Fête de trop

Ecoutez la musique en média : c'est celle dont est inspirée l'OS.

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Dans les toilettes de la boite de nuit, les néons clignotent un peu. Une odeur nauséabonde flotte dans l'air. Les sons étouffés des cris des fêtards et de la musique - dont on entend presque plus que les basses - résonnent dans la pièce. 

Bruit de chasse d'eau. Un jeune homme claque la porte des WC et vient près de moi, devant les lavabos. Sa chemise blanche est un peu froissée et sort de son pantalon chic. Sans un regard dans ma direction, il se lave les mains rapidement, se rince le visage et se sèche les mains en utilisant une de ces machines électriques bien trop bruyante. J'ai mal à la tête. 

Il passe sa main dans ses cheveux, les ramenant en arrière. Puis il soupire, prend une grande inspiration, comme pour se donner du courage et s'en va, claquant derrière lui la porte des toilettes pour hommes. Enfin ! 

Mon regard qui suivait l'homme depuis sa sortie de la cabine de WC, à travers le reflet du miroir, se rive à nouveau sur mon reflet. Je me regarde droit dans les yeux. Des iris charbonneux, des paupières un peu rougies et des cernes bleutées. Tout cela donne à mon reflet un air fatigué. Peut-être parce que je le suis.

Je ne reconnais pas trop cet homme en face de moi. En fait, ça fait un petit moment que je ne le reconnais plus. Des cheveux teintés et ébouriffés tombent sur le front du reflet. Son t-shirt trop large le fait paraître plus maigre qu'il ne l'est déjà. 

Je me retourne et balaye du regard la pièce sombre. Il n'y a personne. Mon regard se porte à nouveau sur mon reflet. 

 « Tu sais... »

Ma voix rauque se brise. Je crois que j'ai un peu trop utilisé mes cordes vocales aujourd'hui.

« Tu sais, ce soir j'ai vu tous les joyaux de la pop. »

Je les ai vu, entendu, chanté et je commence sérieusement à m'en lasser. Et puis, « joyaux » est-il le mot exact ? Je ne pense pas. Ce sont toujours les mêmes musiques qui tournent en boucle. Elles ne sont pas exceptionnelles, ce ne sont pas des joyaux. Juste des cailloux ornés de belles couleurs et de beaux motifs. 

De la musique résonne encore dans les toilettes. Les sons parviennent difficilement à mes oreilles, comme étouffés. 

« J'ai même bu à outrances toute l'absinthe de tes potes. »

Je n'arrive même plus à me rappeler combien de verres j'ai bu ce soir. Comme d'habitude. Mes amis ne s'en étonnent même plus. De toutes façons, ils sont presque dans le même état que moi.

« J'ai côtoyé de rares nymphes, pris des rails en avance. »

Je repense à tous les filles magnifiques que j'ai pu croiser ici. Bizarrement, leur vision ne m'a jamais rien fait. Par moments, j'entends leurs cris perçants qui couvrent la musique. Des cris de joie surement.

« Dans des salles bien trop noires sans lueur d'élégance. »

J'aime l'ambiance tamisée des boîtes de nuit, la noirceur de la pièce éclairée par quelques néons colorés et autres lumières artificielles. Tout le monde y joue un rôle. Son rôle, celui que l'on s'est soi-même choisi. Et en même temps, c'est dans l'obscurité que se révèlent les vrais visages. Les liens tenant en places tous ces masques souriant, confiant et joyeux se desserrent lentement sous l'effet de l'alcool et de la drogue, laissant place à la folie, à la colère et au désir.

« D'avantage j'ai serré mes mâchoires lamentables. »

Tout cela me plait, autant que cela me fait peur. J'aime l'euphorie qui règne en ces lieux et qui touche tout le monde. Au début, tout était grisant : l'alcool, la musique, l'obscurité, la drogue, la danse, la joie, les cris, la liberté. Mais ça commence à me faire peur. Peur du mal de crâne du lendemain pire à chaque fois. Peur de l'effet hypnotique des mélodies sur ma raison. Peur de l'ambiance plus glauque à chaque fois que je franchis la porte d'entrée. Peur des effets de la drogue sur mon organisme. Peur de la foule gluante sur la piste de danse. Peur que la joie des autres ne soit plus contagieuse, en tous cas, plus sur moi. Peur de ne plus être heureux comme les autres. Peur de ces cris incessants qui me vrillent les tympans et qui se transforment dans mes cauchemars en cris de détresse, de douleur et de tristesse. Peur d'être prisonnier de ce cercle infernal. Peur de réaliser que je suis coincé dans cette routine toxique. Trop tard. Je serre les mâchoires.

« Et zélé des amants, des garçons de passage. »

J'ai souvent cherché des coups d'un soir ici. Cherché mais pas toujours trouvé. Je dirais même : rarement trouvé. Est-ce parce que je drague comme un pied ou parce que je ne suis pas à leur goût ? Je ne sais pas si je le saurais un jour.

« Que j'ai tenté d'approcher mais que ma mascarade. »

En même temps, je peux comprendre que je les repousse. Physiquement, je ne suis pas dans le haut du panier. Un nez rond, trop gros pour mon visage, des grains de beauté pas forcément à la mode, un teint jaune cireux parfois couvert par du fond de teint, des yeux bridés, une absence totale de muscles, un petit ventre et un air hautain. Même quand je souris j'ai l'air étrange avec mon sourire rectangulaire, dévoilant des dents jaunies et qui se chevauchent un peu sur le devant. Mes cernes et mon air fatigué n'arrangent rien.

« A fait fuir lentement par sa froideur maussade. »

Je me rappelle leurs regards : un mélange de compassion, de pitié, de dégoût et de répulsion. Plus le temps passe, et plus mon masque se défait, révélant au monde mon visage hideux.

« Alors j'ai rempli ma panse avec de vives urgences. »

Pour compenser ma frustration sexuelle et pour faire taire ma fierté piquée au vif par ces râteaux, j'ai bu. Au début juste un verre de plus. Puis deux. Puis trois. Puis... j'ai perdu le compte. Maintenant j'ai oublié. Je préfère ne pas y penser.

« Autant vives que ivres sur la piste de danse. »

Puis, grisé par l'alcool, je me suis défoulé sur le dance floor, mettant de côté le peu de dignité et de pudeur qu'il me restait.

« J'ai ajusté mes pansements pour que mes saignements. »

Dans l'espoir fou de paraître plus attirant - ou moins ridicule - j'ai décidé de faire des efforts par rapport à ma tenue vestimentaire. Je me suis intéressé à la mode et j'ai rempli ma garde-robe qui était bien maigrichonne jusqu'alors. Je suis sûr que beaucoup de gens ici agissent de la sorte. Ces beaux vêtements sont comme des pansements sur des plaies encore à vif.

J'essuie du revers de la main les larmes qui avaient coulées sur mes joues sans que je ne m'en rende compte.

« Soient beaucoup moins apparents sur la piste d'argent. »

Mes nouveaux vêtements et un peu de maquillage m'ont permis de retrouver une apparence à peu près décente. Cela m'a surtout permis de pouvoir draguer un peu plus et de me prendre un peu moins de râteaux. Mais cela a surtout éloigné encore plus mon apparence de ce que je suis vraiment. Est-ce que cela en vaut vraiment le prix ? Je ne sais pas.

« C'est la fête de trop ! »

Je suis fatigué. Je crois que ce soir, c'est la fête de trop. 

« Moi je l'ai faite, défaite et ça jusqu'au fiasco, c'est la fête de trop ! »

J'en ai assez de toute cette mascarade, jouée et rejouée, encore et encore, sans répit. Je suis fatigué.

« Regarde je luis de paillettes et me réduis au chaos. »

Fatigué de me voir partir en miettes sous mon habit de lumière et sous mon masque souriant craquelé en mille morceaux.

« Tu sais, ce soir j'ai lu dans mon corps relâché le manuel torturé de cette danse exaltée. »

Les conséquences ne sont jamais loin. J'ai peur de me souvenir que mon corps me lâchera un jour. Ce jour-là, je regretterais amèrement mes choix et mon impuissance. Mais on n'en est pas encore là.

« J'ai même glissé ma langue dans des bouches saliveuses. »

En parlant de regrets, ça me rappelle un mec que j'ai rencontré il y a un mois. Ou deux ? J'ai oublié. En tous cas, je n'oublierais jamais son visage. Par contre, son prénom...

« Dans de tout petits angles où l'on voit qu'les muqueuses. »

Je m'en rappelle bien, il a ri quand je lui ai raconté une blague un peu sale et il a souri quand je lui ai offert un verre. Je ne peux pas oublier ses rougissements quand je l'ai tiré sur la piste de danse et ses gémissements lorsque on avait passé la nuit ensemble. La douceur de ses lèvres et son regard brûlant. Je n'arrive pas à l'oublier.

« Puis là, je suis rentré bel et bien les mains nues. »

Il me manque. J'ai envie de le revoir. Je ne suis qu'un abruti. Pourquoi je ne l'ai pas retenu, quand il est parti le lendemain matin ? Pourquoi je ne lui ai pas dit ce que je pensais de lui ? Pourquoi je ne l'ai pas complimenté ? Pourquoi n'ai-je pas ouvert mon cœur, une bonne fois pour toutes ? Ne repense pas à ça Taehyung. Tu te fais du mal.   

« Avec cet air déjà vu et l'envie de surplus. »

A présent, je réalise que je pourrais réciter précisément comment va se dérouler ma soirée. Plutôt mes soirées, toutes celles passées et toutes celles à venir. Entrer, à peine voir où l'on met les pieds, draguer, râteau, boire, danser, draguer, boire encore, danser encore, draguer plus, boire trop, danser toujours. Tenter désespérément d'oublier. De l'oublier.

« J'ai rien trouvé d'précis excepté d'apparence. »

Qu'est-ce que j'ai gagné ? Rien. Qu'est-ce que j'ai perdu ? Tout ou presque.    

« Exactement même si demain tout recommence. »

Néanmoins, la fin de l'histoire reste variable. Parfois - moins souvent que je ne le voudrait - c'est conclure. Embrasser un mec, le ramener chez soi, l'oublier et recommencer le lendemain. Et le jour suivant.

« C'est la fête de trop ! »

J'ai envie de tout arrêter. Je ne sais pas si je peux. J'ai peur d'en être incapable.

« Moi je l'ai faite, défaite et ça jusqu'au fiasco, c'est la fête de trop ! »

Je me passe un peu d'eau sur le visage et m'essuie avec le bas de mon t-shirt trop large "à la mode". J'ai envie d'essayer de tester mes limites. Est-ce que tu penses être capable de faire ça, Taehyung ?

« Regarde je luis de paillettes et me réduis au chaos, c'est la fête de trop ! »

Lentement, je tourne les talons. Je m'éloigne du miroir et m'approche de la porte. 

« Moi je l'ai faite, défaite et ça jusqu'au fiasco, c'est la fête de trop ! »

Je jette un coup d'œil à mon reflet. Courage !

J'ouvre la porte. Les sons jusque-là étouffés s'engouffrent violemment dans mes oreilles et viennent frapper contre mes tympans. C'est le moment d'entrer en piste. Tu peux le faire !

« Regarde je luis de paillettes et me réduis au chaos »

Tout le monde me tourne le dos. Ils dansent, boivent devant le bar ou dans des banquettes. Je m'approche du bar, prends un verre qui traîne - surement oublié par un fêtard - et boit le verre d'alcool fort d'une traite. Pour me donner du courage et ne pas penser à ce que je vais faire. Je prends une grande inspiration.

« C'est la fête de trop ! »

Cette phrase, je l'ai hurlée. Je pense que ma voix a dû couvrir la musique car tout le monde s'est retourné, du moins, ceux qui sont assez sobre pour cela. Ils ont tous l'air stupéfait, les yeux et la bouche grands ouvert. Je ne suis pas mécontent de mon petit effet. 

« Moi je l'ai faite, défaite et ça jusqu'au fiasco, c'est la fête de trop ! »

En criant la deuxième phrase, un peu moins fort que la précédente pour préserver le peu de voix qu'il me reste, je scrute la salle. Mes amis me regardent avec consternation, tout en faisant semblant de ne pas me connaitre. 

Je continue mon observation, jubilant de mon entrée en scène, un petit rictus au bord des lèvres. Je laisse volontairement un moment de flottement, créant une tension palpable. Et là, je le vois. Ses yeux de braises, ses lèvres si attirantes, je les reconnaîtrais entre milles. Je ne savais pas qu'il était là. Je n'arrive pas à deviner ce qu'il pense de la situation. Il semble juste surpris.

« Regarde je luis de paillettes et me réduis au chaos. »

Cette dernière phrase, je ne l'ai pas hurlée. Je l'ai chantée pour lui, en le regardant droit dans les yeux. Je m'avance lentement, avec assurance vers lui. La foule d'habitude impénétrable s'écarte sur mon passage, comme si j'étais dangereux. Le suis-je ? Peut-être. 

En marchant, je fouille désespérément ma mémoire. Allez, fait un effort, merde !

Enfin ! A deux pas de lui, ce que je cherchais me revient enfin. Je m'arrête et nous nous toisons, d'un regard interrogatif pour lui et d'un regard confiant pour moi.

« Bonsoir... Jungkook. »  

Lui dis-je en souriant doucement. Il hésite un instant, puis me retourne mon sourire. Il se lève et se plante à quelques centimètres de moi.

« Salut Taehuyng. Je te cherchais, tu sais ? 

- Ah oui ?

- J'avais envie de te revoir. »  

Il me susurra la dernière phrase à l'oreille, de manière à ce que je sois le seul à l'entendre. Je chassai le rouge qui s'était emparé de mes joues et pris sa main, le tirant vers la sortie.

« Allez, viens on s'en va.

- Et où est-ce qu'on s'en va, espèce de kidnappeur ?

- Chez moi, chez toi ou à l'hôtel, comme tu veux. En tout cas, loin d'ici. »  

Fin.

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OS réalisé dans le cadre du concours de PrincessEdanea

Chanson : "Fête de trop", d'Eddy de Pretto. 

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Voilà, voilà, cet os est fini. Il m'a pris un temps fou, mais j'ai adoré l'écrire ! Eh oui, un peu plus de 2500 mots, c'est long ! XD

C'était très amusant de faire ce petit concours pour deviner le nom de l'OS. Encore mes félicitations aux gagnantes : frecklix_Gwendolyn_74 et VanasLife !

J'espère que mon histoire vous a plu, n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, tout ça, tout ça. ^^

Au fait, merci aux gens qui lisent mes histoires, vous ne pouvez pas savoir à quel point cela me fait plaisir !

Quant à moi, je vais enchaîner sur un autre OS pour un autre concours !

Bonne journée et gros bisous <3<3<3

A bientôt !

Une p'tite feuille de menthe

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