[One Piece]_«Le cœur dit ''oui'', la maison dit ''non''»

- Luffy !!

L'énorme massue de l'Empereur Kaido frappe le jeune capitaine au chapeau de paille de plein fouet et l'envoie s'aplatir contre une montagne ! Il perd connaissance sur le coup et son corps, inanimé, tombe et rejoint celui de son allié, Trafalgar Law, qui gît, suffocant. Kaido hurle :

- Alors, les merdeux, ça va mieux ?! Vous êtes calmés ?! Parce que moi, non !!

Il s'approche gauchement de ses ennemis. L'équipage au chapeau de paille, tous vaincus, tente de se relever, tandis que celui du Heart reste inerte.

- Luffy.... appelle Chopper, en pleurant.

- Montrez-vous, pirates de la nouvelle génération !! Ou c'est tout ce dont vous êtes capables, sales gosses ?!

Usopp met ses poings à terre et tente de se redresser. Mais sa vue se trouble, il suffoque et retombe lourdement.

- Vous pensiez pouvoir débarquer dans le Nouveau Monde et foutre en l'air mon business ?! Vous n'êtes pas sérieux ??! J'allais enfin m'éclater !!

De rage, il frappe sa massue sur le sol ! Tout Wano tremble ! Ses hommes de main se tiennent bien à l'écart.

- Vous n'savez pas qui j'suis !! J'vais vous montrer, moi, la puissance d'un vrai pirate !! Je n'ai rien à voir avec les Grands Corsaires que vous vous vantez d'avoir battu !! Saisissez-vous d'eux !! Enchaînez-les !! Enfermez-les !! Brisez leurs esprits et tous les os du corps !!

Il fulmine de rage. Sanji, à terre, le souffle court, tente d'analyser leur situation : qui respire encore ? Il peut voir Nami, Chopper et Brook, en piteux état. Il sait qu'ils sont en vie grâce à leurs gémissements... Plus loin, Robin, le front ensanglanté, a les yeux clos... Tout ce qu'il voit de Zoro, ce sont deux de ses sabres, qui traînent, à plusieurs mètres l'un de l'autre... Il ne le voit pas, mais il entend un mécanisme de Franky déjanter... 

- Vous êtes pitoyables ! Bons qu'à servir les plus forts !

Des pirates apparaissent pour s'emparer des membres de l'équipage vaincu. Rassemblant ses toutes dernières forces, Sanji sort de sa poche un gadget quelque peu abîmé. La boîte avec le chiffre 3. La science du Germa. Qu'il hait tant. Il doit le faire, il doit essayer ! Pour ses camarades ! Il s'apprête à l'ouvrir... Quand une charge pondéreuse s'écrase sur son dos, le clouant au sol ! Il étouffe et lâche la boîte ! Tous les regards se tournent vers ceci. Sanji lève difficilement la tête et écarquille les yeux, de frayeur.

- Kaido !! Je t'avais dit que ces garnements étaient à moi !!

- Et moi, je t'avais dit de ne pas venir... Linlin !!

Le pied sur le corps de Sanji, l'Impératrice Big Mom, les poings serrés, sourit de toutes ses dents. Nami, désespérée, a les larmes aux yeux. Ça ne pouvait pas être pire... Tout... Tout est fichu ! Les deux gigantesques empereurs se font face et ne soucient plus du tout de leurs cibles, qui gisent à leurs pieds.

- J'ai fait ce que tu n'as pas été capable d'accomplir...

- Ne me cherche pas ! La tête de chapeau de paille est à moi !!

Kaido brandit son gourdin. Linlin n'est pas du tout impressionnée, elle le fusille du regard.

- Il est dans mon pays ! Il est à moi ! Tu as eu ta chance ! Il deviendra un de mes subalternes et il ne fera ce que je lui dirai !!

- Foutu Kaido !! Aurais-tu oublié ce que tu me dois ?! J'exige le chapeau de paille !!

Law n'a à peine le temps de lever la main, dans le but de créer une room, qu'on le frappe fermement à la tempe et lui passe des menottes. Usopp tente de crier, aucun son ne parvient à sortir de sa bouche. Sans ménagement, Robin est relevée et emmenée de force. Sanji essaie, en vain, de s'extirper de sous le pied de Big Mom, qui l'étouffe. L'homme aux Cent Bêtes grogne. Puis, devant l'aura menaçante de l'imposante pirate, il capitule.

- Tu le tueras, si c'est ce que tu souhaites. Mais j'ai bien l'intention de lui faire payer tout le bordel qu'il a mit par ici ! Et si tu m'en empêches, je-

- Inutile d'en dire plus ! Tu veux t'amuser ? Soit ! Je te laisse détruire chapeau de paille ! Mais le coup fatal me revient !

C'est ce qu'on verra !

- Tu es odieux, surtout sobre ! Je déteste faire des affaires avec toi ! Tu me dois quelque chose ! Je ne repartirai pas d'ici les mains vides !!

- Allons boire quelque chose...

- Certainement pas ! Non, je veux...

Sans relâcher sa prise, elle ramène son pied vers elle, comme on ramène une pantoufle au pied du lit, écrasant et entraînant Sanji, qui crache du sang.

- ... Celui-là ! Lui, il est à moi !! déclare-t-elle, le regard diabolique.


.  . . .  .


Sur une paillasse couverte de suie, à côté d'une cheminée, Sanji extirpe son paquet de cigarettes écrabouillé de sa poche intérieure et le vide, à la recherche d'une intacte. Il se trouve dans une grande cuisine, bien équipée, aux plans de travail impeccables. L'éclairage a été coupé pour la nuit. C'est là que Big Mom l'a enfermé. Sa cheville est entravée par une chaîne solidement fixée au mur, près de la cheminée. Elle est assez longue pour qu'il puisse se déplacer dans toute la cuisine, pas assez pour atteindre la porte. Celle-ci n'a d'ailleurs pas de poignée intérieure. Sanji trouve enfin une cigarette, tordue mais entière. Il la porte à sa bouche en tremblant et cherche son briquet, en vain. Il a du le perdre quand une cinquantaine des enfants Charlotte l'ont frappé à tour de rôle, pour se venger de l'humiliation de la Tea Party

Gardant difficilement son calme, Sanji fouille les braises de la cheminée, se couvrant de cendre, à la recherche d'une étincelle. Il n'en trouve pas. Il se prend la tête dans les mains, anéanti. "Ecoute-moi bien, fils Vinsmoke, c'est ici que tu vivras et que tu me feras des gâteaux !! Manque à cette mission rien qu'une seule fois et c'est ton âme que je dévorerai !!" Tel était l'ordre de Big Mom. Il avait tenté d'inverser la situation : ses recettes en échange de sa liberté. Il s'était vu retirer douze mois à son espérance de vie... En une seconde ! Ça l'avait calmé ! Puis les gardes de l'Impératrice l'avaient emmené de force et enchaîné dans cette cuisine. Et voilà... Prisonnier d'un Empereur... Comme ses compagnons ! Comment vont-ils ? Qu'en a fait Kaido ? Son capitaine... Nami... Robin...  Il craque.

Un rat traverse la pièce. Le dos douloureux, Sanji s'appuie contre le mur, replie ses jambes sur son torse et éclate en sanglots. Il est perdu. Ils sont tous perdus. Il ne voit aucune solution. Il est seul. Tout seul, sur l'île d'une monstrueuse pirate, qui peut lui retirer la vie en un souffle. Que faire ? Hors de lui, reniflant bruyamment, il frotte hargneusement une allumette à moitié consumée contre la pierre de la paroi de la cheminée. Rien à faire. Aucun feu ne jaillira. Il pense à ses amis... Et frappe le mur du poing ! Il serre les dents, sous la douleur : il ne sert jamais de ses mains autrement que pour cuisiner. Mais là... Il frappe encore, ses phalanges se mettent à saigner, frappe encore et encore, puis se remet à pleurer. Il se sent tellement désemparé qu'il n'entend pas la porte s'ouvrir doucement et quelqu'un s'approcher... Ce quelqu'un l'observe quelques instants, puis ne résiste pas à passer gentiment sa main dans le cheveux du cuistot prisonnier. Il relève la tête, surpris du contact.

Charlotte Pudding est là. Elle ne lui sourit pas, elle n'y arrive pas. Ils se regardent un instant, sans un mot. Sanji ne sait quoi dire. Il l'aime bien et ne veut pas la mêler à ses histoires. D'autant plus qu'elle est la fille de Big Mom et que ce titre ne lui donne aucun droit ni privilège... Il sait que Big Mom tuerait même ses propres enfants si l'un d'eux lui désobéissait. Si elle fait quoi que ce soit pour lui venir en aide, elle se mettra sa -nombreuse- famille à dos. Non, il ne compte pas lui demander de l'aider. Elle l'a déjà fait suffisamment. Il lui esquisse juste un léger sourire, pour la rassurer. Mais elle n'est pas dupe. Elle met d'autorité un briquet dans sa main. Sanji la regarde, incrédule :

- Pudding-chan... Mer-

- Ne me dis rien ! ordonne-t-elle, les larmes aux yeux.

Puis elle se retourne, retenant difficilement ses pleurs, sort de sa poche une grosse bobine de pellicule et la jette dans un four qu'elle allume au maximum. Puis elle revient vers le prisonnier, sa clé de sa chaîne en main :

- Tous les gardes dorment. Rabian t'attend à la porte ouest du château, il te conduira à une baie cachée, où se trouve un allié. Vous pourrez partir, vous aurez plusieurs heures d'avance. Surtout, disparaissez avant l'aube !

- Pudding...

- Tais-toi ! Je ne veux rien entendre ! Ne dis rien !

Elle est à deux doigts de craquer.

- Pars, maintenant !!

Il se lève. Pudding lui tourne le dos et s'éloigne.

- Pudding-chan, viens, je-

- Arrête de parler !! ordonne-t-elle en secouant la tête. Va-t-en vite ! Ne dis rien, pas un mot, ne gâche pas ça ! C'est la dernière fois que nous nous voyons ! Ne me dis pas "adieu" !

Sanji hésite.

- T'es encore là ?! Qu'est-ce que t'attends ?! Tu n'as pas entendu ce que je t'ai dit ?! File, cours !

Il s'approche d'elle et lui fait face. Ce qu'il y a dans le four prend feu. Cela permet aux deux anciens soupirants de bien se voir. Sanji est couvert de suie et a quelques blessures sur le visage. Pudding garde son air sévère mais rêve de lui soigner la petite fente qu'il a au coin des lèvres...

- Il faut que tu y ailles... articule-t-elle.

Le cuistot a les yeux qui brillent. Pudding a ravivé l'étincelle de tous ses espoirs. Gentleman, il est d'accord pour exaucer sa volonté et ne dit pas un mot. Il se contente de la prendre par les épaules et d'appuyer son front contre le sien. La fille de Big Mom ne respire plus. C'est elle qui rompt ce doux contact en le repoussant calmement. Puis elle se détourne. Sanji comprend. Il part en courant.

- Pars... Et ne reviens... Jamais ! 

Le dernier mot est crié, avec désespoir, avant qu'elle ne se mette à pleurer à chaudes larmes... Elle regarde les papiers brillants flamber dans le four...


Pudding entre dans la chambre de sa mère. Linlin dort à poings fermés et ronfle bruyamment, des bigoudis sur la tête et des tranches de concombre sur les yeux. Pudding s'approche du lit, impassible. "Vinsmoke Sanji est ici. Mamma l'a ramené..." Elle contourne le lit pour se mettre face au visage de l'Impératrice. "Mais pas pour moi !" 

Elle contemple un instant le visage de la femme qui l'a mise au monde, de cette pirate surpuissante, de cette ogresse... Capable de détruire des villes et d'anéantir des vies pour des gâteaux ! Pudding serre le poing. Mamma n'est pas qu'un monstre, c'est une mère, une bonne mère. Au départ orpheline, elle a fondé une immense famille et l'a mise à l'abri en mariant ses enfants. Elles ont partagé de bons moments, toutes les deux, ensemble... Pudding avait eu tout ce qu'elle voulait, enfant... Elle vivait dans un pays merveilleux, avait un titre qui la rendait intouchable... Elle serre le poing. Elle a pris sa décision !

"Mamma... Merci pour tout !"

Elle caresse doucement une mèche de cheveux rose qui s'est échappée des bigoudis. Elle veut sauver Sanji... Alors elle plonge sa main dans la tempe de Linlin et tire d'un coup sec, pour en faire sortir ses derniers souvenirs ! Elle a tiré si sèchement, sans hésitation, que la bobine de ses souvenirs continue de rouler. Pudding tombe sur une image de son mariage... Les larmes montent, elle continue de tirer, à deux mains, sur la bobine ! Elle voit Moscato se faire arracher ses quarante ans de vie... Elle tire encore, fait dérouler toute la mémoire de sa mère, comme on déroule le fil d'une bobine... 

"Pardon, Mamma... Mais je veux  sauver Sanji !"

Elle s'aperçoit petite... "Cette frange débile, c'était pour toi !! Tout..."  Elle fait sortir près d'un kilomètre de pellicule, qui s'étale tout autour d'elle "Tout a toujours été pour toi ! Tu t'es servie de moi ! Tu t'es servie de nous tous ! Mais c'est fini ! Nous ne sommes pas tes marionnettes !" Big Mom dort toujours profondément, tandis, qu'en pleurs, sa 35ème fille lui ôte, sans s'arrêter, ses souvenirs, les uns après les autres. "Pardon, pardon, pardon..." Elle a du mal à se l'avouer, mais elle est follement amoureuse du pirate et elle n'a pas trouvé d'autre moyen que ça pour le secourir. "Mamma n'abandonnera pas la tête de Chapeau de Paille"... Elle tire, tire, tire encore, ses larmes l'empêchent de voir ce qu'elle fait. Tant pis si elle perd sa mère. Tant pis si sa famille la juge. Tant pis si la maison n'approuve pas. Tant pis si on la traite de monstre. Rien d'autre ne l'intéresse ! Personne ne peut la comprendre. La bobine se bloque soudainement. Pudding ne cherche pas à comprendre, elle déchire le souvenir bloqué et le remet dans la tête de Big Mom.  

"Merci de l'avoir choisi lui..."

Elle regarde une dernière fois sa mère, l'embrasse sur la joue, ramasse les pellicules de sa mémoire, les roule en bobine et s'en va.


Charlotte Pudding se ressaisit. Elle essuie ses larmes, éteint le four et part de la cuisine.

Elle va dans sa chambre. Vide. Elle se mort la lèvre pour ne pas pleurer. Qu'espérais-tu, ma grande ? Que le seul homme que tu aies aimé te choisisses toi plutôt que ses compagnons ? Pff... Elle se rend sur son balcon et regarde la lune, les yeux humides.


Le tapis volant dépose Sanji à une baie déserte, face à la mer, et part sans demander son reste. Le cuistot reste pantois quelques instants. Pudding-chan... Une silhouette près d'une barque attire son attention. Il n'en croit pas ses yeux !

- Pedro !! crie-t-il, en courant à sa rencontre.

- Pas si fort, nous sommes en territoire ennemi ! le sermonne-t-il, doucement.

Le guépard a le poil noirci et des balafres sur tout le corps.

- Pedro, qu'est-ce que je suis content ! Bon sang, je t'ai cru mort !

- Oui, c'est... Je te raconterai ! On doit partir. Tout ce que je peux te dire, c'est que Pudding m'a aidé et que, sans elle, je serais mort. Hâtons-nous ! Elle m'a dit de partir avant l'aube. Où va-t-on ? Où sont les autres ?

- A Wano. Prisonniers. Chez l'Empereur Kaido.

La mâchoire de Pedro rencontre le sol.

- Que-que... Qu... Quoi ??! Comment ?!

- Je t'expliquerai ! Allons-y !

Les deux amis mettent la barque à l'eau et y grimpent. Sanji regarde une dernière fois l'île...

- Ça va ?

- Oui, oui... Dépêchons-nous !

Ils déploient la voile et s'éloignent rapidement. Pedro offre une cigarette à Sanji. Celui-ci fouille sa poche et sort le briquet. Il le contemple un instant : il est couvert de petits cœurs... Il prend sur lui et décide de se concentrer sur la suite : il doit sauver ses amis !


L'horizon se teinte petit à petit de rose. L'aurore est là. Pudding n'a pas bougé. Elle serre contre elle l'unique souvenir de son bien-aimé : leur baiser, échangé au moment où ils se sont quittés pour la première fois. Son adieu...

Elle aurait pu garder près d'elle ce chef qu'elle aime tant. Il serait resté dans les cuisines, comme Mamma l'avait souhaité, mais, au moins, il serait dans la même maison qu'elle. Ils auraient pu rester ensemble, jusqu'à la fin. Elle aurait pu trafiquer sa mémoire afin qu'il se sente heureux. Avec elle... Mais ces solutions ne lui plaisaient pas... 

Car aimer, c'est aussi laisser partir.



fin

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