"Un faux baiser"
OS de Mars - Les Arts - par _mllexmalik_
Harry Styles.
Je flippe. Je flippe vraiment. Je transpire comme un bœuf tellement j'ai peur. La maquilleuse me poudre encore et encore le visage pour ne pas que je brille. Sauf que je brille tellement qu'on pourrait me confondre avec un pot de lubrifiant. Elle s'énerve et m'indique de revenir quand je suerai moins de la gueule.
Je passe donc à la phase habillage. On m'ajuste mon costume, on fait les derniers arrangements sur des petits détails. La lavallière autour de mon cou me gratte atrocement. On vérifie que les épaulettes ne bougent pas, que les boutons de manchettes ne vont pas se découdre, que la plume de mon chapeau reste bien en place, que les talonnettes de mes chaussures sont en bon état.D'ailleurs quel idée de me coller des talonnettes, je fais 1m80 au moins.
On vérifie aussi que je ne porte pas de vert, parce qu'au théâtre la couleur verte porte malheur. Molière est mort sur scène dans un costume vert pendant Le Malade Imaginaire, alors vous comprenez, c'est une question de respect. Et aussi parce qu'on ne veut pas prendre le risque de mourir. Même si personnellement je suis sur la bonne voie.
Le théâtre a toujours été un art qui me passionne, j'ai toujours pris du plaisir à me mettre dans la peau d'un personnage, émouvoir les gens aux larmes ou les faire rire. Mais la j'ai une angoisse monstre.
Pourquoi putain ? Pourquoi avoir voulu réécrire "Roméo et Juliette" version gay ?! Puis ensuite me foutre en personnage principal, qui plus est, est Juliette -qui s'appellera Julien du coup- et pour finaliser le tout, mettre Louis dans le rôle de Roméo.
Louis Tomlinson ! Soit le mec le plus sexy de la troupe, alias : mon putain de fantasme ! Il a bien insisté pendant les répétitions, qu'il fallait qu'on s'embrasse pour de faux. J'ai accepté -à contre coeur évidemment- de faire abstraction du baiser et donc de ne pas lui rouler une grosse pelle. À contre coeur je le répète.
Le problème est donc le suivant : on a jamais répété les scènes où on devait s'embrasser. Jamais. Et la représentation est dans quelques minutes. Comment je fais pour faire semblant d'embrasser quelqu'un ?
Je lui claque la bise ?
Je lui serre la main en tant qu'adulte responsable ?
Je lui fais un poutou sur la joue ?
Je l'embrasse réellement et je me barre en courant, abandonnant ma dignité et mon amour propre sur scène ?
Je suis perdu et apeuré. Plus apeuré que perdu d'ailleurs. J'ai envie d'insulter Shakespeare de tous les noms pour avoir inventé cette pièce, mais mon respect pour lui est beaucoup trop profond.
Je retourne à la phase "allez-y poudrez moi la gueule", puis je m'installe sur mon fauteuil en essayant de me relaxer pour ne me trop transpirer.
La prof passe dans les coulisses et informe les premiers comédiens qu'ils peuvent aller s'installer sur scène avant l'ouverture du rideau.
Louis me regarde du coin de l'œil. Quand il voit que je le voit il m'adresse un grand sourire et me mime un « merde » avec ses lèvres. Évidemment je ne lui dit pas merci, ça porte malheur. Oui ça aussi. Alors je lui dit « merde » en retour et j'inspire un grand coup en espérant qu'une idée lumineuse me vienne en tête pour me sauver de la.
Je parle avec Zayn pour penser à autre chose jusqu'à ce qu'on vienne nous chercher pour nous installer sur les côtés de la scène.
La pièce commence sous les applaudissements du public. Les actes, les scènes, les minutes passent beaucoup trop vite à mon goût. Je n'ai aucune envie d'aller jouer, et c'est bien la première fois.
Je ferme les yeux et prend pour la millième fois une grande inspiration. C'est le moment d'entrer sur scène.
Je me sens un peu plus confiant grâce au public. Je n'oublie pas mon texte, j'articule comme il faut, le ton est bien marqué en fonction de mes répliques, la gestuelle est parfaite, on dirait presque un professionnel.
Mais quand je me retrouve fasse à deux billes bleues, qui sont en réalité les yeux de Louis, je deviens tout moite. J'ai trouvé la solution, j'ai juste à enlever mon chapeau, le mettre devant nos visages le temps du fameux poutou et le remettre après. Je suis détendu.
Je sors, je rentre, je re sors, tout se passe à la perfection et les spectateurs apprécient ce qui se déroule sous leurs yeux. Les scènes se succèdent dans un rythme parfaitement maîtrisé.
Puis vient le moment fatidique. Louis me prend la main. Il récite son texte avec un grand sourire. Il ne reste plus que deux répliques et on doit "s'embrasser".
-Oh ! Alors, cher saint, que les lèvres fassent ce que font les mains. Elles te prient ; exauce-les, de peur que leur foi ne se change en désespoir.
-Les saints restent immobiles, tout en exauçant les prières. Je dis tandis qu'il se rapproche de moi.
-Restez donc immobile, tandis que je recueillerai l'effet de ma prière. Je n'ai pas encore enlevé mon chapeau que ses lèvres se posent délicatement sur les miennes. Je me fige sur place et je n'ai même pas le temps de réagir qu'il s'éloigne. Vos lèvres ont effacé le péché des miennes. Dit-il dans un murmure.
-Mes lèvres ont gardé pour elles le péché qu'elles ont pris des vôtres. Je réponds sur le même ton, toujours choqué de ce qu'il vient de se passer.
-Vous avez pris le péché de mes lèvres ? Ô reproche charmant ! Dit-il avec un sourire en coin. Alors rendez-moi mon péché.
Et ses lèvres retrouvent encore une fois les miennes. Cette fois si je réussi à réagir. Ça dure quelques secondes. Quelques formidables secondes.
-Vous avez l'art des baisers. Je dis, complètement déboussolé et heureux à la fois.
-Monsieur, votre mère voudrait vous dire un mot. La voix de Rose, celle qui joue le rôle de la nourrice, me fait sursauter et retourner à la réalité. Je continue alors de jouer et lâche la main de Louis.
•••
La pièce prend fin et toute la troupe salue le public qui applaudit plus fort que jamais. Ils ont apprécié cette version "Roméo et Julien". Je suis heureux et fier de ce que nous avons fait. Le rideau se ferme et on se dirige vers les coulisses.
Je m'apprête et enlever mon lourd costume quand une main m'agrippe Le bras et me tire vers les toilettes. C'est Louis.
Il ferme la porte et me plaque contre le mur avant de s'attaquer à mes lèvres. Je lui rend automatiquement son baiser. On s'embrasse avec puissance. C'est beaucoup moins doux et soutenu que sur scène, mais c'est encore mieux. Je remercie finalement Shakespeare d'avoir écrit cette magnifique pièce.
Il met fin à ce moment magique et me regarde dans les yeux en souriant.
-C'est toi qui a l'art des baisers Harry. Maintenant montre moi si tu as aussi l'art de baiser.
FIN.
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