Main froide, cœur chaud

Nouvelle partie de la fanfiction abandonnée avec un ton léger qui normalement aurait dû connaitre une suite (suite dont le plan est rédigé). Concernant la présence de tel ou tel personnage, je rappelle que les Ors du XVIIIe coexistent avec ceux du XXe. En outre, il y a un avant avant tout ça, ce qui explique les traits de caractères de certains.

Thème : Amitié.

Personnages clefs : Kardia, Milo et Camus.

Disclaimer : Masami Kurumada et Shiori Teshirogi.

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Vêtu simplement, des vêtements qu'il avait l'habitude de porter autrefois – ayant refusé d'office de mettre le moindre « jean » comme lui avait préconisé Shion, suspicieux sur l'étrange matière rugueuse –, il était assis en haut des quelques marches de la crépis de son temple. Les jambes tendues, une main posée sur les dalles en marbre et l'autre jouant avec une belle pomme rouge, Kardia avait le nez en l'air, son regard cobalt se perdant dans l'immensité du ciel bleu de Grèce. Il était rare qu'il ait quelques minutes à s'accorder ces derniers jours à cause du pullus qui traînait dans ses jambes et ne cessait de jacasser comme une pie, bien qu'il veillât à le fatiguer proprement aux quelques entraînements basiques qu'il pouvait lui permettre à son jeune âge. Mais il était encore plus rare qu'il réfléchisse. Et qu'il réfléchisse de lui-même.

Il n'était d'ailleurs pas dur de deviner l'objet de ses tortueuses pensées, objet qui n'était seulement que son voisin de trois maisons plus haut. Il s'agissait tout simplement du Gold Saint du Verseau, ce cher Dégel.

Le fruit roula entre ses doigts habiles qui se serrèrent brusquement sur la peau luisante alors qu'un soupir lui échappa. Il était rare qu'il tergiverse ainsi au point de griller quelques heures de ses précieuses nuits, lui qui d'ordinaire ne se prenait que très peu la tête, préférant être franc et foncer dans le tas quand il y avait un problème ou un ennemi – pour ne pas dire une proie. Il était téméraire et avait tendance à réfléchir après ses actes, ce qui faisait que certains de ses frères d'armes aimaient bien l'assimiler à Prométhée[1], mais cela ne voulait pas dire qu'il était totalement irréfléchi. Il demeurait un Gold Saint d'Athéna et en temps normal avait un contrôle parfait sur sa vie. Il était apte à combattre et se défendre seul, ne requérant l'aide de personne, tel le fier scorpion qu'il était. Or, il y avait bien quelque chose qu'il ne maîtrisait pas dans sa précédente vie et qui était toujours d'actualité dans cette résurrection : son cœur.

Son cœur appartenait toujours au froid Verseau qui avait le pouvoir d'apaiser son mal qui était hélas encore présent malgré cette seconde vie. Il avait toujours entretenu une étroite relation avec lui qui avait dépassé le stade de simples amis et frères d'armes il y a deux cents ans et maintenant ce n'était pas facile. Il voyait bien que leurs sentiments étaient encore réciproques, leurs gestes et les réactions de leurs corps les trahissant mais il voyait surtout que Dégel n'arrivait à réhabiliter leur relation d'antan. Ils repassaient certes du temps ensemble mais c'était comme passer du temps avec un ami et leur complicité s'était bien amoindrie. Cependant, le Scorpion était quelqu'un de direct, bien qu'il se fût assagi pour le Verseau, et ne comptait pas rester les bras croisés.

Redressant la tête, ses cheveux bleus cascadant dans son dos, il porta le fruit juteux à sa bouche et croqua dedans bruyamment. Il allait faire part au chevalier des glaces de sa pensée sur leur étrange relation et qu'il avait intérêt à y remédier. Enfin, il y irait lorsque celui qui était censé être son apprenti serait de retour. Celui-ci était parti gambader pour jouer avec les autres disciples vers les arènes en début d'après-midi et il avait décidé de le laisser sous la soigneuse garde de Sisyphe pour prendre quelques heures pour lui. Quelques heures durant lesquelles il aurait bien voulu s'entraîner mais aucun Gold Saint n'était disponible et son partenaire d'entraînement habituel, à savoir le Verseau, devait être enfermé dans sa bibliothèque. Au final, il avait passé son temps à réfléchir sur sa relation avec celui-ci en enchainant les pommes.

Il prit une nouvelle bouchée de son fruit qui était déjà le cinquième depuis qu'il était revenu à son temple et soupira avec un petit sourire amusé en entendant des bruits de courses effrénés dans les volées de marches du Sanctuaire. Des éclats de voix suraigus et surtout surexcités lui parvinrent et il se redressa prêt à accueillir la petite boule d'énergie qui n'allait tarder à débarquer.

- Caldia !

Un petit garçonnet aux épaisses boucles blondes ne tarda à pointer le bout de son nez sur le parvis de la huitième zodiacale, les joues rougies par l'effort mais avec un sourire éclatant. Habillé comme tous les apprentis mais couvert de pansements, symbolisant la fougue du jeune pullus qui avait une quantité considérable de l'énergie à revendre, et il se jeta dans les jambes de l'adulte qui descendait les quelques marches les séparant.

- Je t'ai déjà dis de m'appeler Kardia ou Maître Kardia le microbe, le gronda gentiment le Gold Saint en lui ébouriffant les cheveux affectueusement.

Le surnommé « microbe » leva de grands yeux bleus pétillants vers lui et sentant la pipelette qu'était son disciple prêt à s'éveiller, Kardia anticipa et fit sur un ton taquin :

- Qu'est-ce qu'il t'est encore arrivé de fantastique microbe ? T'as trouvé un insecte avec Aiolia ? Sisyphe t'a laissé toucher les ailes de sa Cloth ? T'es allé embêter Rasgado pour avoir un biscuit ?

A chacune de ses questions le petit blondinet secouait négativement la tête énergiquement, agitant ses boucles blondes. Et ce fut alors paré d'un sourire dont lui seul avait le secret qu'il s'exclama avec enthousiasme en dégageant son visage des jambes de son mentor :

- Ch'ai joué avec Camus !

- Oh !

Le Scorpion lâcha une petite exclamation de surprise, connaissant brièvement grâce à Dégel le traumatisme du petit Camus et le mutisme dans lequel celui-ci avait tendance à s'enfermer. Il connaissait également la curiosité mais surtout la sociabilité presque exacerbée de son disciple et se doutait qu'il avait dû plus qu'insister pour que le futur Verseau accepte de jouer avec lui, la barrière de la langue encore présente n'aidant en rien.

Parlant du futur Verseau, celui-ci ne tarda à paraitre sur le perron de leur maison, marchant calmement et la tête un peu basse, ses mèches incendiaires tranchant avec sa peau nacrée. Kardia sentit directement un petit courant d'air frais à son arrivée, contrastant avec la tiédeur presque moite grecque du mois de septembre, et un fin sourire incurva ses lèvres lorsqu'il vit le livre plutôt volumineux qu'il serrait contre sa petite poitrine.

Dégel lui a déjà donné le goût de la lecture...

Toutefois, son regard se vit plus sévère lorsqu'il rencontra brièvement les rubis qui n'avaient guère récupéré de leur éclat depuis l'arrivée du petit roux au Sanctuaire et il détacha la sangsue blonde de lui. Celle-ci, prenant cela pour un aval à déblatérer toute sa sainte après-midi, commença avec entrain :

- On a joué tous les 'eux et, et on a joué à sat vers la 'orêt pour, pour trouver des cosquinnelles et-

- Du calme le microbe, le coupa froidement Kardia en lui faisant les gros yeux, l'intimant plus que de raison de se taire.

Il connaissait la joie de vivre de son disciple et savait parfaitement qu'il pouvait se montrer un poil bien vite envahissant lorsqu'il voulait quelque chose. Et le pauvre Camus n'était pas encore suffisamment armé pour supporter le tempérament du blondinet, Dégel le laissant déjà que très peu sortir de son temple. Alors qu'il devait essayer d'améliorer sa relation avec le Verseau, ce n'était pas gagné s'il lui ramenait son apprenti traumatisé par le sien. Et le léger malaise qu'il captait chez le roux ne lui inspirait pas confiance, celui-ci s'étant arrêté à une distance respectueuse d'eux, attendant probablement son autorisation pour passer son temple.

- Bonjour Camus, fit calmement Kardia à l'adresse du futur Verseau, les mains sur les épaules du blondinet qui baissa la tête presque honteux de se faire reprendre.

- Bonjour Seigneur Kardia.

Le susnommé avait répondit poliment avec un petit mouvement de tête dans un grec presque parfait, sans écorcher son prénom, malgré un accent français qui transparaissait grandement. Le Scorpion se doutait que son frère d'armes avait dû lui apprendre les formules de politesse pour le moment mais sans plus. Le petit roux ne devait certainement rien comprendre au débit de paroles considérable du pullus.

- Hé..., lui dit-il calmement, s'attirant les orbes rougeoyants. Excuse Milo, continua-t-il maladroitement dans un français approximatif, appris par Dégel il y a deux cents ans. Il est gentil mais juste un peu bavard et je suis désolé s'il t'a brusqué. Je dois lui mettre encore un peu de plomb dans la cervelle.

Des gestes malhabiles accompagnés sa langue approximative que Camus, bien que surpris de voir quelqu'un d'autre que celui qui l'avait recueilli de s'exprimer dans sa parlure natale, comprit, hochant simplement la tête. Le blondinet, quant à lui, n'avait pas saisi un traitre mot et ses orbes bleus alternaient entre son camarade de jeu et son maitre avec curiosité. Ce dernier finit par l'interpeller, le faisant sursauter avec son prénom.

- Milo ! Je suppose que tu l'as embêté pour qu'il joue avec toi, non ? Qu'est-ce que je t'avais dit la dernière fois déjà ? Ne forces pas quelqu'un à jouer avec toi s'il ne veut pas !

- Mais-euh ! protesta l'enfant en gonflant ses joues, n'attendrissant guère l'adulte. I' était 'out seul ! Ch'e voulais pas et, et Aora se moquait !

Le blondinet commença à faire la moue, détournant son visage de Kardia sans pour autant se détacher de ses jambes. Celui-ci lâcha un bref soupir devant cette réaction puérile mais compréhensible à cet âge et était même touché discrètement par la justification de son apprenti.

- Milo, souffla Kardia en lui ébouriffant les cheveux, s'attirant une œillade surprise du petit blond. Il va falloir faire mieux si tu veux draguer le petit Camus... chasser les coccinelles ou je ne sais quoi n'est pas vraiment du goût des Verseaux, je peux te l'assurer.

- Draguer ? répéta sans comprendre le mot le bambin en se détachant enfin des jambes de son maître.

- Je te donnerai des conseils lorsque tu seras plus grand, lui répondit celui-ci avec un sourire taquin. Maintenant files chercher quelque chose à boire, tu es en nage, et ramènes aussi quelque chose pour Camus.

Le pullus hocha énergiquement la tête et fila tout fier dans la huitième maison zodiacale, ses sandales claquant sur les dalles de marbre. La terreur de partie pour un temps, le Scorpion s'approcha du roux qui, par l'inexpressivité de son regard, donnait l'impression de le regarder sans vraiment le voir. Avec prudence, comme s'il abordait un animal blessé, il s'agenouilla devant lui et essaya de converser frugalement avec lui dans un grec très simplifié. Il tenta des phrases basiques voire réduites à des mots clefs mais les lèvres du bambin restèrent fermement scellées quoiqu'il dise.

Le futur Verseau était muet comme fut autrefois son maître devant les assauts fougueux de Kardia qui finit par soupirer. Il préféra alors changer de dialecte, optant pour son français maladroit qui devait être rempli de lacunes et ne correspondant plus aux standards de ces temps modernes.

- Bon, ne te moques pas trop..., commença-t-il avec hésitation. Mon français n'est pas des meilleurs mais je pense que ce sera plus euh... fa... facile pour qu'on puisse parler.

Cette attention sembla faire plaisir à Camus qui écarquilla brièvement ses yeux rubis avant de lâcher un petit sourire. Ce petit sourire n'était pas grand-chose mais rassura le Scorpion, notamment quant l'enfant lui demanda calmement dans sa langue native :

- Vous êtes également français, Seigneur Kardia ?

- Grec pur souche ! commenta-t-il amusé. Et appelles-moi Kardia tout simple... simplement, veux-tu ?

- Très bien, Kardia.

- D'ailleurs c'est Dégel qui m'a appris le français. Au fait, comment se passe ta co... cohi...

- Cohabitation, le corrigea gentiment le bambin roux.

- C'est ça ! Comment se passe ta cohabitation avec lui ?

Le Scorpion ne releva pas le langage plutôt propre pour le jeune âge de l'enfant qui parlait presque aussi bien français que lui ne parlait grec, semblant témoigner d'une origine noble. Or, ce qu'il put remarquer fut son hésitation à lui répondre, ce qu'il s'empressa de corriger aussitôt.

- Ce n'est pas une question piège, le rassura-t-il. Je suis curieux, c'est tout.

- Elle se passe très bien, souffla alors Camus, resserrant un peu plus la prise sur son ouvrage, avant de se taire quelques secondes et de reprendre timidement. Pa... Papa est très gentil et il m'aide à me sauver...

Un rictus attendri étira les lèvres de Kardia sous le terme paternel employé qui se demandait si le petit français appelait ainsi le Verseau en privé – sans prêter attention à ce « sauvetage ». Il serait curieux de voir la tête de celui-ci mais était également heureux de voir qu'un lien semblait déjà s'être tissé entre les deux chevaliers des glaces.

Il continua de questionner un peu Camus sans pour autant se montrer trop intrusif et autant que sa maitrise de la langue française lui permettait. Butant sur un certain nombre de mots, arrachant de discrets sourires au roux mais dont l'éclat rougeoyant demeurait terne, il put en apprendre un peu plus sur lui et nota qu'il entretenait plusieurs points communs avec le Dégel enfant qu'il avait connu.

Ce fut le bruit de petits pas de courses qui les interrompit finalement et Kardia se redressa de toute sa hauteur en jetant un coup d'œil derrière lui. Le petit blondinet qui lui servait accessoirement d'apprenti ne tarda à faire son apparition accompagné de son grand sourire, équipé de deux verres remplis de jus de fruits, jus de fruits qui tanguait dangereusement. « Très dangereusement » aurait pu s'avérer plus exact au grand dam du Scorpion qui eut le douloureux plaisir de voir son inséparable écharpe rouge tâché par quelques gouttes orangées fuyantes lorsque l'enfant arriva à son niveau.

- Microbe ! s'écria-t-il en se redressant, le regard courroucé. Mon écharpe...

Cela ne sembla au contraire désoler le bambin qui rit légèrement avant de se tourner tout content vers son jeune ami du jour – qui était de quelques mois son aîné mine de rien. Avec entrain il lui tendit un verre presque débordant de jus d'oranges – boisson que l'actuel Scorpion en titre trouvait immonde, préférant le jus de pommes – et le petit roux lorgna dessus sans vraiment comprendre ce qu'il devait faire.

- 'Est pour toua !

Le terne regard rubis rencontra alors le pétillant regard aux couleurs méditerranéennes et le petit blond répéta :

- 'Est pour toua ! Tiens !

Insistant, il tendit un peu plus le verre et Camus sembla encore hésitant, serrant plus fermement son livre contre lui. Le jeune homme aux cheveux bleus, débarrassé de son écharpe souillée dans un râlement et la gardant sur l'épaule, devina alors le dilemme de l'enfant qui ne paraissait vouloir abandonner son précieux ouvrage aux dalles marbrées – lui rappelant une fois de plus Dégel. Calmement, il lui fit alors dans la langue de Molière :

- Donne-moi ton bouquin, ce sera plus pratique.

Le futur Verseau inclina la tête en remerciement avant de confier son bien et saisit timidement le verre à deux mains, évitant soigneusement tout contact avec les doigts du petit grec qui s'enthousiasma. Et pris d'un nouvel entrain, celui-ci commença à narrer en long, en large et en travers sa courte vie hors du Sanctuaire sur l'île de Milos avant qu'il ne soit récupéré par Kardia. Ce dernier, finissant sa pomme, suivait discrètement la discussion légèrement décousue qui était à sens unique plus qu'autre chose, voyant que Camus se contentait d'hocher la tête à certaines interrogations et exclamations du blondinet sans que ce soit réellement nécessaire. Il pouvait de ce fait aisément constater que le roux ne comprenait rien au grec du plus jeune mais faisait semblant pour lui faire plaisir, tout en sirotant distraitement sa boisson qui avait étrangement commençait à geler.

- Tu ne parles que le français ? demanda Kardia au petit roux, coupant court au déluge de paroles de son bavard de disciple qui allait justement marquer une pause pour boire, sous-entendant la question : « Tu ne comprends pas le grec ? ».

- Oui même si... papa m'apprend le grec, avoua le français en se tournant vers lui, hésitant une fois de plus sur le terme paternel. C'est un peu difficile.

- Je suis sûr que tu vas rapidement maitriser la langue. Et si Milo t'embête trop avec ses bavardages inutiles, n'hésites pas à me le dire.

Un hochement de tête lui répondit et l'adulte coula un regard vers son apprenti qui était en train de vider son verre comme s'il venait de survivre à la traversée d'un désert.

- Bon, Milo, si tu veux séduire le p'tit Camus 'va falloir mettre les bouchées doubles et apprendre le français !

Le surnommé détacha ses lèvres de sa boisson pour fixer son maître sans comprendre, certains termes lui échappant, et le « p'tit Camus » qui avait reconnu son nom dans cette phrase hellénique fronça ses sourcils sous sa petite frange composée de mèches enflammées. Ayant manqué de rire à la taquinerie qu'il venait de sortir, Kardia ne put se retenir plus longtemps devant les deux mines interrogatives des bambins. C'en était à la fois adorable et ridicule.

Bien que Milo protestât par la suite pour la forme auprès de son maître, il reprit bien vite son histoire, pour ne pas dire son monologue, et pour accompagner les jus d'oranges des enfants, Kardia leur fit l'immense honneur de leur proposer des pommes. Ce n'était pas tous les jours qu'il partageait sa précieuse cargaison, le blondinet le sachant très bien, et il se fit une joie d'aller piocher dans le panier en osier vers l'entrée du temple duquel ne se départissait jamais le Scorpion. Au milieu des trognons datant du début d'après-midi, il abandonna son verre vide pour se saisir de deux gros fruits et revint tout content vers le petit roux. Une fois de plus, avec entrain, il lui en offrit un alors que Kardia râlait puisque son apprenti n'avait pas pensé à lui.

- Merci Milo, fit doucement Camus dans un grec parfait, acceptant l'offrande.

Il s'agissait de deux mots, deux mots simples mais qui ravirent le petit grec dont la bouille se fendit d'un long sourire et l'adulte quant à lui renvoya un sourire fier au jeune français. Bien qu'il n'eût que les bases en grec, il les maîtrisait presque mieux que son propre apprenti. Et ce dernier remit encore en route le moulin à paroles qu'il était, Kardia traduisant à côté dans les grandes lignes les propos décousus de son excité de pullus, assistant le futur Verseau qui ne comprenait rien autrement.

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Ayant traversé la huitième maison zodiacale en passant par les appartements privés de ses habitants pour y déposer une écharpe sale, les verres et les restes de pommes – soit les restes du goûter improvisé –, le petit trio faisait désormais face à la volée de marches menant au temple du Sagittaire. Celui-ci devait d'ailleurs être désert puisque Sisyphe n'était pas passé, indiquant qu'il devait encore être aux arènes avec probablement Regulus et les jeunes Aiolos et Aiolia.

- Bon ! Camus, on te raccompagne à ton temple avant que Dégel ne s'inquiète de trop ? proposa le Scorpion en s'étirant longuement, jetant un coup d'œil au soleil déclinant.

C'était une proposition courtoise connue des bonnes manières mais qui n'était pas faite sans arrière-pensée, l'adulte n'ayant pas oublié ce qui l'avait amené à cogiter une bonne partie de l'après-midi. Il s'était dit qu'il irait parler au Saint du Verseau aujourd'hui et il y irait. Raccompagner son apprenti pourrait peut-être lui permettre de bien se faire voir auprès de son frère d'armes avant d'entamer une discussion qui s'annonçait probablement houleuse.

Alors qu'il était prêt à entamer son ascension, il remarqua que le pullus qui lui faisait office de disciple avait tendu sa main au petit français pour qu'il la prenne. Mais ce qu'il avait surtout remarqué était l'étrange refus plutôt énergique de ce dernier. Malgré l'insistance du blondinet, le futur Verseau refusait de donner sa main gauche, secouant négativement la tête, faisant voler ses mèches incendiaires, resserrant la prise sur son livre qu'il avait récupéré. Kardia distingua alors pour la première fois des émotions dans les rubis habituellement inexpressifs et les émotions qu'il y vit attisèrent sa curiosité malgré lui. C'était de la peur, une crainte certes infantile mais une peur qui était bien ancrée dans le petit corps. Sentant que son apprenti serait prêt à persister jusqu'à ce que la nuit tombe et ne voulant pas que Camus ne se sente mal à l'aise, le Scorpion se décida à intervenir à sa façon.

- Si tu ne veux pas prendre sa main, prends la mienne, dit-il en lui offrant sa sénestre. Comme ça on évitera de te perdre dans les autres temples en les traversant.

Il devina la réticence de l'enfant, comme en témoignaient les petits doigts crispés sur la couverture en cuir. Il se doutait que cette tergiversation avait un rapport plus qu'évident avec le verre couvert d'une fine pellicule de givre qu'il avait mis dans son évier. Il comprenait désormais mieux pourquoi celui-ci demeurait seul ou enfermé au onzième temple avec son gardien. Le jeune français ne maitrisait pas encore suffisamment son cosmos de glace et il était possible qu'il craignait blesser le blondinet en lui prenant la main.

- Camus. Ça va aller, tenta-t-il de le rassurer calmement. Si tu as peur à cause de ton cosmos ne t'en fais pas, je suis plutôt immunisé à celui des chevaliers des glaces.

Et c'était plus ou moins véridique puisqu'être presque quotidiennement traité au niveau du cœur par un cosmos avoisinant le zéro absolu en général aidait. Cependant, il discerna encore de l'hésitation dans le regard rougeoyant du bambin mais le regard confiant qu'il devait lui renvoyait dû avoir raison de cette hésitation puisqu'il vit alors une fine dextre nacrée juvénile être tendue vers lui. Avec un sourire rassurant, qu'il avait l'habitude d'adresser à la jeune Sasha quand elle avait peur, il la saisit.

Ce qu'il n'avait pas prévu, bien qu'il se fusse attendu à ce qu'elle soit légèrement froide comme celle de Dégel, ce fut qu'elle soit glaciale ! Il ne put retenir un bref tressaillement sous ce contact des plus réfrigérants, la chair de poule s'étalant sur son bras durant quelques secondes. Son sursaut inattendu dû attirer en outre l'attention du blondinet qui l'interpella, intrigué.

- Kardia ?

Le Saint, encore légèrement surpris par ce brusque contact plus que glacé, ne releva même pas que pour une fois Milo n'avait pas écorché son nom, et se contenta de répondre prudemment, un de ses doigts venant caresser un geste rassurant le dessus de la petite main blanche :

- Ce n'est rien, ne t'en fais pas le microbe. Je me suis juste mordu la langue.

Même si son disciple avait gobé l'excuse, se remettant à déblatérer encore tout un tas d'histoires avec entrain, il savait que Camus avait saisi le mensonge et la cause réelle du sursaut. Les petits doigts se serrant tristement autour des siens le lui firent comprendre et Kardia comprit alors l'anomalie qui justifiait le comportement distant que pouvait avoir le futur Verseau.

Tu m'étonnes qu'il ait peur de côtoyer les autres et refuse de donner la main au microbe ! Elle est gelée ! Même un peu trop gelée pour son âge je pense...

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Lexique :

[1] Du grec ancien Προμηθεύς, « le prévoyant », et le suffixe Προ (pro-) signifie « celui qui pense en avance ».

[2] Expression qui renvoie à la langue française. N'oublions pas que les personnages parlent autrement en grec.

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Bonjour/bonsoir, je n'ai pas grand-chose à vous dire sur cette partie qui m'a bien amusé. Par souci de réalisme, j'aurais voulu introduire l'ancien symbole traduisant le son /s/ au XVIIIe siècle dans les dialogues français de Kardia mais je n'ai encore saisi son utilisation précise. Si vous savez comme l'utiliser, n'hésitez pas à m'en expliquer l'usage. D'ailleurs, je m'excuse pour son caractère plus doux que dans le manga d'origine mais comme c'est une partie aléatoire, il faut savoir que des choses se passent avant faisant que il avait intérêt à se tenir un peu mieux. Puis devoir s'occuper du petit Milo, que j'ai aimé écrire, doit lui avoir appris qu'il ne fallait pas martyriser un gamin comme on peut martyriser un Spectre.

N'en reste pas moins que j'ai l'impression d'avoir loupé cet écrit en attribuant aux personnages un caractère légèrement OOC et ça me frustre.

Cette partie est normalement suivie d'une autre, dans la continuité directe des évènements ici présentés, où je mets en scène Dégel. Le plan est rédigé mais je n'ai pas vraiment la foi de m'atteler à cette rédaction en toute honnêteté. A voir dans un futur plus ou moins lointain à la rigueur.

En espérant que cette lecture vous ait plu. A bientôt.


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