'MATCHMAKING' - TANAKA
– TANAKA X OC –
Os pour le concours de ackioshi
くコ:彡
Quand Himiko Matsuhime rencontra Tanaka, elle crut d'abord que ce n'était qu'un pervers. C'est vrai ça, avec son crâne chauve, il inspirait tout sauf confiance.
Et quand Ryunosuke Tanaka rencontra Himiko, il crut d'abord qu'elle était folle à lier, avec ses manières grotesques et sa voix trop bruyante.
Ou alors, comment la première rencontre dans des circonstances douteuses et peu flatteuses de deux idiots les aida simplement à se trouver parfaitement.
くコ:彡
Bonnet en laine fermement planté sur son crâne, s'enfonçant jusque sur ses oreilles et devant son front, Himiko prit une vive inspiration, et repassa de ses mains fébriles et drôlement moites les plis de la veste de son frère. Elle avait l'air cruche, elle le savait. Peut-être qu'elle aurait dû se passer du maquillage, des faux poils que sa meilleure amie lui avait dessiné.
Enfin après tout, avoir l'air cruche, ça n'était peut-être pas un drame. Himiko était loin d'être une flèche, et elle en était bien consciente. Son dossier scolaire en était d'ailleurs tout aussi conscient. Elle avait appris à vivre avec sa stupidité, disons, et son manque de jugeote drastique.
Alors, bêtement plantée devant la porte du vestiaire masculin du lycée Karasuno, elle se demanda si, une fois encore, elle n'avait pas agi comme une idiote. Ses amies ne lui avaient d'ailleurs été d'aucune aide, et elle priait maintenant pour ne tomber sur personne à l'intérieur du vestiaire – auquel cas, elle finirait par subir une énième humiliation dont elle se maudirait tous les soirs sur les dix prochaines années, dès qu'elle éteindrait sa lampe de chevet et tenterait de s'endormir.
Le problème, le vrai, qui l'avait menée ici, déguisée en garçon pour tenter une infiltration piteusement organisée dans le vestiaire des garçons, c'était son frère. Son idiot de petit frère, qui, de son étourderie presque aussi terrifiante que la bêtise de l'adolescente, avait emprunté la basse de sa sœur deux jours plus tôt pour frimer devant ses camarades du club de baseball avant de partir droit en voyage scolaire à Hokkaido.
À croire que les neurones manquants, ça courait dans leurs gènes. Himiko commençait sérieusement à en vouloir à ses parents – peut-être avaient ils mal fait l'amour à plusieurs reprises, elle n'en savait rien, peut-être avaient ils simplement transmis leurs défauts à leurs enfants ; une chose était sûre, c'est que quelque part dans leur génétique, il y avait eu un problème.
Himiko lâcha un soupir, se libérant de son souffle qu'elle n'avait même pas remarquer retenir. Ça ne servait à rien de tergiverser. De toute manière, si elle faisait demi-tour maintenant, elle en était certaine, ça ferait d'elle une encore plus belle idiote.
En fait, Himiko était juste entêtée.
Elle se racla la gorge, essaya de parler toute seule dans une voix grave, voulut se frapper en se rendant compte d'à quel point elle paraissait sotte, et se décida à se jeter à l'eau – enfin.
Elle ouvrit brutalement la porte du vestiaire, d'une façon presque bourrine, la faisant claquer contre le mur bétonné sur sa droite, et découvrit la pièce dans laquelle elle n'avait nullement le droit d'accéder.
Dans le meilleur des cas, elle aurait été seule, mais elle savait malheureusement que ça n'aurait pas été le cas : sinon, la porte n'aurait jamais été ouverte. C'était pour ça, qu'elle s'était déguisée en garçon ; pour se fondre dans les masses.
Personne n'avait pensé à lui dire qu'un garçon inconnu du club occupant les lieux à cette heure là, ça aurait été tout sauf discret. Ses amies avaient le chic pour l'enfoncer dans ses plans déjantés et tarabiscotés.
Pour autant, quelle ne fut pas sa surprise, quand, en face d'elle, au lieu d'avoir un ou plusieurs garçons, Himiko trouva une fille.
Aux petits yeux bruns, avec de longs cheveux blonds mal coiffés, et un maquillage clownesque, elle n'était pas très belle, il fallait se l'admettre, et l'adolescente se reteint de grimacer à sa vue.
Puis elle l'examina avec une plus grande attention, et son visage – comme celui de la fille en face d'elle, étrangement – se décomposa.
« Tanaka ? balbutia-t-elle, confuse. Elle se souvenait de lui. C'était la buse de la classe d'à côté. En seconde, l'an passé, ils avaient eu leur rattrapage de littérature en même temps. »
Elle l'avait revu depuis, de loin, vaguement. Leur club de volley semblait avoir naqui de ses cendres. Elle ne le connaissait pas, au final ; ils s'étaient juste croisés quelques fois, s'étaient à peine lancé un regard avant de s'attaquer à leurs rattrapages.
Alors, le voir travesti, ça n'était certainement ni sur son bingo de l'année, ni dans ses plans de vie. Comme première rencontre, on pouvait mieux faire.
« Matsuhime ! s'étrangla le – supposé ? C'était difficile à dire, vu la perruque qu'il ornait – chauve. »
Himiko porta une main pressée à sa bouche, la giflant sur ses lèvres. Dans sa perplexité, elle en avait oublié qu'elle était supposée se faire toute petite pour ne pas griller sa couverture ! Non seulement elle avait été repérée, mais en plus, elle avait été reconnue.
Himiko Matsuhime était donc définitivement une cruche.
Les deux se regardèrent dans le blanc des yeux le temps d'un instant, les secondes longues, étirées silencieusement comme si elles voulaient leur laisser le temps de se baigner dans un mal être et malaise commun.
Entre le rouge à lèvres débordant de l'un, les traits de crayon hésitants qui étaient supposés piteusement mimer un début de barbe de l'autre, ils se trouvaient bien fins.
Himiko baissa les yeux, un mouvement douloureusement long, mécanique et rouillé, pour se porter vers la jupe que portait Tanaka. Le volleyeur prit un pas de recul défensif, n'appréciant sacrément pas le regard douteux qu'on lui lançait, et il brandit un doigt accusateur à l'intruse.
« Qu'est-ce que tu fiches dans le vestiaire des mecs ?! s'indigna-t-il. Il retira sa perruque vivement, la jetant au sol en un bruit franchement frustré. Il avait l'air encore moins crédible, maintenant que son crâne duveteux brillait au grand jour, Tu crois tromper qui, avec ton déguisement nul ! Perverse ! »
Himiko ne sut pas si elle se sentit plus offensée par l'insulte directe et gratuite ou par la critique envers son déguisement.
« Crétin ! s'offusqua-t-elle, Je venais m'infiltrer pour récupérer ma basse que mon abruti de frère a oublié ici avant de se faire la malle à Hokkaido ! Je ne pensais pas tomber sur ... Ça ! C'est toi le pervers ! Je devrais dire à tout le lycée que tu sniffes des culottes !
— Mais ça va pas !? Tanaka était tellement abasourdi que sa voix sortit en un maigre filet étranglé, T'as pété un boulon ma parole ! T'es bien plus en tort que moi !
— Tais toi ! Gros dégueulasse, tu sais même pas te maquiller ! l'accusa Himiko, jetant un coup d'œil autour de la pièce. Plus vite elle sortirait, mieux elle se porterait.
— Meh !? C'est déjà mieux que ta fausse barbe nulle ! visiblement, Tanaka était lui aussi plus piqué dans son égo quand on lui disait que son déguisement était loin d'être même simplement potable. Il se tut quelques instants, se pinça les lèvres, puis hésita, C'est quoi le problème avec le maquillage ? »
Himiko se serait crue à l'asile.
« Mais pourquoi tu cherches à– commença-t-elle, avant de soupirer. Des fois, il valait mieux abandonner. Elle plaça une main sur sa hanche, fronça les sourcils, Le bleu est moche. Et mal mis.
— C'est le maquillage de ma sœur, t'es en train de dire qu'elle ne sait pas se maquiller ? »
L'adolescente fut prise de court, acculée dans ses positions. Ne pouvait-elle donc rien dire ? Elle ouvrit la bouche, la referma. Elle se pinça les lèvres, tremblantes, et fronça furieusement les sourcils.
« Mais pourquoi tu te déguises en fille dans le vestiaire pour commencer !? explosa-t-elle finalement, mettant sous lumière la véritable source du problème. »
Tanaka resta désemparé. Il se mit à bégayer.
« C'est pour aider Noya ! Pour l'aider à parler aux filles, mais Kiyoko voulait pas jouer la fille ! Alors ... Alors c'est moi qui prend son rôle ! Mais faut que je sois crédible sinon Noya il y croit pas et ... Et ... la voix de Tanaka s'éteignit dans un piètre couinement. Il commençait à se rendre compte de l'absurdité de sa situation, pour ne pas dire la bêtise. Défensif, il n'attendit pas la réponse de Himiko avant de l'accuser à son tour, Et de toute façon, tu peux parler toi ! Tu te déguises bien en garçon !
— Moi aussi j'ai des bonnes raisons, je te ferais dire ! s'étrangla la brune. Ah, elle avait l'air de trouver les élucubrations et actions de Tanaka raisonnables. Elle avança d'un pas ferme, ses chaussures cirées claquant sur le sol d'une manière tout sauf délicate, pour arracher du sol son instrument qui jonchait entre deux étagères, dans le dos du chauve, Je venais récupérer ma basse, je te l'ai déjà dit ! »
Il n'y trouva rien à y redire. Une moue ennuyée sur les lèvres, il se décida de passer outre le costume ridicule qu'elle portait – et ainsi, peut-être aussi passer outre l'accoutrement qu'il avait décidé de vêtir de même.
« Tu joues de la basse ? tenta-t-il, de manière nonchalante. »
Il avait juste l'air idiot, et Himiko plissa les yeux, scrutant ses allures avec une mine douteuse. Son nez se retroussa en une grimace, et elle redressa la tête, comme pour le regarder de haut, alors qu'elle était bien loin de faire sa taille – plus réellement, ses cheveux vainement coiffés atteignaient plutôt les épaules du volleyeur.
« Ouais. »
Silence. Tanaka cligna des yeux. Il l'observa. Il la dévisagea. Puis finalement, il s'étrangla une nouvelle fois.
« C'est tout ce que tu trouves à répondre !?
— Tu ne donnes pas très envie de converser avec toi, tu m'excuseras ! s'indigna la jeune fille en lui lâchant un vague geste de la main en direction de sa jupe. »
Ryunosuke finit par grommeler quelques jurons sous son souffle, agacé par son comportement. Il fallait avouer qu'elle était aussi aimable qu'une porte de prison. Et en plus, dans son déguisement pitoyable, elle en avait l'apparence aussi.
En entendant ses jérémiades indiscernables, Matsuhime souffla bruyamment ; très bruyamment. Suffisamment bruyamment pour se faire entendre et comprendre. Toujours dans ses grands gestes brusques et grotesques, elle enfila la ceinture de sa basse, et l'ajusta sur ses épaules.
« Laisse tomber. »
Elle tourna les talons, ne souhaitant pas continuer de s'humilier plus longtemps, surtout pas en compagnie d'un fou comme Tanaka. Elle rouvrit la porte, s'en échappa discrètement.
Elle lui filait entre les doigts.
« Attends ! clama l'adolescent en se précipitant hors du vestiaire. Il s'accrocha à l'encadrement de la porte, n'ayant pas réellement envie de sortir en plein jour en jupe. »
Himiko s'arrêta dans ses pas, se retourna vaguement, sceptique. Elle attendit que le volleyeur continue, réticente.
« Tu– t'es une fille, pas vrai ? s'enquit Tanaka – juste histoire d'être certain, vraiment. La fausse barbe, il fallait dire que c'était quand même déroutant. Face au juron disgracieux qu'il se prit en guise de réponse, il s'empressa de continuer, Attends ! C'est pour savoir si tu voulais pas aider ! Justement, faire ... Enfin ... Être la fille à qui Noya pourrait s'entraîner à parler. »
Himiko ne manifesta d'abord rien d'autre qu'un terriblement douloureux silence. Elle posa une main sur sa hanche, retira finalement son bonnet – rien ne servait de continuer à s'entêter dans son déguisement. Ses cheveux bruns vinrent cascader sur ses épaules, tristement emmêlés, en pétard. Maintenant qu'elle commençait à retirer son costume, ça devenait de plus en plus déroutant à observer.
« J'ai quoi à y gagner ? osa-t-elle. Il n'était pas question de se jeter dans un jeu de rôle douteux avec deux crétins sans raison. »
Tanaka eut l'air d'y réfléchir, vite. On aurait presque pu entendre les rouages cliqueter et crisser dans sa boîte crânienne si l'on tendait suffisamment l'oreille.
« Tu joues de la basse, pas vrai ? T'es dans un groupe ? s'avança-t-il finalement. Quand elle hocha lentement la tête d'un air perplexe, il reprit, Je peux ramener des gens à tes concerts– tout le club de volley, d'autres écoles et tout ça. Je connais pas mal de gens sur Miyagi. »
Bien qu'intéressant, Himiko ne pouvait s'empêcher de penser que sur la fin, il en profitait juste pour pavaner devant elle. Enfin, qu'importe, elle haussa les épaules, se laissant aller, et relâcha son corps.
Elle en avait presque oublié qu'ils étaient tous les deux dans des costumes plus que ridicules, qui leur vaudraient une réputation désastreuse s'ils venaient à être vus ainsi.
« Ok. Ça marche. Je joue dans un bar dans un peu moins de trois semaines, le vendredi soir. Tu pense que ça peut le faire d'ici-là ?
— Seulement si tu réussis à aider Noya entre temps.
— Je sais pas qui c'est, mais ça devrait pas être si compliqué. Je te donne mon numéro, tu me donneras tes disponibilités pour qu'on se retrouve avec lui. »
Himiko Matsuhime regretta vite ses mots.
Nishinoya était ... Un désastre ambulant. Un désastre ambulant qui faisait sa taille, qui plus est.
Des quelques soirs où ils s'étaient retrouvés, avec lui et Tanaka, elle en était venue à regretter l'affreux personnage du volleyeur le jour où elle l'avait rencontré. Un fou qui aimait se déguiser en fille car ça l'excitait lui paraissait moins désespérant que la manière dont Nishinoya se comportait.
Il bafouillait, s'exclamait, et en règle générale, n'arrivait pas du tout à paraître un tant soit peu attrayant ou apaisant dans un contexte où il s'adresserait à une fille qui l'intéresserait.
De toute manière, de ce qu'elle avait appris, même sans que ça soit pour tenter de séduire quelqu'un, Nishinoya Yuu restait une personne à l'opposé du mot apaisant, ou apaisé.
« T'es une cause perdue, Noya, lui avait sorti Tanaka la première fois où Himiko était venue les sortir de leur misère commune. Il s'était pris une critique comme quoi soit disant, il n'était pas mieux. »
Et elle avait ri.
Parce que Ryunosuke, une fois proprement habillé et démaquillé, n'était bizarrement pas si dérangeant à observer, ou à côtoyer. En fait, il était même sacrément cool.
Tous les soirs où elle avait pris une heure ou deux après les cours pour venir s'empiffrer de sa dose de Nishinoya, elle avait trouvé la compagnie de Tanaka assez rafraîchissante. Peut-être était-ce simplement parce qu'à côté, de ce qu'elle avait vu de Yuu en s'entraînant avec lui, Noya ne l'attirait pas du tout. Dans tous les cas, elle s'était trouvée assez amusée par les mimiques de Tanaka, ses manières de parler, sa façon d'être.
Ils se ressemblaient étrangement, en un sens.
Enfin ça, c'était peut-être juste parce qu'ils semblaient n'avoir chacun qu'une cellule fonctionnelle dans la caboche.
Himiko ne trouvait pourtant pas Tanaka très beau. Elle n'avait jamais été une grande fan des ... Duvets. Surtout quand ils remplaçaient des cheveux. Ses sourcils étaient aussi trop pointus à son goût, et ses narines trop épaisses. Sa voix était trop râpeuse, et son visage peu harmonieux.
Tanaka n'avait jamais vraiment été quelqu'un qui aurait pu remplir ses critères, ou qui rentraient dans les cases de ses préférences.
Pour autant, elle aimait peut-être un peu trop son rire. Et l'attention qu'il lui portait, nonchalante et facile. C'était agréable, rafraîchissant.
Et elle n'aimait pas vraiment cette sensation agréable et rafraîchissante.
Parce que si le volleyeur se comportait de cette manière, c'était bien seulement car il ne la voyait pas vraiment comme une fille, comme une femme, mais plutôt comme le gars qu'il avait d'abord rencontré dans les vestiaires, ou la barjot excentrique trop peu féminine pour être considérée comme femme à proprement parler.
Et ça voulait tout dire.
Si Tanaka l'avait appréciée seulement un peu plus – de la manière dont il appréciait Kiyoko – il ne se serait certainement pas comporté d'une façon aussi tranquille et détendue avec Himiko, de cette façon qui la faisait justement doucement sombrer dans des sentiments qu'elle n'appréciait pas.
C'était presque risible, au final. Elle sentait son cœur battre pour Tanaka un peu trop vite parce qu'il se comportait avec elle comme une simple amie, et rien de plus derrière la tête. C'était risible, presque pathétique.
Matsuhime finit par pousser un soupir agacé en pensant à ses propres tourments. Elle gratta les cordes de sa basse, assise contre le mur arrière du lycée, contre l'herbe désagréablement humide, marmonnant des paroles sur un ton plus qu'exaspéré.
Elle jouait ce soir. Et comme elle jouait ce soir, ce vendredi, elle avait convenu avec Tanaka de le retrouver lui et Nishinoya le midi même, pour conclure leurs petites séances ; même si en toute honnêteté, après plus de deux semaines à sympathiser avec Ryunosuke, par message ou en riant avec Noya, elle se voyait mal couper tout contact après cette soirée.
Elle releva la tête de sa basse en entendant le froissement familier des feuilles mortes sous les semelles du garçon qui l'approchait. Debout devant elle, Tanaka lui brandit un grand sourire aux dents pointues, les mains confortablement enfoncées jusque dans le fond des poches de sa doudoune.
Himiko n'aimait pas vraiment non plus ses dents. Elles étaient trop pointues. Mais c'était aussi ce qui faisait leur charme, en un sens.
« Noya n'est pas là ? s'étonna-t-elle. Habituellement, elle aurait entendu deux bruits de pas dans le crissement automnal.
— L'oisillon a quitté le nid, lui répondit-il simplement, visiblement fier. »
Matsuhime se releva dans la précipitation, se hâta de ranger sa basse dans son précieux emballage, et, la tenant sous le bras, avança jusqu'à avoir un champ de visu sur le bitume qui recouvrait la cour du lycée. Là, au loin, elle le vit : son poulain galopant librement, parlant tout seul avec une fille que l'adolescente ne connaissait que vaguement – elle avait été dans la classe d'un de ses amis l'an passé, si elle ne se trompait pas.
« J'ai l'impression d'être un parent fier, soupira-t-elle paisiblement, en enfilant avec plus de fermeté sa basse sur son dos.
— Pas vrai, acquiesça Tanaka en la rejoignant, son sourire s'élargissant jusqu'à ses oreilles. Puis il baissa le regard pour l'observer elle, Je te vois ce soir aussi, n'est-ce pas ? L'adresse que t'as envoyé par message tient toujours ? »
Himiko eut du mal de se défaire de l'image hypnotisante de Noya parlant à une fille sans paraître complètement fou, mais elle réussit malgré tout à tirer ses pupilles sombres sur celles du volleyeur. Elle hocha la tête.
« T'as mangé déjà ? renchérit alors le chauve, en retournant vers l'endroit plus calme où l'adolescente était précédemment assise, J'ai volé quelques pains à la cafète.
— T'as quoi comme parfum ?
— Melon ou viande. »
Himiko se laissa tomber dans la pelouse aux côtés de Tanaka, grimaçant. Ce n'étaient pas vraiment les pains qu'elle préférait. Enfin, elle n'avait pas vraiment le choix de toute manière.
« Eh, passe m'en un au melon, lâcha-t-elle finalement, attrapant le petit paquet qu'il lui tendait. »
Elle déchira l'emballage, puis le fourra dans sa poche. Sur sa droite, Ryunosuke avait presque déjà fini l'autre pain qu'il avait sur lui – avec un appétit comme le sien, il n'en faisait que deux bouchées.
« Tu joues quoi comme type de musique ? le volleyeur la dévisagea, la bouche pleine. »
Un postillon s'échappa de ses lèvres. C'était vraiment dégueulasse. Mais malgré une grimace répugnée ... Himiko ne se trouvait pourtant pas repoussée par cette attitude qui n'était ni gracieuse ni charmante.
« Tu verras ce soir, rétorqua-t-elle simplement en détournant le regard, fière. »
Tanaka eut beau s'indigner, elle ne changea en rien sa réponse. Ils continuèrent donc de discuter, de Noya, des cours, des rattrapages qu'ils allaient tous les deux devoir subir à la fin de l'année compte tenu de leurs résultats peu glorieux, encore – Matsuhime était particulièrement mauvaise en mathématiques et en sciences, et Tanaka en lettres et en anglais.
Quand la cloche sonna, Ryunosuke l'accompagna jusque sa classe. Enfin, leurs classes étaient les portes voisines ...
« Je te verrais ce soir, du coup, lui promit-il avec un large sourire.
— T'as intérêt à ramener du monde, ricana l'adolescente avant d'entrer dans sa salle, lui lançant un vague au revoir de la main. »
Et à peine entra-t-elle dans la classe qu'elle se fit assaillir par sa meilleure amie.
« T'as un rendez-vous avec le chauve ? s'écria-t-elle en un élan désespéré de garder sa voix petite et silencieuse. Elle attira quand même les regards, ce qui fit tiquer Himiko.
— Non, bécasse ! Il vient me voir jouer et ramène du monde ! elle marqua une pause, les sourcils froncés, et n'osa pas fixer son amie quand elle continua en un bougonnement presque inaudible, Il me voit comme un mec de toute façon.
— T'aimes le chauve ? s'étonna l'adolescente face à elle, se penchant vers elle pour ne pas que leurs camarades entendent plus de bribes de leur conversation.
— Mais non ! Enfin ... Je l'aime pas, mais je l'aime bien. Je sais pas trop.
— Ouais ouais, c'est similaire, elle se fit couper la parole. Ses amis avaient l'habitude que Matsuhime ne se comprenne pas vraiment elle-même. Ils la comprenaient pour elle, ça n'était donc pas si grave, Pourquoi il te verrait comme un mec ?
— C'est ... Compliqué. Laisse tomber. »
Sur ces mots piètrement révélateurs, la brune partit s'asseoir à sa place, le moral clairement dans les chaussettes.
Sa meilleure amie comprit rapidement qu'il valait mieux ne pas pousser le bouchon un peu plus loin. De toute façon, ça ne lui apporterait rien de plus. Elle décida donc de laisser tomber, et vint visser son derrière sur la chaise à la droite de là où s'était installée Himiko.
« Tu verras bien comment ça se passe ce soir, conclut-elle finalement en sortant ses affaires. »
Il était donc dix-neuf heures et exactement vingt-huit minutes quand Tanaka entra dans le bar dans le centre d'Iwate. Il ne s'était pas spécialement habillé pour l'occasion. À côté de lui, Suga tourna autour, observa son nouvel environnement.
« Et donc ? Elle fait quoi comme musique ? s'enquit-il en reportant son attention vers son ami. Il avait l'air très impatient, comme s'il vivait la sortie de l'année.
— Je sais pas, elle a pas voulu me dire.
— En tout cas, ça fait plaisir de te voir t'occuper d'une fille autre que Shimizu. Elle te porte de l'attention, elle au moins, chantonna son aîné, rieur. Il tourna la tête pour observer Daichi qui essayait de retenir Hinata et Nishinoya de faire n'importe quoi.
— De quoi ? C'est pas du tout comme ça. Himiko c'est un pote, s'indigna Ryunosuke alors qu'il s'asseyait à une table au pied de la scène. Suga fronça les sourcils.
— Comment tu l'as rencontrée déjà ? osa-t-il, confus. Ça n'était pas usuel, de voir Tanaka parler avec une fille sans intention particulière derrière.
— Elle est entrée dans le vestiaire des mecs quand j'étais déguisé en fille.
— QUOI ?
— Mais c'est pas grave, elle était déguisée en vieux mec donc ça allait. »
Sugawara le dévisagea comme s'il avait vu un fantôme. C'était tellement absurde, tellement indécent ... Il crut que son âme avait commencé à quitter son corps. Et Tanaka en parlait comme si de rien n'était !
« Vous ... Vous ressemblez vraiment alors, finit-il par balbutier. Il était difficile de croire que le volleyeur ait réussi à trouver quelqu'un d'aussi loufoque que lui. »
Le chauve n'eut pas le temps de lui répondre. Ses lèvres eurent à peine le temps de se décoller qu'un grondement assourdissant lui transperça les tympans. Il se raidit sur son siège, les dents grinçantes, le cœur à sec, les ongles se crispant au bord de sa chaise. Suga avait porté une main à son torse, agrippant sa chemise avec véhémence, sûrement par peur que son aorte ne se décroche suite au choc.
Sur la petite scène à quelques mètres de lui, Himiko était apparue. Bon, elle n'était pas réellement au centre des lumières, compte tenu qu'elle s'accrochait à sa basse, et que la personne qui Tanaka supposait être son ami se tenait fièrement avec sa guitare électrique et son micro. Pour autant, il était focalisé sur elle. Peut-être était-ce logique. Après tout, elle était la seule dont il avait connaissance.
Ah, le batteur avait été dans sa classe l'an passé. Sato, son nom de famille ? Tanaka préféra ne pas s'attarder sur lui.
« Peut-être qu'on aurait dû se mettre plus loin des enceintes– suggéra Suga, mais sa voix s'éteignit quand le son fit vibrer leurs fauteuils et résonner leurs oreilles une fois encore. Le gris grimaça. »
Là, Tanaka devait l'admettre, il s'était attendu à tout sauf à ça. Acculé sur son siège, il resta scotché face au spectacle grunge voire plutôt métallique qui s'étendait sous ses yeux.
« Et beh elle– bégaya Suga, espérant se faire entendre, Elle ne manque pas d'énergie ! »
Il n'était pourtant pas grandement ravi – le métal, ou bien même le rock, ce n'était pas vraiment sa tasse de thé. Qu'à cela ne tienne, son ami avait lui l'air de bien apprécier le spectacle ... L'adolescent détourna péniblement son regard de la scène pour observer Ryunosuke.
Puis, il sourit.
Tanaka avait beau clamer qu'il n'était pas le moins du monde attiré par Himiko ... Suga le connaissait suffisamment pour reconnaître ce regard, un peu trop émerveillé, un peu trop époustouflé. Il avait eu l'air de se rendre compte que Matsuhime était plus qu'un pote aux allures de mec.
Alors que pourtant, Himiko ne paraissait pas si plaisante à l'œil ; ses cheveux bruns semblaient voler dans tous les sens, et elle ressemblait plus à The Grudge qu'à une lycéenne qui jouait du grunge. Et puis elle s'éloignait quand même drastiquement de la douceur et féminité que le chauve appréciait, avec sa veste en jean délavée et ses vêtements débraillés.
Enfin, malgré ces aprioris, l'adolescent en était certain ; ils étaient trop similaires pour ne pas s'entendre. D'ailleurs, il ne pouvait penser à personne qui correspondait autant à son ami.
Il en était persuadé, même s'ils n'en étaient pas encore conscients, Tanaka et Himiko finiraient bien par se tomber droit dans les bras l'un de l'autre, d'une manière ou d'une autre.
Et ce même si la façon la plus probable pour que ça arrive soit qu'ils trébuchent assez littéralement tous deux directement sur l'autre suite à une chute malencontreuse.
くコ:彡
くコ:彡
— 4 380 mots <3 —
Le thème que j'ai choisi c'était une rencontre loufoque qui mène à du fluff 🙏🏻
En espérant que ça ait plu ! Écrire sur Tanaka c'est vraiment un kiff, l'opportunité d'écrire sur un personnage que personne ne privilégie vraiment c'est délicieux.
J'avoue ne pas entièrement être satisfait de ce que j'ai écrit dans les détails, mais bon, je vais vous passer mes soucis avec ce que j'écris, ça intéresse personne de toute manière 😭
Bref, love sur vous, j'espère que vous avez apprécié l'os malgré tout, et que je me suis suffisamment bien relu pour pas laisser de coquilles 🤞🏻
Eli 🦦
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