"Cerezo, pose cette allumette."

Protagonistes: Cerezo, Nym, Gaiaa, Eugène.

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J'ouvrais les yeux difficilement, les rayons du soleil se reflètaient sur le bois scintillant du coffre de rangement. Je hais le soleil aveuglant, il me donne envie de rester tapis dans l'ombre toute la journée.
La toile de la tente était légèrement entrouverte, j'en déduisis que Nym avait quitté son lit avant moi une fois de plus. Je ne savais pas quelle heure il était, je n'ai jamais eu la notion du temps sans l'ombre familière des arbres de mon île pour me repérer.
l'heure importait peu au final puisque, comme l'indiquaient les voix qui s'élèvaient, les autres s'étaient déjà levés. J'entendis Gaïaa commencer à hausser le ton. Apparement elle essayait de convaincre Nym de laisser tomber l'idée de partir uniquement à nous deux. Je pensais que la question avait été réglée hier, mais il semblait que certains avaient mal compris. Je me levai péniblement, fatigué d'avance, puis je m'habillai et empoignai mes allumettes et ma réserve de cigarettes avant d'aller rejoindre les autres.
À l'instant où je mis les pieds dehors le bruit cessa soudainement et je vis des regards se tourner vers moi. Nym, dont je n'avais entendu la voix depuis mon réveil, fut la première personne à briser le silence.

"Bonjour Cerezo. Il est bientôt midi, tu devrais te dépêcher si tu veux partir. J'aimerais rejoindre le volcan le plus tôt possible."

La voix de Gaiaa retentie comme protestation.

"M'as-tu au moins écoutée Nym? Cerezo n'est pas immortel, et tu n'es pas intouchable, c'est trop dangereux!
- Je t'ai écoutée, je connais les risques, je n'ai aucun doute sur le fait qu'il n'y aura pas de soucis, c'est la même discussion que nous avons eu hier soir. Plus vous vous faites du soucis et plus ce sera difficile pour vous de vous concentrer sur ce que vous avez à faire, c'est-à-dire partir de votre côté avec les affaires pendant qu'on occupe nos poursuivants. On se rejoindra dans quelques jours de toute manière.
- Si vous êtes aussi décidés alors laissez moi venir avec vous, insista Gaïaa. Je serais plus capable de vous déf..."

Gaïaa se coupa soudainement tandis que je venais d'enflammer une allumette. Tous se raidir d'un seul coup. Doucement, Eugène m'attrapa l'avant-bras.

"Cerezo, pose cette allumette.", me dit-il sur un ton presque supplicateur.
Je ne compris pas la raison cette demande. C'était une simple allumette qui les avait tous rendus immobiles et tremblants? Seul Nym et Eugène restaient relativement calmes.

"Qu'est-ce qui vous prend, ai-je demandé sur un ton sarcastique, Vous avez peur des flammèches maintenant? Après avoir survécu à l'incendie d'une île entière?
- Justement, repris Eugène, peux-tu nous rappeler qui est à l'origine de cet incendie?"

Quelque chose s'éclaira en moi et je compris enfin où il voulait en venir. Il est vrai que j'ai provoqué des incendies à de nombreuses reprises. À y repenser c'est même plus fort que ça, comme si à chaque période de ma vie, quelque chose devait prendre feu.

La première fois j'étais encore enfant, mon clan et ma maison furent entièrement brûlés sous mes yeux. J'étais complètement impuissant.
Quelques années plus tard, après avoir été tranché, découpé, essoré de mon sang pendant bien trop longtemps, j'ai assassiné mon tortionnaire et j'ai brûlé la prison dans laquelle il m'avait enfermé, de la même manière dont il avait brûlé ma maison auparavant. Il a prit feu lui aussi. Tout ce qu'il avait construit était parti en cendre. Tout ce qu'avait contenu ce lieu, mes cris, mes larmes, mon sang, mes peurs, mes cauchemars, jusqu'à l'air glacial, tout s'enflammait sous mes yeux. A cet instant je me sentis étrange, comme si plus rien n'existait réellement. Je regardais le bâtiment brûler, calmement, je me rendais compte que je n'avais plus rien, et je me confortais dans cette sensation de vide. C'était la première fois depuis des années que je me sentais vide, c'était la première fois depuis des années que je me sentais aussi bien. Le grand silence du vide était le paradis rêvé après des années à entendre mes propres sanglots.

Le deuxième incendie dont j'ai été à l'origine était l'immolation de sa femme, de son enfant et de leur maison. C'était le premier endroit où j'étais allé, sans savoir vraiment pourquoi. Elle m'avait accueilli, nourri, habillé, logé, puis quand elle a appris qui j'étais, elle s'est effondrée, elle a pleuré, elle s'est excusée, elle m'a supplié de lui pardonner pour les horreurs de son mari, elle m'a dit qu'elle était désolée pour tout ce que j'avais subi jusque là, désolée de ne pas avoir réussi à le convaincre d'arrêter, que ce n'était pas quelque chose qu'un enfant aurait du vivre. "Je suis désolée", "je suis désolee", "je suis désolée", en boucle. Parfois ses mots se répètent encore dans ma tête. La voir brûler, les bras tendus, essayant d'échapper aux flammes, ça m'a soulagé d'une haine qui dormait en moi, mais dans le même temps j'ai senti un poids venir s'affaisser sur mes épaules. Ce poids était agréable; je me sentais moins vide et ce n'était pas douloureux, alors je n'ai jamais compris pourquoi j'avais eu envie de pleurer.

Enfin, le dernier incendie, celui qui nous as mené là où nous en sommes. Après des années à végéter tranquillement sur une île, je m'étais attaché à un jeune enfant qui veillait sur l'île. Lui et sa sœur étaient les seuls êtres purs que j'avais rencontré. Ils étaient tellement purs qu'ils n'étaient pas conscients du sang sur leur main, alors j'ai décidé de les protéger. Mais cette île les avait déjà rendus fous. Ceux qui nous ont accueillis ne faisait que ce servir d'eux pour se protéger, comme les peureux qu'ils étaient. Évidemment ça ne pouvait pas bien se finIr. Alors j'ai anéanti leur petit "paradis". Tout a brûlé, tout ce qui les protégeait. De toute façon même en étant à l'abri sur une véritable forteresse naturelle au milieu d'un lac ils continuaient à avoir peur, ce havre de paix ne leur a jamais été utile, la seule chose que j'ai fait brûler c'était leurs illusions et le souvenir d'une époque où j'ai été heureux.

Tous ces feux que j'ai allumé me ramenaient à la vision familière du tout premier. La vision des flammes était réconfortante, comme si avec elle je recommençais à zéro, comme si je réduisais à néant tout ce qui avait été construit et que je ne supportais pas.

Mais je n'ai plus d'intérêt à ça.

Nym m'a montré un nouvel idéal, je veux voir jusqu'où cela peut nous mener. Plutôt que tout effacer, je veux essayer d'avancer, de vérifier si il est possible de changer les choses, rien qu'un peu.
Alors, j'allumai tranquillement ma cigarette tout en éteignant mon allumette.

"Je n'ai aucune raison de brûler cet endroit si ça peut vous rassurer."

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(Si vous avez des remarques, des conseils ou des critiques n'hésitez pas, je dis pas non si ça peut m'aider à m'améliorer)

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