Loser - Yoongi
Tu n'es qu'un loser. Un putain de loser.
Ils me l'ont assez dit et répété, mes parents. Je ne les ai jamais crus. Un loser, moi ? Pourquoi ? Parce que j'avais décidé d'arrêter les études ? Parce que ma vie partait en couilles ? Et si j'aimais ça, qu'elle parte en couilles ? Si j'aimais ça, de vivre au jour le jour, sans penser au lendemain, juste profiter de la vie, profiter pleinement, me saouler, faire des conneries, tout casser, foutre le bordel dans cette ville de merde ? C'était être un loser que d'aimer ça ? J'étais un loser parce que je ne suivais pas les règles conventionnelles ? Parce que j'avais quitté la routine de boulot-dodo ? Parce que je ne vivais pas comme eux ?
Non, je n'étais pas un loser. Comment pouvais-je l'être alors que je l'avais, elle ? Cette fille qui était là pour illuminer mes journées, pour me dire que j'en valais la peine, que j'étais quelqu'un de bien, quelqu'un de beau. J'aimais et j'étais aimé. Ouais, j'aimais à la folie. Alors non, je n'étais pas un loser.
Voilà ce que je me répétais jour et nuit, ce que je crachais à mes géniteurs, ce que j'hurlais à la nuit en souriant. En m'en battant les couilles de tout.
Aujourd'hui, j'ai appris à regarder la réalité en face. J'ai chassé la poussière du miroir pour regarder mon véritable reflet. Ouais, un loser. Je suis qu'un putain de loser.
Un misérable, une merde, un moins-que-rien. Ouais, c'est ce que je suis. Ils avaient raison, les profs, mes parents, la société, quand ils me répétaient que je ne valais rien, que je n'étais qu'un parasite.
Un loser. Un putain de loser. Je suis un loser. Et je l'ai toujours été, seulement, je ne m'en rends compte que maintenant.
Je me sens seul, tellement seul, si seul. Il n'y a plus personne pour prendre ma main, pour m'offrir un peu de chaleur, un peu de réconfort, me témoigner un peu d'amour.
Alors, quand la nuit tombe, le soir, je me transforme en prédateur. Je pars à la chasse. A la chasse aux meufs. Jamais les mêmes, toujours différentes, je ne connais pas leurs noms, je ne sais pas qui elles sont. Satisfaire mon besoin d'affection à travers des coups d'un soir, dans les bras de putes, se défouler dans le sexe. Pitoyable ? Ouais, je le suis. Ces filles, je les méprise tellement, et si au début je les attire, à la fin, elles me méprisent aussi, tellement. Une fois, je me suis me suis engueulé avec l'une des filles que j'ai ramené. Méchamment, violemment. Et ça m'a fait du bien, vraiment du bien. Tellement plus que toutes ces parties de jambes en l'air bestiales et vides de sentiments. Quand mes coups d'un soir s'en vont, je me sens misérable, sale, et toujours plus seul. Et pourtant je continue, je ne peux plus m'arrêter. Au moins je suis toujours capable de séduire, au moins ma face est toujours plaisante à regarder. Voilà ce que je me dis. Piètre réconfort, c'est dérisoire, je sais, mais au moins c'est quelque chose. Non, la fois où je me suis engueulé avec cette meuf, où j'ai serré mes mains autour de son coup fin, où j'ai passé mes nerfs sur son existence, je me suis senti mieux après. Beaucoup mieux.
Et ce soir-là, j'ai compris. Si le monde n'est pas capable de m'offrir un tant soit peu d'amour, plutôt que de courir et de mendier après des caresses tel un chien abandonné, je n'avais qu'à le haïr. Ouais, haïr ce monde, l'exécrer, plus que lui m'exécrait. Et le pourrir, comme lui m'a pourri.
Comment j'ai fini comme ça, alors que j'étais heureux, insouciant ? Je ne sais pas, je ne sais plus, un enchaînement d'événements, de circonstances.
Je ne supportais plus de voir mes parents me mépriser pour ce que j'étais, me juger, admirer le fils des voisins qui était en études de droit. Alors j'avais décidé de tout quitter. Ma rébellion, vous voyez le genre. J'avais laissé derrière moi leur quartier de bourge pour me prendre un studio dans la banlieue, j'avais dit fuck à tous ces fils à papa et je m'étais tiré.
Au début tout allait bien, vous savez. Un petit appartement de merde, ça me suffisait largement. J'avais mon espace à moi, où elle pouvait venir passer la nuit sans se faire humilier par mes géniteurs, où on pouvait s'aimer sans crainte du regard des autres.
Et puis un jour mon téléphone portable est devenu mon pire ennemi, la nuit, mon refuge, mon alliée. Un soir, j'ai commencé à coucher à droite et à gauche. Une nuit, j'ai cherché des emmerdes aux petits voyous de mon quartier. Une nuit, je me suis fait démonter la gueule, je me suis fait frapper, frapper encore, humilier, une nuit, j'ai perdu ma fierté, alors que je restais là, seul dans cette rue déserte, au sol, baignant dans mon sang, les larmes dévalant mes joues, comme la petite merde que j'étais.
Ouais, j'ai fini par péter les plombs. Par sombrer dans la violence. J'ai tout démoli dans mon studio à coups de batte de baseball, j'ai explosé ma lampe, j'ai tout saccagé, et quand j'ai eu fini, je me suis laissé tomber au sol et je ne me suis pas relevé. Épuisé physiquement et mentalement; lui, il était toujours là, à quelques pieds de moi, à me narguer, à se repaître de mon désespoir, à rester silencieux, si affreusement et horriblement silencieux. Ce putain de smartphone.
Alors j'ai pris mes cliques et mes claques, je me suis enfui dans cette nuit sombre et froide, j'ai traîné et erré sans savoir où j'allais.
Depuis, ma vie n'est qu'errance sans fin et sans but, allers-et-venues dans cette existence absurde qui ne doit me mener nulle part, noyade dans cette vie vide de sens. Je sombre. Je sombre, je sombre toujours plus profond, mais il ne semble pas y avoir de fin à ce gouffre.
Je passe mes journées à me promener, sur les toits des immeubles à contempler la ville, dans les casses à côté des carcasses de métal, d'arrêt de bus en arrêt de bus. Je dessine, je taggue, je salis les rues et souille ma peau avec toujours plus de tatouages à l'encre noire.
J'en ai eu marre, vous savez. Marre d'appeler dans le vide, de tomber sur ce répondeur, sur cette voix électronique que j'emmerde, de me prendre des vents. Marre de la voir marcher avec un autre, son bras autour de ses hanches. Marre de voir qu'elle ne me calculait même plus.
Alors ouais, ça m'a fait partir en couilles. Des voitures, j'en ai cassé. Des meufs, j'en ai baisé.
Et j'ai fini par regarder à nouveau dans ce miroir, par voir celui que je suis réellement.
Un loser, un putain de loser.
Yoongi
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