Chapitre 8 : J'aimerais comprendre
Il faut que je discute avec Ambre, je m'éveille avec cette certitude, ce besoin d'avoir une discussion avec elle. On se voit lundi au lycée, sa volonté à elle était assez claire. La conversation s'arrête là, mais je sens que nous ne nous sommes pas tout dit, je sens qu'il reste des choses à découvrir.
Je passe la journée à penser et à revoir dans ma tête l'après-midi de la veille et je décide d'accepter sa décision, je ne l'appelle pas de la journée, je n'entre pas en contact avec elle tout simplement.
Encore une fois, le seul moyen de penser à autre chose, c'est de m'occuper l'esprit, ce que je tente de faire. Maman ne se rend pas vraiment compte de mon état d'esprit, elle semble ravie que je me mette enfin à travailler, elle ne demande pas plus.
Le lendemain, au réveil, comme une automate, je remplis mon sac, je rassemble mes affaires et j'enfile une tenue. Mes gestes sont simples, je ne les fais pas pour la première fois. C'est en répétant ce genre de mouvements méthodiques que je me calme.
Il faut que je parle avec Ambre.
J'avale sans me poser de question le petit déjeuner de maman et cette dernière me regarde avec étonnement mais soulagement.
Il faut qu'elle me croit.
J'enfile une paire de baskets. En jetant un coup d'œil à mon reflet dans le miroir.
Il faut qu'elle m'explique.
Je noue mes longs cheveux en haut de mon crâne.
Il faut que je comprenne.
- J'y vais maman ! crié-je en claquant la porte d'entrée derrière moi.
Cette journée va être importante, je le sais, je le sens. Je dirais même que cette journée va être déterminante. D'un pas décidé, je fais le trajet que j'ai fait des centaines de fois. Avec Jade, avec Julien et à présent, seule.
Mes pas se succèdent, les panneaux, les portails, les rues, les gens. Tout semble défiler autour de moi, tout est en constant mouvement.
Une fois dans le lycée, je cherche du regard Ambre mais elle n'est pas là, ou bien elle est avec ses autres amis. Pendant quelques secondes, je reste perdue au milieu du grand hall puis je me reprends et je me dirige vers les toilettes, en sortant mon éternel tube de mascara. À cet instant, j'ai réellement l'impression d'être en seconde l'année dernière ... avant, quand il y avait Jade ... avant qu'un tourbillon de doutes et de douleurs m'envahissent.
Non ! Ne pas pleurer ! Je ne veux pas de traînée noire...
- Lisa, tu es là.
Je me retourne vivement.
- Ah, Ambre.
On se regarde un instant. Puis, on commence une phrase en même temps et on se tait à nouveau. Un petit rire gêné finit par m'échapper et elle m'imite aussitôt. On doit vraiment donner un drôle de spectacle.
- Il faut qu'on parle, dis-je.
- Oui je crois aussi.
Alors, on sort des toilettes et on s'aventure dans un couloir pour être tranquilles.
- Je veux voir les photos, dit Ambre. Celle de la nuit, peut-être que tu t'es simplement trompée et que ce n'était pas lui.
J'acquiesce sans la moindre hésitation.
- Mais je suis convaincue que c'était lui, je l'avais déjà vu quelque part, je ne peux pas me tromper.
- Et alors ? Qu'est-ce que ça change maintenant ?
- Ça change que je sais qui a tenté d'assassiner une première fois papa, qui ne me dit pas que c'est aussi lui la deuxième ? dis-je.
- Et Laurent Viallon ? Tu ne fais pas confiance à la police ? Pourquoi tu t'acharnes sur mon père ?
- Et toi ? Pourquoi tu le défends ? Cet homme t'a fait du mal, il t'a fait souffrir !
Elle baisse aussitôt les yeux.
- Peut-être, mais il n'en est pas vraiment conscient et ça ne fait pas de lui un tueur !
Je ne réponds rien.
- Écoute Lisa, on arrête d'en parler, tu me montreras les photos et on avisera, ok ?
- Ok.
La sonnerie retentit, comme un point final à cette discussion.
Nous nous rendons en cours et je ne sais que ressentir ... du soulagement ? J'ai beau le retourner dans ma tête, je n'arrive pas à mettre des mots sur mes émotions, alors je décide de focaliser mon attention sur le reste. Sur les gens, les profs, les cours...
Lorsque la dernière heure de cours se termine, je n'ai pas vu passer la journée. Maman me dépose chez la psy, ces séances semblent tellement importantes à ses yeux. Je promets d'être attentive et réceptive. J'entre dans le petit hall blanc immaculé.
- Bonjour Lisa, m'accueille Clémence.
* * *
Quand je sors de la séance de cinquante minutes avec elle, je suis indécise. Nous avons aujourd'hui parlé de ma santé, de moi. Mais parfois, je me demande simplement si je mérite d'avoir une santé en or avec tout ce qu'il y a autour de moi. Je ne suis probablement pas celle qui le mérite le plus, ça c'est sûr. Mais travailler sur la santé mentale et la psychologie m'a fait du bien.
A présent, je vais retrouver Ambre pour lui montrer les photos, pour qu'on ait à nouveau une discussion. Mais avant ça, je ne couperai évidemment pas à l'interrogatoire de maman.
Comme prévu, j'ai le droit à l'habituel série de questions qui suivent les séances puis j'entraîne Ambre jusqu'à ma chambre.
Une fois que nous sommes seules dans la petite pièce qui représente pour moi un refuge, un havre de paix, j'attrape mon téléphone et j'ouvre l'application Galerie, je réalise alors que je n'ai pas repris un seul cliché depuis ce fameux soir. Mes doigts tremblent légèrement tandis que j'ouvre les photos. Elles sont sombres et pas très nettes mais on distingue la silhouette.
Je regarde mon amie attraper le portable et faire défiler chaque prise une à une.
- Ça pourrait être n'importe-qui, conclut-elle.
- Oui mais c'était lui, je pourrais le jurer, dis-je.
Elle mordille sa lèvre inférieure.
- Que veux-tu Lisa ? Concrètement.
- J'aimerais comprendre.
Elle acquiesce.
- D'accord. Alors je veux bien t'aider à comprendre, je pense que l'on va vite réaliser en fouinant un peu que c'est effectivement Viallon le responsable mais si tu y tiens tant, je t'aiderai à comprendre.
Je me détends instantanément et je ne peux me retenir de la serrer dans mes bras.
- Comment fais-tu pour être si ... gentille ? murmuré-je, émue.
- Je ne suis pas vraiment gentille, je pense simplement que nous allons très rapidement découvrir des choses qui innocenteront mon père et pointera du doigts Viallon. Nous verrons !
- Oui, nous verrons.
Ambre parait tellement sûre d'elle.
- On n'a qu'à commencer ce week-end, annonce-t-elle. Je vais rentrer... Au fait je ne pense pas te l'avoir déjà dit, mon père s'appelle Eric Lahe.
Je hoche la tête tandis qu'elle sort de la pièce aussi rapidement qu'elle est entrée.
Et si elle avait raison, et si je me faisais des films depuis le début ?
Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir : chercher, trouver.
- Je ne vais pas attendre ce week-end, murmuré-je pour moi-même en me dirigeant instinctivement vers le tiroir rempli de papiers et de notes.
Je passe la soirée à les étudier, je tombe encore une fois sur des infos concernant Viallon mais rien n'indique qu'il est autre chose qu'un collègue, je trouve des infos concernant une soirée, des numéros de téléphone et empreintes.
- Les papiers importants et professionnels doivent être au commissariat, marmonné-je. Il va falloir que je me débrouille avec ça.
Je m'apprête à aller me coucher, frustrée par mes maigres découvertes quand j'aperçois une photo qui glace une nouvelle fois mon sang dans mes veines. Une photo d'identité qui ne laisse pas l'ombre d'un doute. Je l'attrape et la place à vingt centimètres de mon visage.
- Eric Lahe ? Est-ce toi ? As-tu tué papa ?
Je la repose et j'observe son visage à la mâchoire carrée. Mis-à-part ses cheveux couleur charbon, je ne trouve pas de ressemblance avec Ambre.
J'ai à présent l'esprit empli de cette image et je m'empresse de la remettre dans le tiroir pour la faire disparaître.
Et maintenant ? Plus je cherche et plus je trouve, mais malheureusement je trouve plus de questions que de réponses...
Peut-être qu'avec Ambre, ce sera plus clair, cette dernière sera d'ailleurs bien obligée de se rendre à l'évidence. Face à ce cliché, elle ne pourra pas nier que son père est impliqué, et mon petit doigt me dit qu'il joue un rôle important dans cette affaire ...
* * *
- Regarde ! Cette photo était dans les papiers de papa ! dis-je le week-end venu.
Ses sourcils se froncent instantanément.
- Comment ça dans les papiers, juste posée ?
- Oui, ce qui prouve qu'il est impliqué !
- Peut-être, mais ça n'a probablement strictement rien à voir avec ton histoire de mort et de bombe.
Je ne prends pas la peine de répondre, c'est peine perdue.
- Qu'allons-nous faire ? questionné-je. Aller prévenir la police ?
- Non, avec cette petite photo, ils vont te rire au nez, contre-t-elle.
- Dans ce cas, je vais trouver des éléments plus solides.
Elle ne semble pas ravie.
- Comment peux-tu être si sûre que c'est mon père ? Mets-toi à ma place ! Ton amie passe tout son temps à essayer de faire enfermer ton père, tu en penses quoi ?
- Tu n'as rien voir là-dedans, rétorqué-je. Ça pourrait être le père de n'importe qui, ce serait pareil ...
- Donc tu avoues vouloir le faire enfermer ? s'écrie-t-elle.
- Non, non. Je veux juste comprendre.
Je répète cette phrase dans ma tête pour m'en imprégner. Je veux juste comprendre.
- Montre-moi les autres papiers, finit par dire Ambre.
Et vous vous êtes de quel avis ? Lisa ou Ambre ?🤨
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