Souvenirs
Attention attention, écoutez-moi. Je pousse mon trigger warning, comme dirait jeannefostergoriot. Cet OS parle.. bah d'une enfant harcelée. Donc, la violence est présente... voilà. Pour couronner le tout, sa mère fait tout pour lui gâcher le moral.
Sincèrement, ne vous faites pas de mal en le lisant, c'est inutile.
Je vous aurais prévenus, ne dites pas le contraire.
Sue cette note joyeuse, et pour ceux qui sont encore là, bonne lecture.
****************
Nathalie marchait dans une rue de Paris, accompagnée par Gabriel et Adrien. Sans son exosquelette. Ces exercices de rééducation lui étaient indispensables, et à présent, elle sortait du manoir pour la première fois depuis le début de sa convalescence. Gabriel et Adrien lui tenaient chacun une main, prêts à intervenir au cas où...
Ressentir le sol ferme sous ses pieds la réjouissait, surtout après tout le temps où elle était restée alitée...
Adrien rayonnait, comme à son habitude, et se retenait visiblement de sautiller comme un lutin, tant il était heureux de sortir avec son père et Nathalie. Gabriel, lui, avait affiché un visage calme, qui s'était adouci au fur et à mesure de la promenade. Et puis, il la regardait si gentiment, et de manière si inquiète, que cela lui réchauffait le cœur.
Nathalie tressaillit soudain. Deux hommes marchaient dans leur direction. L'un deux, un grand échalas, arborait des cheveux bruns, tandis que l'autre, avait des cheveux noirs, et un regard mauvais. Nathalie sentît son cœur accélerer sous le coup de la panique.
Ils avaient beaucoup changé depuis le temps où elle n'était qu'une petite collégienne, mais elle les avaient reconnus. Tiago et Noah. Les pires lycéens qu'elle aie jamais connu. Lorsqu'elle n'était qu'une collégienne, ces deux garçons avaient profité de sa faiblesse pour l'harceler, d'abord par des insultes gratuites sur son nom de famille, puis par du racket, et des coups. Cela avait duré trois mois, trois mois durant lesquels Nathalie avait plongé dans un profond mutisme, enchaînant mensonge sur mensonge et enduré le sentiment de peur constante.
Jusqu'au jour où ils s'en étaient pris à Émilie. Nathalie avait alors vu rouge, et les avaient dénoncés au directeur. Ils avaient alors été renvoyés.
Et ils étaient là, à quelques mètres d'elles, la toisant d'un regard agressif. Quand ils arrivèrent à sa hauteur, Noah cracha :
- "Sancœur"
Et il bouscula durement. Nathalie, qui ne tenait pas tout à fait sur ses jambes, tituba, et finit par tomber sur le sol de pierre.
- Eh ! s'exclama Gabriel en aidant la jeune femme à se relever. Il jeta un regard furieux aux deux hommes qui venaient de disparaître au coin de la rue.
Lui et Adrien avaient bien envie de leur courir après pour leur apprendre les bonnes manières. Mais l'urgence était plutôt Nathalie, qui tremblait comme une feuille.
- Tout va bien, Nathalie ? Vous ne vous êtes pas fait de mal ?
- Non, non, ça va, merci, monsieur.
- Nathalie, qui étaient ces deux hommes ? demanda Adrien. Ils semblaient vous connaître...
- Je... je vous dirais cela plus tard, répondît Nathalie, qui n'essayait même plus de cacher les tremblements de sa voix. Pouvons-nous rentrer, s'il vous plaît ?
Adrien et Gabriel se consultèrent du regard avant de déclarer leur accord.
***
Manoir Agreste, soir.
Nathalie s'installa dans son lit, sous le regard inquiet de Gabriel. Depuis sa rencontre avec Tiago et Noah, elle n'avait pas aligné deux mots, ce qui n'avait pas manqué d'inquiéter Adrien et Gabriel...
- Promettez-moi de ne pas trop vous déplacer, demanda Gabriel. Et appelez-moi en cas de besoin. Nous reviendrons demain, vous demander de vos nouvelles.
- Bien sûr. Merci monsieur.
- Bonne nuit, Nathalie, murmura-t-il doucement.
- Bonne nuit, Gabriel, répondît son assistante.
Gabriel sortît en fermant la porte. Nathalie ferma les yeux, et sombra aussitôt dans un sommeil agité de cauchemars de ce qui avait été la pire période de sa vie.
***
Rêve de Nathalie - Dix-huit ans plus tôt...
Nathalie se dirigeait vers sa maison, pour le moins inquiète. À chaque pas qu'elle faisait, elle se sentait observée... Elle redoutait par-dessus tout de voir les deux brutes qui la harcelaient, d'entendre leurs voix crier :
"Sancœur !"
Nathalie se retourna, glacée d'effroi. À quelques pas d'elle, ils étaient là. Deux lycéens, en classe de terminale, qui l'avaient prise pour souffre-douleur. L'un d'eux, un grand brun, demanda :
- Tu allais quelque part ?
Nathalie balbutia une réponse inintelligible. La peur lui nouait le ventre, elle sentait son cœur battre à mille à l'heure.
- Je... je rentrais chez moi...
Le sourire de l'autre, un grand lycéen aux cheveux noirs, s'élargît.
- Tu en es sûre ? On ne t'a pas beaucoup vue ces derniers temps. Pourtant, tu avais promis de nous apporter dix francs par semaine, tu te souviens ? Je n'aime pas beaucoup qu'on se fiche de moi, tu sais ?
- Vous ne m'avez pas vraiment laissé le choix, marmonna Nathalie.
L'auter garçon, répondant au prénom de "Tiago", s'approcha d'elle, si près que leurs nez se touchaient.
- Qu'est-ce que t'as dit ? aboya-t-il.
- Rien... je...
Un coup de poing, assené dans le ventre, la fit taire. Elle serra les dents, et agrippa les bretelles de son cartable, comme si les serrer allait la protéger des deux garçons.
Un second coup, porté au bras, ne réussit pas à lui arracher une grimace. Elle était habituée, à force. Mais, au, troisième, porté au menton, elle laissa un gémissement.
L'autre garçon, prénommé Noah, lui attrapa l'oreille, et la tira si fort, que Nathalie crut qu'elle allait se détacher.
- Tu n'as pas voulu nous apporter dix petits francs ? chuchota-t-il d'une voix aussi froide que la mort. Et bien, demain, tu nous apporteras le double. Et gare à toi si tu ne le fais pas, ou si tu essaies d'en parler à quelqu'un. Tu n'aimerais pas que ta copine soit obligée de nous donner aussi de l'argent, n'est-ce pas ?
Il la relâcha, et la poussa sur le sol de pierre.
- FIche le camp, sale gamine !
Nathalie cacha ses larmes en s'enfuyant.
***
Le lendemain...
Madame Gourven fronça les sourcils. Elle appréciait Nathalie, une élève brillante et sérieuse, qui n'avait jamais causé le moindre problème. Mais elle avait sous les yeux sa copie de brevet blanc de mathématiques, et celle-ci était surprenante, surtout venant d'une élève assidue telle que Nathalie. Depuis plusieurs semaines, en fait, les notes de la jeune collégienne avaient chuté de manière inquiétante. Mais il y avait autre chose. L'étincelle qui brillait dans le regard de la fillette avait disparu, ne laissant place qu'à une lueur farouche.
La collégienne arborait un bleu au menton, et refusait également d'enlever sa veste, même par la pire des chaleurs...
La jeune professeure décida de retenter sa chance.
- Nathalie, tu n'as pas chaud avec ta veste ?
C'était la vérité, il faisait une chaleur étouffante dans la salle de classe.
- Si, madame, un peu.
- Tu ne veux pas enlever ta veste pour respirer un peu ?
Son élève rougît.
- Non, madame, je vous assure, c'est supportable. Et puis, le cours est bientôt fini, ça ne servirait à rien.
Madame Gourven regarda l'heure. Effectivement, le cours se terminait dans cinq minutes. Elle hocha la tête, et tendit sa copie à Nathalie. Qui grimaça en voyant son trente-cinq sur cent.
Sa meilleure amie, Émilie Graham de Vanily, tenta de calmer son amie, mais la collégienne repoussa ses paroles réconfortantes d'une phrase.
"Ça va, Émi, ne t'inquiète pas."
Son amie la regarda d'un air inquiet, mais ne répondît pas.
***
Demeure des Sancœur.
Nathalie poussa la lourde porte de bois, les larmes aux yeux. Tiago et Noah lui avaient "emprunté" toutes ses économies, et ils en voulaient encore. Bientôt, Nathalie n'aurait d'autre choix que de passer son temps libre à faire des petits boulots. Mais que se passerait-il si leurs tarifs venaient à augmenter ? Vingt francs par semaine, c'était déjà bien assez !
Sa mère l'attendait dans le vestibule, l'expression contrariée. Son regard ne s'adoucît pas d'une miette lorsqu'elle vit sa fille. Au contraire.
- Tu as eu des notes ? demanda-t-elle.
"Bonjour à vous aussi, mère", aurait voulu répondre Nathalie. Mais elle répondit à la place :
- Une seule, mère.
- Montre-la moi. Tout de suite.
La gorge nouée par l'appréhension, Nathalie lui tendit sa copie désastreuse de mathématiques. Une expression furibonde défigura le visage de sa mère, et lorsqu'elle parla, ce fut d'une voix si froide que Nathalie en eut des frissons.
- Tu te fiches de moi ?
- Non, mère, je vous assure, je ne...
- Tu te fiches de moi, répéta sa mère.
Nathalie baissa la tête.
- Je vous demande pardon, mère. J'ai fait ce que j'ai pu, mais...
- Va dans ta chambre, la coupa sa mère, une expression dégoûtée sur le visage, et révise tes prochains examens. Je ne veux plus te voir, jusqu'à ce que tu aie rapporté une note qui ne me ferait pas honte. Va-t-en, tu n'es qu'une bonne à rien.
- Mais...
- Dans ta chambre ! hurla sa mère, furieuse.
- Bien, mère.
Nathalie se détourna et monta dans sa chambre.
***
Au collège, le lendemain midi.
- Je t'assure que c'était extraordinaire ! Lorsque nous avons terminé notre spectacle, notre père en était bouche bée !
L'exclamation enthousiaste d'Émilie se perdit dans le vacarme de la cour de récréation. Nathalie sourît. Émilie était son exact opposé : bavarde, joyeuse, et pas timide pour un sou. Ce devait être pour cela qu'elles s'entendaient si bien. Elles se complétaient.
- Je vais chercher mon déjeûner. Tu viens ? demanda Émilie en sautant du rebord de la fontaine où elles étaient assises.
Dans leur école, leurs élèves pouvaient apporter leur propre pique-nique s'ils le désiraient. Ce que faisaient Nathalie, Émilie et sa sœur jumelle Amélie, qui déjeûnait avec ses propres amies.
- Non, je t'attends ici. J'ai déjà le mien avec moi.
- Tu m'attends avant de manger !
- Oui, oui, ne t'inquiète pas !
Émilie partît d'un pas sautillant. Nathalie sortît son unique sandwich, et la jolie gourde qu'elle avait acheté avec son argent de poche quelques semaines précédentes. Elle avait économisé plusieurs mois avant de se l'offrir, et elle y était très attachée.
Elle fronça les sourcils en voyant Tiago et Noah marcher vers elle.
"Qu'est-ce qu'ils me veulent, cette fois ?" se demanda-t-elle lorsqu'ils arrivèrent à sa hauteur.
- Ton dèj', fit Noah en tendant la main.
Nathalie ne chercha pas à protester. À quoi bon, de toute façon ? Elle lui tendit son unique sandwich. Noah s'éloigna avec... et le jeta dans la poubelle la plus proche.
- Eh ! protesta-t-elle lorsque Tiago lui arracha sa gourde des mains.
Il sourit méchamment.
- Avec toute l'eau que tu vas boire, tu n'en auras pas besoin.
Nathalie n'eut pas le temps de comprendre, que Tiago la faisait tomber dans le bassin d'une forte poussée.
" Plouf", fit-elle en s'enfonçant dans l'eau glacée.
Tiago et Noah s'enfuirent. Avec sa gourde. Nathalie resta là, trempée de la tête aux pieds, à essayer de comprendre ce qui venait de se passer. Une main se tendit devant elle. C'était Émilie. La blonde l'aida à s'extirper du bassin.
- Eh beh ! s'exclama-t-elle en détaillant son amie. T'as piqué une tête ?
- Non, répondit Nathalie, qui grelottait. J'ai...j'ai juste glissé.
Émilie la regarda, dubitative.
- Je vais te chercher une serviette.
Elle fit volte-face, et partit en courant vers l'infirmerie. Nathalie la regarda s'éloigner. Elle frissonna. Elle aurait de la chance si elle n'attrapait pas un rhume. Du coin de l' œil, elle aperçut Tiago et Noah qui l'observaient.
"Ils ne vont quand même pas revenir ?" se demanda-t-elle.
Mais les deux garçons se contentèrent de la fixer, un sourire suffisant aux lèvres. Tiago agita sa gourde d'un air ironique avant de la glisser dans son sac à dos. Nathalie sentît les larmes lui brûler les yeux. Elle tenait tellement à sa gourde ! Elle se détourna pour essuyer les perles d'eau salée qui roulaient sur ses joues lorsqu'Émilie revint.
- Tiens, dit la blonde en lui tendant une serviette.
- Merci, Émi, répondît Nathalie en s'enveloppant dans le linge.
- Il nous reste une heure de pause. On va pouvoir manger. Tu as ton pique-nique ?
- Et bien... je crois que je l'ai oublié chez moi...
Un mensonge. Encore. Sa vie, récemment, n'était plus que mensonges. Son amie roula des yeux exaspérés.
- Franchement, Nathalie ! Tu oublies tout, en ce moment ! Tiens, fit-elle en lui tendant l'un de ses deux sandwichs.
- Merci, Émilie, la remercia Nathalie, un pâle sourire sur les lèvres.
Son amie la dévisagea, inquiète.
- Tu es sûre que tout va bien ? interrogea-t-elle. Tu as l'air distante, presque inquiète.
- Oui, ne t'inquiète pas.
Nathalie mordit dans son sandwich.
- Tout va bien...
***
Fin d'après midi, demeure des Sancœur.
Nathalie n'en menait pas large. Elle venait de rentrer, et comme d'habitude, elle avait eu droit à un accueil glacial. Elle avait pourtant fait de son mieux pour étudier, mais son esprit était ailleurs, perdu entre les menaces, et la peur qu'elle éprouvait.
Sa mère la fixait avec un tel mépris que Nathalie avait envie de crier : "Pourquoi me méprisez-vous à ce point ? Qu'est-ce que je vous ai fait ?"
Mais elle ne disait rien. En partie parce qu'elle savait pourquoi sa mère lui en voulait tellement. À cause de la mort de son père et celle d'Annie. Et aussi parce que ça ne servait à rien. Nathalie obéissait à sa mère. C'était comme ça, et pas autrement.
Sa mère regarda le dix sur vingt sue sa fille venait de rapporter, une expression indéchiffrable sur le visage. Elle lâcha un profond soupir.
- Si seulement c'était Annie qui était restée... murmura-t-elle. Puis sa voix s'enflamma, et elle poursuivit d'une voix sans état d'âme : "Annie ne me faisait pas honte, elle. Annie était vive et intelligente, tout ton contraire ! Pourquoi a t-il fallu que ce soit elle qui parte ?"
Nathalie eut l'impression qu'on venait de lui plonger une dague acérée dans le cœur. Sa mère était-elle donc impitoyable à ce point ? Elle sortit sans mot dire, le cœur gonflé d'une colère qu'elle comprimait difficilement. Elle courut dans sa chambre pour donner un libre cours aux sanglots qui l'étouffaient. Elle caressa du bout des doigts la photo de sa sœur aînée, qui trônait sur sa table de chevet .
- Oh, Annie... Pourquoi es-tu partie ? Pourquoi m'as-tu abandonné avec notre mère ? Si tu la voyais, Annie ! Mais peut-être a t-elle raison, après tout. Il aurait mieux fallu que ce soit moi qui partes ! Tout est de ma faute, Annie... Toi et père êtes morts par ma faute ! Je ne me le pardonnerais jamais ! Mère a raison de dire cela. Je ne mérite pas le bonheur. Je ne mérite rien ! Rien du tout !
***
Quelques semaines plus tard, cours de mathématiques...
- Et donc, si on applique le théorème de Pythagore sur le triangle MAY, rectangle en "A"...
Nathalie étouffa un baillement. La veille, elle s'était couchée horriblement tard pour réviser ses cours. Elle ne voulait plus recevoir des notes lamentables. Même si son moral était au plus bas, entre les remarques désobligeantes de sa mère, et les coups de Tiago et Noah. Ceuc-ci commençaient d'ailleurs à se faire ressentir. Nathalie avait une sérieuse blessure au pied, qui la gênait au moindre mouvement.
Émilie était de plus en plus soucieuse. Elle voyait bien que quelque chose tracassait son amie, mais dès qu'elle lui posait la question, celle-ci se renfermait sur elle-même, mentait et changeait de sujet.
Lorsque le cours s'arrêta, madame Gourven fit signe à Nathalie d'approcher. Après avoir adressé un sourire confiant à Émilie, la collégienne s'approcha de la professeure. Émilie fut la dernière à sortir, et en fermant la porte, elle décida d'écouter leur conversation.
- Tu dois absolument te reprendre ! disait madame Gourven.
- Je suis désolée madame. Je sais qu'il faut que je me ressaisisse.
- Tu étais ma meilleure élève... se désola le professeure. Que t'es-t-il arrivé, Nathalie ? Tu as des problèmes ? Mes collègues et moi avons pu constater ton état de fatigue, qui s'aggrave de jour en jour ! C'est tout juste si tu ne t'es pas endormie en plein cours, aujourd'hui !
- Je suis vraiment désolée, madame. C'est vrai que je suis fatiguée en ce moment... J'ai beaucoup de travail... en dehors de l'école.
La professeure sembla remarquer que Nathalie posait à peine son pied gauche par terre. Son regard se fit plus pesant.
- Tu t'es blessée à la cheville ?
- Comment ? Nathalie parut déroutée. "Ah, oui, mon chat s'est faufilé entre mes jambes, et je suis tombée !"
"Quel chat ?"
Derrière la porte, Émilie se sentît bouillir intérieurement.
"Nathalie n'a jamais eu de chat !"
***
Lorsque la porte s'ouvrit, Émilie fila à toutes jambes vers le bout du couloir, histoire de faire mine qu'elle avait attendu Nathalie. Quand son amie s'arrêta devant elle, Émilie lui demanda à brûle-pourpoint :
- Tu ne m'avais pas dit que tu avais un chat !
Nathalie se figea.
- Je ne vois pas de quoi tu veux parler, marmonna-t-elle.
- Te fatigue pas, j'ai tout entendu ! Pourquoi as-tu menti à madame Gourven ? Pourquoi me mens-tu à moi ? Pourquoi ne me fais-tu plus confiance ?
- Et toi, pourquoi as-tu écouté notre conversation ? rétorqua Nathalie, poussée par une brusque flambée de colère.
- Il le fallait ! J'ai bien fait, répondît Émilie. Que me caches-tu, Nathalie ?
- Rien ! Je n'ai rien à cacher !
Un mensonge. Émilie le percevait aussi bien que si elle l'avait proféré elle-même.
"Nous ne nous cachons jamais rien" gémit-elle intérieurement.
- C'est pas vrai ! Tu me caches quelque chose, Nathalie, je le sens ! Tu ne vas pas bien du tout, laisse-moi, t'aider !
- Je te dis que tout va bien ! s'emporta la collégienne. Laisse-moi tranquille, cinq secondes, et ça ira encore mieux !
Émilie la dévisagea, bouche bée. Nathalie tourna les talons et s'enfuit.
"Ce n'est pas fini" songea Émilie. "Je trouverais le moyen de t'aider, Nathalie, je te le promets. Même si je dois te suivre pour ça..."
***
Sur le chemin du retour...
Nathalie avait les larmes aux yeux. Elle détestait se disputer avec Émilie. Mais elle ne pouvait pas lui dire la vérité, elle ne le pouvait pas ! Tiago et Noah avaient été très clairs à ce sujet.
"Si tu en parles à qui que ce soit, nous ferons en sorte que ton amie n'aie pas la vie facile..."
Elle ne voulait pas attirer d'ennuis à Émilie ! Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas l'ombre qui la suivait.
Soudain, elle heurta de plein fouet quelqu'un. Elle leva les yeux. C'était Tiago.
- Tu peux pas faire attention, Sancœur ? aboya-t-il.
- Désolée... murmura Nathalie.
- Désolée ? T'as pas d'autres moyens de t'excuser ?
Nathalie secoua la tête.
- C'est ce qu'on va voir. T'as des sous ?
Nathalie plongea la main dans la poche de sa robe, et tendit une pièce de cinq francs à Tiago, qui la regarda méchamment avant de l'empocher.
- C'est pas beaucoup, Sancœur. Eh, Noah ! Viens voir ça !
Noah s'approcha, un sourire méprisant aux lèvres, une cigarette dans la bouche.
- Regarde ce que la gamine vient de me donner ?
Noah considéra la pièce avant de s'exclamer :
- Eh ben ! T'es pas très généreuse, Sancœur ! Remarque, ça ne m'étonne pas, vu ton nom de famille !
Nathalie serra les poings. Elle détestait son nom de famille, et rien ne lui aurait fait plus plaisir que de ne pas le porter.
- Elle va s'énerver ! s'exclama Tiago. Et tu comptes nous faire quoi, sale gamine ? N'oublie pas ce qui arriveras à ton amie si tu tentes quoi que ce soit !
Nathalie pâlit à la mention de son amie. Noah s'approcha d'elle.
- J'aime bien ton porte-clés, déclara-t-il. Tu me le donnes?
Nathalie jeta un coup d'œil au Colisée miniature qui ornait son sac à dos. Elle paniqua. Ce porte-clés était le dernier cadeau que lui avait offert Annie avant de disparaître. Elle ne pouvait pas le céder aux deux brutes ! Rassemblant tout son courage, elle prononça un mot. Un seul.
- Non.
Noah parut s'étouffer avec sa cigarette.
- Pardon ? Tu peux répéter, j'ai pas entendu !
- Tu as parfaitement entendu. C'est non. Je ne vous donnerais jamais ce porte-clés.
Tiago s'approcha d'elle, l'air menaçant.
- Je crois que tu n'as pas bien compris, microbe. Tu vas nous donner ce porte-clés, ou tu auras du mal à rentrer chez elle sans assistance.
Nathalie serra les bretelles de son cartable.
- Non, répéta-t-elle, les dents serrées. Non, non, et encore non.
Tiago poussa un grognement dégoûté.
- Commence, dit-il à Noah. Je terminerais.
Noah sourît méchamment et ôta sa cigarette incandescente avant de l'écraser sur la joue de Nathalie. La collégienne poussa un cri de douleur au contact de la cigarette brûlante.
Noah jeta la cigarette au loin avant de lui administrer un violent coup de poing dans l'estomac. Nathalie se plia en deux. Tiago écarta Noah, et administra à la fillette une gifle, une seconde... La collégienne tomba à genoux. Ses joues la brûlaient atrocement, l'oxygène ne parvenait plus à ses poumons... Elle sentait son corps lui envoyer d'innombrables ondes de souffrance.
Tiago levait déjà la main pour une troisième... Nathalie cessa de lutter. Elle ferma les yeux, en attente de la douleur qui lui transperçerait bientôt les joues. Il ne se passa rien. Elle l'entendit pourtant, le claquement sec, écrasant de puissance et d'autorité, que fait une main atterrissant avec violence sur une joue. Suivi du bruit que ferait une personne tombant à terre. Elle ouvrit les yeux.
À terre devant elle, gisait sa meilleure amie qui s'était interposée entre elle et la main qui s'était levée, et qui avait reçu la gifle à sa place.
- Émilie ! hurla-t-elle.
Elle s'agenouilla à ses côtés, et l'aida à se relever.
- Qu'est-ce que tu fais ici ?
- Je t'ai suivie... Je voulais savoir ce qui n'allais pas, Nathalie... murmura la blonde, une coupure sur la joue là où elle avait heurté le sol.
Une rage folle s'empara de Nathalie. Qu'on la blesse, elle, n'avait aucune importance, mais elle ne supportait pas qu'on s'en prenne à Émilie. Quand celle-ci se releva, Nathalie foudroya les deux lycéens de son regard bleu. Sa colère pulsait en elle sourdement, elle n'avait qu'une envie : venger son amie, se libérer de l'emprise des deux garçons.
- Vous regretterez ce que vous venez de faire, articula-t-elle. Vous le regretterez amèrement.
Noah éclata de rire.
- Et qu'est-ce que tu comptes faire, sale gamine ? Tu ne peux rien, contre nous ! Ça m'étonne même que tu aie aidé cette fille à se relver ! Pourquoi ça t'importe tant, qu'elle aie été blessée, puisque tu n'as pas de cœur ?
Nathalie ne se laissa pas démonter pour autant.
- Vous le regretterez, répéta-t-elle calmement. Je ne sais pas si j'ai un grand cœur, mais en tout cas, il est plus grand que les deux vôtres réunis.
Elle se tourna vers Émilie.
- Allons-nous-en.
Les deux collégiennes s'enfuirent à toutes jambes, même si Émilie grimaçait à chaque fois qu'elle posait le pied gauche par terre.
- Tu es blessée ? s'inquiéta Nathalie en s'arrêtant devant chez elle.
- Ce n'est rien, la rassura Émilie. Juste un faux mouvement.
- Ils ne s'en tireront pas à si bon compte, promit Nathalie, ses grands yeux bleus étincelants de fureur. Je te promets d'aller voir le directeur dès demain, et de tout lui raconter !
- Attends, Nathalie ! Dis-moi, depuis combien de temps est-ce que ça durait ?
Nathalie baissa les yeux.
- Trois mois, murmura-t-elle.
- Combien ? répéta Émilie.
- Trois mois, répéta la brune.
- Et pourquoi ne m'en as-tu pas parlé ?
- Je ne pouvais pas, Émilie. Je ne pouvais pas.
Émilie la dévisagea de ses grands yeux verts.
- Je t'attendrais à la récréation devant le bureau du directeur. À demain, Nathalie.
- À demain, Émilie.
***
Une semaine plus tard...
- Votre conduite a été tout simplement inacceptable, messieurs ! rugit le directeur.
Tiago et Noah baissèrent la tête, penauds. Nathalie avait tenu parole, et les avaient dénoncés une semaine plus tôt. Aussitôt, le directeur les avaient interrogés, avant de les faire passer en conseil de discipline.
Une heure plus tard, la sanction était tombée : exclusion définitive du lycée, et mise en place de mesures de sécurité pour les deux collégiennes.
Tiago et Noah échangèrent un regard, plus furieux contre Nathalie, qu'attristés de leur mauvaise conduite.
***
Le lendemain, cour du collège.
- Nathalie ! Comment vas...
Émilie s'interrompît en voyant la mèche rouge qui se mêlait aux cheveux noirs de Nathalie.
- Euh... C'est nouveau, ça !
Nathalie sourît.
- J'ai décidé de me teindre cette mèche en rouge, en souvenir de cette aventure, et de l'amitié qui nous lie. Je ne laisserais plus personne te faire de mal, Émilie.
- Et pourquoi le rouge ?
- C'était la couleur préférée d'Annie.
- Oh... Elle te manque, pas vrai ?
Les épaules de Nathalie s'affaissèrent.
- Évidemment, avoua-t-elle. C'était la meilleure grande sœur du monde. Mais aujourd'hui, j'ai une amie formidable, en qui je retrouve la personne de ma sur.
- Tu es vraiment en or, Nathalie.
- Merci, Émilie. Tu pourras toujours compter sur moi.
- Et toi, sur moi.
Nathalie avait beau tenter de se persuader qu'elle n'avait pas changé, elle avait perçu un changement chez elle. Elle était devenue méfiante, érigeait un mur en elle pour endiguer la peur et les tourments. Elle ne faisait confiance qu'à Émilie, et plus tard, à Gabriel et Adrien. Mais sa joie de vivre d'autrefois avait été remplacée par un mur de glace d'apparence incassable.
***
Nathalie se réveilla en sursaut, le cœur battant la chamade. Rêver de cette parie de sa vie était pour le moins douloureux. À chaque fois que cela arrivait, elle se réveillait avec l'impression d'être redevenue une petite fille, une simple petite collégienne, qui avait peur.
Elle reprit son souffle, et consulta son réveil. Huit heures du matin. L'idée de se lever était tentante, mais Gabriel lui avait demandé de ne pas se lever... Nathalie poussa un soupir exaspéré. Elle allait bien, elle avait juste eu très peur, et que Gabriel le veuille ou non, elle allait sortir de son lit, et se déplacer un peu, histoire de s'entraîner.
Elle se leva, s'habilla, prit ses livres préférés dans ses étagères, et lut, assise dans un fauteuil, jusqu'à ce qu'elle entende des coups frappés à la porte. Ce devait être Gabriel et Adrien, ils avaient promis de passer prendre de ses nouvelles...
Nathalie s'éclaircît la voix, et leur enjoignît d'entrer. La porte s'ouvrit. C'était eux, en effet. Gabriel poussait le chariot-repas sur lequel était posé son petit-déjeûner. Il vint s'asseoir en façe d'elle.
- Comment vous sentez-vous, Nathalie ?
- Bien, monsieur, je vous assure. Ce n'était rien de plus qu'une grande frayeur.
- Ce sont ces deux hommes qui vous ont causé une si grande peur ? s'étonna Adrien. Ils semblaient vous connaître...
Nathalie se crispa. Adrien baissa la tête.
- Pardonnez-moi si je vous ai blessée, Nathalie.
- Non, non, Adrien, il n'y a pas de souci. C'est lié à mon enfance, lorsque j'avais votre âge.
Le blond hocha la tête.
- Nous n'allons pas vous forçer à nous raconter, Nathalie, dit doucement Gabriel. Si vous voulez que nous partions, nous le ferons.
- Ne vous inquiétiez pas monsieur. Après le cauchemar que j'ai fait, je crois sincèrement que j'ai besopin d'en parler.
- Nous vous écoutons.
Nathalie s'installa plus confortablement, et commenca son récit.
Elle raconta d'abord l'histoire de sa grande sœur Annie, d'une voix parfois coupée par les larmes. Elle raconta ensuite sa rencontre avec Émilie, comment elles étaient devenues les meilleures amies du monde, leurs fou rires, leurs jeux, leurs disputes, parfois. Vint alors la partie la plus difficile : elle raconta comment pendant sa troisième, elle avait été frappée, harcelée et humiliée par les deux lycéens, comment elle avait perdu sa gaieté d'autrefois, remplacée par un mur de glace impénétrable. Elle leur raconta le regard indifférent, méprisant de sa mère lorsqu'elle revenait, ses remarques blessantes, ses colères effroyables, et l'indifférence avec laquelle elle avait assisté au conseil de discipline qui s'était tenu, lorsque, poussée par une colère effroyable, Nathalie avait dénoncé les deux lycéens et mis fin à son harcèlement.
Gabriel et Adrien l'avaient écoutée en silence, ne l'interrompant qu'à quelques reprises pour lui demander des précisions.
Après un long silence, Gabriel s'exclama :
- Je n'arrive pas à croire que quelque chose d'aussi horrible aie pu vous arriver !
- C'était donc eux, les deux garçons d'hier ! comprit Adrien. Je comprends maintenant pourquoi vous avez eu si peur !
- Mais, Nathalie, pourquoi n'en avez-vous pas parlé à quelqu'un plus tôt ? demanda Gabriel.
- Je ne pouvais pas, monsieur. Si je l'avais fait, Émilie aurait connu le même sort que moi. Je ne voulais surtout pas cela !
- Vous êtes tellement généreuse, Nathalie... Vous avez tout encaissé sans mot dire pour protéger Émilie ?
Nathalie acquiesça.
- Je suis prête à tout pour ceux que j'aime. Aux plus grands sacrifices.
Son regard bleu se posa sur Gabriel, qui comprit aussitôt ce qu'elle voulait dire.
- Votre mère a été si cruelle avec vous... murmura Adrien.
- Elle n'était pas comme cela avant. Mais les morts de mon père et d'Annie l'ont rendue... folle, en quelque sorte. Elle ne m'a plus jamais souri, et toutes les phrases qu'elle me prononçaient était empreintes de venin. Quand j'ai eu dix-neuf ans, je ne la supportais plus. j'ai quitté la maison familiale sans me retourner, et je n'y suis jamais revenue, même quand ma mère est morte, quelques années plus tard. Je l'ai abandonnée, et à cause de cela, toute ma famille a disparu sans que je puisse y faire quoi que soit.
Gabriel prit la main de Nathalie, qui tressaillit. Adrien comprit, en son for intérieur, qu'il devait les laisser seuls.
- Je dois partir, père. J'ai... des devoirs pour demain.
C'était le samedi, mais personne ne le fit remarquer. Le mannequin sortît et ferma la porte, les laissant seuls.
Le styliste plongea son regard acier dans les lacs d'eau claire de son assistante.
- Vous êtes merveilleuse, Nathalie. Tellement généreuse, tellement douce, tellement dévouée. Votre mère portait peut-être bien son nom, mais, vous, vous ne le méritez pas. Je ne laisserais plus rien vous arriver, je vous le promets.
Nathalie se sentît rougir. Gabriel lui serra doucement la main, et effleurant sa joue du bout des doigts, il murmura :
- Si tu le désires, nous serons ta famille. Toi, moi et Adrien, une famille unie par l'amour qu'une personne a su apporter.
- Monsieur... balbutia-t-elle. Vous ne voulez pas parler de...
- De toi, Nathalie ? Si, bien sûr. C'est toi qui nous a aidé à nous réunir, Émilie et moi. C'est toi qui a tout sacrifié par amour. Et c'est à toi, toi et non Émilie, que j'offre désormais mon amour. Alors, accepterais-tu de former une nouvelle famille, avec moi ?
La jeune femme n'hésita pas avant de se blottir contre lui en guise de réponse. Le styliste referma les bras sur elle, avant de l'embrasser, profitant du temps des hésitations passés, et du temps de la vérité enfin venu.
5000 mots tout pile + note de début. Merci à jeannefostergoriot, sans qui je serais restée rager sur le 4999 mots !
Cet OS m'occupe depuis... bah, très très longtemps, et j'en ai encore deux à case d'ici la fin de la semaine. ( On sait jamais, si "Réplique" se finit par une déclaration, j'serais bien, moi, avec mes idées qui ne servent plus à rien... )
OS pas très joyeux, comme vous pouvez le voir, je sais vraiment pas ce qu'il m'a prit de faire un OS qui parle plus du détail du harcèlement. ( Au passage, je relance le sujet, n'hésitez pas à avertir un adulte au plus vite si vous êtes dans ce genre de situations. Je sais très exactement ce que ça fait d'être à la place de Nathalie, et croyez-moi, si on ne fait rien, le harcèlement s'aggrave. )
Bon, OS plus joyeux pour la prochaine fois...
Conscience : Tu veux dire par là que Mayura tombe dans un gouffre de plusieurs dizaines de mètres ?
Moi : Mais tais-toi ! Arrête de spoiler !
Bon, ma conscience va la mettre en veilleuse, c'est une bonne nouvelle.
Bref. Qu'est-ce que vous en avez pensé ?
Renars
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