Chapitre 9 :L'amour n'a rien à voir là-dedans

- Je suis inquiète pour toi ma chérie, murmure maman en s'asseyant dans le coin de mon lit.

- Tu ne devrais pas, dis-je pour la rassurer. Je vais parfaitement bien.

Elle a un sourire triste.

- Tu n'es plus que l'ombre de la Lisa d'avant, finit-elle par chuchoter. Lisa, tu manges mal, tu ne dors presque pas et tes seuls temps libres, tu les passes enfermée dans ta chambre, permets-moi de m'inquiéter,

Je baisse les yeux, blessée.

- La Lisa d'avant est partie en même temps que Jade et papa, réponds-je.

- Va-t-elle revenir ? demande maman, et je sens l'espoir dans sa voix.

- Peut-être, marmonné-je.

J'obtiens un maigre sourire qui vient étirer ses lèvres.

- Je l'espère ...

Étonnement, je m'endors rapidement après qu'elle ait quitté la pièce, je fixe mes étoiles phosphorescentes au plafond et je cède à mes paupières bien trop lourdes qui ne demandent qu'à se fermer. J'espère alors qu'au réveil, tout sera résolu et oublié, j'espère comme le dit maman que la Lisa d'avant sera revenue.

Malheureusement, quand j'ouvre les yeux dix heures plus tard mes questions sont toujours omniprésentes dans ma tête.

Les jours s'écoulent, j'en apprends un peu plus à chaque recherche, je passe des soirées à réviser le bac de français, je fais des efforts pour ne pas inquiéter ma mère et j'évite de parler trop souvent avec Ambre à propos de son père.

Cette situation est stable, elle semble convenir à tout le monde mais je me sens seule, incroyablement seule. Je n'ai pas le droit de pleurer devant maman car je sais que ça lui fera beaucoup de peine et de stress, je n'ai pas le droit de m'énerver devant Ambre car elle risque de mal le prendre, je n'ai pas le droit de discuter avec Julien sans perdre le contrôle. La seule chose que je peux faire, c'est rester de marbre et ne pas exprimer mes sentiments devant les autres.

Certes, cette situation est calme, mais combien de temps vais-je tenir avant de craquer ? Voilà deux semaines que les tensions ont disparu. Mais je sens que je ne suis pas loin de perdre les pédales. Assise à mon bureau, la tête dans mes mains je respire un bon coup. Je dois rester forte !

Alors, je décide de courir, ça fait toujours du bien de se dépenser, de faire de l'effort physique n'est-ce pas ? Ce n'est en réalité qu'un autre moyen de me changer les idées. J'enfile donc une paire de baskets et un jogging et me voilà en train de trottiner, les écouteurs vissés dans les oreilles.

Je cours sans me soucier des douleurs, du monde qui me regarde passer, sans me soucier des minutes qui défilent, des soucis qui me tracassent. Oui, je veux oublier tout ça juste le temps d'un footing. Je sens que j'ai besoin de décompresser et qu'après ça ira mieux. Parce que ça va toujours mieux après.

Je cours la tête tellement ailleurs que j'ai failli ne pas la voir au premier tour du parc, mais je repère quand même ses longs cheveux bruns. Au deuxième tour, j'ai comme l'impression qu'elle est ... triste ? Son sourire supérieur à disparu. Au troisième passage, j'ai cette fois la certitude qu'elle pleure.

- Romane ? Tu pleures ?

Elle lève ses yeux pleins de larmes et me fusille du regard.

- Désolée, la question était bête, marmonné-je.

Je me dandine mal-à-l'aise d'un pied sur l'autre.

- Ben quoi ? Tu vas rester plantée là longtemps ?

Je sursaute.

- Non, non.

Je me remets doucement à trottiner et je m'éloigne de Romane et de ses regards assassins. Légèrement perturbée par son agressivité.

Je fais un dernier tour dans le parc puis j'évite soigneusement de passer une nouvelle fois devant Romane et je rentre chez moi. Après une bonne douche, je me sens étonnement bien. Je dirais même étonnement reposée. Ça faisait longtemps que ma tête n'avait pas été si calme. Comme si j'avais éteint le feu qui y brulait.

Je décide alors de faire des choses toute simples, je n'ai surtout pas envie de me prendre la tête. Je fais mes devoirs et je commence à lire un livre pour le bac de français, maman semble surprise de mon comportement, moi-même je le suis. Mais cette trêve, me fait un bien fou. Elle était nécessaire.

Il ne reste plus que deux petites semaines avant le bac de français, et deux petites semaines avant les vacances. Je vais tenter de relâcher la pression pour aborder l'examen, je vais essayer de reprendre une routine acceptable.

- Je vais manger, dormir et courir chaque jour. Je vais prendre soin de moi, dis-je.

J'ai l'impression de répéter les phrases de Clémence. Celles qu'elle me rabâche chaque semaine. Quand je lui annonce ma résolution, elle m'encourage et me dit que c'est quelque chose de très sain. J'ai même le droit à un de ses rares sourires -je veux dire, un de ses rares vrais sourires-.

La semaine se déroule tranquillement, Ambre et moi parlons de tout sauf de son père. Je ne croise Julien que quelques fois et je me force à détourner mon chemin. Ce n'est que le vendredi, durant mon footing devenu quotidien, que je croise à nouveau Romane. Elle ne pleure pas mais elle tremble légèrement et sa tête est baissée.

Quand je la vois au lycée, elle aborde toujours son sourire fier, et ses allures de princesse. Mais là, assise sur le trottoir, elle me fait presque de la peine ... De la peine ? Pour cette peste ? Est-ce vraiment ce que je viens de penser ? De la peine pour celle qui m'envoyait il y a quelques mois des messages de menace ? Pour celle qui ne m'a jamais regardé avec autre chose que de la colère dans les yeux ? Celle qui a embrassé Julien ? Non, évidement que je ne ressens pas de peine. Je secoue la tête pour chasser ces pensées et je poursuis mon chemin. Évidement je ne ralentis même pas en faisant mine d'être absorbée par la contemplation de la route. J'entends presque la voix de Jade qui me souffle que je suis égoïste et que j'aurais dû m'arrêter. Elle, elle se serait arrêtée, avec son âme d'altruiste, elle l'aurait aidée à sa manière.

Plus les jours passent, et plus je tente d'être studieuse. À la maison comme en cours. Je ne sais pas si ça changera réellement quelque chose à ma note, mais je vois que maman est soulagée et fière de moi. Et en ce moment, je ne pourrais pas demander mieux.

* * *

- Tiens, j'ai croisé Julien, me dit Ambre.

- Mmm ... marmonné-je en continuant à colorier avec une concentration soudain extrême un carreau sur deux dans le coin de ma feuille.

- Ça ne t'intéresse pas ? questionne mon amie.

- Non.

Je devine qu'elle se moque de moi et de ma mine renfrognée.

- Pourtant, il m'a parlé de toi ... dit-elle d'une voix malicieuse.

- Quoi ? m'écrié-je un peu fort en me redressant.

Elle éclate de rire.

- Tu es plus intéressée tout de suite ! Il m'a demandé comment tu allais, et il m'a dit qu'il aimerait réussir à reparler avec toi.

- Et toi, tu as dit quoi ? demandé-je ne reportant mon attention sur mes carreaux.

- Je lui ai dit qu'il fallait en effet qu'il te parle, et je lui ai dit d'attendre le bon moment parce ...

- Tu ne lui as pas vraiment dit ça j'espère ! dis-je.

- Si.

Elle mâchouille son stylo avec un air parfaitement innocent.

- Mais je ne veux pas qu'il vienne me parler ! m'exclamé-je.

- Peut-être que tu ne veux pas, mais je suis sûre que ça te fera le plus grand bien.

Je soupire d'agacement. Depuis quand Ambre était-elle la reine des histoires d'amour ? Et d'abord, l'amour n'a rien à voir là-dedans.

Boudeuse, je poursuis mon damier et je l'ignore jusqu'à la fin de l'heure d'étude.

- Tu me remercieras plus tard, se défend-elle tandis que je lève les yeux au ciel. Ne me dis pas que ce mec ne te fait rien ? Tu as vu dans quel état il t'a mise la dernière fois que vous vous êtes vus.

J'ai un mouvement de recul. C'est bas comme remarque. Elle semble s'en rendre compte car elle se reprend aussitôt.

- Lisa, ce n'est pas ce que je voulais dire ...

- C'est bon laisse tomber. Allons manger.

Elle acquiesce, visiblement gênée.

- Oui, allons manger.

En ce moment, j'ai l'impression que nous empilons couche après couche ce genre de moments de désaccords, de gêne, de malaise qu'il n'y avait pas auparavant. À chaque fois, nous n'effaçons pas cette couche, nous la recouvrons d'une pellicule de pardon, et nous repartons. Peut-être que c'est juste comme ça que nous fonctionnons.


Un avis sur la situation de Lisa ?

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