

 Tenko se frotta les yeux, bailla, avant de se décider à se lever et à marcher jusque la salle de bain. Il attrapa au passage une de ses paires de gants de jour, puis hésita en voyant son costume de Super-Héro.

- Eh ! On doit s'habiller comment ? Normalement ou en Héro ? demanda-t-il en plaçant ses mains en porte-voix.

- Ben je sais rien moi, c'est toi qui a discuté avec eux !

- Ouais mais ton père, il fait comment lui ?

- Ah... Ben je crois qu'il y va normalement. Mais prends quand même ton costume, on sait jamais !

 Suivant les directives de Tōya, il se contenta de vêtements normaux, et s'enferma dans la salle de bain.

- Ouah, j'ai une sale gueule aujourd'hui, remarqua-t-il en soulignant les plis sur son visage. Les maquilleuses du studio vont être contentes.

 A cause d'un soucis de santé mal défini, sûrement une allergie, Tenko avait, depuis son enfance, des problèmes de peau ; elle était très pâle, fragile, et extrêmement sèche, à tel point que ses lèvres étaient craquelées. Le plus marquant restait les étranges stries qui ornaient le contours de ses yeux, donnant l'impression qu'il n'avait jamais connu le sommeil. Mais cette apparence peu habituelle ne le dérangeait pas beaucoup : après tout, c'était une part de lui-même.

 "Comme mon Alter...", songea-t-il en retirant ses gants et en enfilant d'autres en textile adapté à l'eau.

 Il entra dans la douche en soupirant, et regarda ses mains un long moment alors que l'eau ruisselait de son crane jusque ses pieds, formant des sillons désordonnés sur son corps. Il céda à la tentation de retirer une seule de ses protections, juste pour voir sa main entièrement à nu - c'était si rare. Habituellement, seuls son index, son auriculaire et son pouce restaient à découvert, pouvaient connaître les sensations ; les autres doigts et la paume, eux, ne connaissaient que les gants. C'était dangereux de laisser sa main ainsi, mais Tenko n'avait pu résister - et puis, tant qu'il ne touchait à rien d'autre que lui-même, il n'y avait pas de risques.

- Sauf si je glisse, et que j'essaye de me rattraper. En plus, la peur peut l'activer.

 Cette pensée mille fois répétée revenait dès qu'il ôtait ne serait-ce que quelques secondes ses gants. Même lorsqu'il en changeait, elle était là, bondissant en guise de gyrophare dans son esprit. Elle était à la fois son garde-fou et une malédiction incessante. Tenko remit donc son gant, et se lava le plus rapidement possible en se souvenant du peu de temps qu'il lui restait.

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 Tōya regardait pour l'énième fois son portable, en tapant du pied devant la porte d'entrée.

- Tenko, on va être en retard ! Arrête de manger, ou prend un truc à emporter, mais dépêche-toi merde !

- Je chuis là, ch'est bon ! annonça celui aux cheveux bleus en déboulant dans le corridor, la bouche pleine.

 Tōya le fixa d'un air désespéré pendant qu'il enfilait ses chaussures à toute vitesse.

- C'est ça que t'appelles "à emporter"... ?

 Tenko releva la tête et arqua un sourcil, n'ayant pas vraiment compris. Ce qui fit éclater de rire le roux, lui trouvant une ressemblance avec un hamster.

- Pa-reil ! rit-il pendant que son colocataire, perdu, clignait des yeux pour essayer de deviner à quoi pensait Tōya.

 Il passa sa main dans les cheveux de Tenko en souriant - les décoiffant encore plus qu'ils ne l'étaient déjà -, puis ouvrit en grand la porte.

- Go ! On va passer à la télé ! déclama-t-il.

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 Ils entrèrent précipitamment dans le hall de l'immeuble de la chaîne de télévision, courant pour combler leur presque retard. Tenko abattit violemment ses mains sur le guichet, faisant sursauter l'homme en face de lui, tandis que Tōya reprenait son souffle, appuyé contre un mur.

- On a rendez-vous pour l'émission "New Heroes" !

- Heu... Votre nom... ? demanda le guichetier.

- Tenko ! Et derrière, Crématorium !

- Ah, oui, c'est vous... Vous devez aller au studio 4. Suivez les panneaux. Mais si vous avez un doute, demandez à quelqu'un... ajouta-t-il, se doutant qu'ils n'arriveraient pas à trouver leur chemin seuls.

- Merci beaucoup ! remercia Tenko en s'inclinant rapidement. Allez Tōya, vite !

 Les deux amis partirent en trombe dans la mauvaise direction - sous le regard désemparé du guichetier - avant de faire volte-face, leurs baskets crissant sur le sol. Après s'être trompés de chemin une bonne demi-douzaine de fois, et avoir interrogé quelques personnes, ils arrivèrent devant le quatrième studio, essoufflés.

- On y est ! Pas trop tôt !

- Quatre minutes de retard, annonça Tōya en ramenant son poignet devant ses yeux. On a assuré aujourd'hui !

 Ils se tapèrent dans la main, fiers d'eux, puis ouvrirent - relativement - doucement les portes. En les voyant arriver, un homme en sueur se précipita vers eux et soupira de soulagement.

- Vous êtes là, enfin ! Je n'ai pas le temps de parler, allez voir les maquilleuses et dépêchez-vous !

 Et il partit aussi vite qu'il était apparut, laissant les deux amis légèrement abandonnés à leur sort. Heureusement pour eux, les maquilleuses étaient facilement repérables, et ils en trouvèrent deux qui avaient l'air moins occupée que les autres.

- Excusez-nous, on nous  a dit de...

- Oui, asseyez-vous là !

 Ils obéirent sagement, un peu perdus dans toute cette agitation. Une jeune femme vint se placer devant Tenko et ne put s'empêcher de laisser sa mâchoire pendre en voyant le travail impossible qui lui était confié.

- I-Ikuno... ! appela-t-elle, le visage paniqué.

- Quoi ? Ah. D'accord. Je vois, répondit la dénommé Ikuno en fixant Tenko. Bon, ben...

- Vous savez, vous n'avez pas besoin de cacher ces trucs, de toute façon je ne pense pas que ce soit possible. Et puis, personne ne me reconnaîtrait sinon !

- Chihiro, fais comme si c'était n'importe qui, décida-t-elle finalement après quelques secondes de réflexions, contente-toi d'arranger le teint et tout.

- D'accord...

 Ikuno regarda successivement ses produits et le visage qu'elle devait maquiller. Tenko, comprenant qu'elle appréhendait, lui offrit un sourire qui se voulu rassurant.

- Essayez, on verra bien ! De toute façon, je ne peux pas être pire, pas vrai ?

 Elle lui répondit par un sourire tremblant, puis choisit un pinceau qu'elle serra fermement entre ses doigts, comme pour se donner du courage.

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 Une quinzaine de minutes plus tard, Chihiro reposa pinceaux, palettes et fonds de teints en passant une main sur son front.

- J'ai fais du mieux que j'ai pu... Ikuno, tu peux venir vérifier et ajuster ?

 L'autre maquilleuse observa le travail sous plusieurs angles, donna quelques coups en plus par-ci par-là, et finit par donner une tape sur l'épaule de sa collègue.

- Bon boulot, c'est super !

 Elle soupira de soulagement, puis fit tourner Tenko sur sa chaise afin qu'il se retrouve face au miroir.

- Alors... ? demanda-t-elle alors qu'il voyait enfin à quoi il ressemblait.

 Le jeune Héro fixa son reflet sans parler une dizaine de secondes, commençant à inquiéter Chihiro, puis sourit largement.

- Alors j'en dis que je devrais me maquiller plus souvent ! C'est vraiment incroyable, on dirait presque que je suis normal ! Vous êtes incroyable.

 Chihiro rougit sous le compliment, puis désigna une porte du doigt.

- Je crois que vous devriez y aller maintenant, il ne reste plus beaucoup de temps avant que l'émission commence !

 Il opina de la tête, puis entra sur le plateau de télévision. Tōya, déjà présent depuis quelques minutes, lui fit signe de s'asseoir sur la chaise près de lui.

- Putain... jura-t-il dans un souffle en voyant son ami de près. Mais t'es canon là !

- Comment ça, "là" ? Je le suis tout le temps, s'indigna Tenko.

- Nan, arrête, d'habitude t'es juste pas trop mal, mais maquillé t'es vraiment mieux !

- Dis-toi que si j'étais pas malade, je serais comme ça tout le temps, voire mieux. Dooonc, je suis beau gosse.

 Tōya réfléchit quelques secondes, puis fit la moue.

- Ouais, bon, prends pas la grosse tête non-plus hein.

 Il avait donné raison à son ami ! Tenko n'arriva pas à se retenir et sourit de toutes ses dents, surtout que, pour une fois, on l'avait complimenté sur son physique. Et, venant de Toya, ça voulait dire beaucoup.

 "Je vais apprendre à me maquiller", décida-t-il. Bien évidemment, il aura abandonné cette idée dans la soirée - trop long et compliqué.

 C'était l'effervescence sur le plateau. Cameramans, ingénieurs du son, éclairagistes... tous se préparaient pour donner le meilleur possible lors du tournage. Leur stress était contagieux, et les deux jeunes Héros se retrouvèrent rapidement anxieux. Tenko je ta un coup d'oeil à Tōya, et fut surpris en voyant son ami serrer le poing jusqu'à s'enfoncer les ongles dans la peau. Lui qui pensait être le plus sensible au stress... Il posa sa main sur la sienne, et sourit doucement.

- T'inquiète, on va être supers.

- Je m'inquiète de rien du tout, qu'est-ce que tu racontes ?

 Il avait beau nier, il ne rejeta pas la main de Tenko : bien au contraire, il délia la sienne pour serrer celle de son ami. Celui aux cheveux bleus élargit son sourire, amusé par sa fierté.

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 L'émission allait enfin commencer. Tous ceux présents sur le plateau s'arrangèrent - inutilement - une ultime fois, puis un "on tourne" tonitruant marqua le commencement du tournage. La musique d'ouverture se fit entendre la seconde suivante, et la présentatrice commença à lire son texte, appris par coeur avec le temps.

- Heyyy ! Salut à vous, fidèles téléspectateurs ! Que vous soyez assis dans votre canapé, debout dans le bus ou le métro, au comptoir d'un bar ou bien allongés dans votre lit, vous avez toujours autant envie de découvrir les Héros apparus ces dernières années, les "New Heroes" ! D'après le taux d'audience enregistré la dernière fois, et tous vos commentaires sur nos pages, cette curiosité débordante n'a de cesse de croître, et c'est génial ! Et pour vous satisfaire aujourd'hui, nous avons invité deux jeunes Héros qui ont beaucoup fait parler d'eux il y a deux mois, lors du tremblement de terre à l'ouest de Tokyo... Je veux bien évidemment parler de Crématorium et Tenko !

 Les deux amis sentirent que certaines caméras se mirent à les filmer, et sourirent du mieux qu'ils le purent en essayant de dissimuler leur stress.

- Deux Héros travaillant ensemble ! reprit-elle. Alors, jeunes hommes, comment ça fait d'être sous les feux des projecteurs ?

- Eh bien, c'est impressionnant, ça on peut le dire !

- C'est sûr que ça met un coup de pression, ajouta Tenko en se passant la main sur la nuque.

- Pourtant, ce n'est pas la première que vous êtes filmés, n'est-ce pas ? Je veux bien sûr parler de la mission qui vous a propulsé vers la célébrité !

- Célébrité, célébrité...

- Vous savez, ça ne fait pas du tout pareil... Lors d'une mission, on est tellement pris dans l'action que les caméras, on ne les remarque parfois même pas, expliqua Tōya.

- Oui, alors que là... on sait que tous les regards sont braqués sur nous, ça fiche un peu la trouille !

- Je crois comprendre, sourit la femme. Bien ! Avant de passer aux questions suivantes, un petit débriefing pour les téléspectateurs n'ayant pas entendu parler de vous ?

 La musique spécifique à ce moment résonne sur le plateau, et la voix déjà préenregistrée de la présentatrice suit immédiatement.

 "Crématorium, le héros plus chaud que le feu lui-même ! Vous connaissez tous son père, le célèbre Enji Todoroki, ce qui vous donne un aperçu de ses capacités... et je dis bien aperçu, car ce jeune homme à une telle puissance de feu que celui-ci est bleu ! Oui oui, vous avez parfaitement entendu, bleu ! À partir de 2000 °C le feu change de couleur. Certain d'entre vous ont peut-être déjà vu Endeavor repousser ses limites et le rendre bleu, mais si je vous dis que son fils l'a dès qu'il active son Alter... !"

 Suite à un message affiché sur un écran en face d'eux, hors du champ des caméras bien sûr, Tōya sourit et fit apparaître un petite flamme au bout de son index. La voix off enchaîna aussitôt en basculant sur le suivant.

 "Tenko, le Héros aux mains destructrices ! Les plus jeunes d'entre vous ne la connaissent peut-être pas, mais sa grand-mère était Nana Shimura, l'une des plus grandes Héroïnes de sa génération, parfois même comparée à All Might. Mais, même si son petit-fils n'a pas hérité de son Alter, le sien n'a rien à lui envier : un simple contact avec une matière, aussi résistante soit-elle, et il n'en reste qu'un tas de poussière ! Lors de l'opération sauvetage qui a eue lieu après le tremblement de terre, ses capacités incroyables ont sauvé des centaines de vies en quelques heures !"

- D'ailleurs, fit remarquer la présentatrice de sa vraie voix cette fois-ci, c'est pour éviter les accidents que vous portez ces étranges gants, Tenko ?

- Oui, on ne sait jamais. La peur a des chances de déclencher mon Alter, alors je vous laisse imaginer ce qu'il se passerait en cas de chute sans que je porte mes gants... Mon secteur de prédilection à beau être le sauvetage lors de catastrophes, je serais capable d'en créer d'encore plus grande...

- Si mes souvenirs sont bons, votre Alter ne peut s'activer que si tous vos doigts sont en contact avec la chose touchée ; donc, grâce à ces gants partiels, vous pouvez tout de même ressentir le toucher.

- C'est exactement ça.

- Bien ! Au fait je suis désolée, je me suis emportée et j'ai commencé à poser des questions sans prévenir... Mais je suis tellement impatiente d'en savoir plus sur les nouveaux Héros, s'excusa-t-elle en riant légèrement.

- C'est rien, et puis on est là pour ça, non ?

- Puisque vous n'y voyez pas d'inconvénients, je sors le grand jeu ! Pour vous deux : pourquoi avez-vous décidé de former une équipe ? Et surtout, pourquoi n'avoir engagé personne d'autre dans votre agence ?

- Si on travaille ensemble, c'est d'abord parce qu'on est amis ! répondit simplement Tōya.

- C'est vrai, mais c'est aussi car nos Alters se complètent bien.

- Comment ça ? demanda la présentatrice.

- Notre secteur de prédilection, c'est le secourisme, en particulier lors de catastrophes naturelles comme les tremblement de terre. Tenko dégage facilement les blessés des décombres avec son Alter, tandis que moi je dégage des places pour leur prodiguer les premiers soins en brûlant tout dans un cercle de quinze mètre autours de moi ; ça permet d'avoir quelque chose de plutôt plat en quelques minutes - temps de refroidissement compris.

- Je vois... Mais, avec des Alters aussi offensifs, l'une des question que je me pose le plus est : pourquoi ne pas se concentrer sur l'arrestation de Vilains ?

- Justement, c'est parce qu'ils sont trop offensifs, expliqua Tenko.

- Trop offensifs... ?

- Si jamais Crématorium lançait directement ses flammes sur quelqu'un, et que la personne n'arrivait pas à les éviter, on peut la considérer blessée à mort. Enfin, si elle n'est pas réduite en cendres... Quant à moi, c'est simple : je peux désintégrer une partie de la personne sans que celle-ci n'ait de grand dommages, par exemple une main ou une partie de la cuisse, mais si je perds le contrôle... c'en est fini d'elle.

- Nos Alters sont destructeurs, beaucoup trop pour être utilisés directement sur une personne. Bien sûr, si il y a une attaque terroriste, on peut aider en protégeant les civils encore présents, ou en dressant un mur de flammes, par exemple. 

- Je comprends. Mais, Crématorium, cette brûlure le long de votre cou, d'où vient-elle ? Seriez-vous sensible à votre propre Alter ?! s'exclama la femme.

- Ah, ça... Ce n'est pas la seule, vous savez. Et elles sont toutes dues à mes propres flammes. En fait, contrairement à mes frères et sœurs, je n'ai rien pris de la constitution physique de mon père, mais entièrement celle de ma mère : comme elle, je suis plutôt faible et peu résistant. En revanche, mon Alter est surpuissant. Vous comprenez bien la trop grande opposition entre les deux... Du coup, si j'utilise trop longtemps mes flammes, je me brûle moi-même.

- Eh bien, ce ne doit pas être évident...

- C'est sûr qu'au début, lorsque mon père m'entraînait, je me brûlais souvent... Certaines brûlures ont disparues, mais d'autres comme celle sur mon cou, ou celle recouvrant ma jambe droite ne guériront jamais. Mais à présent, je ne me blesse presque plus !

- Dit celui qui s'est brûlé il y a deux mois à force de créer des places pour les victimes...

- Oui, bon, là c'est parce que j'avais beaucoup de boulot... tenta-t-il de se justifier. Et puis, j'ai déjà presque plus rien !

- Justement, en parlant du tremblement de terre... Racontez-nous un peu comment c'était.

- Toi d'abord, exigea Tōya.

- Okay... Bon, je ne vais pas le cacher, j'avais peur, avoua Tenko. Terriblement peur.

- Et pourquoi ça ?

- Il y avait mille raisons d'avoir peur, pour moi. Peur de ne pas arriver à sauver telle ou telle personne, peur d'en oublier, peur d'en retrouver mortes, peur qu'une décède dans mes bras, mais aussi peur de mon Alter : un seul dérapage dans le contrôle de son intensité, et les civils se font désintégrer, même partiellement. Et puis, la pression, le stress, les cris de douleur des blessés, les sanglots... C'était la première fois que j'avais une si grosse opération de sauvetage, et je ne savais plus où donner de la tête, je courais partout tout en ayant l'impression que rien n'avançait...

- Ouais, c'était horrible. Et encore, toi au moins t'avais pas l'impression de rien faire... Faire des places, c'est bien, mais au bout d'un moment c'est fini. Et j'ai même pas pu donner des soins et dégager des gens avant une heure, parce que je m'étais brûlé. Je vous regardais faire, j'avais envie d'être utile, mais... tout ce que j'ai pu faire pendant une putain d'heure, c'était de rester allongé en me faisant soigner, moi, celui qui était censé aider les autres.

 Tōya serrait les dents et son front prit appui sur son poignet. Tenko prit son autre main et soupira très légèrement : même après deux mois, il s'en voulait toujours autant, alors qu'il avait tellement aidé... Tenko savait que ça le rongeait, mais il n'y pouvait rien, son ami refusait ses mots. Tout ce qu'il pouvait faire pour l'aider, c'était de le laisser le comprendre seul, avec le temps. Avec le roux, ç'avait toujours fonctionné comme cela.

- Oh... On va passer aux questions plus personnelles, décida la présentatrice en voyant le visage crispé de Crématorium. Dîtes-moi, Tenko, votre nom de famille est-il le même que votre grand-mère, Nana Shimura ?

- Ahah, ça c'est secret. Je ne dirai pas si elle est du côté paternel ou maternel, donc vous n'en saurez rien... !

- Je me doutais de la réponse... Vous ne nous donnerez même pas un petit indice ? De toute façon, on sait que vous êtes le petit fils d'une Héroïne, alors quel est l'intérêt de garder le secret ?

- Je ne vous donnerai aucun indice, car je vois ça comme une grande énigme que vous ne pourrez peut-être jamais résoudre. Vous savez, j'aime beaucoup les jeux, et ça, c'en est un.

- Tu n'aime pas les jeux, Tenko : tu leur voues un culte, rectifia Tōya avec un petit sourire, semblant plus apaisé.

- C'est vrai ? demanda la femme en souriant elle aussi.

- Vous ne pouvez pas imaginer. Notre appartement est rempli de consoles, de chargeurs, d'ordinateurs et de boîtes de jeu.

- Eh, mais c'est pas ma faute s'il n'y a pas de console universelle ! protesta-t-il en faisant la moue. Si je veux jouer à tout, il faut bien que j'ai tous les supports.

- Peut-être, sauf que tu ne veux jamais rien revendre.

- Mais si ! Regarde, la dernière fois j'ai vendu quatre jeux, une game-boy, un autre grosse console et... euh...

- C'était il y a deux ans. Et tu l'as fait parce que je t'avais menacé que tout ce qui ne rentrerait pas dans tes cartons, je le brûlerai au moment de partir.

 Tenko regarda Tōya, l'air mi-désespéré mi-énervé, se jurant qu'il se vengerait une fois rentrés. 

- À ce point ?

 Les deux amis se contredirent en même temps, l'un criant "non" pour sauver son honneur, l'autre "oui" pour le plaisir de le taquiner. La présentatrice ne sût plus qui croire, mais rit face à ces chamailleries dignes d'enfants.

- Vous voir comme ça me donne l'impression d'être en face de mes neveux, leur fit-elle remarquer.

- Heiiin ? s'indignèrent-ils d'une même voix.

 Se faire traiter de gamins était récurent pour eux, mais ils ne l'acceptaient pas pour autant. Ils oublièrent leur querelle en un instant et se liguèrent contre la jeune femme.

- On est très matures !

- Et pour jouer aux jeux vidéos, il n'y a pas d'âge !

 Ils avaient une bonne quinzaine d'autres arguments, plus ou moins convaincants, et ils les auraient utilisés si la présentatrice n'avait pas levé un drapeau blanc.

- C'est bon, je retire ce que j'ai dit ! annonça-t-elle mi-solennellement, mi-riante.

 Ils haussèrent simultanément un sourcil et firent la moue, peu convaincus.

- Allez, pour me faire pardonner je vais passer à d'autres questions. Comme par exemple... Ah ! Dîtes nous pourquoi avez-vous décidé d'être Héros.

 Les deux amis se tournèrent l'un vers l'autre, sourirent, puis lancèrent en chœur :

- Parce que c'est cool !

 Ils se tapèrent dans la main, puis reprirent, un peu plus sérieux.

- Bon, en vérité il y a des raisons plus importantes que ça, comme le fait de sauver des humains. C'est une sorte de besoin qui prend aux tripes, c'est impossible de le contrer.

- Et puis, je crois qu'on a ça dans le sang, c'est inscrits dans nos gènes.

- Bien que j'ai eu envie de devenir un Héros bien avant de savoir que ma grand-mère l'était, dit remarquer Tenko.

- Les gènes ont une connaissance absolue, affirma le roux, grandiloquent. Ils sont...

- Avouez-le, vous ne savez pas rester sérieux plus d'une minute, le coupa la jeune femme, pressentant qu'un discours sur la prétendue érudition des cellules serait à la fois interminable et complètement loufoque.

- Sérieux, nous ? Mais bien sûr qu'on y arrive, se défenda Crématorium. Tenko, mon record !

- Avec ou sans distractions ?

- Avec !

- Humm... 27 minutes et 19 secondes.

- Vous voyez à quel point je peux l'être ? Et ce chiffre là, c'est avec un Tenko qui essayait de me faire perdre ! ajouta-t-il.

 La présentatrice ne sut plus quoi répondre face à tant d'inepties.

- Vous savez quoi ? À l'avenir, je crois bien que je vais éviter les questions non-prévues, décida-t-elle, à la limite de se demander si la nouvelle génération de Héros ne courrait pas droit au désastre.

 Les deux jeunes hommes se lancèrent un petit regard coupable... et se retinrent d'exploser de rire en comprenant que l'autre n'était pas sincère lui non-plus. Ils y arrivèrent - heureusement -, et évitèrent ainsi une dépression nerveuse à la présentatrice. Cette dernière secoua lentement la tête et reprit ses questions.

- Bien... Maintenant, hum... Ah, racontez-nous vos études. Je suppose que suivre un cursus héroïque est loin d'être de tout repos, n'est-ce pas ?

- Vous ne pouvez pas imaginer, répondit Tenko en affichant une mine de déterré.

- Yuei est l'une des académies les plus difficiles, et y apprendre le métier de Héros là-bas est à la fois gratifiant et totalement épuisant.

- Surtout pour toi, parce qu'en plus des entraînements qui pouvaient te brûler, ton père te faisait travailler le week-end.

- Ouais, obsédé de la réussite celui-là... Enfin bref.

- Hum, Crématorium, justement : vous donnez l'impression d'être un peu en froid avec votre père, Endeavor...

- C'est pas qu'une impression, hé, ricana-t-il un peu. Si vous voulez savoir, je ne lui parlais plus vraiment depuis mon entrée au collège, et lorsque j'ai eu mon diplôme de Héros pro et que j'ai pu quitter la maison, j'ai définitivement coupé les liens. Bien sûr je continue à aller chez lui pour voir mes petits frères et sœurs, mais c'est tout.

- À ce point ?! s'exclama la jeune femme, sidérée.

- Huhum. Ah, et puisque je sais que vous vous demandez pourquoi : je ne vais pas entrer dans les détails, mais sachez qu'avoir à la fois un père comme lui et un Alter pouvant blesser son utilisateur, c'est pas la joie. La plupart de mes brûlures définitives ont eu lieu lors de ses entraînements. Entraînements qui ont commencé dès que mon Alter s'est déclenché...

- Oh, je vois... D'ailleurs, en parlant de déclenchement d'Alter, vous pouvez nous raconter quand est comment ça s'est déroulé ? C'est l'une des choses qu'adorent connaître les fans !

- Rien de bien particulier... Aux alentours de quatre ans, alors que je jouais dans le jardin, une de mes mains a soudainement pris feu, puis l'autre, et enfin mon corps entier a été recouvert de flammes. J'ai couru en hurlant vers la maison, en brûlant toute l'herbe se trouvant sur mon passage d'ailleurs... En fait, si je me souviens bien, je ne criais pas parce que j'avais mal mais parce que mes flammes étaient bleues, et je trouvais ça anormal. Je savais depuis longtemps que j'aurai un Alter de feu comme mon père, mais j'ai cru que j'étais malade parce que ce n'était pas de la bonne couleur ! expliqua-t-il en riant.

- Et ta mère t'as recouvert de glace pour t'arrêter, c'est bien ça non ? demanda Tenko.

- Exactement. Elle a d'abord fait une sorte de mur autours de moi pour que je ne brûle plus la maison, puis elle m'a gelé. Evidemment grâce au feu je ne suis pas resté plus deux secondes dans cet état. Mais au moins, ç'avait complètement désactivé mon Alter. Après j'ai chialé pendant dix minutes dans ses bras pendant qu'elle essayait de me convaincre que je n'étais pas malade. Ah la la, ça m'a tellement traumatisé que je m'en souviens encore ! Et puis lorsque mon père a appris que j'avais un Alter encore plus puissant que le sien, il a sauté de joie.

- Votre histoire est loin d'être comme les autres... ! Devoir se faire geler pour ne pas tout brûler, c'est hors du commun !

- Si vous le dîtes... Mais, vous savez, si ma mère avait eu un autre Alter, je me serais sûrement pris des seaux d'eau comme tout le monde, fit-il remarquer en mimant l'action.

- Ah ah, c'est vrai. Bien ! À vous, Tenko : racontez-nous comment ça s'est passé, le déclenchement de votre Alter.

 Le sourire du jeune homme se figea, presque grimaçant, et laissa passer deux secondes avant d'ouvrir la bouche pour parler.

- Hum, eh bien...

 Ce fut tout ce qu'il réussit à dire. Un puissant sentiment de panique, ancré en lui depuis bientôt vingt ans, refit surface et le paralysa. Et comme à chaque fois que ça se produisait, sa voix disparaissait ; il devenait muet, incapable d'appeler au secours. Comme ce jour là.

- Tenko, stop.

 La voix calme et ferme de Tōya fut comme une décharge électrique pour lui. Et lorsqu'il sentit ses doigts être entremêlés avec d'autres, il finit par recouvrer un petite partie de ses esprit et sentit la panique s'écouler lentement de lui.

- Tōya... murmura-t-il inconsciemment, le souffle court.

- Je pense qu'on va passer cette question, d'accord ? exigea le roux plus qu'il ne le demanda.

 Excepté le Héros qui l'avait recueilli, Loud Cloud, Tōya était le seul à qui Tenko avait raconté son passé, et était sûrement la personne qui comprenait le mieux ce qu'il ressentait dans son entourage. Lui non-plus n'avait pas eu de chance en quelque sorte avec son Alter, et faisait tout pour que son ami n'ait jamais à devoir se remémorer de douloureux souvenirs. Tenko l'ignorait, mais, lors de leur scolarité à Yuei, le fils d'Endeavor avait menacé leur classe entière pour qu'ils ne posent jamais de questions à ce sujet - ce qui avait plutôt bien fonctionné lorsqu'ils avaient vu l'étendue des dégâts que pouvait causer Crémation, l'Alter de Tōya.

- Oui bien sûr. Je suis désolée, je ne savais pas que ça touchait quelque chose de sensible... s'excusa présentatrice.

 Elle jeta rapidement un regard vers l'écran placé en face d'elle, hors-champ, attendant une quelconque indication pour la suite de l'émission. Indication qui finit par arriver après moins d'une seconde, soulageant la jeune femme qui commençait à se sentir mal à l'aise après la réaction de Tenko.

- Que diriez-vous si nous laissions le passé de côté, et parlions plutôt du futur ? Quels sont vos projets, vos objectifs... ?

 Tōya bénit ce nouveau sujet, l'un des plus efficaces pour sortir Tenko de son état presque statufié lorsque cela lui arrivait. Il serra plus fortement la main de son ami, le forçant à revenir une bonne fois pour toutes sur Terre, et commença à engager la conversation.

- En tant qu'Héros, mon principal objectif est de sauver un maximum de personnes, ça va de soi ! Et si possible, de continuer à travailler avec Tenko, ajouta-t-il en glissant un regard vers le nommé, espérant qu'il ait complètement recouvert ses esprits.

- Ouais, si on pouvait toujours être ensemble ce serait vraiment bien... confirma doucement Tenko.

- Vous semblez très proches, fit remarquer la présentatrice, un sourire attendri sur les lèvres.

- C'est le cas ! On s'est rencontré au collège, on était dans la même classe. Et puis à Yuei, on a été super heureux de savoir qu'on était toujours ensemble. Depuis on ne s'est pas quitté, alors forcément, se connaître depuis presque dix ans, ça crée pas mal de liens !

- On habite dans le même appartement, on travaille ensemble... on passe encore plus de temps que des frères, en vérité, rit doucement Tenko.

- Vous voir aussi complices fait plaisir à voir. Une amitié comme la vôtre, aussi puissante, c'est assez rare.

- On en a conscience, c'est aussi pour ça qu'on fait tout pour ne pas la perdre. En fait, on se chamaille souvent, mais c'est utile en soit : comme ça, on évacue toujours si quelque chose ne va pas, et les véritables disputes sont évitées.

- Bon, évidemment ça nous arrive de vraiment nous fâcher, et on se fait la gueule pendant un ou deux jours. Mais il arrive toujours un moment où l'un de nous deux décide d'arrêter et fait tout pour faire rire l'autre.

- Rire ? répéta-t-elle, un sourcil levé.

- Oui, c'est l'un de nos trucs. Si on rigole à cause de l'autre, c'est complètement impossible d'être énervé contre lui. D'ailleurs, si mes souvenirs sont bons, à chaque fois qu'on s'est réconcilié ça a terminé en fou rire, remarqua Crématorium.

- Humm... C'est vrai, t'as raison.

- Vous voyez ? En plus d'être incroyablement beau, j'ai une mémoire fantastique.

- Ah, je viens de comprendre pourquoi tes cheveux sont rouges... !

 Tōya regarda Tenko, interloqué. Il l'interrogea du regard, et fronça légèrement les sourcils en le voyant sourire malicieusement.

- Tu es un coq, annonça-t-il de but en blanc.

- Pardon ? firent en même temps Crématorium et la jeune femme.

- Tu es un coq, Tōya, répéta-t-il, très sérieux. Tu as le caractère, les cheveux... et tu te réveilles très tôt.

- Alors premièrement, je te signales que huit heures, ce n'est pas tôt, mais vu que tu te lèves à treize heures... ! Et ensuite, qui est-ce que que tu te permet d'insulter en me traitant de volaille ?!

- Hum, c'est vrai que ce n'est pas très sympa pour le coq.

 S'ils n'étaient pas sur un plateau de télévision, Tōya aurait certainement attrapé Tenko par les épaules et l'aurait secoué comme un prunier en l'insultant, puis l'aurait obligé à ravaler ses mots. Cependant, puisqu'ils étaient filmés et passaient en direct, il se contenta de grincer des dents et écrivit avec son doigt sur la cuisse de son ami "ce soir, t'es mort", puis reprit un peu contenance tandis que Tenko souriait toujours, à peine inquiet.

- Bon, et si vous nous donniez quelques anecdotes sur vous ? Vos goûts dans différents domaines aussi.

- J'ai le mal de voiture beaucoup trop facilement, et je déteste le poisson, commença Crématorium.

- À cause de ça, on doit toujours prendre le train ; et c'est presque impossible pour moi de manger du poisson si on est à la maison...

- Désolé, je sais que c'est difficile de faire varié à cause de ça...

- Mais bon, moi je n'aime pas les carottes, alors on est quitte, sourit Tenko.

- Par contre, s'il y a bien un point ou on a les mêmes goûts, c'est pour les films !

- Tant qu'il y a de l'action, tout nous va. Enfin, les comédies c'est pas mal non-plus.

- Et puis pour les livres, on les lit presque ensemble.

- Et les jeux-vidéos !

- Euh, Tenko, là il y a une différence : tu joues à tout.

- Oui, bon...

- Ah, vous vouliez des anecdotes, non ?

- Oui, on aime tous connaître un peu plus la vie des Héros, et les téléspectateurs de cette émission en particulier.

- Humm, eh bien... réfléchit Tōya.

- Raconte-leur la fois où tu as voulu allumer la gazinière sans briquet...

- Ah ouais... Eh bien, c'était un soir, et le briquet nous a lâché. Il était tard, je n'avais pas envie de sortir en acheter un autre. Donc, j'étais bien embêté. Puis je me suis rendu compte qu'avec mon Alter, j'étais un briquet.

- Tu t'insultes tout seul... !

- Je disais donc que je pouvais me débrouiller sans, tout compte fait, continua-t-il en l'ignorant. Donc j'ai ouvert le gaz, et puis j'ai enflammé mon doigt. Le problème, c'est que j'avais accidentellement ouvert le gaz d'un autre brûleur, et depuis quelques temps déjà. Ce qui devait arriver arriva : il y a eu une sorte de mini-explosion au dessus de la gazinière. Bon, moi ça ne m'a rien fait, mais ce qu'il y avait autours à pris feu.

- T'as appelé à l'aide en criant comme une fille, c'était à la fois drôle et inquiétant.

- Tenko, garde tes commentaires. Bref, après avoir appelé normalement Tenko, j'ai paniqué et je me suis mis à remplir des tasses avec de l'eau.

- Lorsque je suis arrivé dans la cuisine, il était en train de balancer son eau sur les flammes, mais elle retombait au sol sans les toucher, c'était tellement inutile que je me suis retenu de rire. Bon après j'ai compris la situation, alors je l'ai aidé.

- Et on s'est retrouvés à lancer des tasses d'eau sur tout et n'importe quoi. Et le pire, c'est qu'aucun de nous deux n'a pensé à appeler les pompiers.

- Tu parles de Héros Pros... Mais bon, heureusement notre appartement donne sur un carrefour fréquenté, et il y a une fenêtre dans la cuisine. Alors, des passants ont appelés des secours, et finalement c'est une dame assez âgée qui est venue pour éteindre le feu avec son Alter d'eau.

- Mon Dieu, quelle galère ce jour là... D'ailleurs, madame, si vous regardez cette émission, encore merci !

- Depuis, on a acheté un extincteur, termina celui au cheveux bleus en se frottant le derrière du crane.

- Eh bien, quelle histoire... On ne doit pas s'ennuyer avec vous !

- Et encore, ça c'était l'une des catastrophes parmi tant d'autres. Je pourrais en citer d'autres, comme la fois où Tenko s'est retrouvé coincé dans l'ascenseur toute l'après-midi, avec les courses. Cet idiot a cru qu'il allait y passer des jours, alors il a commencé à bouffer ce qu'il avait acheté. 

- Ceci dit en passant, le bœuf séché avec du poireau cru, ce n'est pas bon. Même dans du pain.

- J'avais oublié de préciser que tu as mangé n'importe quoi...

- J'avais rien d'autre ! Bon si, mais du riz et des pâtes pas cuits, c'est pas mangeable. Le shampoing non-plus, d'ailleurs.

- Il y avait des carottes.

- Je préférerais manger le shampoing, rétorqua Tenko en grimaçant. Et puis t'es pas mieux niveau bouffe, une fois tu t'es trompé en faisant une salade, et tu nous as mis de la sauce piquante à la place de l'huile.

- Peut-être, mais tu l'as tellement pas supporté que tu t'es mis à courir dans tous les sens tu as fait tomber la télé. Heureusement que je l'ai rattrapée.

- Oui mais toi, tu as ruiné le parquet en achetant un produit bizarre qui l'a rendu tout pâle.

- C'est rien comparé à toi qui as effrité un pan de mur entier en voulant seulement y faire un trou pour le clou.

- On parle de quand tu es devenu - sans raisons - une torche dans le hall et que certaines boîtes à lettres ont fondues ?

- Eh, ça c'est un déclenchement accidentel d'Alter !

 La présentatrice sentait que cette bataille n'aurait jamais de fin. Et elle avait entièrement raison. Les deux amis continuaient leurs dénonciations, et si on n'avait pas donné l'ordre de les arrêter en leur posant une nouvelle question, l'émission aurait pu se terminer là-dessus.

- Hum, excusez-moi mais... il y a encore une question que j'aimerais vous poser... ! tenta-t-elle.

 Heureusement, ils l'avaient entendue, et avaient cessé dans l'instant leur querelle, attentifs.

- Donc, pour conclure cette émission, qu'est-ce que vous diriez aux jeunes téléspectateurs qui nous regardent ? Nombreux sont ceux qui rêvent de devenir Héros tout comme vous, et je suppose que vous avez quelques conseils pour eux.

 Les deux amis levèrent les yeux quelques secondes, réfléchissant, puis Tenko donna un petit coup de poing dans le bras de Tōya pour lui signifier de commencer le premier.

- Si je devais leur passer un message, ce serait de ne pas abandonner en cours de route à cause de la douleur, fit-il, soudainement plus sérieux. Devenir Héros, c'est dur, surtout quand notre Alter n'est pas simple à manier. Se blesser, gravement parfois, c'est presque obligatoire. Je connais une fille, qui était à Yuei elle aussi, qui a eu la jambe écrasée lors d'une mission de sauvetage ; aujourd'hui, elle travaille en tant que Héroïne avec une prothèse, et elle est aussi forte que n'importe qui !

 Il fit un salut à la caméra, nommant son ancienne camarade de classe. Puis il reprit :

- Et puis parfois, même si c'est moins grave que de perdre un membre... Devoir continuer à s'entraîner alors qu'on est blessé, c'est épuisant, moralement surtout. Le pire est lorsque c'est dû à notre propre Alter. Vous savez, je me suis maudit des années d'avoir eu un Alter comme Crémation. Rien que son nom, agressif, me faisait rager. Il me blessait -  me blesse toujours d'ailleurs quand je force trop -, me rappelait que j'avais eu de mauvais lots dans la loterie génétique, et que j'étais voué à me brûler dès que je l'utilisais plus que sur une main. Mais je me suis battu contre lui. Mes flammes sont comme des chiens fous, je devais juste les dresser ; mais pour ça, il fallait d'abord que j'apprenne à les accepter et à les aimer. J'ai beaucoup travaillé sur ça, la psy du lycée m'a bien aidé d'ailleurs, et aujourd'hui je vois mon Alter non-plus comme une malédiction, mais comme une part de moi-même qui me demande seulement un peu de temps pour être maîtrisée. Et c'est pour ça qu'à présent, je m'adresse aux personnes un peu comme moi : n'abandonnez pas à cause de votre Alter. Et surtout, apprenez à l'aimer s'il vous fait défaut, s'il vous a valu des moqueries ou autre. Un Alter, c'est une partie de soi qu'il ne faut jamais abandonner, quelle que soit la situation !

 Il termina sa tirade, un peu essoufflé, et reçu un hochement de tête de la part de Tenko en guise d'approbation. Son discours avait dû plaire, car la présentatrice affichait une grand sourire.

- C'est un beau message ! L'acceptation de soi est en effet loin d'être simple pour certains, et je suis certaine que vous avez redonné espoir à plusieurs personnes, les jeunes en particulier ! Et vous, Tenko, vous avez quelque chose à nous dire, vous aussi ?

 Le jeune homme hocha la tête.

- À vrai dire, mon cas n'est pas très éloigné de celui de Crématorium. Mais pour moi, la peur remplace la haine. Je... Je n'arrive pas à en parler, mais j'ai subi une sorte de traumatisme à cause de mon Alter. Je suis tellement effrayé par lui... Lorsque je me réveille, je me dis "et si aujourd'hui, je perdais le contrôle ? Et si ça recommençait ?". Et c'est comme ça tous les jours. Ensuite, je me dis que j'ai des gants, un entraînement et que, comme la veille, il ne se passera sûrement rien. Mais la peur reste constante, surtout lorsque je dois l'utiliser. Parfois, j'angoisse tellement que je refuse de sortir de mon lit, et c'est Crématorium qui doit m'aider à reprendre mes esprits. Alors, tout comme il a parlé de la haine envers son Alter, moi je voudrais parler de la peur.

 Il se passa rapidement la main sur le menton, se gratta légèrement le cou, puis continua.

- Avoir peur de soi, c'est à la fois étrange et difficile. Il n'existe pas de personne en qui on peut avoir totalement confiance, si ce n'est soi-même ; alors, quand on a peur de son propre corps... C'est comme si on était complètement seul. Qu'on pouvait se faire trahir par la seule chose en quoi on pourrait avoir une totale confiance. Et, quand on y pense un peu trop, ça rend fou. On a tellement peur de déraper, de perdre le contrôle, de se faire trahir que ça en devient insupportable. Tellement douloureux, que... parfois, on finit par tenter de s'échapper. Et là, franchement, c'est la pire des choses à faire. C'est pour ça qu'il ne faut pas rester seul. Être entouré, de personnes de confiance j'entends, ça vaut tous les médicaments possibles. Et même si ce n'est qu'une personne... ! Tant que l'on sait qu'on peut lui faire confiance, qu'elle pourra nous aider si on doute trop, ça suffit.

 Il jeta un regard vers Tōya, ils se sourirent.

- J'ai de la chance d'avoir au quotidien quelqu'un en qui j'ai plus confiance qu'en moi-même. Quelqu'un qui rit et pleure avec moi, quelqu'un qui me rassure lorsque j'ai peur, quelqu'un qui m'a promit qu'il serait toujours là pour moi... Et pour tout ça, même s'il est parfois incroyablement énervant, qu'il essaye de se débarrasser discrètement de mes jeux-vidéos, qu'il confond sauce piquante et huile et un tas d'autre trucs encore, je ne pourrais jamais assez le remercier. L'avoir à mes côtés, c'est la meilleure chose qui me soit arrivée, après ma rencontre avec Loud Cloud. Alors, à tous ceux qui, comme moi, ont peur de leur Alter, le regrettent, en bref ne sont pas à l'aise avec, je vous le dis et le répète : trouvez les bonnes personnes. Celles qui seront toujours là pour vous, qui vous épauleront, en qui vous pourrez donner toute votre confiance sans avoir peur d'être trahis.

 Il soupira légèrement, se frotta la nuque puis rit un peu.

- Enfin voilà, c'était sûrement un peu brouillon, mais je ne m'étais pas préparé à sortir quelque chose comme ça ! s'excusa-t-il. Mais, bon, c'était ce que je voulais dire - en gros. C'est un sujet un peu sensible pour moi, alors je suis content d'avoir réussi en parler, en espérant que ça aura impacté quelqu'un...

- J'en suis sûre ! Vous nous avez tous deux délivrés de beaux messages, affirma la présentatrice. On sentait que vous étiez vraiment concernés, c'était touchant. Et surtout, je suis certaine que vous avez pu aider plusieurs personnes, y compris celles qui ne sont pas directement concernées - je pense notamment aux proches et amis, qui ont parfois du mal à comprendre.

 Elle souriait, heureuse que l'interview se soit terminée calmement - elle avait eu peur, parfois. Recevant une indication sur l'écran en face d'elle, elle entama son discours de fin de programme.

- Chers téléspectateurs, c'est la fin de l'émission du jour ! Nous avons passé un agréable moment en compagnie des Héros Tenko et Crématorium, qui nous ont surpris plus d'une fois, et pour qui c'était leur première interview - nous sommes d'ailleurs honorés d'en avoir eu le privilège. Leur carrière n'en est qu'à leur début, mais leur avenir est plus que prometteur ! On se retrouve la semaine prochaine, de nouveau avec un duo !

 Tenko et Crématorium soufflèrent en coeur : c'était terminé.

- - -

- Je n'en peux pluuus ! s'exclama Tōya en s'affalant de tout son long sur leur canapé.

 Ils venaient de rentrer, après une heure passée dans les transports en commun, et ils étaient au bout de leurs forces.

- À qui la faute, grogna Tenko en s'allongeant sur son ami -l'écrasant au passage.

- La tienne ! Je te signale que c'est toi qui a accepté de participer à cette émission !

- Arrête, quand je te l'ai dit tu était encore plus heureux que moi.

- N'importe quoi.

- Et puis si on avait une voiture, ce serait plus simple.

- Faux, il y avait des embouteillages.

- On aurait pu mettre la radio, plutôt qu'attendre un bus sans rien faire.

- J'aurais vomi.

- Je sais. Et c'est bien pour ça qu'on n'en a pas, de voiture.

 Ils lâchèrent un énorme soupir, puis Tenko sentit Tōya attraper ses poignet pour lever ses mains devant eux.

- Elles sont belles, tes mains.

- Pourquoi tu dis un truc pareil ?

- Parce que je les aime bien.

 Tenko tourna sa tête vers la sienne, en quête de réponses.

- Aujourd'hui, tu as réussi à en parler, lâcha Tōya. C'est cool.

- Tu parles... J'ai failli faire une crise.

- Non, à la fin.

- Ah, ça... C'était pas grand-chose.

- Tenko, si tu veux mentir tu choisis la mauvaise personne, le prévint-il.

 Il soupira en regardant ses mains, écartant ses doigts.

- J'ai moins peur qu'avant, je pense. Et puis, là, c'était plus pour les autres que pour moi.

- C'est plus facile pour toi si ça concerne quelqu'un d'autre ?

- Oui. Je suppose.

- Hmm. Et...

 Tōya semblait vouloir continuer, mais referma la bouche, se résignant.

- Et quoi ?

- Rien, oublie.

- Non.

- C'est stupide, laisse-tomber.

- Mais dis-le moi quand même ! insista-t-il.

- J'aurais bien voulu... Que tu me touches sans gants, finit-il par avouer.

 Tenko le fixa, très surpris. Tout d'abord, il ne comprenait pas l'utilité de prendre le risque d'enlever ses gants pour le toucher, lui, un être vivant qui plus est. Ensuite, il se demandait si son ami se rendait compte des possibles conséquences que cet acte pouvait engendrer.

 - Je te l'ai dit, c'est n'importe quoi, ricana-t-il, mal à l'aise.

- Pourquoi tu voudrais ça ?

- Je sais pas trop. Juste que... J'ai l'impression que tu vas mieux.

- Ça ne répond pas à ma question, ça.

- Tu ne m'as jamais touché sans gants. J'aimerais juste que... Qu'une fois, tu me prennes la main, sans rien.

 Tenko réfléchit, observant ses mains, toujours maintenues en l'air par celles de Tōya. Il ne comprenait pas vraiment les raisons du roux, pensait que c'était vraiment très risqué, mais que bon, il avait grandi et apprit à plus ou moins gérer son Alter, alors ça devrait aller. Et puis que, pour une fois, lui aussi avait envie d'utiliser ses cinq doigts pour toucher ceux de Tōya. Alors il rapprocha ses mains, enleva lentement ses gants sous le regard surpris de son ami, puis enlaça leurs doigts, tout en fermant les yeux pour rester calme.

- Je suis heureux, finit-il par dire en souriant.

- Moi aussi.

- Je te prends les mains. Sans gants. Et je ne suis presque pas effrayé.

- Moi non-plus, je n'ai pas peur.

- Pourtant, c'est toi qui risque le plus.

- Hmm... Oui, et non.

- Comment ça ?

- Si je meurs, c'est toi qui sera le plus malheureux. Alors je m'en voudrais.

- Alors... ça veut dire que celui qui mourra le premier sera le plus chanceux des deux ?

 Il rit un peu.

- Si on disait ça à quelqu'un, il nous prendrait pour des fous. Ou des suicidaires, au choix.

- Et si on essayait ? proposa Tōya.

- Demain, à l'agence ?

- Yep. On attend qu'il y ait plusieurs personnes à côté de nous, puis je sais pas encore trop comment, on essaye de caser ça dans la discussion !

- Oh ouais ! Les têtes qu'ils vont tirer !

- On leur explique ensuite, ou on fait comme si de rien n'était ?

- Hmm... On verra bien !

 Ils rirent, chahutèrent, finirent au sol - en se cognant à la table basse par la même occasion -, puis Tōya demanda, très solennellement :

- À ton avis, quand tu fais une photo avec une mascotte, est-ce que la personne à l'intérieur sourit elle aussi ?

Et, cette fois, Tenko se dit qu'ils devaient réellement être fous.


- - -  F I N  - - -



Bon Dieu je suis tellement contente de l'avoir terminé ! Nan mais en fait, vous ne pouvez pas imaginer combien de semaines (voire de mois) je l'ai arrêté parce que je ne savais pas comment conclure l'interview (oui, c'est tout moi ça). Du coup, j'ai soufflé un bon coup en écrivant le mot "fin"

J'espère au moins qu'il vous aura plu (si ce n'est pas le cas, je crois que je vais remettre en question mes capacités. Parce qu'écrire, c'est la seule chose où je trouve que j'arrive à sortir quelque chose de potable)

Ah, et cet OS, il a une petite histoire :

En fait, à la base, je ne devais pas faire un recueil d'OS, mais juste écrire celui-ci. Seulement, après être arrivée vers les 2000 mots, je me suis dit : bah, en fait, je vais en écrire plusieurs. L'OS n°2 a suivi, puis pour les suivants, il n'y a pas vraiment d'ordre (j'écris n'importe comment, vous ne pouvez pas imaginer). Donc, c'est ce (pas si) petit OS qui a permit de lancer tous les autres (c'est donc lui qu'il faut remercier, ou blâmer)

Ensuite, je vous avoue qu'il ne devait pas du tout, mais alors pas du tout être comme ça. Genre, super différent. En fait, à la base de la base (vraiment au début début (je fais beaucoup de répétitions, waw)), il devait tourner autours du passé de Tenko. En mode "il raconte son passé même si c'est dur et blablabli et blablabla". Sauf que j'ai changé d'idée (et que j'ai trouvé l'ancienne chiante), et au final l'interview ne sert pas à introduire "l'histoire", mais est le centre de l'OS. Voilà. C'était sûrement inintéressant, mais je l'ai dit quand même

Mis à part ça, après avoir parlé du passé de l'OS, je me tourne vers son futur :

En fait, je me suis dit en le terminant que ce serait cool d'en écrire d'autres, avec ces personnages là, qui ne se suivraient pas vraiment (ça reste des OS, on peut les lire séparément (même si c'est mieux de suivre un ordre que j'établirais pour ceux qui seraient intéressés (ma phrase est trop longue (j'ouvre trop de parenthèses dans les parenthèses)))), parce qu'en fait je les aime beaucoup. Comme ce sont des persos UA, ils ont un caractère assez différent des originels (même si j'essaye de les faire se ressembler), alors ce sont un peu comme des OC (et dès que ça part en OC, je m'attache trop)

Bref, c'était juste pour dire qu'il est probable que j'écrive d'autres OS sur eux (je mettrais un petit truc dans le titre si c'est le cas), parce que je les aime (pas autant que Kirishima, mais presque)

J'ai écris un énorme pavé, frappez-moi

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