Adieux

Nathalie tapota son livre du bout des doigts. Il n'y avait qu'un seul mot pour définir ce qu'elle ressentait en ce moment.

Ennui.

Depuis le départ de Duusu, sa convalescence prolongée, elle s'ennuyait. Profondément.

Elle avait lu tout ses livres, avait réalisé tout son travail. Les visites de Gabriel s'étaient faites de plus en rares. Et elle ne parlait même pas de celles d'Adrien.

Après maintes et maintes hésitations, elle se décida à allumer la télévision. Elle avait bien peur de ce qu'elle allait y voir, mais la tentation l'en emporta. Elle s'assit sur une chaise en face de son lit et alluma l'écran. La voix de Nadja Chamack emplit la pièce.

- Aujourd'hui encore, Ladybug et Chat Noir ont fait preuve d'un grand courage, en sauvant une petite fille des griffes du Papillon. L'enfant venait tout juste de perdre sa mère, et le Papillon s'était servi de ses émotions douloureuses pour l'akumatiser.

Le sang de Nathalie se glaça dans ses veines lorsqu'elle entendit les nouvelles.

- Papillon n'est qu'un lâche ! s'exclama Ladybug. S'en prendre à une petite fille ravagée par le deuil montre bien à quel type d'ennemi nous avons affaire !

Derrière elle, la petite fille, âgée tout au plus de sept ans, éclata en sanglots.

- Veux ma maman ! cria-t-elle à travers ses larmes. Le monsieur avait promis que je pourrais la ramener ! 

Alors que Ladybug et Chat Noir se précipitait pour la consoler, Nadja reprit la parole :

- Cette nouvelle akumatisation montre bien que Papillon est un homme égoïste, près à tout pour parvenir à ses fins. Personne ne saura jamais qui il était avant...

Nathalie coupa la télévision. De grandes larmes baignaient ses joues et elle ne faisait aucun effort pour les arrêter.

C'était fini. Il ne restait plus rien de celui qu'elle avait autrefois aimé. Nadja Chamack avait raison. Gabriel avait disparu, enfoui sous la folie du Papillon. Il avait démontré l'étendue de ses pouvoirs, aujourd'hui, en akumatisant la fillette ravagée par la perte de sa mère, la veille, un bébé d'à peine un mois, l'avant-veille, une centenaire qui désespérait de la vie.

Il avait abusé du désespoir des gens, certes, pendant longtemps. Mais cette petite fille akumatisée par le deuil était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Cette enfant aurait très bien pu être Adrien ! Mais à quoi avait-il donc pensé ?

Nathalie inspira profondément, chassant ses larmes d'un revers de main.

C'était fini. Elle ne voulait plus aider ce qu'était devenu Gabriel. Elle ne voulait plus aider l'homme qui détruisait Paris, la vie de deux adolescents, celle, infiniment précieuse, de son propre fils.

Elle ferma les yeux, cherchant dans sa tête, la meilleure solution.

Quand elle les rouvrit, elle savait ce qu'elle devait faire. 

Elle ne voulait plus rester dans la maison qui lui rappelait tant de mauvais souvenirs. Et, pour remédier à cela, il n'y avait qu'une solution.

Partir.

**********

Il pleuvait à verse, lorsque Nathalie passa la lourde porte du Manoir, sa valise à la main. 

En regardant le portail, l'étendue parisienne qui se trouvait derrière elle, elle fut prise d'un doute. Était-ce vraiment la meilleure chose à faire ?

Elle secoua la tête. Sa décision était prise, elle devait l'appliquer avant d'éprouver des regrets.

Sous la pluie battante, elle avança d'un pas, d'un deuxième. 

Elle n'avait même pas laissé de mot à Gabriel pour lui expliquer son geste. Elle avait juste fait promettre à Adrien de ne le lui dire que quelques heures après son départ. Le jeune garçon avait acquiescé, ses grands yeux verts embués par les larmes et l'avait regardée s'éloigner, sans pouvoir empêcher les perles de couler. 

Elle était sûre, à présent. Elle voulait juste fuir, loin, le plus loin.

Au moment où elle allait fermer la porte, une voix s'éleva derrière elle. 

- Où allez-vous, Nathalie ?

Elle se retourna. C'était Gabriel.

Rassemblant tout son courage, elle inspira, et le regarda droit dans les yeux.

- Je pars.

L'aveu frappa Gabriel comme un coup de poing. Il pâlit et balbutia :

- Vous partez ? Mais... pourquoi ?

Était-il aveugle ?

- Parce que Papillon me fait trop peur. Parce que je ne peux plus justifier ses actions comme je le faisais autrefois. Parce que je ne veux plus les justifier. Aujourd'hui, Papillon a akumatisé une petite fille qui aurait très bien pu être Adrien. Parce que j'ai beaucoup d'affection pour votre fils, je ne veux plus soutenir les actions qui le font tant souffrir. Parce que je vous aime, et, comme je sais que ce ne sera jamais réciproque, et comme je sais que cet endroit me marquera des mauvais souvenirs, je préfère partir. 

Gabriel, affolé, lui prit la main et tenta de la convaincre.

- Non, je vous en supplie, Nathalie, ne partez pas ! Vous ne pouvez pas imaginer combien j'ai besoin de vous !

Elle se dégagea. Gentiment, mais fermement.

- Inutile d'essayer de me retenir. On ne retient pas l'étoile filante...

Après un silence, elle reprit :

- J'aurais aimé, moi aussi, que ça se termine autrement. Mais on ne peut pas influencer le destin. Je savais depuis le premier jour que je n'étais pas à ma place à vos côtés, tout comme j'ai su dès le premier jour que je serais prête à tout pour vous. Je savais, qu'un jour ou l'autre, il me faudrait partir. Sachez juste que... je ne cesserais jamais de vous aimer. Quoi qu'il arrive. Adieu, Gabriel. 

Sur ces dernières paroles, elle s'éloigna, sous le regard peiné de Gabriel, qui la tourmentait plus que l'averse orageuse sous laquelle elle marchait.

Un cri fit soudain se retourner Gabriel.

- Que faites-vous, père ? Ouvrez les yeux, elle n'attendait que deux mots de vous pour rester ! 

Gabriel elle se retourna. C'était Adrien.

- Mais... elle avait pris sa décision... Que voulais-tu que je fasse ?

Adrien le fusilla du regard.

- On s'en fiche, de ce que je veux que vous fassiez, père ! Qu'est Nathalie pour vous ? Une assistante ou plus qu'une assistante ? C'est le moment où jamais d'être au clair avec vous-même ! C'est simple ! Vous voulez qu'elle parte, ou vous voulez qu'elle reste ?

Il n'en fallut pas plus à Gabriel pour se décider. Il se lança à la poursuite de Nathalie, sous la pluie orageuse.

- Nathalie ! Reste ! 

Il sortit son téléphone pour l'appeler, mais l'orage coupait tout réseau. Il poussa un cri de détresse  et accéléra. Il la vit, enfin, tourner au coin d'une rue.

- Il faut que tu restes !

Soudain, une flaque d'eau et de boue le fit trébucher, et il s'étala de tout son long par terre, son beau costume blanc se tachant de brun et de noir. Il leva la tête, pour voir Nathalie disparaître.

- Nathalie... je... je t'aime...

Il se releva péniblement. C'était trop tard. Il n'avait pas su l'empêcher de partir. Il s'appuya sur un mur, en proie au désespoir. Il se mit à pleurer ; ses larmes ruisselèrent sur ses joues, se mêlèrent à la pluie.

*********

Nathalie s'arrêta devant une imposante bâtisse de pierre. En soupirant, elle poussa le portail, puis la lourde porte de bois.

Et elle se retrouva chez elle.

Rien n'avait changé.
Les couloirs étaient toujours aussi austères, les tableaux, toujours aussi inquiétants, l'impression d'être surveillée, toujours la même. Ce qui était, d'ailleurs, souvent le cas...

Elle porta sa valise dans sa chambre d'enfant. Étonnement, elle était la seule qui paraissait avoir changé. C'était peut-être dû au temps qui s'était écoulé, entre le jour où elle avait claqué la porte de la maison familiale, et aujourd'hui...

Par la fenêtre, elle aperçut son jardin secret, envahi par les hautes herbes.

La petite balançoire, qui se balançait au gré du vent, accrochée à la branche du laurier.

Les multiples arbres, dont les branchages s'étendaient à n'en plus finir, faute de soins.

Le petit puits à la margelle de pierre, sans doute asséché.

Elle défit sa valise, mit une tenue dans laquelle elle se sentait mieux : chandail bleu pâle et pantalon blanc. Elle attacha ses cheveux en queue de cheval, et posa sur sa table de nuit, une photographie la représentant, elle, avec Gabriel et Adrien.

Au moment de s'endormir, Nathalie fixa la photographie. Son départ lui paraissait si loin...

Une larme lui échappa lorsqu'elle ferma les paupières, et, pour la première fois depuis qu'elle avait quitté le manoir, Nathalie se demanda si elle avait pris la bonne décision.

*********

- Pourquoi Nathalie est-elle partie, père ? Elle n'a pas voulu me le dire...

- Tu... étais au courant ?

Adrien battit des paupières, attristé.

- Une heure avant son départ, elle est venue me voir en me disant qu'elle démissionnait. Je lui ai demandé pourquoi, mais elle m'a juste dit que son travail lui faisait trop peur, à présent. J'ai trouvé ça étrange, après tout, Nathalie est la personne la plus responsable et la plus travailleuse que je connaisse... Je lui ai dit que je ne voulais pas qu'elle parte, que je tenais trop à elle pour cela, que vous, plus encore. Mais elle m'a gentiment serré dans ses bras, en disant que je pouvais parfaitement me passer d'elle, et que vous, aviez besoin de ma mère, pour être heureux, et non pas d'elle.

- Et tu ne m'as pas prévenu ? s'indigna Gabriel.

- Elle m'avait demandé de ne vous alerter que quelques heures après son départ...

Gabriel sentit ses épaules s'affaisser.

- Oh, Adrien, que vais-je devenir sans elle ? J'ai déjà perdu ta mère, je ne veux pas perdre Nathalie non plus !

- Je sais. Par contre, je ne sais toujours pas pourquoi elle nous a quittés. Vous n'avez toujours pas répondu à ma question...

Gabriel soupira.

- Elle est partie à cause de moi. À cause d'une erreur que j'ai faite. Des mille erreurs que j'ai faites, et que je ne peux pas réparer. Elle est partie parce qu'il ne reste en moi, plus rien de l'homme qu'elle aimait et admirait. Parce que je suis devenu un monstre, et que je l'ai blessée dans ma folie.

- Quel genre d'erreurs ?

- Une erreur qui lui a coûté la santé.

- Ça ne répond pas à ma question...

Gabriel soupira une nouvelle fois.

- Si je te le dis, pense-tu pouvoir me pardonner ?

- Ça dépend de ce que c'est...

Gabriel prit la main de son fils, qui le dévisageait avec inquiétude.

- Je pense qu'il vaut mieux que tu t'asseyes.

Adrien opina timidement et s'assit en face de son père.

**********

Une demi-heure plus tard, il se leva, la tête emplie de pensées qui volaient en tous sens.

"Les Miraculous... Maman... le Miraculous du Paon endommagé... ma création... Félix... jumeaux... ... la mort de maman... le désespoir de Père... son souhait... Nathalie... le sacrifice... l'obstination de mon père... qui n'est pas mon père... sa folie... Plagg... Père, mon ennemi de toujours... Nathalie... amoureuse de lui... Mayura... erreur de trop..."

Puis, toutes ses pensées se réunirent pour former une seule et même phrase :

"Je suis un Sentimonstre."

Suivie de :

"Je ne suis pas réel. Je ne suis qu'une création, modelée de toutes pièces par la volonté d'un pouvoir qui me dépasse. Ma vie peut m'être reprise d'un instant à l'autre, il suffit que Père claque des doigts pour que je devienne un souvenir..."

C'en était trop pour lui. Il courut dans sa chambre, en larmes,  et s'y enferma à double tour.

Gabriel l'y suivit, et toqua désespérément à la porte.

- Adrien ? Adrien ?

- Laissez-moi tranquille, père, si je peux encore vous appeler ainsi...

- Bien sûr, que tu le peux. Même si tu n'es pas réellement mon fils, tu es celui qui t'as élevé, qui t'as aimé...

- Et celui qui m'a menti ! coupa Adrien d'une voix dure.

- Je ne voulais pas te mentir ! répondit Gabriel d'une voix désespérée. Je n'avais pas le choix, il me fallait ramener ta mère, ne serait-ce que pour te voir heureux !

- J'aurais très bien pu être heureux avec Nathalie pour mère ! s'exclama Adrien.

- Je sais. Et je m'en veux de ne pas t'avoir écouté, surtout maintenant que j'ai compris mes véritables sentiments pour elle...

- Je suis heureux de constater que vous avez ouvert les yeux, rétorqua sèchement Adrien. Et maintenant, vous allez me forcer à vous ouvrir, je suppose ?

- Même si je le voulais, je ne le pourrais pas. Ce n'est pas moi qui ai ton amok. C'est Nathalie.

Pas de réponse.

- Adrien, je t'en supplie, pardonne-moi, pardonne-nous ! Je sais que je n'aurais pas dû devenir le Papillon, j'étais perdu, désespéré, brisé. J'ai besoin de toi, tu le sais bien, tu es ce que j'ai de plus précieux !

Adrien entrouvrit prudemment la porte.

- Je sais que je ne mérite plus le nom de "père", reprit Gabriel. Mais j'ai besoin de ton pardon, ne serait-ce que pour continuer à vivre ! Tu sais comme je t'aime, je ne voulais que ton bonheur ! Je m'y suis mal pris, je le sais, mais par pitié, pardonne-moi...

Adrien ouvrit pour de bon la porte.

- C'est bon, père. Tout va bien. Je crois que vous pardonner fait partie des choses que je peux faire...

- Vraiment ?

- Oui... Je vous pardonne, à condition que vous mettiez un terme au règne du Papillon.

- Je te le promets.

Gabriel s'approcha de son fils, et le prit dans ses bras. Le jeune mannequin, d'abord surpris, n'hésita qu'une demi-seconde avant de lui rendre son étreinte. Les deux Agreste restèrent longtemps ainsi, rattrapant le temps perdu.

Une minute plus tard, ils se séparèrent, chacun sentant battre dans son cœur la promesse du nouveau départ.

Puis, une ombre passa sur le visage d'Adrien.

Comment allons-nous retrouver Nathalie ?

Les yeux de Gabriel prirent une teinte étrange.

- Adrien, j'y ai réfléchi... Elle a décidé de partir. J'en suis désolé... mais je dois respecter son choix...

- Quoi ? Mais, père...

- Adrien, moi aussi, j'aimerais qu'elle revienne, coupa doucement son père. Mais j'ai décidé à sa place trop de fois pour recommencer aujourd'hui. Nathalie a décidé d'écouter sa raison. Et celle-ci lui a dit de partir. Il n'y a plus rien à faire.

- Père...

- Je suis désolée, Adrien. Je ne peux pas. Je l'ai brisée. Je n'ai pas le droit d'exiger d'elle qu'elle revienne, de m'interposer encore et encore dans sa vie.

- Je...

- S'il te plaît, laisse-moi. J'ai.. j'ai besoin d'être un peu seul.

- Bien sûr, père. N'hésitez pas à venir me voir, si vous changez d'avis.

- Cela n'arrivera pas.

Gabriel quitta à regrets son fils, et s'enferma dans sa propre chambre, les pensées noires volant en tous sens, se mêlant aux pensées douloureuses.

**********

- Debout, Plagg ! On a du travail !

- Ne me dis pas que tu veux désobéir à ton père ! s'étouffa le Kwami.

- Je n'ai pas le choix. Nathalie est le ciment de notre maison. Sans elle, tout va s'effondrer, je le sens.

- Je sais, répondit Plagg. j'ai vu à quel point cette femme comptait pour toi, pour ton père. Je suis d'accord avec toi, il faut la retrouver et la convaincre de revenir vivre avec vous !

- Merci, Plagg. Transforme-moi !

Le petit Kwami s'envola dans la chevalière d'Adrien, qui, une seconde plus tard, laissa place à Chat Noir. Celui-ci sauta sur le rebord de la fenêtre, et appela Ladybug.

- Miaou, ma Lady ! Écoute-moi, j'ai un petit service à te demander...

***********

Deux heures, et beaucoup d'explications plus tard...

 - C'est d'accord, chaton. Ou Adrien, comme tu préfères. Je chercherais sur la rive droite, toi, sur la gauche, ça te va ?

 - Oui. Merci, Ladybug.

- Je prends beaucoup de plaisir à aider celui que j'aime, déclara-t-elle en déposant un baiser sur la joue de Chat Noir. Quand je pense, que, pendant tout ce temps...

 - Ce n'est pas le plus important, ma Lady. Je t'aime, je t'ai toujours aimé, et je t'aimerais toujours. Nos identités n'y changeront rien. Ne nous concentrons plus sur le passé. Regardons vers le futur.

 - Tu as raison. Comme souvent. 

 - Comme toujours, tu veux dire ! fit-il mine de s'indigner.

- Peut-être. Bon, tu veux retrouver la secrétaire de ton père, ou pas ?

- Oui. Tu n'imagines pas à quel point nous avons besoin d'elle. 

- Je crois que si, je le sais... soupira-t-elle avant de s'élancer.

***********

Un mois s'écoula. 

Un mois, brodé de pleurs et de déchirement.

Un mois, où Gabriel n'avait pas mis un pied en dehors de sa chambre.

Un mois, où il avait de refuser de s'alimenter, picorant une fois par jour une bouchée de pain.

Un mois, où, chez Adrien, l'espoir avait laissé place au désespoir.

Un mois, où tous avaient renoncé à retrouver Nathalie.

Elle était comme volatilisée. 

 Et son départ avait eu pour conséquences l'effondrement de la famille Agreste.

Adrien, désespéré, trouvait un peu de réconfort auprès de Ladybug. Pas assez, malheureusement, pour lui faire oublier sa seconde mère.

Le plus souvent, il restait dans sa chambre, en écoutant les chansons les plus tristes de son répertoire, dans le même état mental que lorsqu'il avait renoncé à son Miraculous. 

Gabriel, lui, ne parlait plus. Il restait alité, refusant de voir quiconque, pas même son propre fils. Il sanglotait, en regardant des photos de Nathalie, Adrien et lui, en feuilletant les livres préférés de la jeune femme, en contemplant les modèles de robes qu'il avait autrefois dessinés pour elle.

Il ne mangeait plus, à peine, autant que ne l'aurait fait un oisillon tout juste né. Il dormait, d'un sommeil lourd, agité par les cauchemars.

Adrien, lorsqu'il toquait à la porte, se faisait demander de partir. 

En un mot, Gabriel était... brisé.

Blessé, comme l'était son âme.

Déchiré, comme l'était son esprit.

Perdu, comme l'était sa raison.

Le garde du corps, apitoyé, faisait tout pour remonter le moral du fils du styliste, tout en écrasant une larme, car l'absence de son amie lui pesait, à lui aussi, bien qu'il ne le montre pas...

L'entreprise Agreste s'écroulait. Les rares croquis de Gabriel étaient loin d'être aussi magnifiques que ceux qu'il avait pu faire avant. Bob Roth, ennuyé, avait fini par abandonner la marque Gabriel, pour travailler dans la principale rivale, qui lui offrait un bon prix.

Tout s'écroulait. Toute son œuvre. Toute sa famille. Toute sa vie.

"Et c'est ma faute, ma faute, ma faute..." songeait Gabriel à travers ses larmes.

***********

Nathalie sursauta en entendant les informations.

"L'entreprise Agreste vient de perdre son principal sponsor, Bob Roth. On dit que Gabriel Agreste serait en phase de dépression, suite au départ de son assistante. À présent, la marque Gabriel perd de son ampleur. Finira-t-elle par s'effondrer complètement ? Notre envoyée..."

Nathalie coupa la télévision. 

Encore une fois, de grandes larmes inondaient ses joues, et, encore une fois, elle ne faisait rien pour les arrêter.

Elle se sentait perdue. Vide. 

"Ai-je bien fait de partir ?"

Malgré la décision qu'elle avait si bravement prise, son assurance du moment, elle n'était plus sûre d'elle. 

"Si Gabriel est en dépression à cause de moi, je ne me le pardonnerais jamais !"

Elle l'aimait toujours, elle le savait, elle le sentait. Son cœur battrait toujours pour l'homme pour lequel elle avait tout sacrifié.

Elle décida de sortir. Respirer l'aiderait sûrement à réfléchir. Son cœur balançait à présent entre deux voies : rester chez elle, ou retourner là-bas.

Et elle ne savait pas quoi faire.

Elle avança de quelques pas, sans se douter qu'elle était observée.

Observée par une fille, aux cheveux bleutés coupés court, aux yeux marrons, et au visage parsemé de taches de rousseur.

Celle-ci sortit son téléphone et appela aussitôt quelqu'un.

*********

- QUOI ? Tu en es sûre ?

- Sûre et certaine. Je suis sûre que c'était l'assistante de ton père. Une jeune femme, aux cheveux noirs, avec une mèche rouge sur le côté, qui se déplace à l'aide d'un exosquelette ? Il n'y en a pas deux dans tout Paris, Adrien.

Celui-ci se redressa aussitôt.

- Kagami, tu es géniale !!! Merci, merci, mille fois ! 

- Je suis heureuse pour toi, Adrien. Ta joie me réchauffe comme si elle était la mienne.

- Je sais. Tu as bon cœur. J'espère que tu me pardonneras de t'avoir blessée. Ce n'était pas mon intention...

- J'en suis consciente. Je devine que tu as un secret, et que tu n'es pas prêt à me le dire. Mais quand tu auras besoin de parler, je serais là, ne l'oublie pas.

- Promis, Kagami. C'est promis.

*********

Chat Noir bondit sur un toit, à la recherche de Nathalie. Kagami avait dit l'avoir vue près de là où il était...

 Son cœur rata un battement, lorsqu'il aperçut enfin une silhouette qui se déplaçait avec peine.

Oui ! C'était elle ! Enfin, après un mois et demi de recherches, il la retrouvait ! 

Il sauta devant elle. Surprise, elle eut un mouvement de recul.

- Chat Noir ? Que veux-tu ?

- Vous parler. 

Il l'entraîna à l'écart, dans un petit parc, que les promeneurs avaient déserté.

- Nathalie ! C'est moi ! Adrien !

Les yeux bleus de la jeune femme s'écarquillèrent.

- Adrien ? Non... impossible ? Pourquoi me mentir ?

- Je ne vous mens pas ! Détransformation ! lança-t-il aussitôt.

Et Adrien réapparut, sous les yeux stupéfaits de Nathalie.

- Alors c'est vraiment vous... je n'y aurais jamais cru...

- Peu importe !

La voix d'Adrien s'était faite désespérée.

- Il faut que vous rentriez, je vous en conjure ! Sans vous, tout s'effondre !

- Je suis partie pour une bonne raison, Adrien...

- Je sais. Père m'a expliqué. Et il m'a demandé de vous transmettre ses excuses.

- Alors vous savez. Qui nous sommes, ce que vous êtes, ce que nous avons fait...

- Oui, et je m'en moque !

Le mannequin prit la main de Nathalie.

- Je vous en prie, Nathalie, revenez ! Nous n'y arriverons pas sans vous, vous êtes comme ma mère, et, pour mon père, vous comptez plus que tout ! Il vous aime, et il est en train de dépérir par la faute de votre absence !

- Comment cela ?

- Il s'est enfermé dans sa chambre ! Il n'en sort plus et refuse de se nourrir. J'ai peur...

La voix d'Adrien se brisa.

- J'ai peur qu'il n'en meure... murmura-t-il.

Aussitôt, Nathalie se redressa.

- Pourquoi ne me l'avez-vous pas dit plus tôt ? s'indigna-t-elle. Il faut que je rentre, tout de suite !

- Merci de m'avoir écouté...

- Merci à toi d'être venu me chercher. Si tu n'avais pas été là, je serais passée à côté de ce qui est le plus important : la voie du cœur. Ma raison m'avait dit de partir. Mais mon cœur me dit de revenir.

**********

Nathalie toqua à la porte de la chambre de Gabriel, anxieuse.

- Allez-vous en ! cria une voix forte.

- Je pense que vous aurez envie de voir la personne qui se tient derrière cette porte, père ! déclara Adrien.

Il y eut un silence. Des pas retentirent. Puis, la porte s'ouvrit, laissant place à Gabriel.

Nathalie étouffa un cri. Des cernes immenses barraient les yeux fatigués et mouillés de Gabriel. Terriblement pâle, les traits émaciés, il semblait avoir perdu tout désir de vivre.

- Gabriel ! s'écria-t-elle.

Le visage de Gabriel s'illumina d'un sourire incrédule, et les nuages qu'Adrien avaient cru voir apparaître pour toujours, disparurent de son regard noir.

- Nathalie !

La jeune femme se jeta dans ses bras, tandis qu'Adrien s'éclipsait sur la pointe des pieds.

- Tu es revenue, tu es revenue... murmurait Gabriel en boucle, la serrant dans ses bras, au comble du soulagement.

- Je suis désolée, je n'aurais jamais dû partir comme ça, vous abandonner...

- Je n'aurais pas pu t'en empêcher, de toute façon... Nathalie... ma Nathalie... as-tu seulement idée de combien j'ai désespéré de ne plus te revoir ?

- J'en ai une  petite idée, répondit-elle gentiment. Mais je n'aurais jamais dû partir sans même vous prévenir...

 - Non. Tu avais raison. J'étais devenu fou, et rester auprès de moi te faisait mal. C'était le choix le plus raisonnable. Mais ton départ m'a fait réaliser combien je tenais à toi, que vivre sans toi à mes côtés m'était impossible. Je suis heureux que tu aie finalement décidé d'écouter ton cœur au lieu de ta raison...

- Et moi donc... murmura la jeune femme. Partir a été la chose la plus difficile que j'aie jamais eu à faire. Et les regrets  se sont presque aussitôt invités en moi, ma conscience me hurlait désespérément qu'il fallait que je rentre, que vous aviez besoin de moi, que moi, j'avais besoin de vous... J'avais le cœur en duel, et je sais que je n'aurais pu tenir très longtemps si j'avais étouffé mes sentiments comme je le faisais autrefois...

Nathalie se tut, consciente qu'il n'y avait plus rien à dire. Leurs cœurs parlaient pour eux.

Et quand ils leur dirent de s'embrasser, ni l'un, ni l'autre ne se fit prier.

***********

4015 mots !

Ouf, enfin terminé ! Ça fait deux semaines que je suis sur cet OS... deux semaines que j'en avais pas publié...

Oui, le discours de Gabriel pendant la course poursuite de Nathalie, c'est le même que celui de Marinette dans le  spécial New York. Ce passage me fait toujours pleurer comme une gamine, alors j'ai décidé de faire le même en version Papyura. ( Ce que j'aime faire ? Le regarder dans d'autres langues, pour voir les touches dramatiques qui sont ajoutées... Oui, je suis folle...)

La fin, je l'avoue, c'est de l'impro. En fait, tout est de l'impro, à partir du moment où Chat Noir appelle Ladybug...

J'aime bien l'incruste de Kagami, je voulais en faire une depuis longtemps, pour qu'elle puisse se rabibocher avec Adrien. Le prochain OS, c'est Chloé qui aura un joli rôle...

Bref.

Qu'est-ce que vous en avez pensé ?

Renars

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