9. À l'étranger - GreenPenApple
À l'étranger par GreenPenApple
× Day6,
× Wonpil X Dowoon,
× tranche de vie, université
À l'étranger
— C’est le dernier jour, tu pourrais pas essayer de te détendre ?
Wonpil leva les yeux de son livre et chercha du regard la provenance de la voix familière qu’il venait d’entendre. Dowoon, son camarade de classe, s’approcha en râlant.
— T’es tellement plongé dans tes bouquins que t’es totalement perdu quand une vraie personne t’adresse la parole, s'énervait-il.
— Non, je suis juste surpris de te trouver ici, répliqua Wonpil, c’est pas dans tes habitudes de venir à la bibliothèque.
Dowoon se saisit de la chaise en face de lui et s’étala sur la table;
— Tss, on m’a envoyé te chercher, c’est pour ça que je suis là. Tout le monde est dans la salle et tu es le seul qui manque à l’appel. Ça m'a gavé que tout le monde râle alors je me suis sacrifié.
Wonpil jeta subitement un coup d'œil à sa montre et écarquilla les yeux.
— Mince ! J’avais pas vu qu’il était déjà cette heure-là ! s’exclama-t-il en refermant aussitôt son livre.
Il se leva d’un bond et parcourut les rayons de la bibliothèque afin de le ranger à sa place.
— Je voulais le terminer avant de partir, vu qu’on ne peut pas emprunter de bouquins pendant l'été, expliqua Wonpil, j’ai pas vu le temps passer.
Dowoon secoua la tête, dépité.
— Ça me fait halluciner que ça soit la seule chose qui te tient à coeur en ce dernier jour…
— Ça m'aide à me détendre de lire, même si ce sont des ouvrages à visée éducative.
— Mouais, chacun ses petits plaisirs je suppose… On peut y aller maintenant ?
Wonpil acquiesça d’un mouvement de tête et suivit son camarade vers la sortie en prenant bien soin de saluer la bibliothécaire au passage. Dowoon avait eu beau presser Wonpil, il traînait désormais les pieds pour traverser les différents bâtiments. Ça l'étonna mais il ne fit pas de remarque et se contenta de siffloter tout en regardant autour de lui. Les camarades de sa promotion avaient décidé d’organiser un goûter pour le dernier jour de l’année universitaire. Wonpil et Dowoon étant des étudiants coréens venus en échange en France pour un an, ils n'étaient pas très au fait de ce genre de coutume, mais les autres avaient expliqué qu’ils en profiteraient pour leur dire au revoir. Comme un pot de départ.
Les deux jeunes hommes ne se connaissaient pas d’avant, ils s’étaient rencontrés lors d’une réunion organisée par le programme d'échange qu’ils avaient rejoint. Ils n’avaient pas planifié de voyager ni de traîner ensemble une fois en France, leurs centres d'intérêt étaient un peu trop différents. Ils s’étaient surtout fréquentés pour avoir quelqu’un avec qui échanger dans leur langue natale et en cas de problèmes, c’était toujours bienvenue d’avoir un étranger avec soi lorsqu’on était à l’autre bout du globe. Ils avaient été là l’un pour l’autre durant toute une année sans s’être jamais rencontrés auparavant. Ça forgeait des liens ce genre d’expérience.
Ils furent accueillis comme des célébrités une fois dans la salle réservée par leurs camarades. L’un d’eux leur proposa immédiatement une bière et ils furent ensuite assaillis de demandes de photos avec tout le monde. Leur français s’était considérablement amélioré durant cette année et les autres leur avaient même appris quelques expressions familières dont tout le monde s’amusait beaucoup. Quelques personnes s’étaient mises à pleurer, émues du fait qu’elles n’allaient probablement plus les revoir de leur vie. Les promesses de prendre des nouvelles sur les réseaux et même de voyager en Corée du Sud allaient bon train. Les esprits déjà échauffés par l’alcool répétaient quelques mots basic de coréen et le garçon chargé de la musique passa une chanson d’un célèbre groupe de K-pop pour, comme il se justifia, “se mettre dans l’ambiance”. Cela fit beaucoup rire Wonpil qui lui fit vite remarquer que la chanson était en anglais, provoquant l’hilarité générale.
Les heures passèrent, l’ambiance était à la fête, mais Wonpil remarqua soudain Dowoon qui quittait discrètement la pièce, à bien y réfléchir, il avait bien remarqué que son ami avait eu l’air absent depuis qu’il était venu le rejoindre à la bibliothèque, comme si quelque chose le contrariait. Wonpil s’excusa auprès de ses amis, prétendant avoir besoin d’aller prendre un peu l’air pour s’éclipser à son tour.
Il aperçut Dowoon prendre à droite au bout du couloir et emprunter la sortie qui menait vers les escaliers de service, il l’y suivit.
— Dowoon ? Tout va bien ?
Ce dernier sursauta mais soupira en réalisant qu’il s’agissait de son camarade.
— Ouais… j’avais juste besoin de prendre un peu l’air.
Wonpil s’avança et s’installa à ses côtés sur l’une des marches en béton et lui tendit l’une des deux bouteilles de bière qu’il avait emportées avec lui. Dowoon le remercia d’un léger son de gorge et en avala un bon tiers.
— Ça va nous faire bizarre de retourner en Corée, soupira Wonpil en regardant le parc désert à côté des bâtiments universitaires.
— Hum.
— Je regrette pas d’être venu ici n’empêche, c’était une chouette expérience. Et j’ai fait des rencontres sympas.
Dowoon rit jaune et secoua la tête de droite à gauche, il but un peu de bière et souffla. Son voisin fronça les sourcils.
— Qu’est-ce qui t’arrive ? Pourquoi tu fais la tête depuis tout à l’heure ?
— Parce que tu m’agaces à faire comme si tu allais partir pour toujours. Je sais que tu as signé pour une autre année ici… Je croyais qu’on rentrait ensemble au pays.
— Oh, mais je rentre avec toi, qu’est-ce que tu racontes ?
Cette fois Dowoon se tourna pour lui faire face et Wonpil sentit que la conversation prenait une tournure bien plus sérieuse à en juger par le regard sombre que lui lançait son ami.
— Tu vas passer deux mois en Corée et ensuite revenir ici, fais pas comme si tu partais définitivement. Ce qui m’énerve le plus c’est que tu ne me l’ai pas dit, si tu m’en avais parlé, j’aurais pu faire les démarches pour faire une autre année ici, mais c’est trop tard, je suis déjà inscrit dans une fac à Séoul pour l’année prochaine, je peux pas changer mes plans comme ça.
Wonpil pencha la tête, il plissa les yeux, comme pour discerner ce qui pouvait bien se passer dans la tête de son cadet de quelques mois.
— Je suis pas certain de te suivre Dowoon, on a jamais parlé de se mettre d’accord sur nos plans à venir alors je vois pas pourquoi tu es en colère contre moi.
Dowoon se renfrogna tel un enfant à qui l’on aurait dit “non” pour la première fois de sa vie. La vérité était qu’il avait fini par s’enticher de Wonpil, et s’il avait poursuivi ses études en Corée comme lui, alors il aurait probablement eu l’occasion de faire quelque chose de leur relation. Lui-même ne savait pas vraiment ce qu’il en attendait, mais ce dont il était sûr, c’est qu’il aurait beaucoup de mal à le savoir en étant à plusieurs milliers de kilomètres de lui.
— Laisse tomber, je crois que je me suis monté la tête.
— Mais à propos de quoi ? Pour tout te dire, si j’ai décidé de rester ici c’est surtout que je savais que je n’aurais aucun problème à ce que mon dossier soit accepté, alors qu’à Séoul… Je sais pas, j’étais pas sûr de moi.
Dowoon se tourna vers lui et bégaya quelques mots.
— Qu-quoi ? Toi, pas accepté dans une fac ? Tu rigoles ou quoi ? T’as un dossier en béton et des notes de malade, je vois pas de quoi t’as eu peur.
— Je sais pas, je sais que la concurrence est plus rude à Séoul, alors ça doit être pour ça. J’en ai pas vraiment parlé autour de moi.
Dowoon l’observa boire sa bière avant d’en faire autant avec la sienne, il soupira ensuite longuement, secouant la tête pour laisser ses mèches brunes cacher son regard triste.
— Alors… Tu seras en Corée pour deux mois ?
— Oui, et je reviens ici quelques jours avant la rentrée.
— Hum… Et, tu as des projets ? Pour les vacances d’été je veux dire.
Wonpil haussa les épaules, esquissant un sourire amusé.
— Pas spécialement, à part bouquiner un peu pour rester à niveau.
— Toujours tes livres hein…
— Et toi ?
Dowoon soupira.
— J’sais pas, je vais d’abord revoir ma famille et mes amis. Et puis ensuite je me disais qu’on pourrait passer un peu de temps ensemble. Ça peut être sympa et puis cette fois ça sera pas dans un pays inconnu.
— Tu me trouves chiant à mourir mais tu veux qu’on se voit pendant les vacances d’été ? T’as pas peur de-
— Ça me ferait vraiment plaisir, le coupa son voisin. Et puis je suis sûr que j’arriverais à te tirer de tes bouquins pour te faire faire des trucs amusants.
Wonpil l’observa en silence quelques instants puis sourit avant de lui tendre la main, Dowoon la saisit et la serra dans la sienne.
— Ça marche, on verra si tu y arrives, gloussa l’aîné en lui adressant un clin d'œil.
Ils firent s’entrechoquer leurs bières et échangèrent un sourire. Dowoon espérait peut-être plus que ce que son camarade avait à lui offrir, mais une belle amitié était déjà un très beau présent qu’il était prêt à accepter. Il expira longuement et rit.
— J’espère que les autres ne vont pas venir nous chercher, je me sens bien là.
Wonpil, d’abord surpris, esquissa un léger rictus et prit ses aises sur la marche en béton.
— Oui, moi aussi je me sens bien ici, avec toi.
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