Elle entra dans l'appartement discrètement. La musique lui faisait tourner la tête, l'odeur d'alcool et de tabac une peu aussi.
Elle marchait entre les gens qui titubaient, se glissait entre les corps en sueur.

Elle aimait cette ambiance.

Elle prit un verre, se versa un mélange qu'elle n'identifiait pas dedans et l'avala d'une traite.
Pas mauvais.

Elle sourit en entendant du Rub A Dub et commença à se déhancher. Elle était comme seule au monde.
Elle se cognait contre ses amis, les yeux fermés.
Elle dansait.
Elle rouvrit les paupières en sentant une main attraper la sienne. Elle sourit à l'inconnue devant elle.

Elle était belle cette fille avec ses cheveux longs et bouclés, ses yeux foncés et son débardeur blanc.

Elles dansèrent au ralenti sur du Rub A Dub, ne sachant rien l'une de l'autre.
Leurs corps se rapprochaient lentement, leurs bouches aussi.

Lorsque leurs lèvres s'effleurèrent leurs âmes se touchèrent.

C'est beau un baiser qui touche l'âme.

Elles allèrent dans la chambre, elles ne savaient pas comment elles l'avaient trouvée.
Elles s'embrassèrent encore. Elles firent l'amour aussi.
C'était beau, chaotique, éclairant.

Elles se regardaient droit dans les yeux, savouraient chaque éclat de voix, exploraient le corps de l'autre.

Elles parlèrent de leurs vies, comme d'anciennes connaissances. Sans même connaître le prénom de l'autre.
Elles veillèrent jusqu'à l'aube dans cette chambre. La musique s'était tue. Elle alla à la fenêtre, le vent ébouriffant ses cheveux courts tandis que l'inconnue la regardait tendrement.
Il y avait dans l'air une odeur d'apocalypse.
Elle adorait ça.
Elles adoraient ça.

Elles se quittèrent sans un mot, avec un baiser. Un dernier baiser qui touche l'âme. Avec un goût d'inachevé dans la gorge.

Elles auraient pu vivre ensemble, vieillir ensemble, mourir ensemble.

Mais elle regarda la fille s'éloigner dans la pâle lueur du soleil levant.

***

Elle soupira.
Elle était seule. Elle se sentait seule.
Depuis cette fameuse nuit elle n'avait plus jamais eu de baiser qui touche l'âme.
A croire que c'est rare un baiser qui touche l'âme.

Ses mains gelaient dans le vent glacial du mois de janvier.
Elle leva les yeux en sentant une main attraper la sienne.

Elle était belle cette fille avec ses cheveux longs et bouclés, ses yeux foncés et son anorak noir. Elle était un peu usée par la vie mais toujours aussi jolie.

Elle sourit à l'inconnue devant elle.

Pour toute réponse, la fille lui offrit un baiser qui touche l'âme.