\ Avant-propos /

Notre histoire commence sur une planète qui n'a qu'un continent, Volen.

La légende dit que quand les dieux créèrent cette planète, ils souhaitaient en faire un monde parfait, peuplé par des êtres à leur image, et avec qui ils pourraient cohabiter en paix. Pour que leur envie prenne réalité, ils laissèrent leur mère choisir pour eux une planète de taille raisonnable, et se mirent au travail. La déesse du feu créa trois étoiles à distance raisonnable de la petite sphère de pierre pour permettre à celle-ci de jouir partout d'un climat tempéré. La déesse de l'eau la recouvrit de son élément, et le dieu de la création fit sortir des flots un unique continent, qu'ils appelèrent la terre des dieux, Volen. Il creusa des lacs, éleva des montagnes et peupla le continent d'une faune et d'une flore splendide sous le regard ravi de ses frères et sœurs, puis, comme ils l'avaient tous souhaité, il façonna des créatures ailées, splendides, que chacun des dieux dota de pouvoirs remarquables. Enfin, satisfaits de leur ouvrage, on dit qu'ils élevèrent à l'extrême opposé de Volen un temple, où ils s'endormirent pour quelques siècles, le temps de laisser leur petit monde se développer par lui-même.

Le temps a passé. Le climat était toujours doux, et les créatures à qui les dieux ont choisi de donner la vie se sont donné des noms. Elles ont choisi de se regrouper selon certaines caractéristiques en deux groupes : les anges et les démons. Le dieu de la création se réveilla alors de son sommeil pour découvrir que Volen s'était couvert de villes remplies d'animation et de temples magnifiques pour vénérer les dieux. Il fut très flatté de cet honneur et décida d'apporter un cadeau à ses créatures. Avec son frère le dieu du temps et sa sœur la déesse de la beauté, il créa trois bijoux aux pouvoirs incroyables : Chros, Kenon, et Aion. Il vint sous l'apparence d'un vieillard offrir Aion aux anges, qui ne tardèrent pas à découvrir que la bague permettait de voyager à travers les époques, et Chros et Kenon aux démons, lesquels se rendirent compte qu'ils étaient dotés des pouvoirs de changer l'apparence de leur porteur et de téléporter celui-ci. Le dieu ne s'en doutait pas, mais en agissant ainsi, il avait fait grossir davantage les tensions déjà existantes entre les deux peuples d'origine divine. Et quand il retourna s'endormir pour attendre le réveil de ses frères et sœurs, la guerre commença entre les deux peuples.

Malgré les grandes similitudes que constituaient leurs ailes et leur forme humanoïde, les anges et les démons se détestaient cordialement et ne retenaient que leurs différences.
La peau et les cheveux clairs, les iris noirs et le reste de l'œil coloré sont caractéristiques des anges. Ils portent des auréoles et des ailes claires. Au contraire, les démons, eux, ont la peau grise, les cheveux sombres, les pupilles et la sclère noires, et l'iris coloré. Ils portent des ailes sombres et des cornes allant du jaune au rouge, en passant par le marron.

Là où les pouvoirs des anges sont plutôt de type défensif, les démons, eux, possèdent une magie offensive, mais de force équivalente. Ainsi, leurs guerres se soldaient toujours par une trêve qui laissait les deux parties épuisées. C'est pourquoi, grâce à leurs immenses pouvoirs, ils décidèrent d'aller conquérir d'autres planètes pour obtenir de nouvelles recrues et technologies afin de vaincre leur ennemi une bonne fois pour toutes. En construisant des portails pour se téléporter de planètes en planètes eux-mêmes, et en arrêtant le temps à l'aide de l'artéfact qui leur avait été offert, les anges prirent le dessus sur les démons. Ils étaient sur le point de les anéantir quand les dieux intervinrent.

Ils confisquèrent les artéfacts aux démons et aux anges, et leur firent savoir que s'ils recommençaient à combattre, ils sortiraient de leur sommeil définitivement pour mettre fin à leurs existences. Mais s'ils parvenaient à une paix sincère et durable, alors ils reviendraient pour vivre auprès eux. Ils passèrent ensuite un pacte entre eux qui les empêchaient d'intervenir davantage dans les vies de leurs créations, sous peine de voir l'un de leurs frères et sœurs sortir de terre pour le stopper. Puis ils retournèrent dans leur sanctuaire, attendant le moment opportun, en laissant derrière eux le dieu de la création et ces dernières paroles :

« Accompagné de l'horloge, possesseur des trois artéfacts, l'enfant aux cheveux de lune fera couler les larmes du démon blanc. Le drapeau de l'œil unique dans ses mains, le sang coulera du ciel. Alors le monde connaîtra la joie, et les deux pierres emboîtées n'en feront plus qu'une seule. »

Les anges et les démons, tous deux courroucés par les paroles de leurs divinités, prirent néanmoins leur paroles en compte, et les firent graver sur les statues des dieux dans leurs deux capitales. Le prénom cheveux de lune devint populaire au point que chaque classe du continent contienne au moins une ou un Léna. Mais la prophétie resta incomplète pendant des siècles, au point que l'on pensa qu'elle ne se réaliserait jamais, ou qu'elle était fausse, et qu'on l'oublia, elle et le dieu qui devait veiller sur sa réalisation. Car Kirmo, délaissé par ces frères et sœurs pour avoir créé un peuple dissident, devait aller rencontrer chaque enfant pouvant correspondre à la prophétie du dieu du temps et voir s'il était digne de réussir la lourde tâche qui incombait à l'enfant aux cheveux de lune. Sous son apparence de vieillard, il attendait avec patience et lassitude, regardant les générations se succéder, pour qu'enfin, un jour, cet enfant naisse et le libère de sa punition...

Pendant son attente, il consigna les coutumes des anges et des démons sur des parchemins pour passer son temps. Il remarqua d'abord que les deux peuples avaient établi des castes.

Chez les anges, il y avait les Alba, les Flavius et les Porphiereos, et chez les démons, les Callis, les Fell et les Loras. En effet, les anges comme les démons qui étaient dotés d'un seul œil avaient généralement plus de talent pour la magie de guérison ou pour ériger des murs de pierre que pour attaquer quelqu'un directement. Au contraire, les êtres qui possédaient deux yeux étaient plus doués pour l'attaque. Il était alors cohérent de séparer ces deux groupes d'individus pour leur offrir une éducation adaptée. Quand au troisième groupe, il était composé des descendants d'animaux choisis par les pierres.

Les pierres étaient des objets étranges. Il y en avait une noire et une blanche, l'une située à Eriel, capitale de l'empire angélique, l'autre à Durgal, capitale du royaume démoniaque. Il semblait qu'à l'origine, les deux pierres étaient ordinaires. Puis les anges et les démons les avaient amenées jusqu'à leurs villes pour résoudre un problème qui avait beaucoup touché la seconde génération de leurs peuples : le sommeil magique. Les pouvoirs des enfants ne s'éveillaient pas, bien qu'ils soient descendants de créatures divines. Les adultes avaient donc chargé des pierres en énergie magique pour permettre aux plus jeunes qui les toucheraient d'éveiller leurs pouvoirs plus facilement.

Ainsi, vers leurs dix ans, les anges comme les démons subissaient une cérémonie qui leur permet ensuite d'utiliser la magie. Ils entreprenaient un voyage jusqu'à la capitale pour toucher la pierre. Pendant cette cérémonie, ils pouvaient également choisir un dieu tutélaire parmi les quinze dieux en sommeil sur Volen. Le dieu ne répondait pas nécessairement aux appels du mortel qui demandait sa protection, mais il arrivait que certains enfants plus chanceux que les autres retiennent l'attention du dieu qu'ils avaient appelé. Il leur conférait alors, le plus souvent, une plus grande affinité avec leur domaine d'expertise.

Les pierres étaient également ce qui avait marqué la plus grande différence entre les anges et les démons, pigmentant la peau des démons en noir, et laissant celle des anges intacte.

Enfin, pour en revenir aux castes, certains animaux entrant en contact avec la pierre s'étaient transformés en créatures humanoïdes partageant des caractéristiques en commun avec les anges et les démons. Leurs descendants avaient donc été acceptés parmi les deux peuples et formaient une troisième caste.

Kirmo constata toutefois que le système de caste se dégradait au fil des années. Si auparavant, la répartition se basait sur les capacités magiques pour permettre à chacun d'avoir une éducation adaptée, elle s'était progressivement faite sur des critères physiques, comme la couleur de la peau et des cornes/auréoles. Le mariage avait ensuite été interdit entre deux castes différentes pour préserver la "pureté du sang". Dans les deux terres, cela avait engendré l'apparition de pensionnats pour les enfants nés d'unions interdites, qu'elles soient extracastes, ou pire, entre anges et démons.

Ils se regroupaient à la frontière entre les deux mondes pour, éventuellement, permettre aux enfants de se faire adopter ou prendre en charge par un des deux parents, mais cela se passait rarement bien... Comme ces enfants n'étaient protégés par aucune loi, étant donné qu'ils n'existaient pas aux yeux de la loi, certaines personnes en profitaient pour satisfaire leurs désirs personnels ou mener des expériences sur eux, sous couvert d'adoption... Cela navrait le dieu de la création d'être témoin de telles horreurs, mais le pacte de non-intervention passé entre les dieux le maintenait pieds et poings liés. Ses seules actions se limitaient à répondre à quelques prières simples et offrir sa bénédiction aux enfants qui la demandaient lors de leurs cérémonies.

Il existait cependant des pensionnats plus prestigieux que les autres où les enfants étaient mieux traités et les visites des parents permises...En tant que membre illégitime de la royauté, Léna passa fort heureusement son enfance dans un pensionnat comme ceux-ci, le pensionnat Méduse, et coula des jours heureux jusqu'à ses quatorze ans...

Kirmo prit également des notes sur la religion des habitants de Volen. Il se rendit compte avec beaucoup d'émotion que les anges comme les démons avaient érigé de nombreuses statues et des temples dédiés aux quinze divinités qui étaient à l'origine de leur création.

Il visita tous les temples, de ceux de la déesse du pardon à ceux du dieu de la mort, et fut extrêmement satisfait du soin apporté au culte de ses frères et sœurs. Il savait pour l'avoir vécu que sa fratrie qui dormait dans le temple recevait chaque prière et en exauçait quelques unes, selon leurs envies et leurs possibilités. C'était ce qui les rendait si populaires auprès des mortels. Il remarqua enfin, quelques années avant de céder les artéfacts, que son frère le dieu de la justice était réveillé. Il alla le rencontrer sous son apparence de vieillard, mais Pharaon, car tel était son nom, ne sembla pas le reconnaître. Il avait vraisemblablement oublié qui il était. Kirmo l'avertit alors:

« N'essaie surtout pas d'utiliser tes pouvoirs sur autrui ou un dieu sortira de terre pour t'en empêcher. Si jamais cela arrive, tu n'auras qu'à crier : « Kirmo ! » et je viendrais à ton secours. »

Puis il laissa son frère goûter à la vie mortelle. Quelques années s'écoulèrent. Le prénom Léna était quelque peu passé de mode, et Kirmo s'ennuyait. Pour s'amuser, il était aller jouer avec l'un des artéfacts sous sa garde sur une planète lointaine. C'est alors qu'il perçut ces paroles :

« Tu es magnifique. Comme ta mère. Et tu as des cheveux si clairs... Ils ont la couleur de la lune, quand on la regarde à travers les nuages. Certains disent ce prénom démodé, mais il t'ira comme un gant, ma petite Léna. »

Et il s'empressa de revenir sur Volen pour rencontrer l'enfant...

Lisa Thelmar