Un don divin
Nouvel extrait de ma fiction abandonnée qui est la suite directe du "prologue" de la dernière fois.
Thème : Festivités/Résurrection
Personnage clef : Shion
Disclaimer : Masami Kurumada et Shiori Teshirogi
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Une chaleur presque étouffante enveloppait la Grèce entière en ce jour faste d'été. Une chaleur qui avait de quoi contraindre le plus robuste des hommes à rester enfermer chez lui. Une chaleur qui faisait monter les mercures des thermomètres à un degré surprenant. Une chaleur qui réussissait même à dissuader les touristes de venir agresser les ruines immaculées de leurs photographies incessantes. Une chaleur qui décourageait les baigneurs d'aller se rafraichir dans les eaux turquoises de la Méditerranée au risque d'attraper une insolation.
C'était un véritable cagnard.
Néanmoins, même s'il était précautionné de rester chez soi au frais sous une telle chaleur, le Sanctuaire était loin de respecter ces conseils pourtant avenants. Il était hors-de-question pour les habitants de cet endroit sacré de mettre un terme aux festivités qui duraient depuis quelques jours. Ils ne pouvaient esquiver ce jour prestigieux à cause d'un soleil un peu chaleureux au grand dam de leur Grand Pope. Ils avaient bien célébré leur déesse dans de pires conditions et ce n'était pas aujourd'hui qu'ils étaient prêts de cesser. Après tout, c'était un évènement qui n'arrivait qu'une fois l'an.
Il s'agissait des Panathénées.
Les Panathénées étaient des festivités religieuses et sociales de la cité antique d'Athènes. Selon la tradition, elles furent fondées par le roi mythique Érichthonios en l'honneur d'Athéna Polias, Thésée leur donnant leur nom de « Panathénées » lors du synœcisme. Par ailleurs, on distinguait les Grandes Panathénées qui se tenaient tous les quatre ans, et des petites qui se déroulaient les trois autres années. Ce fut celui connu comme le tyran Pisistrate qui organisa les premières Grandes Panathénées en 566 avant notre ère, et il s'était inspiré des concours olympiques. En outre les Grandes Panathénées comprenaient des concours panathénaïques et étaient de trois ou quatre jours plus longs que les petites Panathénées. Ces concours étaient les plus prestigieux pour les citoyens d'Athènes mais ils n'étaient pas aussi importants que les concours olympiques ou les autres concours panhelléniques.
Il s'agissait alors en effet d'une tradition ancienne, oubliée de nos jours dans l'Athènes moderne mais le Sanctuaire, qui se dédiait à la divinité qu'était Athéna, n'avait pu se résoudre à mettre fin à ces festivités. C'était pour cela, que chaque année, du 23 au 30 juillet[1], voire débutant plus tôt une fois tous les quatre ans, c'était un temps de réjouissances où l'on célébrait la déesse Athéna. Des concours, se rapprochant le plus possible des concours antiques, étaient organisés, mettant souvent en concurrence les apprentis chevaliers qui luttaient de leur mieux dans les arènes sous les encouragements de leurs maîtres. Des affrontements, demeurant amicaux en cette période, avaient lieu entre Saints en armure qui faisaient valoir leurs capacités devant les autres. Certains paradaient à la fin, victorieux, fier comme des paons, sous les acclamations de leurs confrères.
En plus d'être une occasion où l'on pouvait dévoiler sa puissance aux yeux des autres et de sa déesse, il était question d'un moment social. C'était un moment où tout le Sanctuaire se réunissait pour festoyer, faire honneur à sa déité, un moment collectif unique et idéal pour renforcer les liens entre Saints et apprentis. Certes, les Saints d'Athéna étaient presque destinés à mourir lors de missions toutes aussi plus périlleuses les unes des autres, et ces Panathénées étaient là pour leur permettre de se rassembler, de se réunir, d'oublier cette destinée funeste qui les étouffait et angoissait certains même en temps de paix. Ces quelques jours de réjouissance étaient longuement attendus au cours de l'année, jours où tout le monde était présent, aucun absent n'était permis et même un Saint à l'article de la mort se serait contraint à venir y assister.
Ces célébrations étaient une véritable bouffée d'oxygène pour le Sanctuaire entier.
Puis, à l'issue de cette succession de jours de compétitions avait lieu le 28 juillet une grande procession. Une procession qui était bien loin d'être semblable et à la hauteur de celle de l'Athènes antique, le Sanctuaire n'ayant à sa disposition ni le Parthénon – qui n'était plus en très bon état d'ailleurs – ni d'Athéna Parthénos[2], mais restait un moment important de la fête. Elle constituait le clou du spectacle, venant clore les Panathénées jusqu'à l'année prochaine du moins. Accompagnée de sacrifices de bœufs, fait toujours actuel malgré l'époque moderne, d'origine, les Gold Saints, suivis du reste de la chevalerie dotée d'une armure, gravissaient les douze temples zodiacaux en guise de procession. Les gardes, serviteurs et apprentis suivaient alors l'évènement de loin, une flamme bleutée venant s'allumer sur le clocher du Sanctuaire au passage de chaque maison pour indiquer l'avancée. Ce cortège en armure arrivait ainsi au treizième temple, celui du Grand Pope et tout ce beau monde allait ensuite derrière l'édifice, là où sur une esplanade se trouvait une impressionnante statue de la déesse. Suite à une prière du Pope, des sacrifices avaient lieu, douze, chacun des Gold Saints en pratiquant un et donnant à voir sa plus puissante technique.
La procession accomplie, les viandes partagées, les plus beaux morceaux laissées pour la déité, tous redescendaient pour boucler les réjouissances par un immense banquet. Il s'agissait encore là d'un moment de partage où les grades étaient absents, il ne restait plus que des hommes sur le même pied d'égalité qui festoyaient pour leur déesse protectrice. Et c'était dans la soirée, souvent tard la nuit, une fois le repas achevé où l'allégresse habitait chaque chevalier, que le Grand Pope signait réellement la fin des festivités avec un grand discours.
Cependant, il ne fallait pas perdre le contexte actuel de vue et par l'absence des Gold Saints depuis de nombreuses années, le Pope choisissait douze Silver Saints pour diriger la procession et les sacrifices par exemple. Or, cela restait une période de joyeusetés où les rires, cris, exclamations des habitants du Sanctuaire s'élevaient à longueur de journée, s'élevant tant et si bien qu'ils atteignaient les oreilles de Shion qui restait dans le treizième temple, à l'abri de la fournaise grecque dans ses appartements privés.
Bien qu'il s'agit d'une période faste à laquelle il devait prendre part, son rôle étant plus ou moins essentiel comme il représentait la déesse qui ne s'était toujours pas réincarnée, il n'avait pas le cœur aux réjouissances. La situation du Sanctuaire le préoccupait toujours autant, d'autant plus que depuis sa longue prière à sa déité il y avait de ça plusieurs semaines, il n'avait eu la moindre réponse ou signe. Il était même monté au sommet de Star Hill au cas où Athéna souhaitait à ce qu'il soit au plus près des étoiles et cieux mais non. Rien du tout. Rien du tout si bien qu'il pourrait presque en venir à penser que leur déesse n'avait que faire de la future Guerre Sainte qui se profilait à l'horizon.
Enfin non. Pas tout à fait. Il y avait bien quelque chose qui s'était produit mais il avait tendance à mettre ça sur le coup de sa fatigue éternelle.
Depuis sa prière, et ce sans une révélation d'Athéna, il avait l'impression de rajeunir. Pas dans le sens extrême où il avait l'impression d'avoir perdu deux cents ans et était revenu à ses dix-huit ans mais presque. Il se savait toujours âgé mais il avait vu durant ces quelques semaines ses rides se lisser discrètement, ses cheveux blonds récupérer de leur éclat, sa fatigue s'évanouir peu à peu en même temps que son arthrose. Pour dire, il se sentait presque suffisamment en forme pour se laisser tenter par un combat aux arènes contre un Silver Saint. Son cosmos brûlait même avec plus de vigueur, comme dans sa jeunesse. Or, il ne pouvait que se questionner sur cela.
Il était techniquement impossible de rajeunir, même pour un chevalier possédant le plus grand des cosmos. Sa survie exceptionnelle jusque-là était due à sa volonté de ne pas laisser le Sanctuaire entre de mauvaises mains et ce, jusqu'à une nouvelle génération de Gold Saints digne de ce nom, tandis que celle de Dohko relevait du divin. Ayant reçu la mission de surveiller la tour où le sceau d'Athéna retenait prisonnier les cent huit étoiles d'Hadès, Athéna lui avait fait don du Misopethamenos, qui lui permettait de limiter ses pulsations cardiaques à cent mille par an, ce qui était normalement le nombre de pulsations en un jour. D'ailleurs, en ayant constaté le stupéfiant rajeunissement progressif de son corps, Shion n'avait pu que se demander si son camarade le subissait également. Malheureusement, pris par l'organisation des Grandes Panathénées de cette année et qui battait actuellement leur plein, la grande procession ayant lieu ce soir, il n'avait eu le temps d'essayer de le contacter pour lui en toucher deux mots.
Mais, était-ce réellement ce rajeunissement du corps dont lui faisait don sa déesse pour l'aider à affronter ses doutes et angoisses ? Se voir octroyer une seconde jeunesse relevait assurément du divin mais ce n'était guère cela qui allait lui permettre de former douze Gold Saints en quelques années.
Shion soupira longuement avant de reposer le livre avec lequel il essayait de s'occuper vainement l'esprit depuis plusieurs heures. Seul, dans l'immense salon de ses appartements, son regard rosé qui avait récupéré de son éclat d'antan alla se perdre sur le reste du Sanctuaire bruyant qu'il percevait de sa large fenêtre en contrebas. Savoir que les siens parvenaient à s'amuser malgré la situation fragile et continuaient de le soutenir lui réchauffait le cœur mais il n'arrivait réellement à partager leur bonne humeur. Il était bien trop préoccupé.
Sans réelle envie, il se leva du fauteuil sur lequel il avait pris place depuis ce milieu de matinée et se dirigea vers la baie vitrée légèrement entrouverte, le rideau de soie ondoyant sous l'effet d'une petite brise chaude. Les acclamations des arènes montaient avec force jusqu'ici et lorsque son regard alla sur l'horizon pétillant de la Méditerranée, il ne put que constater que bientôt il allait devoir sortir de ses appartements et rejoindre la chevalerie. L'heure de la grande procession approchait et même si le cœur n'y était guère, il se devait de participer. Peut-être qu'il irait jusqu'à sacrifier lui-même l'un des bœufs de ce soir dans l'espoir de montrer à quel point il avait besoin de sa déesse. Ce ne serait pas une mauvaise idée.
Sa main droite dont la peau avait récupérée l'aspect de celle d'un jeune adulte glissa le long du chambranle de la baie vitrée et un courant d'air bouillant vient ébouriffer ses longues mèches blondes en désordre, ne portant pas son casque. Shion souffla discrètement, son regard coulant de nouveau sur l'agitation qu'il percevait en contrebas quand un étrange sentiment le prit. Non pas un sentiment de crainte ou d'angoisse pour la procession, mais plutôt une sorte d'appréhension. Il sentit son cosmos brûler plus que d'ordinaire et ses yeux roses glissèrent aussitôt sur les douze maisons zodiacales.
Il ne savait pourquoi mais il sentait les Gold Cloths s'agiter comme si un nouveau propriétaire allait les saisir. Il les sentait s'exciter sans qu'il ne puisse comprendre la raison de ce comportement et intrigué, il quitta son salon, prêt à aller voir de quoi il pouvait en retourner. Néanmoins, ce qu'il n'avait pas prévu, c'était qu'en traversant l'un des nombreux couloirs de l'édifice il ne sente un cosmos doux et chaleureux l'effleurer. S'arrêtant net, surpris, il tourna la tête autour de lui pour essayer de trouver la source de cette supercherie, ne reconnaissant nullement le cosmos bien qu'il lui semblât étrangement lointainement familier. Ce fut alors qu'une voix résonna dans son esprit, une voix à la fois lointaine et proche comme si on murmurait à son oreille, aux mots s'insinuant dans la moindre parcelle de son esprit.
« Cher Shion... saches que je ne t'aie nullement abandonné et je te remercie de ta grande dévotion. Reçois de ma geste cet illustre présent et je te sais capable du meilleur pour la suite. Que ma force soit la tienne... »
Des paroles simples et claires à la consonance divine, si bien que le Grand Pope manqua de défaillir et de se laisser tomber au milieu du couloir. Il n'en revenait pas. Athéna venait de lui répondre ! Il avait senti cette présence bienfaitrice à ses côtés pendant un bref instant avant qu'elle ne s'évanouisse dans la nature à la fin de ses mots.
Encore tremblant suite à cet échange des plus surprenants, il se redressa et sortit le pendentif avec la goutte de sang que lui avait remis Sasha deux cents ans plus tôt. Et il le vit tout de suite, elle avait perdu de son éclat, devenant semblable à l'une de ses pierres précieuses affaiblies par le temps. C'était désormais un simple bijou cristallisé à la beauté qui restait néanmoins sans pareil. Il n'y avait plus une once du cosmos de la déité qui résidait dedans.
Or, qu'avait-elle accompli outre le fait de le rajeunir ? Quel tour divin avait-elle pu exécuter ?
Alors qu'il se questionnait en époussetant fébrilement son long vêtement noir, il y eut tout à coup un éclair lumineux, d'un blanc éclatant et visible depuis n'importe où dans les alentours du Sanctuaire, qui vint s'abattre sur le temple, au niveau du naos. L'édifice fut violemment secoué, Shion manquant de tomber une fois de plus et ce fut alors qu'il sentit soudain la présence de différents cosmos. Sur le qui-vive, son instinct de Saint toujours ancré en lui, il se reprit très vite et se précipita vers la pièce en question, courant comme il n'aurait plus jamais cru le faire.
Il déboula dans le naos en ouvrant sans ménagement les deux battants de l'imposante porte. Des morceaux de marbre jonchaient le sol, des miettes tombant encore du plafond qui était percé d'un cercle d'au moins cinq mètres de diamètre. Les rayons de l'astre diurne pénétraient désormais considérablement, se dessinant parfaitement dans les nuages de poussières qui s'élevaient encore. Le tapis écarlate aux bordures dorées avait pris une teinte grisâtre voire blanchâtre sur le moment tandis que certains tambours des fûts des colonnes le bordant avaient été endommagés. Les volutes poussiéreuses blanches obstruant quelque peu son champ de vision, l'ancien Gold Saint du Bélier aurait pu croire que sa déesse avait juste voulu détruire son temple pour que la reconstruction l'occupe s'il n'avait pas remarqué des formes humaines allongées, inertes.
Prudent, sur ses gardes, il déploya son cosmos et ce fut en effleurant les auras presque "familières" des onze personnes inconscientes qu'il comprit ce qu'Athéna avait réellement fait. Ses jambes tremblèrent et il alla se retenir à une colonne encore en état, ses yeux larmoyants. Presque instinctivement il laissa son esprit aller à la rencontre de celui de son compagnon qui était en Chine et lui fit sur un ton suppliant alors qu'il écoutait quelques souffles laborieux s'élever et voyait certaines formes remuer :
Dohko ! Reviens vite s'il te plait ! J'ai besoin de toi !
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Lexique :
[1] La fête annuelle des Panathénées avait lieu du 23 au 30 du mois d'hécatombéon (Ἑκατομϐαιών), signifiant « le mois de la fête de l'hécatombe » — premier mois de l'année attique, équivalent à la deuxième moitié de notre mois de juillet. D'ailleurs, une hécatombe en Grèce antique fait référence au sacrifice religieux de cent bœufs, fait à nuancer puisque les cités n'étaient assez riches pour se permettre un sacrifice d'une telle ampleur.
[2] La statue d'Athéna Parthénos – Παρθένος Ἀθηνᾶ – est une sculpture monumentale chryséléphantine (faite d'or et d'ivoire) de la déesse grecque Athéna. Attribuée à Phidias, elle était une offrande de la cité d'Athènes à sa déesse tutélaire. Je ne parle pas du xoanon en bois d'olivier sur lequel était drapé le péplos à la fin de la grande procession.
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Bonjour/Bonsoir, cette partie a dû vous montrer que j'entretiens une vision bien personnelle du Sanctuaire et je tiens à préciser, si la partie précédente a pu en déconcerter plus d'un.e, que je n'essaie nullement de faire quelque chose pouvant être vu comme canon à la série d'origine. En outre, décidant de mêler les histoires de Saint Seiya et Saint Seiya The Lost Canvas, c'est chose impossible, ce dernier n'étant pas canon. Si vous voulez une canonicité avec la série d'origine, vous devez vous tourner vers des récits portant sur Saint Seiya The Next Dimension.
Sinon, petit point anecdotique, les Panathénées ne se fêtent plus de nos jours et l'on situe la disparition de ces festivités à la fin du IVe siècle de notre ère, suite à l'édit de Théodose (380) où il interdit les religions polythéistes au profit de la religion chrétienne. Par ailleurs, à cette période la ville d'Athènes se voit attaquer par les Wisigoths.
J'ai donc trouvé intéressant de faire intervenir l'acte divin d'Athéna au moment de ces festivités qui lui sont dédiées et il ne me semble pas bête comme quoi le Sanctuaire continue d'organiser ces Panathénées. Les Saints sont extrêmement loyaux envers leur déesse.
Autrement, j'espère que vous avez passé un bon moment. Merci d'avoir pris le temps de me lire jusqu'au bout si vous en êtes à ce message.
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