Yung Lu-Ah dormait peu. Très peu.

Il lui fallait réviser jusqu'au milieu de la nuit pour obtenir la note maximale.

Elle avait, par chance, de l'avance dans la plupart des matières, mais les mathématiques lui faisaient défaut. Ses parents n'hésitaient pas à le lui faire remarquer.

« Tes résultats sont en baisse, Lu-Ah.»

« Montre moi ta copie, Lu-Ah. »

« Tu referas les exercices, Lu-Ah. »

Bien sûr, Lu-Ah n'avait que très rarement obtenu une note inférieure à la moyenne. Ses camarades ne semblaient pas s'en affoler autant qu'elle, lorsque cela se produisait.

Alors Lu-Ah révisait, relisait, écrivait ses cours sans relâche, dans le seul but d'obtenir cette caresse sur la tête, ce hochement de tête satisfait, ce simple « Bien, Lu-Ah». Cela lui laissait à la fois un sentiment de fierté et de vide béant ; elle ne parvenait à le comprendre.

Elle se demandait parfois : Pourquoi est-ce si grave, d'avoir une mauvaise note ?

« Parce que tu n'es pas comme les autres, Lu-Ah. »

« C'est pour ton avenir avant tout, Lu-Ah. »

« Ce serait un gâchis que de te voir dégringoler, Lu-Ah. »

Et entre ses taches à la maison, les insomnies, la pression, la gorge de Lu-Ah la brûlait d'une frustration ardente. Jamais Lu-Ah n'avait réellement crié ses pensées mais souvent ses larmes les avaient criées pour elle. Si seulement ces larmes avaient été vues par quelqu'un.

Alors à la lumière pâle de sa lampe de chevet, les yeux humides et brillants, la jeune fille révisait encore ses mathématiques, dans l'espoir de recevoir ne serait-ce qu'une étreinte, un sourire, peut-être même une journée avec ses amis, libérée de sa famille. C'était ce dont ses rêves se peuplaient, de temps à autres.

Mais Lu-Ah dormait peu. Très peu.