Il était une fois un serial killer...
Lily-wa m'a proposé d'écrire un texte sur la traque d'un type digne de Jack l'éventreur. Ou de revisiter un conte, au cas où j'aurais besoin de légèreté. Mais choisir, c'est renoncer. Je déteste renoncer.
***
Il régnait un froid humide dans le sous-bois. Si bien que la goutte avait rapidement commencé à pendre au nez de Sarah. Son voile était poisseux, lui collait désagréablement à la nuque. Elle n'aimait pas ça, ce temps ni réellement chaud, ni véritablement froid qui la laissait pourtant au bord du grelottement.
Pire, il n'avait pas l'air de déranger William qui portait un short. Les branches lui léchaient même parfois les jambes. À quelques mètres devant elle, l'adolescent donnait plus l'impression de gambader que de marcher.
Des raisons parmi des centaines d'autres qui le rendaient détestable aux yeux de Sarah.
- Hansel ! criait-il presque gaiement. Gretel !
Sarah soupira. Cela faisait déjà plusieurs jours que les deux enfants avaient disparus. Elle se retrouvait à faire cette énième battue avec son idiot de voisin dont la bonne humeur lui semblait inappropriée.
- Hansel, Gretel ! scanda-t-elle à son tour, plus dramatiquement que son camarade.
- On devrait peut-être creuser, proposa soudainement William. On a sans doute plus de chance de les retrouver sous terre.
Il partit dans un rire tonitruant, face à une Sarah horrifiée.
Elle aurait encore préféré faire équipe Kevin. Il marchait lentement, transpirait rapidement, mais au moins il ne s'étalait pas en blagues douteuses.
- Ou peut-être qu'il n'y a plus de corps ? Il y a plein de podcast où le tueur brûle les corps. J'en ai même déjà écouté où il mangeait des parties des victimes.
- Tu me dégoûtes. C'est vraiment pas drôle, William.
La famille d'Hansel et Gretel avaient emménagé dans leur quartier quelques années auparavant. En effet, leurs parents avaient... ils avaient... Sarah avait oublié.
Il était courant que les deux enfants aillent jouer dans les bois qui bordaient leur maison. Malheureusement, le samedi précédent, ils n'étaient pas rentré manger leur gouter. Ni leur dîner. Ils s'étaient tout simplement volatilisés.
- Hansel !
- Gretel !
Leurs cris résonnaient dans le silence oppressant des sous-bois. Le soleil se couchait déjà en cette soirée d'automne, donnait aux arbres l'aspect de sorcières au nez pointu, aux doigts crochus. Un frisson remonta le long de la colonne vertébrale de la jeune fille. Une branche frôla son bras et elle sursauta violemment.
La nuit tombait rapidement. Elle ne pensait pas qu'il était si tard. D'habitude, le temps s'écoulait lentement en présence de William. Elle voulut regarder l'heure sur son téléphone. Néanmoins, l'écran resta obstinément noir. Elle n'avait plus de batterie. Merde, elle s'était pourtant assurée qu'elle soit pleine en quittant sa maison.
- William, se résolut-elle alors à demander. Tu sais quelle heure il est ?
Ce dernier remonta la manche de son pull avant de froncer les sourcils. Il sortit alors son téléphone et Sarah le vit s'acharner un instant dessus avant de se tourner vers elle, la démarche toujours sautillante.
- Ma montre est cassée et on dirait que mon téléphone va plus, annonça-t-il sans cesser de marcher. C'est bizarre. T'as pas le tien ?
Elle lui montra l'écran résolument noir, sans dire un mot.
- Jamais deux sans trois, s'exclama William. On n'a pas besoin de ça de toute manière, ils s'en sortaient comment avant ?
Il accompagna ses paroles en se tapant la tempe de l'index. Sarah ne put retenir un soupir. Voilà qu'elle se retrouvait seule au milieu de la forêt sans moyen de communication avec un abruti fini et...
- William, pourquoi est-ce qu'on entend plus les autres crier ?
Le pied du jeune homme se figea à quelques centimètres du sol, paralysant sa joyeuse marche. Sarah vit presque son oreille se tendre à la recherche d'un quelconque bruit qui chasserait l'angoisse contagieuse qui l'envahissait.
Rien. Les oiseaux ne chantaient pas, l'eau ne gouttait plus des feuilles. Pire, le vent semblait lui aussi s'être figé. Un seul détail attira son attention : une étrange lueur entre deux arbres.
C'était bleu, non, doré, non, ça changeait de couleur, jouant avec sa rétine et attirant inexorablement William à sa source.
- Qu'est-ce que c'est que ça ? interrogea-t-il en tendant le doigt vers l'étrange lumière.
- Je n'en ai aucune idée.
Sarah l'observa s'approcher, encore et encore. Elle le suivait de près, prudente. Quand il faillit toucher la chose, elle tapa vivement ses doigts, occasionnant un rare regard de reproche de la part de l'adolescent.
- Tu es fou ? s'emporta-t-elle avant lui. On devrait retrouver les autres et rentrer. J'ai un mauvais pressentiment.
- Oh, c'est bon ! C'est juste de la lumière qui change de couleur. Tu veux qu'il nous arrive quoi ?
Un air scandalisé déforma les traits de Sarah :
- Hansel et Gretel ont disparu, nos téléphones marchent plus et la nuit tombe déjà. Ça te suffit pas, peut-être ?
William retint un rire.
- Nos téléphones ont jamais vraiment marché...
La jeune fille ne comprit pas de suite et se contenta de le fixer. Ce type était incompréhensible et elle aurait jurer que l'arbre à sa droite n'était pas aussi près d'elle quelques secondes plus tôt.
- Ils ont pas vraiment de pieds ou de jambes.
Il se marra de sa propre blague sous les yeux sombres et perdus de Sarah. Comment pouvait-on être aussi stupide ? Ils recherchaient des enfants perdus et probablement morts et lui rigolait bêtement ! Se rendait-il compte de la situation ? Et depuis combien de temps la branche de l'arbre lui frôlait-elle le visage ?
- Oh, ça va ! On a vraiment plus le droit de rire de nos jours. Tu penses que c'est en pleurant qu'on va les ramener ?
- Tu n'es qu'un idiot, William.
Un sourire vint orner le coin de ses lèvres et, sans qu'elle puisse s'y attendre, il saisit son bras et la poussa vers la lumière. Cependant, elle ne la traversa pas simplement comme il l'aurait cru.
Sarah disparut.
Le sourire de l'adolescent s'effondra. Il aurait dû faire demi-tour, il le savait. Il devait retrouver ses parents, les policiers, leurs expliquer ce qu'il venait de se passer. Mais le croirait-on ? Il avait tellement envie de toucher la lumière... Sa main se tendait. C'était bizarre s'il disait qu'elle lui semblait douce ? Il voulait la toucher pour s'en assurer. Ses doigts semblait poussés par une force autant qu'ils étaient retenus par une autre. Enfin, ils parvinrent à toucher l'éclat qui se parait à présent de mauve et d'argent.
Soudain, tout se mélangea autour de lui. Le gris triste et omniprésent d'automne fut remplacé par des couleurs vives. William tournait dans tous les sens comme dans un manège de fête foraine. Il ne sut combien de temps cela dura. Paradoxalement, tout lui semblait figé. Enfin, il retomba sur un sol bizarre qui poussa un petit cris.
Autour de lui, les chênes et conifères avaient cédé leur place à d'étranges arbres dont le feuillage ressemblait à de la barbe à papa, les troncs à des sucre d'orge. L'herbe paraissait si verte ! On aurait dit qu'elle avait été colorée comme les macarons de sa grand-mère.
- William ! Dégage, tu m'écrases !
Son corps roula pour libérer Sarah dont il avait volontairement ignorer les petits coups qu'elle avait infligés à son dos. Il aimait bien l'embêter.
- Oh, désolé, mentit-il. Je ne t'avais pas vu.
Il resta un moment sur le sol a sentir l'herbe dans son cou, ses mains, ses mollets. Le nez rivé dans un ciel parfaitement bleu, il se rendit compte qu'aucun soleil n'y brillait. Mais d'où venait donc toute cette lumière qui se reflétait un peu partout, faisant luire les troncs d'arbre et les fleurs en sucre soufflé ?
- Sarah, demanda-t-il, tu penses que nous sommes au Paradis ?
Il se tourna vers elle tandis qu'elle remettait son hijab correctement. Debout et droite, elle semblait tendue. Et immense, vue sous cet angle.
- Je n'espère pas, abruti. Ça voudrait dire qu'on est morts.
William roula une nouvelle fois dans l'herbe, simplement pour le plaisir, et ferma les yeux. Une odeur de pâtisserie flottait dans l'air, un sourire béat se colla sur ses lèvres.
- On doit partir d'ici, articula Sarah. J'ai un mauvais pressentiment.
- T'avais déjà un mauvais pressentiment tantôt et regarde où on a atterri, tenta William, les yeux toujours fermés.
Mais une affreuse boule plombait le ventre de Sarah. Elle commença à faire les cent pas tout en se rongeant les ongles au sang. Elle n'était pas du même avis que William.
- Il nous faut de l'aide, insista-t-elle. Nos parents vont s'inquiéter et je veux rentrer chez moi. Hansel et Gretel ont déjà disparu, c'est assez, non ?
- Hé mais attends ! s'exclama l'adolescent, reniflant pour chercher la provenance de l'odeur qui imprégnait l'air. Ils sont sûrement ici, eux aussi.
Sarah se figea, il n'avait peut-être pas dit une chose stupide, pour une fois. Elle le regarda se rouler de nouveau dans l'herbe, les bras tendus devant lui. C'était surprenant.
Il s'arrêta enfin et ouvrit les yeux, lui pointant une direction du doigt :
- On devrait peut-être aller demander à la maison là-bas. T'as vu ? Elle est en pain d'épice ! C'est pas dingue ça ?
La jeune fille sursauta. Elle n'avait pas remarqué la maison, comme si celle-ci venait d'apparaitre à l'instant. Elle était pourtant facilement repérable dans la prairie parsemée d'arbres cotonneux qui les avait accueillis. Une épaisse fumée sortait par une cheminée cimentée de sucre glace dégoulinant. C'était de là que venait l'odeur de gâteau fraîchement sorti du four.
- Je ne pense pas que c'est une bonne idée. J'ai un mauvais pressentiment.
- Encore ?
Le nez de William sembla se lever avant le reste de son corps. Sans autre commentaire, il se dirigea vers la porte d'entrée, bien plus proche que ce que Sarah avait pensé. Elle le suivit à contre-coeur, ne souhaitant pas rester seule dans cet endroit inconnu.
William cogna contre le pain moelleux de la porte.
- Tu penses qu'on nous a entendu ? lui demanda le garçon.
Sarah ne lui répondit pas, trop occupée à piétiner le sol pour expulser son angoisse.
- Hé, regarde ! ajouta-t-il. On dirait que tu fais une marre de boue au chocolat !
Tandis qu'il allait de nouveau abattre son poing sur le montant moelleux de la porte, celle-ci s'ouvrit sur une femme étrangement vêtue.
- Bonjour les enfants, vous souhaitez quelque chose ?
De sa voix douçâtre, elle ne parlait qu'en entrouvrant les lèvres. Sarah secoua la tête en pensant apercevoir des dents cruellement pointues.
- Bonjour Madame ! salua William en donnant un coup dans les côtes de sa camarade qui murmura à son tour un faible bonjour étranglé.
Ses yeux glissèrent sur une robe en réglisse qui tombait jusqu'au sol. Elle releva sa tête et ne sut les détacher de cheveux semblables à un assortiment de meringues colorées. Il fallait qu'elle s'accroche à une autre vision que la garnison de canines acérées.
- On est à la recherche de deux enfants, Hansel et Gretel, continua William. C'est pour savoir si vous les auriez vu !
Les longs ongles manucurés de la femmes tapotaient lentement le chambranle de la porte. Ils brillaient comme du caramel fraichement fondu.
- C'est fort possible, répondit-elle, sa voix coulant comme du miel. Rentrez donc vous assoir, le temps que je me rafraîchisse la mémoire.
William ne se fit pas prier plus longtemps, des étoiles pleins les yeux et le ventre grognant déjà. Sarah fut tentée de courir en sens inverse, mais le regard de la femme la tenait désormais prisonnière. Elle baragouina un merci avant d'aller s'assoir sur une chaise de biscuit. La maison ne semblait contenir qu'une pièce, elle-même peu meublée. Une table, quatre chaises et un grand four.
Sans savoir pourquoi, Sarah déglutit.
- Tracasse, lui chuchota William, sûr de lui. Elle vit dans une maison en pain d'épice. Une personne qui vit dans une maison en pain d'épice ne saurait pas être méchante.
Les deux adolescents n'entendirent ni claquer la porte d'entrée ni le verrous les enfermer à double-tour. Dans la prairie verdoyante parsemée de confiseries, on ne perçut que leurs cris et hurlements.
***
Une musulmane et un baraki partent à la recherche de deux enfants allemands égarés. En chemin, ils rencontrent une sorcière... Attendez ? Ne serait-ce pas le début d'une mauvaise blague ?
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