Τυφωεύς p.II

SEUNGBINLIX

"You want me to lie, not break your heart"

The Cure


     Perché sur ses deux pattes arrière, une créature formait un passage entre la terre et le ciel. Ses immenses ailes provoquaient de nombreuses rafales. Son visage côtoyait les nuages masquant alors ses traits. De ses épaules jaillissaient une centaine de têtes de dragon dont chacune dardait une langue noire saliveuse, putride ; de ses cuisses surgissaient une centaine de têtes de vipères sifflotant une angoissante mélodie.

S'il n'en tenait qu'à Changbin, il aurait très vite fait demi-tour pour tenter d'y échapper. Pour autant, il n'était pas prêt à laisser ses amants entre ces griffes acérées. Le plus discrètement possible, il déposa une main dans le dos de ces derniers, attirant leur attention. Tout doucement, il se mit à marcher à reculons, ne quittant pas même une seule seconde la créature des yeux. Ensemble, ils reculèrent de quelques mètres, fascinés par ce qui était en train de se passer.

Malheureusement, Felix posa le pied sur une brindille particulièrement asséchée. Un craquement retentit. Bien qu'infime comparé aux rafales qui sévissaient, un grondement lui fit écho. Paralysés, ils ne purent qu'observer la bête fléchir les genoux, chasser les nuages qui obscurcissait son visage et planter la lueur vive qui émanait de ses yeux dans les leurs.

Elle portait un masque. Divers matériaux s'entremêlaient, passant de rameaux à plaques de tôle. C'était comme si une tornade avait tissée des liens entre les débris pour les assembler et les offrir à une forme de vie alternative. Là où devait se trouver les yeux, deux petites flammes bleues miroitaient. Elles avaient soif. Soif de destruction.

Sentant la tension s'accumuler, Changbin fit glisser sa main le long de leurs bras pour se saisir de leurs doigts :

     « On se tire ! »

Il n'eût pas besoin de le dire deux fois. Tous se mirent à courir dans la direction opposée. Derrière eux le vent s'intensifiait. Un rugissement de colère retentit dans leur dos faisant remonter mille et un frissons le long de leurs colonnes. Il fallait fuir le plus vite possible ou leurs jours seraient comptés.

Plusieurs fois, ils manquèrent de trébucher ; plusieurs fois, ils s'attendirent pour rester groupés. Derrière eux les arbres s'effondraient. Un monstre de l'air s'élançait à leur poursuite, probablement pour les dévorer.

Felix se maudit d'avoir voulu prendre l'air au milieu de la nuit. S'il ne s'était pas montré aussi pessimiste, rien de tout cela ne serait arrivé. Seungmin regrettait de s'être laissé emporter contre lui. S'il ne s'était pas montré aussi moralisateur, rien de tout cela ne serait arrivé. Changbin se haïssait pour les avoir entraîné en pleine forêt si peu préparés. S'il ne s'était pas montré aussi passif, rien de tout cela ne serait arrivé.

     « Par-là !, s'exclama Seungmin.

— Attention aux racines, prévînt Felix. »

Espérant pouvoir semer l'être à leurs trousses, ils zigzaguaient entre les feuillages. Le tambourinement de leurs pas s'apparentait presque à un troupeau de biches en danger. A présent, plus encore que jamais, chaque arbre ressemblait au précédent. Une impression de déjà-vu s'installait. C'était comme s'ils tournaient en rond ; comme si le vent les ramenait...

Lorsqu'ils franchirent à nouveau le pas de la clairière, ils comprirent que quelque chose clochait. Face à eux, le géant se tenait debout, prêt à attaquer aussi fort que soufflaient les bourrasques. Pris de panique, Felix se mit à sangloter. Cette douce mélodie parvînt aux oreilles du monstre qui s'agenouilla. Bien loin d'abdiquer une guerre qui n'avait pas vraiment commencé, il leva ce qui s'apparentait à une main dans le ciel. Un courant d'air s'y forma et lentement, descendit sur terre. La force divine se saisit du corps de Felix sans même que ses amants ne puissent y faire quoi que ce soit et il s'envola dans le ciel.

Si la situation s'y prêtait, le blond aurait pu apprécier la vue depuis ce point culminant. Cependant, à la hauteur où il était, il ne pouvait que tenir le regard bleu d'un géant dont les intentions paraissaient être de ne pas vouloir l'épargner. Presque prises de curiosité, les têtes de serpent et de dragons s'approchaient de leur allure menaçante. Encerclé, élevé et terrifié, il suffoquait.

Soudain, le masque tomba. Les débris s'échouèrent avec fracas sur le sol, manquant de peu les deux témoins de la scène. C'est à ce moment précis que Changbin se réveilla de sa torpeur. Alors que l'œil du Typhon s'approchait dangereusement de son cadet, il se saisit d'un morceau de fer en forme de cylindre assez large qui traînait à ses pieds et le lança dans l'espoir de capter son attention.

La démarche fonctionna puisque que le bout de métal lui traversa la cuisse dans un sifflement assourdissant. Un liquide noir et visqueux s'écoula sur la mousse. Felix retomba violemment sur le sol et Seungmin se précipita à ses côtés pour prendre conscience de son état. Sa cheville s'était tordue dans un drôle angle et il avait pris un sacré coup sur la tête mais l'adrénaline le maintenait réveillé ; un mal pour un bien. Seungmin, désespéré, tenta de le dégager de la zone. Le soutenant par les aisselles, il le traîna sur quelques mètres pour le poser derrière un buisson, à l'abri du danger.

Quand il eut finit la manœuvre et qu'il releva la tête pour chercher Changbin, il glapit. Saisissant tout ce qu'il lui passait par la main et le jetant sur le géant, ce dernier ne se rendait pas compte qu'il l'alimentait. Prenant de plus en plus de forces à mesure qu'il amassait les déchets, Typhon l'envoya valdinguer plusieurs mettre plus loin avant de leur tourner le dos d'un air hautain. Il partit en direction de la ville sans même un regard pour ceux qui avaient osé le déranger alors même qu'il ne faisait qu'arriver.

Les Hommes n'étaient pas censés le croiser, seulement subir sa fureur. Son dernier geste n'avait été qu'une mise en garde, un message à transmettre. Aujourd'hui, la ville connaîtrait un épisode météorologique encore plus frappant que jamais. Le vent allait souffler, murmurer ses conditions, ses menaces, ses dernières volontés...

Perdu entre ses deux amants, Seungmin ne savait plus où donner de la tête. A l'Est, Felix était mal en point : à l'Ouest, Changbin peinait à respirer. Il fit rapidement le calcul et préféra approcher celui dont il ne s'était pas encore enquis de l'état. Quand il s'approcha du noiraud, une expression d'horreur s'imprima sur son visage. Quelques côtes s'affaissaient dû au violent coup qu'il avait récolté, quelques ecchymoses abîmaient son beau visage et quelques perles rubis s'écoulaient de sa bouche. A son tour, un sifflotement s'extirpa de son nez : il respirait. Difficilement. Mais il y arrivait.

     « Changbin ?, tenta de le ramener le châtain, les larmes aux yeux.

— Où est Felix ?, s'enquit-il, les paupières papillonnantes.

— Je l'ai mis à l'abri, il- il va surement revenir. Tu penses que tu peux... Seigneur, souffla-t-il en apercevant une nouvelle plaie, tu peux te lever ? »

L'aîné grimaça rien qu'en tentant de se redresser. Il se saisit malgré tout de la main de son amant et la pressa aussi fort qu'il le pouvait mais sa poigne perdait peu à peu de fermeté.

     « Comment il va ?, s'inquiéta-t-il, sans même se soucier de son propre état.

— Il est blessé mais il va bien. Mieux que toi, je crois... Changbin, fais un petit effort, on doit se mettre à l'abri. On est peut-être encore en danger. S'il-te-plaît, il faut que tu bouges !

— La radio...

— Quoi, la radio ?

— Préviens les secours, souffla-t-il. »

Seungmin regarda autour de lui. Felix essayait tant bien que mal de se rapprocher. Changbin le dissuada, usant de ses forces pour lui crier de s'arrêter.

     « Emmène Felix avec toi et, il grimaça, contacte la ville. Sauvez-vous et ne dîtes surtout pas la vérité, on va vous prendre pour des fous...

— Et toi ?, les larmes roulaient désormais sur ses joues.

— Je suis trop faible, je ne tiendrai pas le trajet. Envoyez les secours dès que vous arrivez, je peux vous attendre, je peux y arriver... »

Mais ses yeux se fermaient et Seungmin avait du mal à le croire. Avec difficulté, Changbin essuya sa joue et y déposa un peu de terre. Il s'y attarda plus que de raison, replaçant même une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille. Elle finit par retomber à nouveau et ternir son beau minois déchiré par la douleur.

     « Ce n'est pas ta faute, Minnie, ça n'a jamais été de ta faute... »


²/2 SHOTS pour shirokeur

Le Jeu du Hasard

[2ème édition]

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