Reconstruction

Hey! J'espère que vous allez bien.

Aujourd'hui on se retrouve pour l' '' Ultime challenge '' du Pink Lock qui consiste à récrire (de manière originale bien sûr) un cliché romantique.
apprenti0auteur

Bonne lecture !

...

- Les enfants ! On rentre ! À gauche toute ! gueulé-je dans le porte-voix.

La troupe m'obéit avec plus ou moins de succès. Après avoir récupéré par la peau du cou les quelques gamins qui tentent de partir à droite pour s'échapper, je peux apprécier un peu de '' calme ''.

M'enfin, tout est relatif. Vu comme la nouvelle recrue me regarde, elle va venir me parler, c'est sûr. Purée, je déteste donner des renseignements.

- Eh, excuse-moi, tu sais où se trouvent les affaires de rafting ? Tom en a besoin, m'interpelle-t-elle.

Je la reluque vite fait. Grande, brune, banale. Bon.

- Ouais, elles sont dans la tente verte, au fond à gauche.

- OK, merci, répondit-elle, visiblement surprise par mon ton sec. Ah, pardon, je suis vraiment malpolie, j'me suis même pas présentée ! J'm'appelle Julia, j'viens d'arriver, explique-t-elle.

Mince. Faut que je réponde. Elle y peut rien, l'idiote, mais elle arrive au mauvais moment..

- OK, moi c'est Robert, tenté-je en essayant de paraître sûr de moi.

J'espère qu'elle va pas insister.

- D'accord, bon bah merci pour les renseignements, me salue Julia, avec un air compréhensif.

Intérieurement, c'est moi qui suis reconnaissant qu'elle s'en aille et que je puisse enfin bénéficier de cinq minutes de pause.

...

- Ah, salut Robert, excuse-moi, j'peux m'mettre là ?

- Ouais ouais, bien sûr, répondis-je à la volée sans même considérer mon interlocuteur.

Je vérifie quand même que ce soit pas un gosse qui veuille faire un vilain tour... Mince, c'est Julia et elle n'a pas pris de siège pliable... Je déteste quand je domine les autres à cause de mon fauteuil roulant.
Ça n'a pas l'air de l'embêter, mais bon. Je vais quand même essayer de m'asseoir par terre.

Malgré mes efforts pour m'extirper de mon siège en toute discrétion, Julia le remarque et m'offre son aide. Je la remercie poliment pour lui faire comprendre que c'est inutile, ça me rappellerait trop de choses et je me débrouille mieux tout seul.

Un silence confortable s'installe ensuite. Enfin, un silence de colonies, c'est-à-dire une cacophonie de babillements incessants par des petits surexcités qui n'attendent qu'une chose, la sacro-sainte arrivée des marshmallows.

- Je ne veux pas paraître indiscrète... commence soudain Julia, un peu gênée d'interrompre ma rêverie. Je sais qu'on t'a déjà posé cette question, mais je me demandais quand même...

- Comment je peux être moniteur de colo alors que mes jambes répondent à aucun signal de mon cerveau ? la coupé-je.

Avec embarras, la jeune monitrice acquiesça. Je ne peux pas lui en vouloir de penser ça, j'aurais le même train de pensées à sa place.

D'habitude je n'explique pas, j'envoie les gens bouler. Je dis que je suis dépressif et que je ne veux pas répondre, ce qui est vrai, et ils comprennent encore moins ce que je fais à jouer avec des enfants toute la journée.
Mais c'est vrai que Julia est une inconnue au bataillon, qui n'a rien demandé de mal. Un bref coup d'œil m'apprend soudain qu'elle n'attend pas de réponse. Je ne sais pas lire dans le regard des gens mais elle semble plus concentrée sur la tentative d'Oscar de voler la barrette de Sara que sur moi.
Ça va, me dis-je alors. Je vais pouvoir l'ignorer.

Puis sans raison, les mots sont sortis.

- Je suis pas né handicapé. Pas que j'ai quelque chose contre les personnes qui ont eu encore moins de chance que moi, mais des fois je me dis que j'aurais préféré. Comme ça j'aurais pu ignorer ce que ça faisait de marcher, courir, danser avec des jambes qui fonctionnent.

Julia se retourne après quelques secondes, manifestement surprise que je me sois lancé. À vrai dire, je pense être plus stupéfait qu'elle. Mais c'est trop tard pour reculer maintenant.

- En vrai, y a rien de glorieux. Au lycée je suis tombé amoureux d'une fille vachement sympa qui s'appelait Gabrielle, mais je la surnommais Gabi. J'ai passé des mois à tenter de la séduire et j'ai sérieusement cru qu'elle préférait les meufs. Au final, elle m'a invité à sa soirée d'anniversaire et on s'est embrassés, sans être bourrés je précise. C'était assez drôle parce que j'étais le genre bad boy, qui va assidûment à la salle, sûr de lui, bronzé et nul en classe. D'ailleurs faut pas croire, j'avais un tiroir complet de crèmes pour le visage et j'ai pris des produits dopants pendant plusieurs mois pour améliorer mes perfs', y a pas de secret, révélé-je. Et elle, ben, c'était la blonde cheveux courts toute mignonne, qu'aime se manucurer les ongles et sortir au ciné. On est devenus une sorte de couple phare. La pression extérieure était pas si facile parce que fallait pas faire de faux pas, sinon les rumeurs couraient, tu vois ?

À ce moment-là, Julia hoche la tête, et je comprends à son air sombre qu'elle sait ce que j'ai traversé. Une sorte de poids s'ôte de mes neurones. Je n'ai parlé de cette histoire à personne hormis mon ami Karl qui a émigré aux States.

- Bref, je pouvais plus coucher à droite à gauche, on se devait d'être fidèles et réglos. Mais en soi, on s'aimait vraiment. Je pense que je retrouverais jamais une fille pareille. Les gens pensaient qu'elle était cul-cul et c'était vrai, mais elle était surtout gentille, attentive, douce et charmante, dans tous les sens du terme. J'me souviens d'la fois où elle m'avait transformé ma chambre en salle de massage parce qu'elle savait que j'allais faire les pecs à fond et que j'allais être congestionné pendant trois jours... Y avait la musique, puis les fleurs, la p'tite bougie et son grand sourire et...

Je m'interromps un moment. Je n'avais pas prévu de pleurer. Julia semble comprendre même si la nuit me couvre.
Ça fait mal. Les pires blessures sont celles qu'on laisse pourrir sans les toucher. Mais je crois qu'avant ce soir, je n'étais pas prêt.

- Bref... Il faut pas croire tout ce qu'on dit. Le couple le plus populaire du lycée a ses problèmes et c'est pas que fêtes endiablées et séances de jeux de jambes. Ce qu'on avait, c'était ça, oui, mais c'était plus profond. Ça allait assez bien pour que je la présente à mes parents, et elle aux siens. On a fini par être un vieux couple en quelque sorte, c'était ma première relation sérieuse. J'étais un peu perdu mais avec elle à mes côtés, ça passait. Je l'ai soutenue quand elle a perdu son chien. Puis c'est arrivé... C'est arrivé et j'ai compris que la vie m'aimait pas.

Je refais une pause. J'arrive pas à tout exprimer, parce qu'au fond, je l'aime encore, Gabi. Aux yeux des autres je faisais genre que je pouvais la quitter n'importe quand pour un meilleur boule mais c'était faux. Tout ce qu'on montrait était faux. Les apparences sont tellement trompeuses.

- Eh, t'inquiètes. Si c'est tout ce que tu peux me dire, je suis déjà honorée que tu me l'aies confié, m'interpelle Julia. Vraiment. J'viens d'me faire larguer en plus, je sais ce que c'est.

J'apprécie son humilité.

- Non, non, c'est bon... Autant finir, j'ai pas répondu à ta question. Bref. Pour dire que les ragots c'est de la merde, la pire, la plus dégueulasse bouse que tu puisses jamais trouver, tu m'entends ? Couple populaire de mes deux. On subissait des ragots tout le temps, les gens nous jugeaient, une pression de dingue et on devait toujours être parfaits, bien rangés à se bécoter et s'tenir la main. On s'est engueulés, lâché-je après un silence. Y avait une rumeur selon laquelle Gabi avait laissé sa meilleure pote tomber dans la drogue parce qu'elle passait tout son temps collée à moi. Et le pire c'est que c'est moi qui l'ai disputée. J'y ai cru. Elle m'a dit qu'elle supporterait pas de rester chez moi un instant de plus et qu'elle voulait se casser, mais elle avait pas son permis ni rien et il était tard. Du coup je l'ai ramenée en voiture, j'étais énervée, j'ai fait le cake et j'ai perdu le contrôle. Elle est morte, finis-je d'une voix blanche.

Pas besoin de dire la suite. L'hôpital, le deuil, le regret, le fauteuil, les larmes. La culpabilité, à jamais gravée dans mon cœur.

Je sentis d'un coup une main sur mon bras. Julia me regarde intensément.

- J'voudrais bien te dire autre chose mais déjà ça : je suis désolée pour soi. Tu mérites rien de ce que t'as vécu et tu t'es pas comporté comme un con, mais comme un être humain, dit-elle d'un ton compatissant.

Je la regarde avec reconnaissance. Ses yeux reflètent la lumière du feu de camp... Suis-je prêt à me reconstruire ?

...

VOILÀ.

J'aime ce texte. J'espère que vous aussi.
Vous l'avez deviné mais y a plusieurs clichés revisités ici. Le couple parfait du lycée pour qui tout va bien avec la peste populaire et le bad boy. La rencontre en colo aussi (Julia peut-elle aider Robert à réparer ses blessures ? Oui ça fait Robi et Gabi je sais qu'ils étaient trop mignons)

Le fait de pouvoir lire dans les yeux des gens, c'est quasi impossible on est d'accord.

J'espère avoir relevé le défi en tout cas.

A plus !

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