Just a dream (OS Spécial Halloween)


Le crépuscule naissant éclairait les toits de Paris d'une lueur violette. Quelques étoiles scintillaient, presque invisibles.

En cette belle soirée d'Halloween, des enfants déguisés en monstres, fantômes, vampires ou diablotins, allaient sonner aux portes du voisinage, scander leur hymne d'un soir :

– Des bonbons, ou une malédiction ?

Derrière la fenêtre de sa chambre, Adrien sourit tristement. Cette année non plus, il  n'irait faire de porte-à-porte. Son père avait refusé, estimant que travailler son piano et réviser son chinois serait plus constructif.

Et puis, il y avait le fait que son père détestait cette fête. Elle lui rappelait toujours sa femme adorée.

Le cœur d'Adrien se serra. La Toussaint, la fête des morts. Comme sa mère. Sa douce, patiente et défunte mère.

Cette étoile qui n'avait jamais cessé de briller dans son cœur.

Ce Soleil qui n'avait jamais eu d'éclipse.

"Maman, tu me manques..."

Et, sur cette douloureuse pensée, Adrien s'endormit.

******************

Adrien n'était pas le seul à ne pas aller fêter la célébration des morts, cette année.

Marinette également n'irait pas faire de porte-à-porte. Cette année, elle avait refusé d'accompagner Alya, Nino, et leurs petits monstres sans costumes de frères et sœurs.

Si Nino avait semblé sceptique, Alya avait vite compris que Marinette ne voulait pas quitter sa chambre.

Pas après sa défaite si douloureuse contre Monarque.

Allongée sur son lit, Marinette surveillait jalousement l'ancien emplacement de la Miracle Box, Tikki, ses boucles d'oreilles.

Une larme roula sur sa joue.

La terreur lui nouait le ventre.

Depuis qu'elle avait perdu tout ce qu'elle était censée protéger, elle avait perdu confiance, et s'attendait, à chaque attaque de Monarque, au pire.

Elle était déjà assez terrorisée comme ça, sans en plus, aller courir les rues de Paris parmi les monstres et les vampires...

Et, comme si ressasser sa défaite ne lui suffisait pas à lui plomber l'humeur, elle songeait à Chat Noir. Et à Adrien.

Qui aimait-elle ?

Impossible pour elle de le dire.

Chat Noir, le courageux et protecteur coéquipier ?

Ou Adrien, le timide et doux camarade de classe ?

Sentiments confus, embrouillés, dans un esprit brisé.

Petit à petit, ses paupières se fermèrent, laissant le sommeil s'emparer d'elle.

"Chat Noir ou Adrien ?"

Ce fut sur cette question qu'elle s'endormit.

******************

Une perle salée chuta du doux visage de Nathalie. Elle ne supportait plus ce qu'était devenu Gabriel.

Dangereux.

Incontrôlable.

Avide de puissance.

Il s'était bien éloigné de son objectif principal. Même si il ne l'admettait pas, tout ce qu'il voulait, c'était la victoire.

Vaincre Ladybug, Chat Noir.

Les anéantir. Une bonne fois pour tout. Leur faire payer ces longues années de combats.

D'échecs.

Il voulait les détruire. Purement et simplement.

Elle ne pouvait pas le laisser faire... Mais comment arrêter un homme possédant la quasi-totalité des plus puissants pouvoirs de l'Histoire, lorsque vous êtes seule, souffrante, et désarmée ?

Elle ne pouvait pas.

"Je suis désolée, Émilie. J'ai échoué..." songea-t-elle avant de s'endormir.

****************

Halloween.

Quelle fête stupide.

Mieux valait travailler, travailler dur, pour pouvoir acheter ce dont on avait besoin plutôt que de faire du porte-à-porte ainsi, en espérant récolter quelque bonbons...

Halloween était une fête idiote. La Toussaint était une belle fête.

La seule nuit où il pouvait parler à sa chère Émilie de tout ce qu'il avait sur le cœur. De combien elle lui manquait.

Sans rien dire des deux adolescents qui lui gâchaient la vie.

Comme il les détestait.

Non. C'était bien plus fort que ça. Il les haïssait. Purement et simplement.

"Ne pense pas à eux."

Il sentait la colère monter, monter....

Il serra les poings, refusant obstinément de laisser la colère l'emporter ainsi.

Après un ultime regard à sa chère épouse, il déposa un bouquet de roses sur le cercueil, et s'en retourna.

Avant d'entrer dans sa chambre, il lança un long regard à la porte close de la chambre de Nathalie. Elle lui manquait. Mais elle ne pouvait plus supporter sa quête sans fin.

Il ne la comprenait plus.

"L'ai-je un jour comprise ?"

Question sans réponse, sur laquelle il s'endormit.

******************

"Maman, tu me manques..."

"Chat Noir ou Adrien ?"

"Je suis désolée, Émilie. J'ai échoué."

"L'ai-je un jour comprise ?"

Quatre pensées.
Deux questions.
Deux soupirs.
Quatre cris du cœur.

Une onde, un message de désespoir.

Porté au delà des mots.
Au delà des morts.

******************

Adrien gémit dans son sommeil.

Il rêvait.
Mais son rêve était un cauchemar.

Il flottait dans un espace noir, où le silence était assourdissant. Il y avait une lueur blanche, au fond de cet espace noir, mais il ne parvenait à l'atteindre. Des barreaux invisibles l'en empêchaient.

"Je veux sortir d'ici !"

Adrien revivait le cauchemar de l'attaque du Marchand de Sable.
En mille fois pire.

Ses cris ne menaient nulle part. Il n'y avait que l'ombre, et ces murs invisibles.

Soudain, les ténèbres se déchirèrent sur le passage d'une silhouette nimbée de blanc.

"Qu'est-ce que c'est que ça ?"

La silhouette s'avança. Les traits de son visage se précisèrent.

Un visage fin. de grands yeux verts en amande, et une chevelure blonde tombant en cascade sur des épaules gracieuses. Un sourire pétillant sur des lèvres parfaites, un regard tendre.

Le cœur d'Adrien fit un bond.

– Maman !

Émilie ouvrit les bras, et Adrien vint s'y blottir. Mais dès qu'il toucha sa mère, celle-ci sembla s'évaporer. Adrien recula d'un pas, inquiet.

– Maman...

– Mon fils chéri...

La voix d'Émilie était douce, chargée d'émotion.

Adrien voulut dire quelque chose, mais Émilie lui fit signe de garder le silence.

– Non, ne dis rien. Laisse-moi te regarder. Tu as tellement grandi, tu as accompli tellement de choses... Je suis fière de toi.

Adrien en eut la gorge nouée par l'émotion.

– Merci, maman.

– Sais-tu pourquoi je suis ici ?

– Non. Enfin, je me doute que c'est parce nous sommes dans la nuit du 31 Octobre, mais pourquoi, je ne sais pas.

– C'est pourtant simple...

Émilie fit un geste de la main. Un halo blanc apparut autour d'une jeune fille aux couettes bleutées et aux yeux bleutés pétillants.

– Je suis là pour t'aider à t'éclairer sur tes sentiments.

– Comment ça ?

– À ton avis ?

– Je... je ne sais pas. Je suis amoureux de Ladybug, pas de Marinette !

Émilie soupira.

– Tu tiens vraiment de ton père, tu le sais ?

– J'imagine que oui... Mais en quoi ?

– Vous êtes tous les deux désespérément aveugles.

– Eh !

Émilie sourit.

– C'est pourtant vrai. Toi et ton père vous accrochez désespérément aux illusions. Vous espérez tant de choses impossibles, que vous refusez de voir qu'une autre sorte de bonheur est à portée de main.

– Que veux-tu dire ?

– Que Gabriel est profondément amoureux de Nathalie. Et que toi, tu es amoureux de Marinette, et non plus de Ladybug.

– Comment peux-tu le savoir ?

– Même si je ne suis plus à vos côtés, je ne vous ai jamais quittés. Je vous ai toujours regardés, toujours fière de toi, et toujours déchirée par les choix que pouvait faire Gabriel. Mais j'ai aussi vu tes erreurs... Sans le savoir, tu as voulu faire beaucoup de mal à Nathalie...

– Comment ça ?

– Je pense qu'il est trop tôt pour que tu le saches.

– Tu ne peux pas me dire quelque chose comme ça, sans terminer ton raisonnement !

– Es-tu sûr d'être apte à entendre la vérité ?

– Tes paroles insinuent le doute, maman. Juges-tu que connaître cette vérité pourrait me détruire ?

– En partie. Et si tu doutes, c'est que tu n'es pas encore prêt. Un jour viendra où la vérité éclatera, mais ce n'est pas aujourd'hui.

– Si tu le dis... Et que dis-tu, pour Marinette ? 

– Que tu l'aimes. Mais que tu ne veux pas le dire, car toutes ces années passées à tenter de séduire Ladybug n'auraient plus aucun sens. De même que pour ton père. Adrien, penses-tu que j'ai tort ?

Le désemparement s'empara d'Adrien. Les paroles de sa mère l'atteignaient plus profondément qu'il n'aurait voulu l'admettre....

– Non, je ne crois pas... souffla-t-il. Je crois que tu as raison, mais comment le dire à Marinette ?

– Franchement ? rit Émilie. Adrien, il est évident, que Marinette est amoureuse de toi ! Même un  lapin aveugle le devinerait !

– Donc, je suis encore pire qu'un lapin aveugle ? fit mine de s'indigner le jeune garçon.

– Dans un certain sens, oui, répondit Émilie en souriant. Allez, viens. Il faut que nous rendions une petite visite à Marinette.

Émilie fit un geste de la main. Un halo blanc s'ouvrit, vers un espace rouge, qui dégageait une chaleur inquiétante.

Adrien recula d'un pas.

– Qu'est-ce que c'est que ça ?

– Le rêve de Marinette. Il t'appartient de la rassurer.

 – Comment ?

– Viens, tu vas voir.

Peu rassuré, Adrien suivit sa mère dans le cauchemar de Marinette.

************************

Ladybug se couvrit le visage de ses mains, évitant de justesse d'être brûlée par une flamme écarlate.

Le feu l'entourait, dévorait Paris, brûlait sa ville, sa famille, ses amis.

Et au milieu de tout ce désastre, Adrien. Et Chat Noir. Sans défenses.

– Mais qu'est-ce que je vais faire ? sanglota-t-elle.

– Sauver tout le monde, ma Lady. Ou Marinette, comme tu préfères.

Ladybug se retourna aussitôt. Derrière elle, se tenait Adrien. Et une femme aux cheveux blonds et aux yeux verts, qu'elle était certaine d'avoir déjà vu en photos. Sa mère ?

– Qu'est-ce que vous faites ici ?

– Nous sommes le 31 Octobre, chère petite, répondit Émilie en soutenant son regard. La seule nuit où les morts peuvent visiter les vivants. Pour leur adresser un bonjour, ou pour leur donner de bons conseils. Il me semble que vous deux en avez bien besoin...

Émilie sourit, et leur adressa un signe de la main.

– Je vous laisse parler. J'ai encore deux visites à rendre, et pas des moindres.

– Maman, attends !

Adrien courut jusqu'à sa mère. Mais celle-ci disparut au moment où il l'atteignait.

–  Tu vas tant me manquer...

– Tu la reverras l'année prochaine, fit remarquer Ladybug avec douceur.

– Mais c'est si long...

– Quand on aime, on ne compte pas le temps, Adrien. Ta mère sera toujours près de toi, bien que tu ne la voies pas. Et quand nous serons à nouveau le 31 Octobre, elle sera là, à côté de toi, bien réelle.

Adrien inspira.

– Merci, Marinette.

Ladybug tressaillit.

– Comment m'as-tu appelée ?

– Marinette. Ne t'en fais pas, je ne le répéterais à personne. Maman m'avait dit que nous allions visiter le rêve de Marinette, et c'est Ladybug que j'y retrouve. Tout fait sens, d'un coup, et je comprends mieux le fait qu'elle m'aie dit que j'aimais Marinette et non Ladybug. Parce que vous êtes la même personne, je vous aimes toutes les deux. Mais plus Marinette que Ladybug. Wouah. J'ai dit trop de "Ladybug" et de "Marinette" en moins de deux minutes...

– Mais... tu m'as dit... Ma Lady... Chat Noir ?

– En chair et en moustaches.

Mur qui se brise de part en part, illusions qui s'effondrent. Question illogique trouvant une réponse logique.

"Adrien ou Chat Noir ?"

Adrien et Chat Noir.

************************

La plus douloureuse des visites était à rendre.

À son propre mari.

Dévoré par une folie sans nom, le raisonner ne serait pas simple...

C'était ce à quoi Émilie songeait en se rendant dans le rêve de Gabriel.

Dans son rêve, l'homme se tenait face à Ladybug. La super-héroïne l'avait acculé, et menaçait de lui reprendre le Miraculous du Papillon.

Émilie s'avança, et chassa Ladybug de la main. L'héroïne s'évapora, comme si elle n'avait été qu'une image de brume.

Et Émilie se retrouva face à Gabriel.

Ses prunelles vertes soutinrent le regard noir incrédule qui lui faisait face.  Gabriel pâlit, son esprit tentant désespérément de trouver une explication logique à l'apparition. Il n'en trouva aucune.

 – É...Émilie ? C'est bien toi ?

– Gabriel...

Émilie avait répondu d'une voix calme. Mais effrayante de froideur. Seule signe de sa colère.

– Comment as-tu pu devenir ainsi ? Jamais le Gabriel que je connaissais n'aurait pu faire preuve d'un tel égoïsme...

– Émilie, je voulais juste te retrouver...

– C'était peut-être vrai, au début, mais est-ce encore le cas aujourd'hui ? Non, ne réponds pas. Pas tout de suite. Réfléchis un peu. Que veux-tu le plus ?

– Ton retour.

– Et ? Qu'est-ce qui dépasse cette volonté ?

Mal à l'aise, Gabriel ne voulut répondre. Mais, sous le regard vert impassible d'Émilie, les mots finirent par sortir, comme mus de leur propre volonté.

– La défaite de Ladybug et Chat Noir.

– Tu vois ce que je veux dire ?

– Oui. Je comprends à quel point j'ai été égoïste... mais je n'arrive pas à m'en sortir, Émilie. C'est plus fort que moi... je... je ne comprends pas, j'ai cette impression, que, si je ne parviens pas à les vaincre, je n'aurais pas tout à fait gagné...

– Il ne s'agit pas de gagner une guerre, Gabriel.

– Je sais bien, Émilie... Je sais bien, mais je n'arrive plus à me raisonner. C'est encore pire qu'une quelconque drogue. C'est affreux. Je ne sais pas si je pourrais un jour sortir de cette spirale infernale...

 – C'est là qu'on arrive à mon troisième point. Encore devant ton souhait de vaincre Ladybug et Chat Noir, encore plus loin devant ton vœu de me voir revenir, il y a ta volonté d'être avec une personne bien particulière, une qui pourrait être ta seule chance de te faire sortir de ce dans quoi tu es tombé.

– Qui ça ?

Émilie soupira, désespérée.

– Tu vois, c'est exactement ce que je disais à Adrien. Vous êtes tous les deux désespérément aveugles.

– Tu as parlé à Adrien ?

– Et à Marinette Dupain-Cheng. J'irais voir Nathalie après en avoir fini avec toi.

– Ne lui dis rien de désagréable ! Elle n'a rien fait de mal ! Émilie, tu m'entends ? Je t'interdis d'en vouloir à Nathalie parce qu'elle m'a aidé !

La jeune femme sourit.

– Tu ne vois vraiment pas qui est cette personne avec qui tu voudrais être, contre vents et marées ?

– Non.

– Celle que tu es en train de défendre avec autant de verve que si c'était toi que j'accusais.

– Nathalie ?

Émilie hocha la tête.

– C'est ridicule ! Je ne suis pas amoureux de Nathalie ! Elle est juste mon assistante...

– Gabriel.

L'intéressé leva la tête. Émilie s'approcha de lui, et le regarda dans les yeux.

– Tu n'as pas besoin de mentir avec moi. Tu n'as pas besoin de faire semblant. Tu peux tout me dire, même ce que tu sais déjà...

– Je ne peux pas, Émilie, je ne peux pas... comment pourrais-je ? Après tout ce que j'ai fait pour toi, comment pourrais-je envisager d'aimer Nathalie ?

– Le cœur a ses raisons.

– Et quelles seraient celles du mien ?

– Tu as tout simplement été touché par sa loyauté à toutes épreuves. Puis, par sa gentillesse, sa douceur, son attention, sa prévenance, son intelligence et son calme. Par tout ce qui fait d'elle  Nathalie.

– Émilie... si c'est vrai, est-ce que tu m'en voudra ?

– Bien sûr que non, voyons ! Je suis même heureuse que ce soit Nathalie qui aie eu raison de ton cœur, et non une de ces mijaurées du monde extérieur. Nathalie était ma meilleure amie, je sais mieux que quiconque combien elle est douce et raisonnable. En revanche, je t'en voudrais si tu n'assumes pas immédiatement que tu l'aimes.

Gabriel baissa la tête.

– Je n'ai pas besoin de l'assumer, tu sais parfaitement que tu as raison...

– À la bonne heure ! s'exclama joyeusement Émilie. Je vais aller rendre visite à Nathalie, je reviendrais ensuite avec elle, pour que vous puissiez vous parler.

Émilie fit mine d'ouvrir un portail vers le rêve de Nathalie. Mais elle se  ravisa presque aussitôt.

– Oups, on dirait que je vais devoir attendre un peu.

– Pourquoi ça ?

– Je crois que Nathalie a déjà deux visiteuses.

– Qui donc ?

– Des personnes qu'elle n'a pas vu depuis très longtemps. Si elle est, à mon avis, heureuse de voir l'une, elle le sera moins de voir l'autre.

 – Émilie, qui est venu voir Nathalie ?

Émilie sourit nerveusement.

– Son passé.

***************************

Nathalie se retourna dans son lit. Le cauchemar qu'elle faisait l'effrayait plus que tout.

Voir Gabriel dévoré par la folie dans la vie diurne lui suffisait, elle n'avait pas en plus besoin de le voir la nuit...

Son inconscient ne semblait pas être au courant. Car il lui envoyait des visions d'apocalypse.

– Non... non...gémit-elle inconsciemment.

Cette nouvelle vision était pire que tout. Monarque se tenait face à Ladybug et Chat Noir. Il écartait l'ancienne Gardienne d'un geste brusque, avant de se pencher sur Chat Noir. Il eut une moue de dégoût, et claqua des doigts. Dans un nuage bleu, Chat Noir disparut en poussant un cri terrifié. Son Miraculous tinta en retombant sur le sol.

Ladybug poussa un cri furieux, et se précipita vers Monarque, le yo-yo sorti.

Mais l'homme  la repoussa aisément, et se pencha vers elle pour lui prendre son Miraculous. Nathalie aurait voulu intervenir, mais elle était comme paralysée sur place.

– Non ! cria-t-elle...

Les doigts de Monarque se refermèrent sur les boucles d'oreilles.

Soudain, une forme blanche descendit du ciel, dissipant Monarque, Ladybug, le Miraculous de Chat Noir, le paysage du combat, aussi simplement que s'ils n'avaient été que des images de brume.

Un noir se fit autour de Nathalie.  Seule la forme blanche produisait un peu de lumière. Elle descendit vers elle, portée par un vent qui n'existait pas.

Lorsque ses traits se précisèrent, Nathalie étouffa un cri de surprise.

L'inconnue était jeune, âgée de douze ans, tout au plus. Elle avait de longs cheveux bruns, légèrement ondulés, un visage pâle et fin d'enfant, et d'immenses yeux bleus à la lueur protectrice. Elle n'était pas inconnue, en fin de compte...

"Non, c'est impossible..." songea Nathalie, désemparée.

Annie plongea son regard bleu, si semblable à celui de Nathalie, dans les yeux de sa petite sœur.

– My little sweetie... murmura-t-elle.

Nathalie fut troublée d'entendre une enfant âgée de douze ans, l'appeler "Sweetie". Mais Annie était sa grande sœur, même si elle avait gardé son apparence de jeune fille, qu'elle n'avait pas eu l'occasion de grandir, et que l'au-delà n'avait rien arrangé.

– Twini, chuchota-t-elle en retour.

Nathalie avait toujours appelé Annie "Twini", lorsqu'elle était enfant. D'abord parce que bébé, elle n'arrivait pas à prononcer le nom "Annie", le surnom "Twini" était ensuite resté.

C'était leur secret, à Annie et elle. Annie l'appelait "Sweetie", ou bien "Tiny", tandis que Nathalie conservait le "Twini" de son enfance.

Des larmes de joie perlèrent aux yeux de Nathalie. Elle voulut se blottir contre sa sœur, mais à peine l'avait-elle effleurée, que l'image se troubla. Annie lui fit signe de reculer, le regard sérieux. Nathalie obéit, comme si c'était elle, l'enfant, obéissant à sa mère.

– Oh, Annie, tu m'as tellement manqué...

– À moi, aussi, petite sœur, répondit l'enfant. Mais il ne se passait pas un seul jour sans que je ne te regarde. Sans que je ne me sente fière de toi, de la force que tu éprouvais. J'étais là, lors de ta rencontre avec Émilie. Là, durant toutes tes épreuves, durant ton harcèlement. Là pendant ta période à l'université, ta rencontre avec Gabriel. Là pendant votre voyage au Tibet, ta découverte des Miraculous. J'ai essayé de t'empêcher de les prendre, tu sais, mais je n'étais qu'un courant d'air... j'étais là lorsqu' Émilie est morte, là lorsque tu as commencé à tomber amoureuse, là lorsque tu es devenue Mayura, là lorsque tu t'es retrouvée alitée, là lorsque tu as su dire "non". Là tout le temps. Et maintenant que nous sommes le 31 Octobre, je peux enfin être là, pour de vrai.

– Annie, je... je suis désolée, pour ton accident, et celui de papa... J'aurais dû... tout était de ma faute... vous êtes morts à cause de moi... et je... je...

– Sweetie, je ne t'en veux pas. Et papa non plus. Tu n'étais pas la seule fautive. Tu n'as pas à t'en vouloir...

– Où est papa ? Il va venir, lui aussi ?

– Pas cette année, je suis désolée. Il n'était pas prêt.

– Je comprends. Et... comment va... maman ?

Nathalie sentit une boule de colère lui obstruer la gorge lorsqu'elle prononça cette question. Elle en voulait encore un peu à sa mère de l'avoir traitée comme si elle n'était qu'un grain de poussière.

– Tu vas bientôt le savoir, Tiny.

– Qu'est-ce que tu veux dire ?

– Maman se sent coupable de t'avoir traitée ainsi. Elle était perdue, après notre mort, elle ne savait plus quoi faire. Pour elle, tu étais coupable, tu comprends ? Après sa mort, elle s'est rendue compte que rien n'était de ta faute. Même si elle était très triste et furieuse que tu l'aies abandonnée, sans même lui dire au revoir, elle a décidé que... qu'il valait mieux qu'elle vienne te demander pardon, cette nuit.

– Pardon ?

Nathalie recula de quelques pas. Une nouvelle forme blanche approchait. À travers la lueur blanche, elle reconnut la taille fine de sa mère, son visage pâle, ses cheveux noirs dont elle avait hérité, ses yeux bleus qui avaient perdu toute trace d'animosité.

– Maman.

La voix de Nathalie avait été sèche. Sa mère n'en tint pas compte.

– Ma petite fille chérie...

Nathalie n'en crut pas ses oreilles.

– Tu m'as détestée pendant toute la période de ma scolarité, lui rappela-t-elle. Tu m'as humiliée, rejetée, considérée comme une moins-que-rien.  Tu n'as rien dit lorsque j'ai été harcelée. Tu t'en moquais complètement... Tu...tu m'as fait regretter d'être ta fille !

– Nathalie, je...j'étais perdue, tu le sais bien...

– Non, je n'en savais rien ! Tu ne m'adressais la parole que pour me gronder ! Tu n'étais pas là, quand j'avais mal ! Tu n'étais pas là, quand je revenais du collège, couverte de bleus et en larmes ! Tu n'étais pas là quand je perdais l'appétit ! Tu n'étais pas là quand j'étais malade ! Tu n'étais pas là quand je revenais en boitant à la maison, tu n'étais pas là quand j'avais peur ! Et j'avais peur tout le temps ! Tu n'étais pas là, tu n'étais jamais là !

– Nathalie, s'il te plaît, je... je suis vraiment désolée. Tu as raison. Je n'ai jamais été là pour toi, alors que tu étais ma fille, et que tu avais besoin de moi. Je n'ai pas rempli mon rôle de mère. Tu as tout à fait le droit de m'en vouloir, mais je voulais... que tu saches... que... malgré tous mes moments d'égarement, je t'ai toujours aimée.

La colère de Nathalie retomba soudain, tel un dernier coup de vent après l'orage.

–Je comprends, maman... Mais... tu m'as fait tellement peur... J'ai souvent regretté d'exister, pendant cette période. J'avais l'impression que tu aurais préféré que ce soit moi, à la place d'Annie... Et ça me rendait tellement malheureuse...

– Honey, you don't have to feel guilty, reprit sa mère, reprenant ses habitudes de  diplomate à l'étranger. Tout était de ma faute, je n'aurais jamais dû te traiter ainsi. Tu es ma fille, j'aurais dû t'aimer avec plus de force que jamais, et t'aider à affronter les difficultés. Je suis désolée.

– Ne t'inquiète pas, maman. J'ai grandi, maintenant, reprit Nathalie d'une voix assurée. Le terme "honey" utilisé par sa mère, l'avait ramenée à ses plus jeunes années, lorsqu' Annie était encore en vie. Tout ce que j'ai vécu m'a endurci. J'en avais bien besoin...

– Nous avons vu tout ce que tu as vécu, Tiny, intervint Annie. Maman et moi sommes d'accord sur une chose, c'est que nous n'avons jamais été aussi fières de toi. Tu es courageuse, et intelligente. Toutes épreuves n'ont jamais affecté ta loyauté et ton dévouement. Nathalie, n'aie pas peur de faire entendre ta voix. Sinon, Gabriel voudra l'étouffer. Alors qu'il t'aime, et que tu l'aimes aussi, c'est dommage...

– Merci, Twini.

– Il est temps pour nous de partir.

– Comment ? Non, Twini, non ! Nous venions à peine de nous retrouver ! Restez encore un peu, je vous en supplie...

– Je suis navrée, Honey, intervint sa mère, mais quelqu'un d'autre veut te voir.

– Qui ça ?

– Tu vas bientôt le découvrir...

Les apparitions d'Annie et de sa mère commencèrent à s'estomper. Nathalie dut les regarder disparaître, les yeux pleins de larmes.

– Au revoir, Tiny, souffla Annie. Prends soin de toi.

– Au revoir, Twini, à bientôt, murmura Nathalie en retour, gravant le visage de sa grande sœur dans son esprit.

Un coup de vent souffla, effaçant définitivement les deux apparitions. Nathalie tomba à genoux, dévastée.

– Annie, maman, vous allez me manquer, murmura-t-elle comme pour elle-même.

– Tu les reverras l'année prochaine, répondit une voix douce.

Surprise, Nathalie leva la tête.

Émilie lui souriait.

– É-Émilie ? Non, ce n'est pas possible, ça ne peut pas être toi...

– Tu viens de voir ta mère et ta sœur, lui rappela son amie. En quoi ma présence est-elle surprenante ?

– Je... je ne sais pas... c'est juste... je ne pensais pas que tu viendrais me voir... je t'ai trahie, tu m'avais demandé de stopper la folie de Gabriel, et au contraire, je l'ai aidé, je suis même tombée amoureuse de lui...

– Mais enfin, Nathalie, je ne t'en veux pas, s'exclama Émilie. Bien au contraire. Tu sais, je pense que ton affection a adouci Gabriel. Et même, je suis ton amie, Nathalie. Ne doute pas de ma clémence, je ferais tout pour vous voir heureux, toi, Adrien et Gabriel. Si cela doit passer par votre amour, ça passera par votre amour ! Et puis, je vous ai toujours observés, tu sais. Vous êtes absolument adoraaables, tous les deux !

Le rouge monta aux joues de la jeune femme. Elle sourit.

– C'est bien toi, Émilie, pas de doute !

– Bien sûr. Allez, je crois que quelqu'un d'autre veut te parler.

– Encore ? Qui ça ?

– Oh, tu le connais bien, tu vas voir. Il a beaucoup de choses à te dire, des excuses, en particulier.

– Non... ne me dis pas que c'est...

– Tu peux venir, appela Émilie.

D'un pas hésitant, un homme s'avança.

– Gabriel, compléta Nathalie, à la fois anxieuse et heureuse.

Gabriel avança à sa hauteur. Émilie battit des mains.

– Je vous laisse ! Je crois que vous avez beaucoup de choses à vous dire !

– Au revoir, Émilie, répondirent Nathalie et Gabriel en chœur, avant de s'interrompre, le feu leur montant aux joues.

Émilie les salua d'un clin d'œil avant de disparaître dans le néant.

Nathalie se tourna vers Gabriel, ne sachant quoi dire. Une vive tension était palpable, presque crépitante dans l'air. Ce fut Gabriel qui rompit le silence.

– Nathalie... vous allez bien ?

– Aussi bien que je puisse aller après avoir été trahie par la personne que j'aimais et que j'estimais le plus au monde, rétorqua-t-elle sèchement.

Gabriel pâlit, atteint par la verve de la jeune femme.

– Il est donc trop tard ? Pour que je puisse réparer mes erreurs, redevenir cette personne ?

Nathalie soupira, soudain lasse.

– Je ne sais pas, honnêtement. Cela fait des semaines que vous ne vivez plus que pour la vengeance...

– Mais j'ai changé, Nathalie. J'ai ouvert les yeux, je te le jure. Grâce à Émilie, j'ai compris que... mon objectif était vain. J'ai réalisé l'horreur de ce que j'avais fait. Que mes actes étaient impardonnables. Que je vous avais reléguées, Émilie et toi, au second plan, alors que vous auriez dû être au centre de mes préoccupations. J'ai surtout compris que, en me fixant sur le fantôme d'Émilie, j'en étais devenu un, moi aussi, et que j'étais passé à côté de ce qui se déroulait dans le monde actuel. Que j'avais fermé les yeux sur l'amitié, le bonheur et l'amour.  Sur tout ce qui aurait pu faire de moi le plus heureux des hommes... J'ai réalisé que... que j'avais détruit mon humanité, en me comportant comme un robot sans état d'âme...Que je t'avais détruite, et qu'en faisant cela, j'avais détruit ma seule possibilité d'avoir un avenir radieux à tes côtés, que je...

– Gabriel, l'interrompit doucement Nathalie, vouloir construire l'avenir sans affronter les erreurs du passé est comme vouloir construire un mur sans briques et sans mortier. Tu as fait des erreurs, et alors ? Si tu le veux, je t'aiderais à les combattre. Et nous affronterons le futur ensemble. Et si il est obscur, nous le réécrirons.

– Nathalie... c'est vraiment ce que tu veux ?

– Ce que je veux, et toi aussi, lui assura-t-elle en lui prenant la main.

Mais celle-ci s'évapora dès qu'elle la saisit, avant de se reformer, laissant Nathalie stupéfaite.

– Nous sommes dans un rêve, lui rappela Gabriel. On ne peut pas se toucher.

– Oh... murmura Nathalie, déçue. C'est dommage.

– Oui. J'aurais voulu... enfin... tu comprends... 

Nathalie rougit.

– Oh, attendez un peu ! s'exclama une voix joyeuse. Je suis sûre qu'on peut faire une exception !

Émilie leur sourit en réapparaissant. Elle claqua des doigts, avant de déclarer :

– Je vous laisse, maintenant ! On se reverra bientôt, je vous le promets.

Elle disparut dans un nouveau claquement de doigts.

Nathalie se tourna vers Gabriel et lui prit la main. Celle-ci ne s'effaça pas.

L'espace-temps s'était figé, le temps d'un baiser.  

Émilie sourit tendrement en les voyant tous deux ainsi réunis. L'aube pointait, elle allait devoir retrouver le sommeil.

Mais sa mission était accomplie. Marinette et Adrien étaient ensemble, de même que Gabriel et Nathalie.

Et, même si tout cela s'était déroulé dans un rêve, leurs souvenirs seraient intacts au réveil. Leurs conversations, leurs révélations, leurs actes.

 Le baiser de Gabriel et Nathalie enflammerait encore leurs lèvres.

Yes, it was just a dream.

Mais les rêves ne sont-ils pas une part de notre vie ?

************************

4777 mots.

Qui s'est éclaté à trouver des surnoms à Nathalie et Annie ? C'est moiiii ! (Vous ne pouvez pas me voir, mais je suis en train de me pointer du doigt !)

Chers amis Wattpadiens, applaudissez-moi. J'ai fait deux phrases en anglais sans utiliser Google Trad. Ça tient du miracle !!!!!! (Non mais sérieusement, c'était quoi mon délire de mettre de l'anglais dans mon OS ???)

Enfin bon, deux semaines que je galère sur cet OS, un an que j'ai envie de l'écrire. Et c'est vraiment maintenant que je me dis : Ouiiiiii, mais bon... t'aurais pu inclure Félix et son père aussi... ils sont concernés par tout le délire Agresto-Sentimonstro, hein...

Oui, bah flemme, point. On discute pas, l'inspi. Tu l'auras, ton OS dramatique sur Félix, mais pas maintenant. Laisse-moi dormir.

Bref.

Qu'est-ce que vous en avez pensé ?

Renars


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top